CA Lyon, 3e ch., 8 septembre 1995, n° 93-02940
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Bureau système (SARL)
Défendeur :
Mazoyer
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Karsenty
Conseillers :
M. Durand, Mme Martin
Avoués :
Me Barriquand, SCP Junillon-Wicky
Avocats :
Mes Hohl, Pierson.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Le 1er octobre 1987 la société Bureau Système a conclu avec Madame Mazoyer un contrat d'agent commercial à durée indéterminée. Par courrier daté du 27 juin 1991 la société Bureau Système a indiqué à Madame Mazoyer qu'elle mettait fin au contrat du 1er octobre 1987 " les raisons vous ayant été communiquées antérieurement, nous n'avons pas à revenir dessus ".
Sur assignation de Madame Mazoyer le Tribunal de Commerce de Lyon a, par jugement du 8 avril 1993 condamné la société Bureau Système à payer à Madame Mazoyer la somme de 200.000 F à titre d'indemnité compensatrice outre intérêts et la somme de 5.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, a rejeté toutes autres demandes.
Appelante de cette décision, la société Bureau Système conclut au rejet des demandes de Madame Mazoyer et sollicite la somme de 1.450.000 F à titre de dommages-intérêts en réparation des fautes commises par l'intimée et la somme de 20.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle soutient que le décret du 23 décembre 1958 portant statut des agents commerciaux est inapplicable car le contrat du 1er octobre 1987 ne comprend pas devant les signatures la mention manuscrite obligatoire prévue à l'article 4 de ce contrat, que dès lors les parties sont régies par les seules obligations prévues au contrat qui n'envisagent d'indemnité que pour le cas de résiliation à l'initiative du mandant dans un délai inférieur à deux ans depuis sa signature.
A titre subsidiaire, l'appelante considère que les incidents invoqués par Madame Mazoyer ne sont pas de nature à justifier ses manquements constants à ses obligations qui tiennent à son activité insuffisante et irrégulière et qui a perdu 4 des 10 référencements Carrefour obtenus par la concluante ; qu'en outre Madame Mazoyer a démarché des magasins n'appartenant pas à son secteur, a commis des négligences dans le référencement de différents contrôles, n'a pas respecté les directives de son mandant ce qui a entraîné des pertes du chiffre d'affaires et des travaux administratifs très lourds, n'a pas respecté la politique commerciale ni les consignes de l'entreprise, n'a pas pris soin du matériel qui lui a été confié, établissait des bons de commande insuffisamment précis.
Madame Mazoyer conclut à la confirmation du jugement et au rejet des demandes de l'appelante et sollicité la somme de 20.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle observe que la clause dont fait état l'appelante n'existe pas et que le décret de 1958 est applicable à l'espèce ; que son mandant n'a invoqué aucune faute lors de la rupture et ne conteste pas le montant de l'indemnité de rupture.
Elle conteste les reproches qui lui ont été formulés a posteriori.
L'intimée soutient que la demande reconventionnelle n'est pas justifiée.
L'appelante réplique que le montant de l'indemnité de rupture n'est nullement fixé forfaitairement selon un calcul fixe et que toute indemnité éventuelle devra tenir compte des fautes commises par Madame Mazoyer et du préjudice subi par son mandant.
Elle fait valoir que la rupture d'un mandat d'intérêt commun peut être justifiée par une baisse du chiffre d'affaires ; que les fautes reprochées à sa mandataire constituent des manquements graves et caractérisés des obligations mises à sa charge de nature à lui faire perdre tout droit à indemnité.
MOTIFS ET DECISION :
Attendu que le contrat du 1er octobre 1987 ne contient pas la clause particulière invoquée par l'appelante qui, selon elle, rendrait inapplicable le décret du 23 décembre 1958 portant statut des agents commerciaux ;
Attendu que le décret susvisé auquel le contrat du 1er octobre 1987 se réfère expressément dispose (article 3) " que la résiliation du contrat par le mandant si elle n'est pas justifiée par une faute du mandataire ouvre droit au profit de ce dernier, nonobstant toute clause contraire, à une indemnité compensatrice du préjudice subi " ;
Attendu que la faute privative d'indemnité s'entend d'une faute grave consistant en un manquement caractérisé à une obligation essentielle découlant du contrat et en rendant la continuation impossible ;
Attendu que l'insuffisance d'activité dont se prévaut l'appelante, qui n'est pas par elle-même constitutive d'une faute si elle ne résulte pas de la carence démontrée de l'agent commercial, n'est pas établie puisque le chiffre d'affaires de l'année 1991 est supérieur à celui de l'année précédente et celui de l'année 1991 ne représente que six mois d'activité, le préavis ayant été exécuté pendant la période des vacances ;
Attendu que les éléments produits par la société Bureau Système pour justifier des manquements aux obligations du contrat sont contredits par les pièces versées aux débats par Madame Mazoyer qui font apparaître que celle-ci a exercé normalement son mandat en visitant la clientèle et en respectant les directives de l'entreprise ;
Attendu qu'ainsi à juste titre le Tribunal a considéré que la preuve de l'existence d'une faute privative d'indemnité de résiliation n'était pas rapportée ;
Attendu quedestinée à compenser le préjudice subi par l'agent du fait de la cessation de son mandat, l'indemnité de rupture doit s'apprécier en considération notamment de la perte des commissions auxquelles il pourrait raisonnablement prétendre et de la réduction du bénéfice qu'il aurait retiré des investissements réalisés pour l'exercice de son mandat ;
Attendu que compte tenu de la durée du mandat, le Tribunal a exactement apprécié le montant de l'indemnisation en retenant la valeur de deux années de commissions perçues par l'agent commercial ; que le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu que la société Bureau Système qui n'a pas rapporté la preuve de manquements aux obligations contractuelles ne peut sur le même fondement prétendre à des dommages-intérêts ; que sa demande reconventionnelle sera donc rejetée ;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à l'intimée la charge des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés en première instance et en appel ;
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Rejette les demandes de la société Bureau Système; Condamne la société Bureau Systèmes à payer à Madame Mazoyer Josianne la somme de 6 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; La condamne aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Junillon-Wicky, avoués.