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Décisions

CA Paris, 25e ch. B, 29 septembre 1995, n° 12-94

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

ADM Chaudronnerie (SA)

Défendeur :

Fassi

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

(faisant fonctions) : Mme Pinot

Conseillers :

M. Weill, Mme Canivet

Avoués :

SCP Garrabos-Alizard, SCP Gibou-Pignot, Grappotte-Benetreau

Avocats :

Mes Dumoulin, Catoni.

T. com. Paris, 6e ch., du 6 sept. 1993

6 septembre 1993

LA COUR statue sur l'appel relevé par la société ADM Chaudronnerie du jugement contradictoire, assorti de l'exécution provisoire, rendu le 6 septembre 1993 par le Tribunal de commerce de Paris qui a retenu sa compétence et l'a condamnée à payer à M. Fassi la somme de 102 885,50 F, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 1992, outre 15 000 F par application de l'article 700 NCPC, a rejeté les demandes relatives à l'indemnité de préavis et de rupture formées par M. Fassi ainsi que toutes autres prétentions des parties.

Le litige porte d'une part sur le paiement d'une part sur le paiement d'une commission réclamé par M. Fassi sur un marché conclu le 31 décembre 1991 entre Foster et la société ADM Chaudronnerie, que celle-ci se refuse à régler, au taux sollicité, au motif que la société ADM Chaudronnerie, qui est son agent commercial, n'est pas intervenu dans la conclusion dudit marché, d'autre part sur les indemnités réclamées par M. Fassi consécutives à la rupture prétendue du fait de la société ADM Chaudronnerie du contrat les liant.

Par le jugement déféré, le tribunal, pour l'essentiel, a retenu que la commission au taux dégressif de 4 à 2,5 % était due à M. Fassi sur le montant du contrat en cause dans la mesure où l'intervention de M. Fassi avait été déterminante ; que le contrat d'agent commercial n'était pas rompu du fait de l'opposition des parties sur le montant de la commission sollicitée.

Appelante, la société ADM Chaudronnerie soutient :

- que le Tribunal de commerce de Paris était territorialement incompétent, M. Fassi n'exécutant aucune prestation à Paris,

- que M. Fassi n'a assumé aucun rôle dans la conclusion du contrat conclu avec Foster qu'elle avait elle-même approchée depuis le 26 octobre 1987,

- que la demande relative à l'indemnité de préavis est infondée pour ne reposer sur aucune disposition légale, qu'en outre, il n'est pas établi que M. Fassi aurait été, du fait de son mandant, mis dans l'impossibilité d'exécuter son préavis,

- que l'indemnité de rupture n'est pas davantage justifiée au regard du peu d'activité déployée par M. Fassi, que celui-ci ne démontre pas que la rupture aurait entraîné une perte de clientèle ou qu'il aurait été privé du droit de prospecter la clientèle par lui apportée,

- que la demande formée par M. Fassi revêt un caractère manifestement abusif.

La société ADM Chaudronnerie prie en conséquence la Cour de dire que la juridiction territorialement compétente est le Tribunal de commerce de Lyon,

De débouter M. Fassi de l'ensemble de ses prétentions, de condamner celui-ci à payer 20 000 F à titre de dommages-intérêts et encore 20 000 F en application de l'article 700 NCPC.

Intimé et appelant incident, M. Fassi fait valoir :

- que l'exception d'incompétence a été écartée à bon droit puisqu'il exerce son activité à Paris, lieu de son immatriculation professionnelle,

- que les documents produits mettent en évidence que la société ADM Chaudronnerie n'avait pas d'antériorité de relations commerciales avec le client en cause, que, par contre, l'antériorité des relations entretenues par lui-même comme la réalité de son intervention lors de la conclusion du contrat conclu entre Foster et la société ADM Chaudronnerie sont établis,

- qu'il n'a perçu aucune somme concernant le règlement de la commission litigieuse,

- qu'en se refusant à lui communiquer les informations concernant le marché en cause, en ne réglant pas la commission due, en s'abstenant de répondre aux courriers qui lui étaient adressés, la société ADM Chaudronnerie a manqué à ses obligations ce qui justifie la résiliation du contrat à ses torts exclusifs,

- que l'indemnité de rupture doit être calculée, selon les usages, sur la base de 2 années de commissions,

- qu'en raison du comportement fautif du mandant, le préavis, prévu contractuellement, n'a pu être respecté,

- que, de plus le comportement fautif de la société ADM Chaudronnerie a causé un préjudice supplémentaire pour l'avoir discrédité auprès de sa clientèle.

Il demande donc à la Cour de confirmer la décision entreprise en ce qui concerne les condamnations prononcées, mais, par voie de réformation partielle, de condamner la société ADM Chaudronnerie à lui payer :

139 941 F à titre d'indemnité de rupture,

41 492,50 F à titre d'indemnité de préavis,

20 000 F à titre de dommages-intérêts pour le caractère abusif de la rupture,

lesdites sommes augmentées des intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 1992, outre la somme de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 susvisé.

En réplique, la société ADM Chaudronnerie fait observer que les documents produits par M. Fassi sont dénués de valeur probante, que celui-ci aurait reconnu aux termes de l'exploit introductif d'instance qu'il aurait perçu la moitié de la commission litigieuse, que la preuve d'une faute de sa part justifiant la rupture des relations n'est pas rapportée, que la demande tendant à obtenir l'indemnisation d'un préjudice supplémentaire est irrecevable.

M. Fassi rétorque que les doubles des correspondances échangées constituent des preuves suffisantes, que la société ADM Chaudronnerie n'établit pas l'existence du règlement dont elle se prévaut.

Sur quoi, LA COUR,

Considérant que le tribunal a justement retenu sa compétence, par application des dispositions de l'article 46 NCPC en relevant que M. Fassi exerçait son activité d'agent commercial à Paris, lieu de son immatriculation sur le registre spécial des agents commerciaux, et où il percevait les commissions dues notamment par la société ADM Chaudronnerie ;

Considérant que pour prétendre que M. Fassi n'est pas intervenu dans la conclusion du contrat passé avec Foster, la société ADM Chaudronnerie s'appuie d'une part sur la démarche effectuée en octobre 1987 par l'un de ses représentants suivie d'une visite de ses propres locaux, en juin 1988, par un collaborateur de Foster, d'autre part, sur le courrier du 3 décembre 1992 du client écartant toute intervention de M. Fassi ;

Considérant que l'existence de contacts antérieurs à la conclusion du contrat, le 31 décembre 1991, entre le client et la société ADM Chaudronnerie et même antérieurement à la conclusion du contrat d'agent commercial bénéficiant à M. Fassi ne saurait suffire à établir la preuve que c'est seulement en considération des relations préexistantes que le contrat litigieux a été conclu dès lors que pendant plus de deux ans aucun contrat n'a été établi entre les deux sociétés ;

Que par contre, il ressort des documents produits que M. Fassi était en contact avec Foster pendant l'année 1988, que notamment, il avait perçu des commissions de Foster entre juin 1988 et décembre 1991 ; que le courrier du 3 décembre 1992 apparaît dénué de valeur probante dans la mesure où, établi sans respecter les formes légales, à une époque où le litige était né, il relate des faits qui se trouvent contredits par les correspondances adressées par la société ADM Chaudronnerie sous la signature de M. Fassi ; que sur ce point, il ne peut être fait grief à ce dernier de n'avoir produit les justifications des courriers par lui adressés au client alors qu'il ressort du courrier en date du 17 avril 1991, signé par le représentant de la société ADM Chaudronnerie, adressé à Foster que c'est sur l'indication de M. Fassi que le marché en cause a été connu ;

Que c'est donc à bon droit que M. Fassi sollicite le règlement de la commission selon la base contractuelle ;

Considérant que contrairement à l'indication de la société ADM Chaudronnerie, M. Fassi n'a nullement reconnu avoir perçu la moitié de la commission réclamée, qu'il s'est borné à faire état de l'offre de la société ADM Chaudronnerie ; qu'il appartient à celle-ci de rapporter la preuve qu'elle s'est libérée, fût-ce partiellement, de son obligation de paiement, ce qu'elle ne fait pas;

Que le jugement sera donc confirmé de ce chef ;

Considérant que la société ADM Chaudronnerie a agi fautivement en éludant ses obligations à l'égard de son mandataire, qu'elle s'est refusée à répondre aux légitimes demandes de celui-ci, qu'elle s'est abstenue de lui communiquer les documents lui permettant d'établir le montant de la commission en cause ; qu'un tel comportement n'a plus permis le maintien des relations contractuelles ; que le contrat se trouve donc résilié aux torts exclusifs de la société ADM Chaudronnerie, aucun manquement n'étant susceptible d'être mis à la charge de l'agent qui a déployé son activité avec loyauté et diligence comme l'attestent les documents produits; qu'il ne peut lui être reproché la modicité de ses résultats s'agissant d'un secteur particulier et du caractère récent du mandat ;

Considérant que M. Fassi est bien fondé à solliciter le paiement de l'indemnité de rupture sur la base de deux années de commission au regard de la spécificité de la prospection et de la longueur et de la difficulté des démarches à entreprendre ;

Que la somme de 130 000 F doit lui être allouée de ce chef ;

Considérant que la demande tendant à l'allocation des intérêts au taux légal ne peut être accueillie, la présente décision constituant le droit pour M. Fassi, de percevoir l'indemnité de résiliation ;

Considérant par contre, qu'il n'est nullement démontré que M. Fassi n'a pas été en mesure d'effectuer le préavis prévu contractuellement, étant précisé que la société ADM Chaudronnerie a soutenu que le contrat était maintenu ; que cette demande n'est donc pas justifiée ;

Considérant qu'à l'appui de sa demande complémentaire de dommages-intérêts, qui ne constitue pas une demande nouvelle en cause d'appel, M. Fassi ne rapporte pas la preuve que son image personnelle auprès de sa clientèle aurait été atteinte du fait des agissements de la société ADM Chaudronnerie ; que cette prétention sera écartée ;

Considérant que l'équité, comme la situation économique des parties, justifient de faire bénéficier M. Fassi des dispositions de l'article 700 à hauteur de 5 000 F ;

Considérant qu'il résulte du sens du présent arrêt que les prétentions accessoires de la société ADM Chaudronnerie ne peuvent prospérer ;

Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris sur les condamnations prononcées mais le réformant pour le surplus et y ajoutant : Prononce la résiliation du contrat d'agent commercial aux torts exclusifs de la société ADM Chaudronnerie ; Condamne la société ADM Chaudronnerie à payer à M. Fassi la somme de 130 000 F à titre d'indemnité de rupture ; Déboute les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire ; Condamne la société ADM Chaudronnerie à payer à M. Fassi la somme de 5 000 F par application de l'article 700 NCPC ; Condamne la société ADM Chaudronnerie aux dépens d'appel et admet la SCP Gibou Pignot Grappotte Benetreau, avoué, au bénéfice de l'article 699 NCPC.