CA Riom, ch. civ. et com., 26 avril 1995, n° 1758-94
RIOM
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Axia 3000 (SARL)
Défendeur :
Descamps (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bardel
Conseillers :
M. Despierres, M. Billy
Avoués :
Mes Mottet, Goutet
Avocats :
Mes Devin, Saubole
Attendu que, par jugement du 7 juin 1994, le Tribunal de commerce d'Aurillac a condamné la SA Axia 3000 à payer à la SA Descamps la somme de 73 091,88 F avec intérêts contractuels à compter du 4 juin 1992, montant de factures impayées dues en vertu d'un contrat de franchise du 2 octobre 1989, ainsi que 2 965 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; que, par déclaration du 14 juin 1994, la société Axia 3000 en a interjeté appel ;
Attendu que, soutenant que le contrat de franchise est nul, la société Axia 3000 demande l'infirmation du jugement, le débouté de la société Descamps, et sa condamnation à lui restituer le droit d'entrée de 29 650 F, et à lui payer 861 386 F de dommages et intérêts et 80 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Que la société Descamps conclut à l'irrecevabilité de l'appel au motif que le siège social indiqué par Axia 3000 ne serait pas exact, et sa condamnation à lui payer 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'à l'audience la cour a soulevé l'irrégularité du jugement et que les parties se sont expliquées ; qu'il apparaît que la composition du tribunal était différente lors des débats (MM. Momaur, Bonnet et Breton) et lors du jugement (MM. Moneyssin, Manhes et Gardes) ;
Que le jugement doit donc être annulé ;
Attendu qu'il n'est pas prouvé que le siège social de la société Axia 3000 soit fictif, que celle-ci a toujours fait à temps les actes de la procédure, et que la société Descamps ne justifie pas d'un grief tenant à la présente procédure, alors que son assignation initiale était bien parvenue à Axia 3000 ;
Que l'appel est donc recevable ;
Attendu que le premier juge a justement admis qu'en retournant un exemplaire du contrat, même non signé, mais accompagné du paiement de la première partie du droit d'entrée, puis en en exécutant les termes, la société Axia 3000 a contracté avec la société Descamps aux conditions proposées par celle-ci ;
Que, par la lettre du 22 novembre 1990 de M. Lefebvre, reconnaissant devoir des factures de marchandises et de matériel, la société Axia 3000 n'a pas pu renoncer à se prévaloir de la nullité du contrat de franchise ;
Attendu que, par ledit contrat, la société Descamps s'engageait à " assister le franchisé pour la recherche d'emplacement et la sélection de la boutique " (article 6.1), à " informer le franchisé des études réalisées " (article 6.2), à " assurer la formation technique et commerciale du franchisé par un stage théorique et pratique d'une durée minimale de quinze jours " (article 6.5), à " aider le franchisé à définir son stock d'ouverture " (article 6.10), à " donner la fourniture de deux collections par an " (article 13.1) et " l'assistance technique et commerciale de gestion des stocks " (article 13.5) ;
Attendu que la société Axia 3000 reproche à la société Descamps de ne pas avoir fourni d'assistance pour la recherche de l'emplacement, d'étude préalable ni d'informations relatives aux magasins pilotes et aux franchisés dont l'environnement serait comparable à celui d'Axia 3000, d'assistance lors du financement de la boutique, de compte d'exploitation prévisionnel, d'avoir donné une formation technique réduite à sa plus simple expression, d'avoir provoqué l'ouverture tardive sans campagne promotionnelle préalable, de n'avoir pas défini le stock d'ouverture et d'avoir laissé un montant de stock insuffisant ;
Attendu que, si les créateurs de Axia 3000 ont bien proposé le lieu d'une boutique, la société Descamps qui devait étudier l'opportunité de ce choix, s'est contentée de répondre, par sa lettre du 2 octobre 1989, que " la visite du centre commercial de Champniers (lui) permet de penser, que tout est mis en œuvre pour qu'il devienne le nouveau centre ville d'Angoulême et dans cette perspective, il est opportun d'ouvrir une boutique Descamps comme vous le souhaitez ";
Qu'il en ressort que cet avis n'est fondé par aucune étude, ce qui résulte également du fait que celle qui est produite date de février 1987 soit plus de deux ans et demi auparavant ;
