CA Paris, 5e ch. B, 30 juin 1995, n° 94-6334
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Le Puy Automobile (Sté)
Défendeur :
VAG France (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Leclercq
Conseillers :
MM. Bouche, Le Fevre
Avoués :
Me Huyghe, SCP Barrier-Monin
Avocats :
Me Furtos, SCP Vogel.
Faits et procédure
Concessionnaire Seat au Puy depuis 1985, la société Le Puy Automobiles a conclu le 11 juillet 1988 avec la société Seat France un contrat de concession à durée indéterminée résiliable avec préavis d'un an. Ce contrat a été résilié sans préavis par la société Seat France le 2 juin 1993 au motif que la société Le Puy Automobiles avait manqué à son obligation contractuelle de fournir une caution bancaire.
La société Le Puy Automobiles a assigné la société Seat France le 28 juillet 1993 en nullité de la résiliation qu'elle estimait abusive, et en 500 000 F de dommages et intérêts sauf à parfaire.
Par jugement du 22 octobre 1993 le Tribunal de grande instance de Paris a débouté la société Le Puy Automobiles de ses demandes et l'a condamné à payer à la société Seat France 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Le Puy Automobiles a fait appel par acte du 27 janvier 1994.
Seat France a été absorbée par VAG France le 1er avril 1995 ;
Demandes et moyens des parties
Par conclusions signifiées les 26 mai et 2 août 1994 et 7 avril 1995 la société Le Puy Automobiles demande à la cour de réformer le jugement, de condamner, dans le dernier état de ses prétentions, la société Seat France devenue VAG France à lui payer 2 955 185,56 F en ce compris un stock de pièces détachées de 80 147,14 F et un reliquat de compte de 25 038,42 F, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Le Puy Automobiles soutient que l'absence de caution bancaire n'a été qu'un prétexte utilisé pour tenter de justifier la soudaineté d'une rupture décidée pour d'autres motifs, que la fourniture d'une caution bancaire ne se justifiait que dans la mesure où le concessionnaire ne réglait pas à la commande les véhicules et les pièces détachées et qu'une circulaire de la société Seat France du 15 février 1989 qui n'avait jamais été rétractée ou modifiée, ne sanctionnait l'absence de caution bancaire que d'une suppression de tout crédit qui avait pour seule conséquence que les règlements des commandes devaient se faire par chèque préalablement à l'expédition des véhicules.
Elle demande à la cour de rechercher, en application de l'article 1156 du Code civil, la commune intention des parties plutôt que de s'en tenir à la lettre de la clause contractuelle utilisée par la société Seat France et prétend que ses engagements pris par écrit les 15 janvier et 10 mars 1993 de régler ce qu'elle devait à la société Seat France par chèque à la commande étaient réguliers et la dispensaient de fournir une caution. Elle se plaint d'une baisse de son chiffre d'affaires et d'une diminution de la valeur de son fonds de commerce.
Par conclusions signifiées les 30 juin 1994, 19 mai et 2 juin 1995 la société Seat France et en dernier lieu la société VAG France demandent à la cour de débouter la société Le Puy Automobiles de l'ensemble de ses demandes, de confirmer le jugement du 22 octobre 1993 en toutes ses dispositions, de constater que la résiliation du 2 juin 1993 est conforme aux dispositions du contrat et valable, subsidiairement de constater que la demande de dommages et intérêts d'un montant de 2 954 424,36 F n'est pas justifiée, dire qu'en tout état de cause l'indemnisation du préjudice ne saurait excéder un an de marge semi-nette, de débouter la société Le Puy Automobiles de l'ensemble de ses demandes, de dire qu'elle ne peut formuler aucune demande relative au stock de pièces détachées dans la mesure où elle ne justifie pas en avoir demandé la reprise dans le délai prévu par le contrat, et qu'en tout état de cause ce stock doit faire l'objet d'une évaluation contradictoire, rejeter la demande nouvelle en appel de paiement de la somme de 23 038,12 F et condamner la société Le Puy Automobiles à payer 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société VAG France expose que la société Le Puy Automobiles a fourni une caution bancaire jusqu'en 1992 ainsi qu'elle en avait pris l'engagement le 11 juillet 1988, que cette caution devait garantir l'exécution intégrale du contrat et pas seulement le règlement des commandes et qu'un concessionnaire dépourvu de caution ne peut obtenir de crédit fournisseur et n'a de ce fait qu'une capacité de vente réduite. Elle précise que la société Le Puy Automobiles n'a d'ailleurs vendu en 1993 que dix véhicules en payant ses achats comptant alors qu'elle en a vendu quatre vingt cinq en 1992 sous couvert d'une caution bancaire. Elle ajoute qu'une facture de janvier 1993 de 751.696,59 F a été réglée avec un mois de retard et prétend que la circulaire de 1989 invoquée ne s'appliquait qu'aux relations contractuelles de l'année 1989 ;
