CA Paris, 5e ch. A, 28 juin 1995, n° 1393-94
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Nouveau Garage de la Vanne (SA)
Défendeur :
VAG France (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Vigneron
Conseillers :
Mme Jaubert, M. Potocki
Avoués :
SCP Roblin Chaix de la Varenne, SCP Barrier Monin
Avocats :
Mes Bourgeon, Vogel.
Par déclaration remise au Secrétariat greffe le 22 décembre 1993 la SA Nouveau Garage de la Vanne a interjeté appel du jugement du 8 octobre 1993 par lequel le Tribunal de Grande Instance de Paris l'a déboutée de ses prétentions contre la SA VAG France (ci-après dénommée Sté VAG) ;
Il résulte des documents produits que la société VAG qui depuis 1986, était liée à la société Nouveau Garage de la Vanne par un contrat à durée indéterminée de concession automobiles sur le secteur de SENS, a par lettre du 8 décembre 1989, résilié brusquement ce contrat pour faute grave puis par lettre du 5 février suivant a proposé de transformer cette résiliation extraordinaire en une résiliation ordinaire avec un préavis d'un an commençant à courir à compter du 8 décembre 1989 afin de permettre la cession du garage à un nouveau concessionnaire agréé par ses soins.
La société Nouveau Garage de la Vanne a accepté cette proposition par lettre du 9 février 1990 mais par courrier du 5 décembre suivant a sollicité un délai supplémentaire de trois mois pour mener à bien la cession de son entreprise ce qui a été refusé par la société VAG qui a néanmoins accepté de proroger le délai de préavis jusqu'au 31 décembre 1990.
La société Nouveau Garage de la Vanne soutient qu'il résulte des courriers échangés entre les parties au cours du mois de février 1990 que la société VAG a accepté de poursuivre les relations contractuelles" pour le temps nécessaire à la cession de l'entreprise" et que la société VAG a rompu cet accord en donnant brutalement un caractère impératif à l'échéance du 8 décembre 1990 qu'elle a reportée au 31 décembre suivant.
A titre subsidiaire la société Nouveau Garage de la Vanne prétend que la société VAG a par déloyauté ou par légèreté, fait échec à l'aboutissement des pourparlers de cession avec Monsieur Labadie et Monsieur Jeannin.
En conséquence, la société Nouveau Garage de la Vanne demande d'infirmer le jugement en condamnant la société VAG à lui payer à titre de dommages et intérêts les sommes de 1.500.000 F, 1.100.000 F, et 480.000 F représentant respectivement la valeur du fonds de commerce, les frais de mise en conformité de la concession avec les normes du concédant, à la fin de l'année 1989 et en 1990 et la dépréciation des pièces de rechange au cours de la même période.
La société Nouveau Garage de la Vanne réclame également la condamnation de la société VAG à lui régler les sommes de 36.167,50 F et de 497,76 F au titre de frais exposés dans le cadre de la garantie du constructeur.
Enfin, la société Nouveau Garage de la Vanne sollicite la somme de 40.000 F HT sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
La société VAG réplique que la demande en paiement de dommages et intérêts fondée sur la rupture de l'accord de février 1990 constitue une demande nouvelle qui est irrecevable en appel par application de l'article 564 du NCPC.
La société VAG conclut à la confirmation du jugement dont elle reprend les motifs et sollicite la condamnation de la société Nouveau Garage de la Vanne à lui régler la somme de 40.000 F HT au titre des frais non répétibles.
Cette société rétorque que sa demande en paiement de dommages et intérêts qui n'est que la reprise de celle formée en première instance n'est pas nouvelle et que son fondement sur la violation de l'accord de février 1990 qui a d'ailleurs été invoqué dans ses écritures de première instance, constitue tout au plus un moyen nouveau recevable en appel par application de l'article 563 du NCPC.
