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Décisions

CA Riom, ch. civ. et com., 15 février 1995, n° 576-94

RIOM

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Nissan France (SA), Aiguilhe Automobile (SARL)

Défendeur :

Mayer

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bardel

Conseillers :

MM. Despierres, Legras

Avoués :

Mes Lecocq, Mottet

Avocats :

Mes Reynaud, Bellut

T. com. Le Puy-en-Velay, du 7 janv. 1994

7 janvier 1994

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte du 16-09-1993 la SA Nissan France, importateur exclusif en France des véhicules de la marque Nissan et la SARL Aiguilhe Automobiles, concessionnaire Nissan au Puy en Velay faisaient assigner M. Jérôme Mayer pardevant le tribunal de commerce de cette ville aux fins de le voir condamner à 250 000 F de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et à 10 000 F pour chacune sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Elles visaient une publicité parue le 2-05-1993 dans le journal l'Eveil ainsi libellée :

" Conditions exceptionnelles sur toute notre gamme Nissan avec garantie trois ans constructeur... quelques exemples de prix net TTC clés en main modèles neufs 93 : Primera Break Diesel 112 700 F 91 200 F soit -19 % "

Par jugement contradictoire du 7 janvier 1994 le tribunal :

- a dit que si M. Mayer avait entretenu une certaine confusion auprès des clients dans ses publicités, ces faits ne pouvaient s'analyser comme générant une concurrence déloyale ;

- a interdit à M. Mayer de faire figurer dans ses publicités toute référence à une gamme dans son intégralité ;

- a condamné M. Mayer à payer et porter aux demanderesses la somme de 3 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC ;

- l'a condamnée aux entiers dépens et a rejeté toutes autres fins et conclusions des parties.

La SA Nissan France et la SARL Aiguilhe Automobiles ont interjeté appel le 14-02-1994 de ce jugement dont elles demandent l'infirmation avec l'entier bénéfice de leur exploit introductif d'instance.

Elles soutiennent que Mayer a réalisé une publicité trompeuse entretenant dans l'esprit du lecteur moyen et des acquéreurs potentiels une confusion sur sa véritable qualité de mandataire et sur la nature des prestations qu'il est en mesure d'offrir et comportant des mentions inexactes et des indications trompeuses.

Elles ajoutent qu'il s'agit au surplus d'une publicité comparative de prix, illicite comme non conforme aux prescriptions de la loi du 18-01-1992 : absence d'identité des conditions de vente et des produits, pas d'indication de la durée pendant laquelle les prix annoncés sont maintenus, pas de preuve de l'exactitude des indications y figurant, notamment du prix, lequel est fluctuant pour un mandataire.

Elles concluent qu'une telle publicité constitue nécessairement un acte de concurrence déloyale et qu'il en résulte pour elles un préjudice constitué par un détournement de clientèle, l'atteinte à l'image de marque et la différence de charges supportées par la profession de revendeur par rapport à celle de mandataire.

Elles demandent enfin la condamnation de Mayer à leur payer à chacune 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC et aux entiers dépens.

Jérôme Mayer, intimé et appelant incident, conclut :

- à la confirmation du jugement en ce qu'il a écarté l'acte de concurrence déloyale,

- à sa réformation partielle en ce qu'il l'a condamné sur le fondement de l'article 700 du NCPC,

- à la condamnation des appelantes à 10 000 F sur le même fondement et aux dépens.

Il rappelle que sa publicité ne permet pas la moindre confusion quant à sa qualité de mandataire CEE et qu'elle ne constitue pas une publicité comparative. En effet elle ne met pas en comparaison des biens ou des services en citant autrui et ne vise pas un tarif de concessionnaire.

Il observe en outre qu'il n'est pas justifié du préjudice allégué.

MOTIFS ET DÉCISION :

Attendu que la qualité de mandataire en importation de véhicules automobiles en provenance de la CEE de M. Jérôme Mayer n'est pas contestée ;

Que les appelantes font valoir que les conditions d'exercice de ce type d'activité, définie par le règlement 123-85 de la Commission des Communautés Européennes, ont été précisées par une clarification publiée au Journal Officiel des Communautés Européennes le 18-12-1991 aux termes de laquelle :

- le mandataire doit faire sa publicité sans rendre possible dans l'esprit des acheteurs potentiels une confusion avec un revendeur ;

- il doit faire expressément et visiblement ressortir qu'il agit comme intermédiaire prestataire de services et non comme revendeur ;

Qu'il est fait reproche à M. Mayer de n'avoir pas respecté ces règles ;

Attendu que, comme l'ont fait les premiers juges, la Cour retient que la publicité incriminée comporte l'indication de la qualité de mandataire CEE de M. Mayer et la référence aux formalités d'importation et d'homologation des véhicules;

Que ceci, rapproché de l'enseigne commerciale " Europ auto " et du fait que sept types de véhicules de quatre marques différentes sont proposés, exclut tout risque de confusion avec l'activité d'un revendeur concessionnaire de marque;

Que la référence même à " toute notre gamme Nissan ", retenue par les premiers juges comme pouvant laisser s'instaurer une confusion dans l'esprit des acquéreurs potentiels en laissant supposer que l'annonceur possède tous les véhicules de la gamme, ne revêt aucun caractère trompeur ni même ambigu ;

Que le mandataire n'a pas en effet prétendu disposer d'un stock ni de toute la gamme des véhicules de la marque Nissan et a pris le soin de préciser que les prix indiqués l'étaient à titre d'exemples ;

Que la gamme de véhicules dont il s'agit est évidemment celle qu'il est en mesure d'importer ;

Que la distribution d'une gamme de produits n'implique aucunement la disposition d'un stock, le rapprochement étant ici à faire avec les professionnels de la vente par correspondance ;

Que, compte tenu de l'information dont dispose actuellement le consommateur moyen sur ce type d'activité, il ne résulte pas de son libellé tel que soumis au jugement de la Cour que la publicité incriminée ait été de nature à le tromper ou à l'induire en erreur ;

Attendu d'autre part que la loi n° 92-60 du 18-01-1992 définit dans son article 10 la publicité comparative comme étant celle qui met en comparaison des biens ou services en utilisant soit la citation ou la représentation de la marque de fabrique, de commerce ou de service d'autrui, soit la citation ou la représentation de la raison sociale ou de la dénomination sociale, du nom commercial ou de l'enseigne d'autrui ;

Que, pour être incriminée comme comparative, une publicité doit permettre l'identification de concurrents;

Qu'en l'espèce la publicité mentionne la marque Nissan comme étant celle des véhicules distribués, laquelle n'est ni la raison sociale ni la propriété de l'une ou l'autre des appelantes;

Qu'il est précisé que les prix de références indiqués barrés sont pris dans la source Codex d'avril 1993 qui, si elle représente les tarifs des constructeurs automobiles, ne peut être confondue avec les tarifs de tel ou tel concessionnaire;

Que dès lors l'argumentation développée par les appelantes sur le fondement de l'existence d'une publicité comparative ne peut prospérer ;

Qu'au demeurant il n'est pas établi que les prix annoncés par la publicité ne sont pas tenus ;

Que par ailleurs, s'agissant d'une publicité ne portant que sur le prix, les conditions de vente n'y sont pas évoquées et ne peuvent donc faire l'objet de discussion ;

Attendu ainsi que les appelantes se verront déboutées de l'intégralité de leurs demandes, le jugement déféré étant partiellement confirmé mais :

- émendé dans sa motivation en ce qu'il a retenu l'existence d'une confusion résultant de la publicité incriminée ;

- réformé en ce qu'il porte condamnation de M. Mayer sur le fondement de l'article 700 du NCPC et aux dépens ;

Attendu que la mesure d'interdiction prononcée d'une référence à l'intégralité d'une gamme sera confirmée dans la mesure où elle n'est pas critiquée ;

Attendu qu'il apparaît équitable de faire droit à la demande de M. Mayer sur le fondement de l'article 700 du NCPC tout en ramenant à 3 000 F le montant de l'indemnité accordée à ce titre.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Réforme le jugement déféré en ce qu'il a porté condamnation à l'encontre de M. Mayer sur le fondement de l'article 700 du NCPC et aux dépens de l'instance ; Confirme pour le surplus sauf en ce qu'il est fait référence à la confusion résultant de la publicité incriminée ; Condamne in solidum la SA Nissan France et la SARL Aiguilhe Automobiles à payer et porter à Mayer la somme de 3 000 F (trois mille francs) sur le fondement de l'article 700 du NCPC ; Les condamne aux dépens de première instance et d'appel et autorise maître Mottet avoué à recouvrer directement ceux dont il a pu faire l'avance sans avoir reçu provision suffisante.