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Décisions

CA Paris, 25e ch. A, 15 septembre 1995, n° 93-27749

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Duval (ès qual.)

Défendeur :

New Holland France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

(faisant fonction) : Mme Renard-Payen

Conseillers :

MM. Faucher, Weill

Avoués :

SCP Roblin Chaix de Lavarene, Me Ribaut

Avocats :

Mes Bourgeon, Triet.

T. com. Paris, 9e ch., du 4 nov. 1993

4 novembre 1993

LA COUR statue sur l'appel interjeté par Maître Duval agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Codimat Fangous du jugement rendu le 4 novembre 1993 par le Tribunal de commerce de Paris (9e Chambre) qui dans le litige l'opposant ès qualités à la société New Holland anciennement dénommée Fiatgeotech relativement à la résiliation du contrat de concession exclusive liant les parties, l'a déboutée de ses demandes, l'a condamnée à payer à l'intimée la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC et a fixé à 458 891,01 F la créance de la société New Holland dans la liquidation judiciaire de la société Codimat Fangous.

En vertu de divers contrats dont le dernier en date du 23 décembre 1985, la société Codimat Fangous (Codimat) était concessionnaire exclusif de Fiatgeotech pour les tracteurs Fiat et divers matériels agricoles Laverda et Heston, sur un ensemble de cantons du Maine-et-Loire, de la Loire Atlantique et de la Sarthe.

Le 9 octobre 1991, Fiatgeotech a résilié ces concessions avec effet immédiat et le 23 octobre suivant la société Codimat a été mise en liquidation judiciaire, Marie-Claude Duval étant désigné en qualité de mandataire liquidateur.

Le 10 mars 1992, Marie-Claude Duval ès qualités a fait assigner Fiatgeotech afin d'obtenir paiement d'une indemnité provisionnelle de 1 500 000 F pour résiliation abusive des concessions et la désignation d'un expert ainsi que l'indemnisation de ses frais irrépétibles.

Fiatgeotech s'est opposée à cette action et a sollicité la fixation de sa créance à 458 891,01 F, à compenser le cas échéant avec les condamnations mises à sa charge.

C'est dans ces conditions qu'à été rendu le jugement précité, le tribunal estimant que Fiatgeotech désormais dénommée New Holland France était bien fondée à résilier sans préavis les contrats, en raison de l'insolvabilité objectivement établie de la société Codimat et ce, par application de l'article 16 des contrats.

Marie-Claude Duval, ès qualités, poursuit l'infirmation de ce jugement et prétendant que l'intimée a abusivement résilié les contrats de concession à durée indéterminée qui la liaient à la société Codimat reprend devant la Cour l'intégralité de ses demandes initiales.

Elle reproche au tribunal d'avoir :

- assimilé l'insolvabilité à la simple cessation des paiements,

- déduit de considérations erronées un prétendu état d'insolvabilité de Codimat et son caractère irrémédiable, alors que la preuve n'en est pas rapportée par Fiatgeotech,

- fait abstraction de la mauvaise foi qui a dicté la décision de résiliation prise par celle-ci.

La société New Holland France conclut à titre principal à la confirmation du jugement dont appel et à l'allocation d'une somme de 20 000 F en vertu de l'article 700 du NCPC.

Elle demande à titre subsidiaire à la Cour de débouter Marie-Claude Duval de ses demandes et très subsidiairement, d'en réduire le quantum et de prononcer la compensation entre sa créance et les condamnations mises à sa charge.

Sur quoi, LA COUR,

Considérant qu'aux termes de l'article 16-1-A-a des contrats, Fiatgeotech était autorisée à résilier le contrat avec effet immédiat en cas de survenance de " tout fait objectif indiquant un état d'insolvabilité ";

Considérant qu'il est établi par les pièces versées aux débats que la société Codimat a commencé à connaître des difficultés financières courant 1990 ; qu'elle a notamment sollicité les 28 septembre et 25 octobre 1990 de Fiatgeotech des reports d'échéances qui lui ont été accordés pour une somme de 500 000 F ; que cependant la situation du concessionnaire ne s'est pas améliorée et le 9 octobre 1991, Fiatgeotech informée de nouveaux impayés, a porté à la connaissance de la société Codimat qu'elle résiliait les contrats à effet immédiat, en application de l'article 16, en précisant que " les documents comptables que vous avez fournis prouvent l'état d'insolvabilité de votre société " ;

Considérant que l'insolvabilité se définissant comme l'état du débiteur dont l'ensemble du passif est supérieur à l'ensemble de l'actif, telle était bien la situation de la société Codimat dans la mesure où, selon son propre bilan pour l'exercice 1990, le montant total du seul passif circulant était de 4 468 000 F, alors que le total de l'actif n'était que de 4 188 000 F;

Considérant que la société Codimat parfaitement consciente de la gravité de sa situation a tenté de prendre, au début de l'année 1991, des mesures de restructuration de l'entreprise par une réduction des charges et la réalisation des actifs, lesquelles n'ont pas abouti à redresser la situation ;

Que contrairement aux prévisions de la société Codimat, les cinq premiers mois de l'année 1991 se sont traduits par une perte de plus de 75 000 F, selon situation établie par le cabinet Devaux Audit Conseil versée aux débats par l'appelante ;

Considérant qu'il s'ensuit que c'est avec pertinence que le tribunal a constaté que les comptes de l'exercice 1991 font apparaître un état de déséquilibre indiquant un état d'insolvabilité, clairement exprimé par le passif de près de 5 000 000 F, constaté quelques semaines après la résiliation de la concession ; que les actifs à leur valeur évaluée d'exploitation, lui étaient inférieurs d'environ 1 500 000 F ;

Considérant que la société Codimat informée tant des stipulations contractuelles de l'article 16-1-A-a que de la gravité de sa situation, Marie-Claude Duval n'est pas fondée à reprocher à Fiatgeotech de ne pas avoir informé son concessionnaire, préalablement au 9 octobre 1991, de son intention de résilier les contrats ;

Que par ailleurs, aucune procédure collective n'étant ouverte à cette date à l'encontre de la société Codimat, il ne peut être fait grief à l'intimée d'avoir violé les dispositions d'ordre public de la loi du 25 janvier 1985;

Qu'enfin, les divers actes intervenus antérieurement entre les parties concernant tant les extensions que les diminutions du territoire de la concession n'ayant fait l'objet d'aucun litige ni réclamation particulière de la société Codimat, ces événements antérieurs sont sans rapport avec la résiliation ;

Considérant qu'il convient dans ces conditions de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Marie-Claude Duval de ses demandes, Fiatgeotech ayant résilié les contrats conformément aux stipulations contractuelles;

Considérant par ailleurs que la créance de l'intimée ne fait l'objet d'aucune contestation, qu'il convient de confirmer encore le jugement de ce chef ;

Considérant que les premiers juges ayant suffisamment indemnisé New Holland France de ses frais irrépétibles, il n'y a pas lieu à lui accorder une indemnisation complémentaire ;

Par ces motifs : Confirme le jugement déféré, Déboute Marie-Claude Duval ès qualités de mandataire liquidateur de la société Codimat Fangous de l'ensemble de ses prétentions, Dit n'y avoir lieu à indemnisation complémentaire de la société New Holland France au titre de l'article 700 du NCPC, Condamne Marie-Claude Duval ès qualités aux dépens d'appel, admet Maître Alain Ribaut, avoué, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du NCPC.