CA Bordeaux, 2e ch., 21 juin 1995, n° 93005830
BORDEAUX
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Oset Matimport (SARL)
Défendeur :
Le Guillerm (Consorts)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bouscharain
Conseillers :
Mlle Courbin, M. Ors
Avoués :
SCP Rivel-Combeaud, SCP Lacampagne-Puybaraud
Avocats :
Mes Rivière, Pagnoux
Guy et Patrick Le Guillerm, agissant sous l'enseigne la GLG International, nom commercial d'une agence de fabriques, inscrite au Registre du Commerce d'Andorre, étaient en relations d'affaires avec Monsieur Perez, président d'une société Matex, sise en Espagne, fabricant des carrelages et plinthes et qui a participé à la création de Oset Matimport-SARL à Cadillac, chargée d'entreposer et de distributuer en France carrelages et baguettes de finition PVC.
Le 3 août 1992 Guy et Patrick Le Guillerm, disant agir en leur qualité d'agent commercial sous l'enseigne GLG, ont assigné Oset Matimport en paiement de 13 455 F à titre de provision sur leurs commissions, 50 000 F à valoir sur l'indemnité de rupture.
Le Tribunal de Commerce de Bordeaux, par jugement du 16 septembre 1993, a dit que la qualité d'agents commerciaux ne pouvait être reconnue, ni à la société GLG International, ni à Messieurs Guy et Patrick Le Guillerm qui n'ont pas satisfait aux exigences du décret du 22 août 1968 relatif aux agents commerciaux, qu'au surplus il n'existait pas de contrat écrit, les dispositions de l'article 1° du décret du 23 décembre 1958 n'étant donc pas remplies ;
Le Tribunal a toutefois dit établie l'existence de relations d'affaires, concrétisées pas des opérations de vente consécutives à des échanges de correspondances prouvant l'intention de Oset Matimport de travailler avec Guy et Patrick Le Guillerm tout autant qu'avec GLG International ;
Le Tribunal a donc condamné Oset Matimport-SARL à payer à Messieurs Guy et Patrick Le Guillerm 13 455 F, au titre de commissions sur les 188 ventes effectuées par eux suivant détail de leur relevé, rejetant l'expertise sollicitée, et 15 000 F au titre d'indemnité de rupture laquelle n'est pas justifiée par la faute de Messieurs Guy et Patrick Le Guillerm, outre 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Oset Matimport-SARL a relevé appel de ce jugement le 20 octobre 1993 et conclu le 17 février 1994 à la réformation au motif que le Tribunal de Commerce de Bordeaux a soulevé un moyen d'office, l'existence d'un mandat d'intérêt commun, moyen non fondé, mais qui, faute de réouverture des débats ordonnée, n'a pu être contradictoirement débattu ;
Elle demande à la Cour de dire que l'existence d'un mandat d'intérêt commun invoqué par le Tribunal de Commerce de Bordeaux n'est nullement prouvée conformément aux dispositions des articles 1985 et 1341 du Code civil et du décret du 15 juillet 1980, de dire que le Tribunal de Commerce de Bordeaux en la condamnant à verser une indemnité de rupture abusive n'a pas fait connaître le fondement juridique, puisqu'il a d'office soulevé le moyen selon lequel le décret du 23 décembre 1988 ne pouvait recevoir application ;
Elle demande 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Messieurs Guy et Patrick Le Guillerm ont conclu le 16 août 1994, formant appel incident, à la réformation du jugement, soutenant qu'il y a eu contrat d'agent commercial, dès lors qu'ils sont inscrits au Registre du Commerce en Andorre selon la procédure habituelle dans ce pays, et la législation française n'imposant pas à un agent commercial, établi à l'étranger, d'être inscrit au registre social en France ;
Subsidiairement, ils invoquent le mandant d'intérêt commun ;
Ils sollicitent, avant dire droit sur le montant de l'indemnité de rupture et des arriérés de commissions, une expertise comptable à l'effet de rechercher en fonction des taux contractuellement convenus et du secteur concédé le chiffre d'affaires total réalisé sur les produits concernés par le contrat dans ce secteur par la société Oset Matimport afin d'en déduire, d'une part le montant des commissions effectivement dues et d'autre part les bases du calcul d'une indemnité de rupture ;
Ils demandent à titre provisionnel 13 455 F au titre de l'arriéré des commissions et 50 000 F au titre de l'indemnité de rupture.
