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Décisions

CA Bastia, ch. civ., 9 octobre 1995, n° 1249-93

BASTIA

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Maestracci

Défendeur :

Bastia Primeurs (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Riolacci

Conseillers :

MM. Tallinaud, Avon

Avoués :

Mes Canarelli, Albertini, Jobin

Avocats :

Mes Raffalli, Mariani, Maurel.

T. com. Bastia, du 16 avr. 1993

16 avril 1993

Madame Pinna épouse Maestracci Danielle et Jean-Michel Pinna ont interjeté appel d'un jugement rendu le 16 avril 1993 par le Tribunal de commerce de Bastia qui les a condamnés solidairement à payer à la SARL Bastia Primeurs la somme de 51 164,47 F représentant le montant de marchandises livrées du chef de Antoinette Rossi, décédée, outre 5 000 F au titre des frais irrépétibles ;

Madame Maestracci expose qu'à la suite du décès de la propriétaire du fonds de commerce " Les halles de Sainte Lucie " en 1988, celui-ci est devenu un bien propre de Marie-Xavière Rossi ; que, par convention du 20 décembre 1988 entre tous les enfants de cette dernière, Jean-Michel Pinna s'engageait à gérer le commerce, demandant à ses soeurs, dont la concluante, d'être vendeuses bénévoles, lui-même ne pouvant apparaître officiellement en raison de la faillite dont il a été l'objet ;

Que la livraison des marchandises dont le paiement est réclamé a bénéficié à Jean-Michel Pinna qui devra en supporter seul la charge financière ;

Que Monsieur Pinna ne peut sérieusement remettre en cause la convention lui donnant la gestion du fonds, étant démontré qu'il a accompli seul les actes d'administration sur ce fonds, et qu'il est le seul à détenir les documents comptables s'y référant ;

Elle conclut au débouté de la demande du créancier en tant que dirigée contre elle, et réclame solidairement à son frère et au créancier les sommes de 10 000 F à titre de dommages et intérêts et 8 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Monsieur Pinna soutient de son côté que le commerce, propriété de sa mère Xavière Rossi, était dirigé de fait par deux de ses soeurs dont l'appelante ; que cette dernière était seule connue des fournisseurs pour passer les commandes ; que les deux soeurs ont disposé des fruits et revenus de ce commerce sans partage avec les autres frères et soeurs ; que l'indivision devait être appelée en cause dans son intégralité pour faire application des dispositions de l'article 815-10 du Code civil sur la responsabilité de chaque indivisaire à supporter les dettes à proportion de ses droits dans l'indivision ;

Il conclut au principal à sa mise hors de cause et à la responsabilité unique de l'appelante dans le cadre de la gestion d'affaires, à laquelle il réclame la somme de 4 000 F HT au titre des frais irrépétibles ;

La SARL Bastia Primeurs, créancière, conclut à la confirmation pure et simple de la décision déférée, précisant qu'elle n'a point besoin de mettre en cause tous les indivisaires qu'elle ignore, n'ayant eu à connaître que les appelants, ainsi que l'ont retenu les premiers juges ;

Sur quoi, LA COUR,

Attendu qu'à la suite du décès de Antoinette Rosi, propriétaire du fonds de commerce dont s'agit, ce bien est devenu un bien propre de sa soeur Marie-Xavière Rossi veuve Pinna, non décédée, selon testament du 19 décembre 1966 ;

Attendu que pour des raisons personnelles, la légataire n'entendant pas exploiter personnellement ce fonds, une réunion de l'ensemble des membres de la famille aboutit à un accord unanime du 20 décembre 1988, selon lequel Dominique Pinna serait le seul responsable de la poursuite de l'exploitation pour un mois, avec François Pinna à la comptabilité et Jean-Michel Pinna prenant la gérance ;

Attendu qu'il résulte des éléments du dossier et des pièces produites qu'en réalité, si Jean-Michel Pinna a tenu la gérance effective du fonds (signature des chèques au nom du commerce, résiliation du bail, inventaire du stock, décompte de sommes prélevées de la caisse pour ses soeurs et sa mère pour l'année 1989), les soeurs Pinna Marie épouse Jaumon et Pinna Danielle épouse Maestracci ont également exploité le commerce ainsi qu'il résulte des bons de livraison portant soit la mention ou la signature " Danielle " ou " Marie " ;

Qu'ainsi, à bon droit, les premiers juges ont pu retenir que les fournisseurs, étrangers à la convention du 20 décembre 1988, connaissaient l'appelante comme étant un des interlocuteurs habituels au nom de laquelle bons de commande et bons de livraison étaient établis ; qu'il est dès lors sans intérêt d'attraire d'autres membres d'une indivision au demeurant invoquée mais non justifiée en l'état des droits propres de Madame Xavière Rossi sur ce fonds ;

Attendu toutefois que dans le cadre de la procédure diligentée par Bastia Primeurs contre la seule Madame Maestracci, les premiers juges ne pouvaient, sur un appel en garantie de cette dernière contre son frère, prononcer une condamnation solidaire au profit du créancier qui ne l'a pas réclamée ;

Attendu que si Monsieur Pinna ne pouvait avoir une gérance officielle du fait de sa mise en liquidation de biens par extension depuis 1980 en sa qualité de co-gérant de la société Corse Conserves Venturini-Pinna, en revanche, les actes de gérance de fait, déjà rappelés, sur le fonds, justifient que celui-ci apporte sa garantie à la condamnation solidaire prononcée contre sa soeur, à proportion de sa participation;

Attendu qu'il n'y a pas place, en l'état, pour application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que les appelants supporteront chacun par moitié la charge des entiers dépens ;

Par ces motifs, LA COUR, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, contradictoirement, Reçoit Madame Maestracci et Monsieur Pinna en leur appel, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné Madame Maestracci à titre principal, Le réforme sur la condamnation solidaire avec Monsieur Pinna, Et statuant à nouveau, Dit qu'eu égard à la gérance de fait du fonds de commerce, Monsieur Pinna Jean-Michel doit sa garantie à Madame Maestracci pour le tiers des condamnations prononcées contre elle, Condamne les appelants à supporter chacun par moitié la charge des dépens.