Sur quoi, LA COUR
Considérant que par des motifs pertinents que la cour adopte, le Tribunal de grande instance de Paris a décidé à juste titre que les demandes dont la société Le Puy Automobiles l'avait saisi, ne pouvaient être accueillies ;
Qu'il convient d'ajouter que la circulaire du 15 février 1989 dont l'appelante se prévaut pour tenter d'écarter le motif de la résiliation incriminée, concernait expressément " les concessionnaires qui n'ont pas fourni à ce jour la caution bancaire contractuellement prévue pour 1989" et précisant que les "concessionnaires dont la caution bancaire ne nous serait pas parvenue le 28 février 1989, verraient leur encours supprimé à partir du 1er mars 1989 " ;
Que cette circulaire ne s'appliquait qu'à l'année 1989 ; qu'elle n'institue ainsi que le remarque pertinemment le tribunal ni tolérance de portée générale ni modalité d'exécution laissée au libre choix du concessionnaire de l'obligation de paiement qui lui incombe ;
Qu'aucune preuve n'est apportée de ce que la commune intention des parties aurait été de s'écarter de la lettre de l'article XV du contrat ; que la société Le Puy Automobiles qui a fourni une caution bancaire jusqu'en 1992, ne justifie d'aucune réitération de la circulaire de 1989 ; qu'elle ne peut même pas prétendre que la société Seat France ne lui a jamais indiqué qu'à défaut de satisfaire à la demande de fournir une caution pour l'année 1993, le contrat serait rompu sans préavis ;
Que la société Seat France l'a mise en demeure en effet par lettre du 19 mars 1993 de fournir dans un mois une caution bancaire en " attirant son attention ... sur les conséquences contractuelles prévues par l'article XV 3 du contrat " ce qui revenait expressément à la menacer d'une résiliation sans préavis pour faute contractuelle ;
Considérant qu'il résulte de la multiplicité des avertissements de la société Seat France que la société Le Puy Automobiles reconnaît et de l'offre d'un délai raisonnable de mise en conformité que la résiliation à effet immédiat dont la société Seat France a pris l'initiative est conforme tant à la lettre du contrat qu'à la commune intention des parties et ne s'accompagnait d'aucune brutalité ou autre faute susceptible de constituer un abus du droit de résiliation invoqué;
que la société Le Puy Automobiles n'a demandé en effet aucune prolongation de délai ni allégué la moindre difficulté pour obtenir le renouvellement de la caution précédente ; qu'elle s'est contentée de prétendre implicitement dans sa lettre du 10 mars 1993 que cette caution lui paraissait inutile du fait qu'elle réglait désormais ses achats par chèques à la commande ; qu'il ne lui appartenait pas de modifier unilatéralement des relations contractuelles en supprimant la garantie convenue de ses engagements ;
Considérant qu'ainsi que le rappelle la société VAG France l'article X III de la convention du 11 juillet 1988 prévoit qu'à l'expiration normale ou anticipée du contrat le concessionnaire pourra, dans les trente jours suivants, demander au concédant de lui reprendre son stock de pièces d'origine Seat et qu' " à défaut de respecter ce délai, il sera forclos " ; que la société Le Puy Automobiles ne justifie pas d'une telle demande ; qu'elle n'est pas recevable à réclamer la valeur du stock resté en sa possession ;
Considérant que la société Le Puy Automobiles avait assigné la société Seat France en indemnisation des conséquences d'une résiliation abusive du contrat de concession ; qu'il n'apparaît pas que les premiers juges aient été saisis d'une autre demande et en particulier d'une réclamation concernant un arrêté des comptes ; que la demande d'un paiement de 25 038,42 F présentée en appel est nouvelle et comme telle irrecevable ; qu'elle est au surplus contestée et n'est pas assortie des justifications indispensables ;
Considérant qu'il équitable d'accorder à la société VAG France la somme de 5 000 F au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;
Par ces motifs ; Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris, Déboute la société Le Puy Automobiles de ses demandes irrecevables et au surplus mal fondées de paiement de la valeur d'un stock de pièces détachées et d'un solde de compte, La condamne à payer à la société VAG France 5 000 F au titre de ses frais irrépétibles d'appel et aux dépens d'appel, Admet la société civile professionnelle Barrier-Monin, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.