Attendu que Matex Distributions SA, ayant son siège en Espagne, a écrit, sous la signature de F. Perez, le 2 janvier 1991 à GLG International lui rappelant que sa société Oset Matimport, créée pour exploiter un dépôt d'usine de Matex Distributions, à partir du 15 janvier 1991 à Cadillac, comptait " beaucoup " sur l'organisation de GLG pour développer la vente de ses produits par le dépôt et lui demandait que ses agents locaux rencontrent Madame Poisson ; qu'au vu d'un extrait du registre du Commerce, Oset Matimport SA, immatriculée le 25 octobre 1991, exerce son activité d'import export de matériel de construction et négoce depuis le 1er janvier 1991 ; que les gérants de cette société sont, toujours au vu de l'extrait K bis, Madame Poisson et Monsieur Perez Corbodes Francisco ; que Matex informait, par le même courrier, GLG de l'envoi d'une lettre circulaire aux clients pour les aviser de la création du dépôt, et ajoutait : " nous tenons à vous rappeler qu'une commissions de 7 % a été prévue sur le tarif qui sera établi " ;
Que les courriers et fac expédiés les jours suivants par Matex et GLG confirment cette offre de " commercialisation des produits " de son dépôt, demandant une réponse rapide, faute de laquelle elle prendrait " d'autres agents pour tourner avec les produits " de son dépôt ; que Matex a fourni tous les renseignements demandés par GLG, réitérant sa demande d'une réponse rapide, précisant le 10 janvier 1991 que GLG pourrait diffuser les produits " sur le secteur actuel de représentation " et répondait à propos du contrat : " GLG n'a jamais eu de contrat avec Matex ni avec nos sociétés, mais s'il le souhaite nous pourrons en établir un dans le temps, mais celui-ci établira des Cotats ", répétant qu'elle avait toujours pensé à GLG pour diffuser ses produits ; que le 11 janvier 1991 Matex précisait " les commissions et conditions du dépôt " ; que par fac du 16 janvier 1991 Madame Maïté Poisson demandait à GLG se qu'elle devait répondre aux clients qui demandaient la visite du " représentant " ; que GLG lui répondait qu'elle prenait contact avec ces clients ajoutant : " mais cela ne règle pas le problème de fond " ; et par lettre recommandée avec accusé de réception du même jour, Guy et Patrick Le Guillerm, rappelant qu'ils étaient les agents de Matex Distributions depuis de longues années, faisaient état de difficultés, conditionnant leur acceptation de représenter Oset Matimport à une mise au point de leurs relations avec Matex Distributions se disant disposé à négocier ;
Que GLG International a cependant, par fax du 28 janvier 1991 adressé à Oset Matimport, accepté formellement la charge de la représentation de cette société et dès le 30 janvier 1991 lui rendait compte des visites faites auprès des clients dont la liste lui avait été adressée les 25 et 28 janvier 1991 ;
Attendu que Oset Matimport ne peut soutenir que, Matex et elle-même étant deux personnes morales distinctes, Matex ne pouvait l'engager alors que Matex l'a créée pour les besoins de son activité en France et s'est comportée comme son dirigeant de fait ; que Monsieur F. Perez, interlocuteur de GLG en qualité de Directeur Commercial de Matex, était également gérant de Oset Matimport ;
Que l'absence de précision, tant en ce qui concerne le montant des commissions que le secteur, dans le fax du 28 janvier 1991, est sans incidence, alors que cette acceptation est une réponse faite à l'offre précise de Matex et formelle, quelle que soit la dégradation incontestable des relations anciennes existant entre Matex et GLG, celle-ci précisant bien qu'elle convenait " de n'avoir exclusivement de relations " qu'avec Madame Poisson, étant donné que leurs rapports étaient bons ;
Attendu que Messieurs Guy et Patrick Le Guillerm établissent par ces courriers l'existence d'une offre et de son acceptation ; que cette correspondance échangée forme contrat, l'accord étant indiscutable, et la qualité des deux parties contractantes certaine, dont celle d'agent commercial de GLG à l'égard de Oset Matimport, Madame Poisson, qui a insisté pour qu'elle soit son représentant, lui adressant, sans même attendre son accord, la liste des clients à visiter et les documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission, GLG lui ayant ensuite régulièrement rendu compte de ses prestations; que le contrat d'agent commercial est un contrat consensuel et non formaliste, que l'absence de contrat écrit est inopérante sur la qualification de ce contrat, dès lors que la qualité d'agent commercial résulte de l'échange des correspondances ; que tel est le cas dans le présent litige ;
