Livv
Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 8 février 1995, n° 8263-93

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Volvo France (SA)

Défendeur :

Maine Auto (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Vigneron

Conseillers :

Mme Jaubert, M. Potocki

Avoués :

SCP Teytaud, SCP Roblin Chaix de Lavarene

Avocat :

Me Gauclère.

T. com. Paris, du 7 janv. 1993

7 janvier 1993

Par déclaration remise au secrétariat greffe le 26 février 1993, la SA Volvo Automobiles France (ci-après dénommée société Volvo) a interjeté appel du jugement du 7 janvier 1993 par lequel le Tribunal de commerce de Paris lui a donné acte de son intervention au lieu et place de la société Volvo France, l'a condamnée à payer à la société SARL Maine Auto les sommes de 1 185 000 F, 3 305 000 F et 20 000 F respectivement à titre de dommages et intérêts commerciaux, de pertes d'investissements corporels et de frais non répétibles outre les dépens enfin a condamné cette société à lui régler la somme de 165 647,25 F avec intérêts au taux légal à compter du 21-9-1990.

La société Volvo demande d'annuler le jugement au motif que le tribunal a rendu sa décision en l'absence des parties et de leurs conseils et qu'il a ainsi violé le principe du contradictoire.

En cas de rejet de cette prétention la société Volvo demande de dire qu'elle a régulièrement résilié le contrat de concession automobile à durée indéterminée qui la liait à la société Maine Auto en respectant la réglementation européenne sur la distribution automobile et notamment le préavis contractuel d'un an et que le tribunal a considéré à tort qu'elle l'avait fait de manière abusive alors qu'elle a observé le préavis d'un an qui est suffisant pour permettre à la société Maine Auto d'assurer sa réorganisation et qu'elle n'était pas tenue de motiver sa décision.

En conséquence, la société Volvo demande d'infirmer le jugement des chefs de condamnations prononcées contre elle et de condamner la société Maine Auto à lui rembourser les sommes de 1 185 000 F et de 3 305 000 F qu'elle a réglées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire et majorées des intérêts légaux à compter du jour du versement.

Enfin la société Volvo sollicite la condamnation de la société Maine Auto à lui payer la somme de 50 000 F à titre de dommages et intérêts pour action abusive et la même somme d'argent sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

A titre subsidiaire, elle demande une expertise.

La société Maine Auto réplique que la société Volvo a résilié abusivement le contrat de concession sans motifs après l'avoir contrainte à exposer d'importants frais d'investissements pour construire et aménager de nouveaux locaux commerciaux.

La société Maine Auto conclut donc à la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que la société Volvo avait résilié abusivement le contrat de concession mais relevé appel incident pour faire porter le montant de la condamnation au paiement de dommages et intérêts aux sommes de 328 361 F, 2 389 665F, 3 877 864,60 F et 1 000 000 F respectivement au titre des frais de publicité, de la perte de la marge bénéficiaire, des frais d'investissements et du préjudice commercial.

A titre subsidiaire en cas d'expertise la société Maine Auto sollicite la condamnation de la société Volvo à lui régler la somme provisionnelle de 2 000 000 F.

Enfin la société Maine Auto réclame la somme de 50 000 F au titre de ses frais non répétibles.

Sur la demande de la société Volvo en annulation du jugement :

Considérant qu'il résulte des énonciations du jugement que les parties, représentées par leur avocat, ont comparu et ont déposé des conclusions contenant leurs intentions et moyens respectifs ;

Que le principe de la contradiction a été respecté ;

Qu'en conséquence il n'y a pas lieu d'annuler le jugement ;

Sur le fond du litige :

Considérant qu'en appel, le litige est limité à la demande de la société Maine Auto en paiement de dommages et intérêts pour résiliation abusive du contrat la liant à la société Volvo.

Considérant que par acte sous seing privé daté du 30 janvier 1986, la société Volvo a concédé à la société Maine Auto le droit de vendre les voitures particulières de sa marque et les pièces détachées dans un secteur géographique déterminé à compter du 1er janvier 1986 ;

Qu'il est stipulé que ce contrat à durée indéterminée peut être résilié par l'une des parties en respectant un préavis d'un an courant à compter de la date de réception d'une lettre recommandée ;

Considérant que par lettre recommandée du 17 avril 1989, la société Volvo a notifié à la société Maine Auto sa décision de mettre fin au contrat le 17 avril suivant ;

Considérant que le contrat de concession étant à durée indéterminée, la société Volvo pouvait le résilier unilatéralement en respectant le préavis contractuel d'un an qui est régulier au regard de la réglementation de la Communauté Economique Européenne sauf abus de la part de la société Volvo qu'il appartient à la société Maine Auto d'établir ;

Considérant que contrairement à ses allégations, la société Maine Auto ne rapporte pas la preuve que la société Volvo l'a contrainte à exposer d'importants frais d'investissements;

Qu'au contraire, il résulte des documents produits et de ses premières écritures déposées le 10 janvier 1994 qu'elle l'a fait spontanément au cours de l'année 1987pour remédier à ses résultats de l'année précédente qui étaient très nettement inférieurs aux objectifs convenus et aux résultats des autres concessionnaires de la même région ;

Considérant que certes, la société Volvo a résilié le contrat de concession, dès que par lettre du 14 avril 1989, le gérant de la société Maine Auto l'a informé de son intention de céder le fonds de commerce de vente de véhicules ;

Mais considérant que le contrat de concession ayant été expressément conclu en fonction de la personnalité des dirigeants de la société Maine Auto, la cession du fonds de commerce devait nécessairement entraîner la résiliation du contrat de concession ;

Qu'en raison de cette situation, la société Volvo a pu, sans abus, fixer un terme aux relations contractuelles devenues très précaires afin de pouvoir réorganiser la distribution de ses produits dans le secteur concédé ;

Que la société Maine Auto qui n'a pas rapporté la preuve du caractère abusif de la résiliation du contrat doit être déboutée de ses prétentions;

Considérant qu'il échet de condamner la société Maine Auto à rembourser à la société Volvo la somme d'argent qu'elle a encaissé en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire et majorée des intérêts au taux légal à compter du 28 juin 1993 date de la demande en justice ;

Considérant qu'il y a lieu de rejeter la demande de la société Volvo en paiement de dommages et intérêts, faute par elle de rapporter la preuve que la société Maine Auto a fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice ;

Considérant qu'eu égard aux circonstances de la cause, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de la société Volvo, ses frais non répétibles ;

Par ces motifs : LA COUR : Infirmant le jugement déféré, Déboute la SARL Maine Auto de ses prétentions, Condamne cette société à rembourser à la SA Volvo Automobiles France la somme d'argent qu'elle a encaissée en vertu du jugement déféré majorée des intérêts au taux légal à compter du 28-6-1993. Déboute la SA Volvo Automobiles France de ses demandes en paiements de dommages et intérêts pour procédure abusive et de frais non répétibles ; Condamne la SARL Maine Auto aux dépens de première instance et d'appel ; Et pour ceux d'appel accorde un droit de recouvrement direct au profit de la SCP Teytaud avoués.