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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 16 mars 1995, n° 4373-93

GRENOBLE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Pétroles Chabas (SA)

Défendeur :

Produits pétroliers Alpins (SARL), Blanchard (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beraudo

Conseillers :

MM. Baumet, Fallet

Avoués :

SCP Grimaud, Me Ramillon

Avocats :

Mes Imbert, Marongiu.

T. com. Gap, du 10 sept. 1993

10 septembre 1993

Attendu que la Cour se réfère à l'exposé des faits contenu dans le jugement attaqué ;

Que, le résumant, elle indique que, par des actes de janvier et février 1989, la société des Produits pétroliers Alpins a vendu à la société des Pétroles Chabas un fonds de commerce de station service, qui lui a été remis en location-gérance, le lendemain ;

Que l'article 4 du contrat de gérance stipule ceci :

" - Les produits que le gérant achètera à Chabas lui seront vendus au prix des tarifs établis ou appliqués par Chabas en vigueur au jour de la livraison et aux conditions générales de vente de Chabas concernant chaque produit considéré.

- Pour les produits qui font l'objet d'une exclusivité (lubrifiants ...) la modification des prix de vente sera liée à la modification du barème en vigueur au jour de la livraison déposée par le fournisseur. "

Que le contrat de gérance a été résilié par la société des Produits pétroliers Alpins, le 10 janvier 1992 et que la société Chabas a fait de même le 15 janvier 1992 ;

Que le 9 octobre 1992, la société Chabas a assigné la société des Produits pétroliers Alpins en paiement d'une créance qu'elle a chiffrée à 526 565,57 F ;

Que le Tribunal de commerce de Gap a jugé le contrat nul, pour cause de fixation du prix de certains produits, par la seule société Chabas, dans une situation d'indivisibilité, consistant dans l'exploitation d'un fonds de commerce unique ;

Attendu que, devant la Cour, la société Chabas conclut à la réformation, à la condamnation de la société des Produits pétroliers Alpins, à lui payer 526 565,57 francs, avec intérêts de droit, à compter du 15 janvier 1992, 50 000 F, à titre de dommages-intérêts, pour résistance abusive et 30 000 F, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Qu'elle fait valoir, en substance, que le contrat n'est pas nul et que " les comptes entre les parties ne semblent pas devoir souffrir de discussions " ;

Attendu que la société des Produits pétroliers Alpins conclut, ainsi qu'il suit :

" Dire nulle et de nul effet, l'assignation délivrée le 9 octobre 1992, par la société Chabas devant le Tribunal de commerce de Gap, et ce, par application de l'article 56 du nouveau Code de procédure civile.

Rejeter l'appel formé par la société Chabas à l'encontre du jugement du Tribunal de commerce de Gap du 10 septembre 1993.

Confirmer ledit jugement en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de location-gérance du 17 janvier 1989 et a débouté la société Pétroles Chabas de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Et, faisant droit à l'appel incident,

Désigner tel expert qu'il plaira à la Cour avec pour mission :

- de se faire remettre les documents contractuels comptables,

- d'établir les comptes et déterminer les restitutions réciproques entre les parties, l'expert devant faire abstraction de toute notion de bénéfice.

- de faire une comparaison entre le résultats de ses évaluations et les sommes effectivement payées de part et d'autre afin de permettre de déterminer s'il existe une créance de restitution et au profit de qui,

Dire que pour y parvenir, l'expert devra :

- en ce qui concerne l'activité de vente de carburant (contrat de commission),

1°) déterminer la marge bénéficiaire du concédant, c'est-à-dire le prix de vente du carburant par Chabas à Produits pétroliers Alpins moins le prix d'achat du carburant par Chabas auprès de ses fournisseurs, ceci afin de démontrer le montage lucratif profitant à Chabas,

2°) déterminer les frais supportés par Produits pétroliers Alpins pour cette activité de vente de carburant,

3°) déterminer le montant total des commissions payées par Chabas à Produits pétroliers Alpins,

4°) déduire lesdites commissions du montant des frais supportés par Chabas pour déterminer son préjudice net pour ce type d'activité.

- en ce qui concerne la vente de lubrifiants (contrat de vente),

déterminer le montant des sommes que Chabas devra restituer correspondant au bénéfice réalisé par lui sur les produits vendus à Produits pétroliers Alpins.

Dire que les honoraires de l'expert seront avancés par la société Chabas.

Dire que l'expert répondra aux dires des parties et les avisera de ses conclusions provisoires leur impartissant un délai pour faire d'ultimes observations avant le dépôt de son rapport définitif pour, sur son rapport fait et déposé, être ultérieurement statué ce que de droit.

Condamner la société Chabas à rembourser aux concluants la somme de 255 000 F, avec intérêts de droit, à compter du 14 février 1992, indûment perçue du Crédit Agricole.

Condamner la société Chabas au paiement de la somme de 200 000 F, à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Condamner la société Chabas au paiement de la somme de 100 000 F, au titre des frais irrépétibles de justice par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Condamner la société Chabas en tous les dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître Marie-France Ramillon, avoué à la Cour d'appel de Grenoble, qui y a pourvu, sur son affirmation de droit."

Qu'au soutient de la nullité du contrat de location-gérance, elle fait valoir que les " parties sont en présence d'un contrat contenant une clause d'approvisionnement exclusif et de référence à un prix unilatéralement fixé par le distributeur ", et qu'en raison du caractère indivisible du contrat, la nullité affecte l'ensemble du contrat ;

Sur ce,

Attendu, sur la nullité de l'assignation délivrée le 9 octobre 1992, à la requête de la société Chabas, que a société des Produits pétroliers Alpins se fonde sur l'article 56 du nouveau Code de procédure civile en faisant valoir qu'elle ne comporte " aucun exposé des moyens de la demanderesse ni indication des pièces sur lesquelles la demande était fondée ".