Sur le fond du litige :
Considérant qu'en première instance la société Nouveau Garage de la Vanne a fondé sa demande en paiement de dommages et intérêts notamment sur le fait que la société VAG a rompu abusivement les pourparlers qu'elle s'était engagée à poursuivre afin de permettre la cession de la concession selon sa lettre du 5 février 1990.
qu'en appel, la société Nouveau Garage de la Vanne reprend la même demande sur le même fondement juridique ;
que cette demande est donc parfaitement recevable ;
Considérant qu'il résulte de la correspondance échangée entre les parties au cours du mois de février 1990 et analysée ci-dessus que d'un commun accord, celles-ci ont décidé de mettre fin au contrat de concession le 8 décembre 1990 et que le concessionnaire devait profiter de ce laps de temps pour présenter un successeur à l'agrément du concédant ;
que dans sa lettre du 5 décembre 1990, la société Nouveau Garage de la Vanne a reconnu expressément qu'il s'agissait d'un délai de rigueur et a demandé à la société VAG de lui accorder un délai supplémentaire de trois mois pour céder la concession;
que la société VAG a seulement accepté de proroger ce délai jusqu'au 31 décembre 1990.
Qu'il s'en suit que le concédant a autorisé son concessionnaire à lui présenter un successeur à son agrément mais pendant un délai déterminé;
Considérant que la société VAG a reconnu qu'elle avait donné un avis négatif aux candidatures de Monsieur Labadie et de Monsieur Jeannin pour la reprise de la concession ;
Considérant qu'en ce qui concerne la candidature de Monsieur Labadie celui-ci a par lettre du 5.12.1990 rétracté son offre de reprise de la concession "en faveur d'une autre orientation" ;
Considérant que dans ses conclusions de première instance, la société VAG a admis qu'elle avait accordé une financière à Monsieur Labadie pour la reprise de la concession de Toulouse qui était en difficultés financières ;
Considérant que la société VAG est libre d'accorder ou non une aide financière à ses concessionnaires en fonction de l'intérêt économique que présente pour elle leur entreprise dans la distribution de ses produits ;
Qu'en l'espèce, il n'est pas établi que la société VAG a consenti une aide sélective à Monsieur Labadie dans le seul but de faire échec aux pourparlers qu'il avait engagés avec la société Nouveau Garage de la Vanne.
Considérant qu'en ce qui concerne la candidature de Monsieur Labadie que la société VAG l'avait refusée en janvier 1991 en raison des engagements financiers pris par Monsieur Labadie pour sa concession VAG d'Auxerre puis l'avait acceptée quelques mois plus tard mais pour une autre opération à Sens.
Considérant qu'il n'est pas démontré que ce changement de position de la société VAG soit abusif dès lors que la première opération était beaucoup plus coûteuse que la seconde;
Qu'en effet, dans le cadre de la première opération, Monsieur Labadie devait payer la somme de 1.500.000 F pour le fonds de commerce et celle de 250.000 F par an pour le loyer commercial tandis que dans le cadre de la seconde opération Monsieur Labadie a réglé la somme globale de 1.887.800 F pour acquérir le fonds de commerce et les locaux ;
Considérant que c'est donc à bon droit que le Tribunal a débouté la société Nouveau Garage de la Vanne de sa demande en paiement de dommages et intérêts ;
Considérant qu'en revanche, cette société est en droit de réclamer à la société VAG le paiement de la somme de 497.76 F représentant le coût des travaux de réparations d'avaries subies par un véhicule neuf et constatées lors de la livraison ;
Que de même, la société Nouveau Garage de la Vanne est en droit d'obtenir le remboursement de la somme de 36.167,50 F représentant les frais de réparation de deux véhicules qu'elle a exposées dans le cadre de la garantie du constructeur ce qui a été accepté par Monsieur Lecointe inspecteur commercial de la société VAG qui a signé les demandes de garantie et les factures correspondantes ;
Considérant qu'eu égard aux circonstances de la cause, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge des parties leurs frais non répétibles ;
Par ces motifs : LA COUR : Infirmant partiellement le jugement déféré, Déboute la SA Nouveau Garage de la Vanne de sa demande en paiement de dommages et intérêts ; Condamne la SA VAG France à payer à la SA Nouveau Garage de la Vanne les sommes de 497,76 F et de 36.167,50 F; Déboute les parties de leurs demandes en paiement de frais irrépétibles; Condamne la société VAG France aux dépens de première instance et d'appel; Et pour ceux d'appel, accorde un droit de recouvrement direct au profit de la SCP Roblin Chaix de la Varenne.