Cass. com., 14 mars 1995, n° 93-12.144
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Malka
Défendeur :
Kempel et Leibfried GmbH (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Grimaldi
Avocat général :
M. Mourier
Avocats :
SCP Matteï-Dawance, SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez.
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt déféré (Colmar, 17 novembre 1992), que, par contrat du 12 novembre 1982, régi par le décret du 23 décembre 1958, la société Kempel et Leibfried (société Kempel) a confié à M. Malka la représentation de ses articles dans un secteur géographique déterminé ; que, le 18 mars 1985, M. Malka a résilié le contrat en respectant le délai de préavis contractuel, la résiliation devant ainsi prendre effet au 1er octobre 1985 ; que, le 12 juillet 1985, la société Kempel a constaté la résiliation du contrat avec effet immédiat, aux torts de M. Malka, en reprochant à ce dernier d'avoir représenté, sans son accord, une société concurrente et refusé de suivre sa collection de printemps-été 1986 jusqu'au 1er octobre 1985 ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches ; - Attendu que M. Malka reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice du préjudice subi du fait de la rupture du contrat alors, selon le pourvoi, d'une part, que selon les propres constatations de l'arrêt et l'article 4 du contrat d'agent commercial, celui-ci ne pouvait accepter la représentation d'une entreprise concurrente de la société, sans accord de cette dernière, à condition de définir les articles et les produits dits concurrents ; que l'accord unilatéralement donné par la société mandante suffisait à autoriser l'agent commercial à représenter une entreprise concurrente, sans qu'il fût contractuellement exigé ni un accord écrit ou exprès ni que la société mandante connaisse le nom et la marque de l'entreprise concurrente ; qu'en retenant dès lors, pour refuser de voir dans la lettre du 16 janvier 1985 un accord donné par la société Kempel à la représentation par M. Malka de la société Bueltel, qu'aucun accord exprès n'avait été trouvé entre les parties sur la représentation de l'entreprise concurrente dont, à la date du 16 janvier 1985, le nom n'avait pas été communiqué à la société Kempel par son agent commercial, la cour d'appel a méconnu la portée de ses propres constatations, en violation de l'article 1134 du Code civil et de l'article 3 du décret du 23 décembre 1958 ; et alors, d'autre part, qu'aux termes de la lettre du 16 janvier 1985, la société Kempel prenait acte de l'intention de M. Malka d'exclure de son projet " les blousons de tissu " constituant, selon la société Kempel, des produits directement concurrents des siens ; qu'en énonçant que la lettre du 16 janvier 1985 ne contient aucune désignation précise des produits concurrents contrairement aux stipulations du contrat qui subordonnait la représentation d'une entreprise concurrente à l'accord de la société Kempel, " à condition de définir les articles et les produits dits concurrents ", la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette lettre, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que M. Malka ne conteste pas que, pour représenter une société concurrente comme il a fait, il devait recueillir l'accord de la société Kempel, ainsi que l'exigent tant l'article 2 du décret du 23 décembre 1958 que l'article 4 du contrat du 12 novembre 1982 ; qu'il retient que la lettre de la société Kempel du 16 janvier 1985, dont il reproduit la conclusion, " ne peut s'analyser en un accord donné par la mandante pour que M. Malka représente aussi la société Bueltel ", qui est une société concurrente puisqu'elle " offre sur le marché des produits susceptibles d'être préférés " aux siens ; qu'il retient en outre que M. Malka pouvait d'autant moins se méprendre sur le refus d'accord de la société Kempel que celle-ci, quelques jours auparavant, par lettre du 20 décembre 1984, " avait exprimé clairement ses préoccupations à l'égard d'une firme concurrente et n'avait pas hésité à menacer son cocontractant d'une résiliation à ses torts " ; que, par ces seuls motifs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses deux branches ;
Sur le deuxième moyen ; - Attendu que M. Malka fait encore le même reproche à l'arrêt alors, selon le pourvoi, que, pour se prononcer sur le point de savoir si le refus par l'agent commercial de présenter la collection printemps-été jusqu'au 1er octobre 1985 présentait un caractère fautif, il appartenait à la cour d'appel de rechercher si, en raison de l'ambiguïté du contrat sur ce point, M. Malka n'avait pu légitimement croire que le refus par la société mandante des deux successeurs qu'il lui avait présentés avait entraîné la rupture du contrat du fait de celle-ci ; qu'en se bornant à affirmer, sans procéder à cette recherche, que l'article 6 du contrat ne stipulait pas que le refus du consentement de la société des successeurs qui lui étaient présentés entraînait la rupture du contrat avec effet immédiat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'effectuant la recherche prétendument omise, l'arrêt relève d'abord que le jugement de première instance, dont M. Malka poursuivait la confirmation en ce que celui-ci avait déclaré non fondée la rupture du contrat par la société Kempel, avait dit que les refus des deux successeurs proposés par M. Malka pouvaient être interprétés par lui comme une cause de résiliation du contrat ; qu'il retient ensuite que ces deux refus étaient légitimes et n'étaient pas de nature à entraîner la rupture du contrat, surtout avec effet immédiat, de telle sorte que M. Malka, en s'abstenant de présenter jusqu'au 1er octobre 1985, date d'expiration du délai de préavis, la collection de printemps-été 1986 qui était disponible depuis juin 1985, a manqué à ses obligations contractuelles, ce dont il résulte qu'il ne s'était pas mépris sur le contenu de celles-ci ; d'où il suit que le moyen est sans fondement ;
Et sur le troisième moyen ; - Attendu que M. Malka reproche enfin à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la société Kempel la somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts alors, selon le pourvoi, que la faute justifiant la résiliation du contrat d'agent commercial par le mandant a pour seul effet de priver le mandataire de son droit à indemnité compensatrice du préjudice subi ; qu'en condamnant M. Malka à payer des dommages-intérêts à la société Kempel qui avait prononcé la résiliation du contrat de son agent à raison des fautes qu'elle reprochait à celui-ci, la cour d'appel a violé l'article 3 du décret du 23 décembre 1958 ;
Mais attendu que l'article 3 du décret du 23 décembre 1958 ne déroge pas aux dispositions de l'article 2007 du Code civil selon lesquelles le mandant, si la renonciation du mandataire lui préjudicie, devra en être indemnisé par le mandataire ; que l'arrêt retient que la brusque cessation des fonctions de son agent commercial, dont la responsabilité incombe à ce dernier, a entraîné, pour la société Kempel, divers préjudices qu'il énumère ; qu'ainsi la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.