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Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 2, 28 février 1995, n° 5418-93

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Vogelsang France (SA)

Défendeur :

Lacauste

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Brignol

Conseillers :

Lebreuil, Boutie

Avoués :

SCP Sorel-Dessart, SCP Boyer-Lescart

Avocats :

Mes Vaconsin, SCP Furbury-Vacarie.

TGI Toulouse, 4e ch., du 10 nov. 1994

10 novembre 1994

Monsieur Lacauste, estimant que le contrat d'agent commercial qui le liait à la société Vogelsang France SA avait été abusivement rompu par cette dernière, l'assignait en réparation de son préjudice.

Par jugement en date du 10 novembre 1993, le Tribunal de grande instance de Toulouse :

- constatait que le contrat liant les parties est un contrat d'agent commercial soumis aux dispositions du décret du 23 décembre 1958.

- déboutait la société Vogelsang France SA de sa demande tendant à ce que ce contrat soit qualifié de contrat de dépôt,

- avant dire droit sur le préjudice, confiait à Monsieur Boyer une mission d'expertise.

Par déclaration en date du 2 décembre 1993, dont la régularité n'est pas contestée, la société Vogelsang France SA relevait appel de cette décision.

Elle soutient que le Tribunal renversait la charge de la preuve en lui imposant de démontrer que Monsieur Lacauste n'avait pas accompli des actes d'agent commercial alors qu'elle démontre que seul un contrat de dépôt avait été exécuté.

Il conclut à la réformation du jugement et au débouté des demandes formées contre elle par Monsieur Lacauste. Elle réclame encore la somme de 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Son adversaire estime que les premiers juges ont fait une exacte application des règles de droit aux éléments de l'espèce. Il sollicite donc la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a qualifié le contrat d'agent commercial. Il estime que tous éléments sont connus pour chiffrer son préjudice et que celui-ci doit être fixé à la somme de 600 000 F, sans qu'une mesure d'instruction soit nécessaire. Il réclame encore la somme de 10 000 F en remboursement de ses frais irrépétibles.

Sur quoi,

Attendu tout d'abord que l'ordonnance de clôture intervenait le 5 décembre 1994 ; qu'ainsi, et alors qu'aucune cause grave n'est alléguée, les écritures déposées par Monsieur Lacauste le 23 décembre 1994 et par la société Vogelsang France SA le 25 janvier 1995 seront déclarées irrecevables d'office, en application des dispositions de l'article 783 du nouveau Code de procédure civile ;

Sur la qualification du contrat

Attendu qu'il résulte des éléments incontestés du dossier que selon acte sous seing privé du 1er janvier 1987, " la société Vogelsang France SA engageait à son service Monsieur Lacauste en tant qu'agent commercial pour la distribution de ses produits " (article 1) ; que l'article 2 stipulait la nature des produits à distribuer et le secteur géographique accordé ; que l'article 3 précisait les conditions de travail et accordait à Monsieur Lacauste la possibilité de distribuer d'autres produits, à condition qu'il ne s'agisse pas de " produits similaires ou concurrents " ;

Que l'article 4 stipulait que Monsieur Lacauste devait disposer d'un local pour le stockage qui devait être assuré pour ce stockage aux frais de Monsieur Lacauste ; Que l'article suivant prévoyait une rémunération à la commission (5 % sur le chiffre d'affaires mensuel HT des articles distribués) ; que ce contrat était conclu pour une durée indéterminée avec faculté de rupture après préavis de trois mois (article 6) ; qu'enfin le dernier article stipule une clause de non concurrence pendant deux années ;

Que la société Vogelsang France SA mettait fin à ce contrat par courrier du 7 janvier 1991 à compter du 31 mai suivant ;

Attendu tout d'abord que c'est à juste titre que la société appelante fait remarquer qu'il appartient à Monsieur Lacauste, en sa qualité de demandeur à l'instance, de démontrer que la qualification du contrat le liant à la société Vogelsang France SA était celle dont il se prévalait ; que le Tribunal ne pouvait, sans inverser la charge de la preuve, demander à la société défenderesse de faire la preuve que ce contrat n'était pas un contrat d'agent d'affaire ;

Qu'il résulte des développements ci-dessus :

- que le terme d'agent commercial est inscrit dans le contrat critiqué,

- qu'il en avait toutes les obligations : conditions de travail, rémunération, interdiction de concurrence pendant l'exécution du contrat et après sa résiliation ;

Que Monsieur Lacauste se faisait d'ailleurs inscrire au registre spécial des agents commerciaux depuis le 2 septembre 1987 ;

Que ces éléments ne sauraient être combattus par le courrier adressé par Monsieur Lacauste à la société Vogelsang France SA après son licenciement, courrier par lequel il invoque sa qualité de dépositaire, le particulier ayant pu s'être trompé sur des termes juridiques et alors même qu'il souligne dans ce document, sa connaissance du produit et de la clientèle ;

Que de même, il ne saurait lui être fait grief de ne produire en première instance que des relevés manuscrits de factures, la société Vogelsang France SA, qui affirme qu'il s'agit de relevés de commissions, n'ayant pas communiqués ces documents qu'elle possédait ;

Attendu en conséquence que Monsieur Lacauste fait bien la preuve qu'il était engagé en qualité d'agent commercial et que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Sur le préjudice

Attendu que, par appel incident, Monsieur Lacauste prétend que l'expertise ordonnée n'est pas nécessaire car sont connus les revenus qu'il tirait de cette activité d'agent commercial ;

Qu'il est constant que la rupture du contrat intervenue à l'initiative de la société Vogelsang France SA ne vise pas la faute lourde contractuellement nécessaire pour justifier la rupture immédiate et sans indemnité ; qu'il y est seulement visé la restructuration des réseaux; qu'ainsi, Monsieur Lacauste a droit à une indemnité pour rupture abusive ;

Attendu que cette indemnité, conformément aux usages et à la jurisprudence, est égale au montant de deux années de commissions, calculée sur la base des trois dernières années d'exercice ; que cet usage n'est pas contesté ;

Qu'il n'est pas non plus contesté et que Monsieur Lacauste établit, alors que le caractère exclusif de son activité au bénéfice de la société Vogelsang France SA n'est pas remis en cause, qu'il avait perçu en 1988 la somme de 215 154 F, 183 520 F en 1989 et 149 160 F en 1990 ; qu'il en ressort une moyenne de 182 611, 33 F (arrondi à 182 000 F) ; qu'ainsi, l'indemnité due à Monsieur Lacauste sera fixée à la somme de 182 000 x 2 = 364 000 F ; que le jugement sera infirmé de ce chef ;

Attendu que la société Vogelsang France SA, qui succombe dans ses prétentions, supportera les dépens,

Que, tenue aux dépens, elle devra payer à Monsieur Lacauste la somme de 8 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Reçoit en la forme l'appel jugé régulier, Déclare irrecevables d'office les conclusions déposées par Monsieur Lacauste le 23 décembre 1994 et par la société Vogelsang France SA le 25 1995, Au fond, confirme le jugement rendu le 10 novembre 1993 par le Tribunal de grande instance de Toulouse en ce qu'il a qualifié le contrat liant Monsieur Lacauste à la société Vogelsang France SA en un contrat d'agent commercial, Infirmant pour le surplus et statuant à nouveau, Dit n'y avoir lieu à expertise, Condamne la société Vogelsang France SA à payer à Monsieur Lacauste la somme de 364 000 F (trois cent soixante quatre mille francs) à titre d'indemnité, Y ajoutant, Condamne la société Vogelsang France SA à payer à Monsieur Lacauste la somme de 8 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la société Vogelsang France SA aux dépens et autorise la SCP d'avoués Boyer-Lescat-Boyer à les recouvrer conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.