Mais attendu que le grief ainsi formulé, pour la première fois, devant la Cour est irrecevable pour cause de contravention à l'article 112 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu, sur le grief de nullité du contrat de gérance, qu'il est constant que le prix des produits achetés à la société Chabas est établi par un barème ou un tarif établi par cette société;

Mais que les prix fixés par la société Chabas concernent l'ensemble des parties liées à elle par un contrat de location-gérance ou un autre contrat de distribution ; que la société n'allègue pas que les prix aient été fixés de façon discriminatoire à son égard;

Et que les produits fournis ou vendus par la société Chabas sont des choses de genre, aisément substituables par les acheteurs ; que l'état de forte concurrence qui les concerne ne rend pas vraisemblable que la société Chabas ait fixé un prix éloigné des conditions générales du marché;

Qu'en tout cas, il n'est pas allégué que la société Chabas ait abusé de l'exclusivité qui lui était réservée par le contrat de gérance pour majorer son tarif, son barème ou ses prix dans le but d'en tirer un profit illégitime;

Attendu, en conséquence, que le contrat de gérancequi a pris effet le 15 février est valable ; qu'il y a donc lieu d'examiner, à présent, le bien fondé, dans le cadre de l'exécution de ce contrat, de la demande présentée par la société Chabas ;

Attendu, sur la demande de 526 565,57 F formée par la société Chabas, qu'elle expose ceci :

" Aux termes de la convention liant les parties, la société Pétroles Chabas reste propriétaire des carburants livrés à la station.

La SARL des Produits pétroliers Alpins vend donc ces carburants non pour son compte, mais pour le compte des Pétroles Chabas.

Elle doit reverser à la société Pétroles Chabas les sommes qu'elle encaisse dans le cadre de cette activité de mandataire.

Les comptes entre les parties ne semblent pas devoir souffrir de discussion : en effet, pour demander aux Pétroles Chabas les commissions lui revenant, la société mandataire adresse aux Pétroles Chabas l'indication des produits qu'elle a vendus en carburant.

A partir des déclarations de la société Produits pétroliers Alpins, la société Pétroles Chabas dresse le tableau des sommes ainsi encaissées par la SARL pour la vente des produits énergétiques.

De cette somme, la société Pétroles Chabas déduit ce qu'elle a reçu de la SARL, soit par les remises en banque, soit par des sommes dont elle est créditée directement : cartes de crédit ou paiements directs faits par certains clients à la société Pétroles Chabas.

Sont encore déduites les commissions dues à la SARL mandataire.

Le compte ainsi établi fait apparaître au débit de la société Produits pétroliers Alpins un solde excessivement important qui s'est élevé à la clôture du compte à 776 565,57 F.

La société Pétroles Chabas a, encore, déduit de cette somme celle de 250 000 F, montant qui lui a été versé par l'établissement financier, caution de la SARL.

En ne réglant pas cette somme, la société Produits pétroliers Alpins se livre à une rétention abusive : ces sommes ne lui appartiennent pas ; elles sont à son mandant : la société Pétroles Chabas. "

Qu'elle verse aux débats des factures, de janvier 1991 à janvier 1992, établies par la société des Produits pétroliers Alpins pour ses commissions ; qu'à partir de ces commissions, elle reconstitue le montant des ventes d'où elle soustrait les remises en banques et les paiements par carte de crédit ;

Que la société des Produits pétroliers Alpins ne remet à la Cour aucun élément de nature à établir le montant de ses paiements à la société Chabas ; qu'elle n'établit pas non plus avoir satisfait à ses obligations relatives à la justification des comptes, telles qu'elles résultent de l'article VII du contrat de location-gérance ;

Que, cependant, il y a lieu d'ordonner une expertise, malgré la carence mutuelle des contractants, en vue de faire le compte entre les parties ;

Attendu, sur la demande de remboursement de la somme de 255 000 F perçue par la société Chabas, du Crédit Agricole, caution de la société des Produits pétroliers Alpins ; que cette garantie est prévue par l'article XI du contrat de gérance ; qu'en l'état, il n'est pas établi que son appel ait été abusif ou frauduleux ; qu'il y a donc lieu de surseoir à statuer sur la demande jusqu'au compte définitif entre les parties ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Avant dire droit ; Réforme le jugement déféré ; Juge que le contrat de gérance est valide ; Commet M. Jean-Michel Bonne, expert, demeurant 1 bis, rue de Valserres à Gap (05000), téléphone 92-52-39-65, inscrit sur la liste des experts près la Cour d'appel de Grenoble avec la mission : - De se faire communiquer tous documents détenus par les parties ou des tiers, tels qu'experts comptables ou banques ; - De dire, si à l'issue de la période de la location-gérance, il existe au profit de la société Chabas une créance de restitution et d'en déterminer le montant ; Dit que la présente expertise aura lieu aux frais partagés des parties qui devront consigner, chacune 10 000 F, au greffe de la Cour, dans le délai d'un mois du prononcé du présent arrêt ; Dit que l'expert devra rendre son rapport dans le délai de quatre mois, à compter du jour où il aura été saisi par le greffe ; Sursoit à statuer sur les autres demandes des parties ; Sursoit à statuer sur les dépens.