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Décisions

CA Rouen, 2e ch. civ., 2 mars 1995, n° 9303002

ROUEN

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Générale Boissons Normandie (SA)

Défendeur :

Sortambosc (Époux), Levasseur, Santot, Commerce (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Credeville

Conseillers :

Mme Masselin, M. Dragne

Avoués :

Me Couppey, SCP Galliere-Lejeune, SCP Colin-Voinchet-Radiguet

Avocats :

Mes Preschez, Thevenin-Criqui, Malexieux.

T. com. Le Havre, du 14 juin 1993

14 juin 1993

Le 29 janvier 1991, la SNC Du Commerce représentée par MM. Santot et Levasseur coassociés, a passé avec la Générale de Boissons Normandie (GBN) un contrat exclusif d'achat de boissons pour une durée de cinq ans, stipulant qu'en cas de cession du fonds de commerce, les signataires devraient faire leur affaire de la transmission des obligations du contrat auprès du cessionnaire ou supporter les effets d'une clause pénale visant à indemniser la GBN du préjudice qui découlerait de son inexécution.

Le 30 avril 1992, la SNC du Commerce a vendu son fonds aux époux Sortambosc, l'acte précisant d'une part, que la venderesse s'engageait à faire son affaire personnelle de l'indemnisation éventuelle de la GBN dans l'hypothèse où les acquéreurs ne reprendraient pas le contrat et, d'autre part, que les acquéreurs n'entendaient pas reprendre le contrat intervenu entre GBN et la SNC du Commerce.

Le 21 juillet 1992, la GBN a assigné les époux Sortambosc devant le Tribunal de commerce du Havre aux fins de les voir condamner à l'indemniser conformément aux termes du contrat intervenu entre elle et la SNC du Commerce. Les époux Sortambosc ont appelé en garantie cette dernière.

Par conclusions postérieures, la GBN a formé contre la SNC du Commerce une demande en condamnation du montant de la clause pénale.

Par jugement du 14 juin 1993, le Tribunal a déclaré la GBN mal fondée en ses demandes contre les époux Sortambosc et l'a condamnée à payer à ces derniers la somme de 3.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Il a condamné la SNC du Commerce représentée par MM. Santot et Levasseur à payer à la GBN la somme de 20.000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 3.000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Pour statuer ainsi les premiers juges ont relevé que les époux Sortambosc n'étaient pas partie au contrat intervenu entre la SNC du Commerce et la GBN et que ce contrat était au demeurant expressément exclu de la cession du fonds de commerce. Ils ont condamné la SNC du Commerce au motif que celle-ci était tellement consciente de son obligation d'indemniser la GBN, qu'elle avait déclaré faire son affaire personnelle de cette indemnisation dans l'acte de cession.

La société GBN, appelante de cette décision, reprend devant la Cour sa demande initiale contre les époux Sortambosc en soutenant qu'ils se sont rendus complices de la violation de ses obligations contractuelles par la SNC du Commerce.

Elle fait grief aux premiers juges de ne pas avoir indiqué en quoi l'indemnité contractuelle serait manifestement excessive et conclut à la condamnation solidaire des époux Sortambosc et de MM. Santot et Levasseur à lui payer la somme de 102.737,93 F outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation et une indemnité de 5.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

les époux Sortambosc concluent à la confirmation du jugement entrepris et forment contre la société GBN une demande en paiement d'une indemnité de 10.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SNC du Commerce soutient, pour demander à la Cour d'être déchargée des condamnations prononcées à son encontre, que son engagement serait nul pour défaut de contrepartie et pour indétermination du prix. Elle forme contre la société GBN une demande en paiement d'une somme de 5.930 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

MM. Raynald Levasseur et Francis Santot, attraits pour la première fois devant la Cour en leur nom personnel, concluent à l'irrecevabilité des demandes formées à leur encontre et forment contre la GBN une demande en paiement de la somme de 5.930 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce, LA COUR

Attendu que la convention d'achat exclusif de boissons passée le 29 janvier 1991 entre la société GBN et la SNC Levasseur-Sautot dispose à l'article 1 " le fournisseur s'engage à obtenir et à garantir pour le revendeur un prêt de 40.000 F d'une durée de remboursement de cinq années par la Société Générale " ; que selon l'article 2, " en contrepartie ", le revendeur achètera exclusivement au fournisseur les produits déterminés sous l'article 4, pour les quantités minimales indiquées sous le même article, aux conditions générales de vente du tarif de l'entreprise ", que l'article 6 précise que le contrat est prévu pour une durée de cinq ans ;

Attendu que force est de constater que la GBN n'a effectué aucun apport de fonds ; qu'elle s'est bornée à obtenir de la Société Générale un prêt d'un montant dérisoire; qu'elle ne justifie même pas avoir mis en œuvre un engagement de caution;

Attendu qu'au regard de l'engagement de l'exploitant de la brasserie - suffisamment important pour entraîner une indemnité de rupture de 102.737,96 F - l'avantage procuré par la société GBN apparaît dérisoire;

Attendu que les obligations pesant sur la SNC Levasseur et Santot apparaissent sans contrepartie sérieuse, assimilée à une absence totale de contrepartie ; que l'absence partielle de cause au moment de la formation de ce contrat synallagmatique entraîne sa nullité;

Attendu dès lors que les demandes de la société GBN sont mal fondées tant à l'égard des cédants du fonds des cessionnaires ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser aux intimés la charge de leurs frais irrépétibles exposés en cause d'appel ; qu'il échet de condamner la société GBN à payer de ce chef 5.000 F aux époux Sortambosc, et 5.000 F à la SNC du Commerce et à MM. Levasseur et Santot ;

Par ces motifs : Dit la société Générale de Boissons Normandie recevable mais mal fondée en son appel du jugement rendu le 14 juin 1993 par le Tribunal de commerce du Havre, Dit la SNC du Commerce bien fondée en son appel incident, Infirme le jugement, Dit que le contrat du 29 janvier 1991 est nul pour absence de cause, Déboute en conséquence la société GBN de ses demandes, Condamne la société GBN à payer aux époux Sortambosc la somme de 5.000 F et à la SNC du Commerce ainsi qu'à MM. Levasseur et Sautot la somme de 5.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la société GBN aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés par les avoués de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.