Que le fait que l'enseigne Euromarché ait été remplacée par l'enseigne Continent pour l'hypermarché du même centre commercial ne peut rien expliquer alors que la société Descamps ne précise pas à quelle date ce fait s'est produit ;
Attendu que la société Descamps ne justifie que d'un bilan pour Angoulême, dont rien ne dit quand il a été établi, et s'il a un rapport quelconque avec la boutique qu'a ouverte Axia 3000, qui n'a été produit qu'en appel, tardivement ; que la formation dispensée semble au vu des pièces produites n'avoir duré que 8 joursalors que l'article 6.5 du contrat prévoit un minimum de 15 jours ;
Que la société Descamps ne produit aucun élément de nature à justifier de l'assistance qu'elle a pu apporter tant dans la définition du stock de départ que dans la gestion des stocks par la suite ;
Attendu que, de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que la société Descamps s'est bornée, en contrepartie du paiement du droit d'entrée, et de l'aménagement imposé des locaux, à autoriser l'usage de son enseigne, et à vendre ses produits;
Qu'elle n'a fourni aucune assistance commerciale ou technique, et une communication de savoir-faire limitée à une semaine de stage et de rares visites d'une animatrice, affirmées mais non démontrées, et pas le moindre conseil en ce qui concerne la gestion des stocks;
Qu'en outre elle ne conteste pas être à l'origine de l'ouverture tardive (8-12) de la boutique, alors que, dans le protocole d'accord du 2 octobre, elle demandait à Axia 3000 de s'engager à ouvrir " début novembre au plus tard " ;
Attendu qu'en effet que la convention intervenue entre les parties s'est limitée à un simple contrat d'exclusivité d'achat, et que le contrat de franchise, est nul;
Qu'il sera donc fait droit à la demande principale de la société Axia 3000 ;
Attendu que le droit d'entrée, ou plutôt sa fraction versée, soit 29 650 F, doit être restitué à Axia 3000 ;
Attendu que celle-ci doit payer la totalité des marchandises reçues ;
Qu'il convient donc, du solde réclamé par Descamps (73 091,88 F) de déduire les factures d'agios (7 552,55 F), de royalties (11 253,88 F), de publicité (8 916,93 F) et de dommages et intérêts (8 548,87 F) ;
Que la dette d'Axia 3000 se monte donc à 36 819,65 F ;
Attendu que la société Axia 3000 justifie, par la production de la situation au 30 avril 1990, sous le cachet de son expert-comptable, avoir investi pour 279 711,48 F d'aménagement et d'agencement, et pour 73 834,40 F de mobilier et matériel de bureau ;
Que, cette dernière somme était nécessaire pour l'installation du commerce, et sans lien prouvé avec le contrat de franchise ;
Que, par contre, la première est le coût d'agencements imposés par la convention, nulle, des parties et que ces frais, inutilement exposés par la faute de la société Descamps, qui n'a jamais respecté ni voulu respecter ses engagements, et qu'elle devra donc l'en indemniser ;
Attendu qu'il n'est pas justifié que cette faute soit à l'origine des pertes subies par Axia 3000 ;
Attendu que les sommes dues réciproquement doivent être compensées ;
Attendu qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser la charge totale de ses frais irrépétibles à Axia 3000 qui sera déboutée de cette prétention ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit la SARL Axia 3000 en son appel ; Annule le jugement rendu le 7 juin 1994 par le Tribunal de commerce d'Aurillac ; Prononce la nullité du contrat de franchise ayant lié les parties ; Condamne la SARL Axia 3000 à payer 36 819,65 F (trente six mille huit cent dix neuf francs et soixante cinq centimes) outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation, à la SA Descamps ; Condamne celle-ci à restituer à la SARL Axia 3000 la somme de 29 650 F (vingt neuf mille six cent cinquante francs) outre intérêts au taux légal à compter du 3 mai 1994, date à laquelle la demande a été formée devant les premiers juges et à lui payer une indemnité de 279 711,48 F (deux cent soixante dix neuf mille sept cent onze francs et quarante huit centimes) ; Ordonne la compensation de ces dettes ; Déboute les parties pour les surplus ; Condamne la SA Descamps aux dépens et autorise Maître Mottet, avoué, à recouvrer directement ceux dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante.