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Décisions

Cass. com., 3 octobre 1995, n° 93-17.052

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Proengin (SA)

Défendeur :

Commerciale Igena (SA), Industrial Velera (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Léonnet

Avocat général :

M. de Gouttes

Avocats :

Mes Ricard, Pradon.

T. com. Versailles, 1re ch., du 27 févr.…

27 février 1991

LA COUR : - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Versailles, 6 mai 1993) que la société Proengin a consenti le 3 février 1984 à la société Commercial Igena (société Igena), un contrat de distribution exclusive pour l'Espagne pour une durée d'un an renouvelable en vue de commercialiser les produits qu'elle fabrique et notamment des dispositifs de réduction de voilures appelés enrouleurs ; que les relations entre les parties ne donnèrent lieu à aucun incident jusqu'en 1989 ; qu'à partir de cette date, en effet, la société Proengin estimant que l'activité de la société Igena était insuffisante l'avisa le 2 mai 1989 que " l'exclusivité de distributions des enrouleurs Profurl et tous produits fabriqués " par l'entreprise cesserait à compter du 31 janvier 1990 ; que, dès le mois de septembre 1989, la société Proengin prit contact avec la société de droit espagnol Industrial Velera Marsal (société Velera Marsal) pour prospecter le marché espagnol ; que la société Igena alléguant que la société Proengin avait commis une faute contractuelle en lui retirant la distribution exclusive de ses produits et que la société Valera Marsal avait commis des actes de concurrence déloyale à son égard les a assignées pour qu'elles soient condamnées à lui verser solidairement des dommages et intérêts ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que la société Proengin fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée in solidum avec la société Velera Marsal au payement de dommages et intérêts, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le juge a l'obligation de préciser les éléments de preuve, régulièrement communiqués sur lesquels il fonde sa décision ; qu'en se bornant à affirmer, pour retenir la complicité fautive de la société Proengin, que " les publicités et les documentations utilisées par la société Velera Marsal avaient été fournies par Proengin ", sans mentionner les pièces régulièrement produites et communiquées à l'autre partie sur lesquelles elle s'est fondée pour tenir établi ce fait, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, qu'il appartient à la société Igena en sa qualité de demandeur, d'établir la preuve positive du manquement imputé à la société Proengin à son obligation de veiller au respect de la concession exclusive consentie à la société Igena ; que la cour d'appel a déclaré qu'il n'apparaît pas que " celle-ci ait tenté de faire respecter ce contrat alors qu'elle ne pouvait ignorer que Velera Marsal présentait ses productions lors du salon précité " ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du Code civil ; et alors, enfin, qu'une faute ne pouvait être retenue à l'encontre de la société Proengin pour avoir méconnu la concession exclusive consentie à la société Igena, que si au moment des faits de nature à établir cette faute, la société Proengin était encore tenue d'une obligation contractuelle à l'égard de la société Igena ; qu'en retenant qu' " il n'apparaît pas que la société Proengin ait tenté de faire respecter ce contrat alors qu'elle ne pouvait ignorer que Velera Marsal présentait ses productions lors du salon précité ", sans mentionner la date du salon en cause au cours duquel ont été commis les faits litigieux et sans préciser que dans le même temps, la société Proengin était encore tenue par le contrat de concession exclusive signé avec la société Igena, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel, après avoir analysé les documents versés au débat qui faisaient ressortir que la société Velera Marsal s'était livrée à des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Igena en reproduisant " ses propres publicités " lors du salon nautique de Barcelone, n'avait pas à mentionner à nouveau ces pièces puisqu'elle relevait qu'elles avaient été fournies à la société Industrial Velera Marsal par la société Proengin ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt, après avoir relevé que les relations contractuelles entre la société Igena et la société Proengin s'étaient déroulées " de façon satisfaisante jusqu'au début de l'année 1989 " a constaté que la société Proengin s'était entendue avec la société Velera pour distribuer ses produits en Espagne, celle-ci ayant prospecté ce marché dès le mois de septembre 1989 et ayant présenté " des enrouleurs dans deux foires expositions sans attendre l'expiration du contrat d'exclusivité consenti à la société Commmercial Igena " qui devait cesser le 30 janvier 1990; qu'en l'état de ces énonciations et constatations, d'où il résultait que les faits litigieux s'étaient déroulés alors que le contrat de concession exclusif était toujours en cours, la cour d'appel, qui n'a pas inversé la charge de la preuve, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que la société Proengin fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée in solidum avec la société Velera Marsal au payement des dommages et intérêts, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel a tenu pour un fait constant que " la société Proengin estimant que l'activité de son distributeur était insuffisante, lui adressa par télécopie du 2 mai 1989, un avis de résiliation du contrat à compter du 30 janvier 1990 " qu'en retenant, que par télécopie du 2 mai 1989, la société Proengin " ne prend pas position sur le contrat de distribution lui-même ", la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, qu'en retenant encore que par la télécopie du 2 mai 1989, la société Proengin " indique qu'elle entend reconsidérer l'exclusivité consentie ", et en énonçant néanmoins qu' " elle ne prend pas position sur le contrat de distribution lui-même ", la cour d'appel a derechef entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, que la télécopie du 2 mai 1989 mentionnait que " nous sommes au regret de vous informer que l'exclusivité de distribution des enrouleurs Profurl et tous produits fabriqués par Proengin cessera donc à compter du 31 janvier 1990, en vertu de notre lettre d'agrément du 3 février 1984 " ; qu'en décidant que ce document ne vaut pas préavis de rupture par la société Proengin du contrat de concession exclusive consentie à la société Igena, la cour d'appel a dénaturé le sens clair et précis de ladite télécopie du 2 mai 1989, en violation de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt interprétant les termes " ambigus " de la télécopie du 2 mai 1989 relève que ce document, s'il entendait dénoncer l'exclusivité consentie par la société Proengin à la société Igena, ne prenait pas position sur le contrat de distribution lui-même qui resta en discussion jusqu'au 8 décembre 1989, date à laquelle la société Proengin fit connaître à la société Igena qu'après avoir " mûrement réfléchi ", elle avait décidé de confier la distribution exclusive des enrouleurs à la société Velera Marsal; qu'ainsi, c'est hors toute dénaturation et sans se contredire, que la cour d'appel a décidé que la société Proengin avait commis une faute en ne lui laissant qu'un délai d'un mois pour mettre fin à leurs relations commerciales; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile : - Attendu que la société Igena a sollicité sur le fondement de ce texte, l'allocation d'une somme de 12 000 francs ;

Mais attendu qu'il y a lieu d'accueillir partiellement cette demande ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.