Attendu que GLG a adressé, par fax du 11 septembre 1991, à Oset Matimport sa facture de commissions relatives aux livraisons à ses clients du 24 janvier 1991 au 17 juin 1991 et demandé les factures émises depuis cette date ;
Que Madame Poisson, par courrier du 19 septembre 1991, a fait état de la non conformité des résultats obtenus dans le secteur de GLG à laquelle elle a proposé deux solutions ;
Que GLG a réclamé le 20 septembre 1991 le règlement de 13 455 F, montant de la facturation des commissions n° 576 du 17 juillet 1991 pour la période du 24 janvier au 17 juin 1991, à nouveau le 23 septembre 1991, puis par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 octobre 1991 a répondu par fax du 19 septembre 1991, acceptant pour sa part une commission de 5 % sur les approvisionnements de Oset Matimport et une réduction de sa commission de 7 à 5 % sur les ventes de Oset Matimport ; que, préalablement, GLG International a précisé que par sa qualité d'agent commercial elle exerçait sa mission conformément aux règles d'indépendance spécifique à sa profession, fait référence au décret du 23 décembre 1958 et à la directive européenne du 18 décembre 1986 ajoutant : " le contrat de fait qui nous lie retient ces éléments et par la présente lettre recommandée nous faisons élection de domicile auprès du Tribunal de Toulouse... " ; qu'elle a réclamé à nouveau ses commissions le 9 octobre 1991, pris note le 16 octobre du refus de Oset Matimport de les payer, fait sommation par acte d'huissier du 20 novembre 1991 à Oset Matimport de lui verser le montant de ses commissions et de lui faire parvenir les factures clients établies depuis le 18 juin 1991, de déclarer ses intentions quant à l'annulation du contrat ;
Attendu que le défaut de formalisme est en tout état de cause inopérant entre les parties ; que GLG International doit bénéficier du statut d'agent commercial ;
Attendu que Oset Matimport n'a pas déclaré mettre fin au contrat ; que toutefois le non paiement des commissions, alors que les correspondances échangées entre les parties établissent la réalité des prestations effectuées par GLG, Oset Matimport en discutant l'importance mais non l'existence, constitue un manquement à une obligation essentielle de Oset Matimport laquelle ne démontre rompre le contrat imputable à Oset Matimport est établie ;
Attendu, en conséquence que GLG International est fondée à demander le paiement des commissions, outre une indemnité de rupture due en application de l'article 3 du décret du 23 décembre 1958 qui pose le principe d'ordre public que l'indemnité de rupture est due, sauf au mandant de prouver la faute de l'agent, non établie dans le présent litige ;
Attendu, au vu des seuls éléments du dossier, suffisants pour justifier de la créance de commissions et d'indemnité de rupture dans son existence, mais pas dans son quantum, qu'il est nécessaire d'ordonner une expertise au frais avancés de Guy et Patrick Le Guillerm, sans qu'il y ait lieu en l'état d'allouer les provisions sollicitées ;
Attendu que les dépens sont réservés.
Par ces motifs : LA COUR, Dit Guy et Patrick Le Guillerm fondés en leur appel, Désigne Monsieur Latapy, 20 rue du Mirail à Bordeaux, avec mission de rechercher en fonction des taux contractuellement convenus et du secteur concédé à GLG International le chiffre d'affaires réalisé sur les produits concernés par le contrat dans ce secteur par Oset Matimport afin d'en déduire : - le montant des commissions dues à Messieurs Guy et Patrick Le Guillerm, - les bases de calcul d'une indemnité de rupture, Dit que l'expert devra à cette fin entendre les parties et tous sachants, consulter tous documents même détenus par des tiers, ses opérations étant contradictoires, Déboute Messieurs Guy et Patrick Le Guillerm de leur demande de provisions, Dit que Messieurs Guy et Patrick Le Guillerm consigneront la somme de 5 000 F à titre de provision à valoir sur la rémunération de l'expert, auprès de la Régie d'Avances et de Recettes de la Cour, dans les deux mois du présent arrêt, Dit qu'à défaut de consignation dans le délai, la désignation de l'expert sera caduque, sauf prorogation du délai ou relevé de caducité, Dit que l'expert déposera son rapport au Secrétariat-Greffe de la Cour dans les 4 mois suivant le dépôt de la consignation, Dit qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert, il sera pourvu à son remplacement par simple ordonnance du Conseiller de la Mise en Etat, Réserve les dépens.