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Décisions

CA Paris, 16e ch. B, 20 octobre 1995, n° 95-011430

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Gordji

Défendeur :

Desmet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ballu

Conseillers :

Mmes Pierre-Decool, Collot

Avoués :

SCP Bommart Forster, SCP Mira Bettan

Avocats :

Mes Darcet, Moutot.

T. com. Paris, 16e ch., du 14 mars 1995

14 mars 1995

LA COUR,

Statuant sur l'appel interjeté par Boztchelo Djamchid Gordji d'un jugement du 14 mars 1995 par lequel le Tribunal de commerce de Paris a :

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée dans un contrat de location-gérance du 22 février 1989 au profit de la Demoiselle Desmet,

- ordonné l'expulsion de Gordji des locaux sis à Paris 16ème 12, rue de Passy, tant de sa personne que de tous occupants de son chef,

- condamné ledit Gordji à payer à la Demoiselle Desmet la somme de 119 549 F avec intérêts au taux légal à compter du 9 février 1994,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné en outre Gordji au paiement de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens.

Vu le jugement entrepris et l'ordonnance du Premier Président du 4 juillet 1995 arrêtant l'exécution provisoire du jugement et renvoyant l'affaire pour être plaidée à jour fixe devant cette chambre à l'audience du 15 septembre 1995 ;

Considérant que la Demoiselle Desmet a, par acte du 22 février 1989, donné en location-gérance à Gordji un fonds de commerce sis 12, rue de Passy à Paris 16ème ; que le 9 février 1994, elle lui a fait commandement, visant la clause résolutoire du contrat de lui payer la somme de 52 246,13 F restant due à titre de redevance au 1er février 1994 ;

Considérant que faute de règlement, la Demoiselle Desmet a saisi le Président du Tribunal de commerce statuant en référé qui, par ordonnance du 16 juin 1994, a condamné Gordji au paiement de la somme provisionnelle de 30 000 F et a désigné de Zitter, Huissier Audiencier aux fins de vérifier les surfaces louées et de faire les comptes entre les parties, et autorisé la demanderesse à assigner au fond ;

Considérant que par Procès-verbal du 4 octobre 1994, l'Huissier commis a constaté que les locaux, occupés par le commerce objet du contrat de location-gérance, correspondaient bien à ceux décrits dans le contrat contrairement à ce que Gordji avait déclaré à l'audience de référé et a établi le compte entre les parties au 1er juillet 1994 soit la somme de 93 931,40 F ;

Que par exploit du 8 novembre 1994, la Demoiselle Desmet a fait sommation à Gordji de payer la somme de 119 549 F arrêtée au 30 octobre 1994 et faute de paiement a saisi le Tribunal qui a statué par la décision entreprise ;

Considérant que Gordji conclut à ce que la Cour prononce la nullité du commandement du 9 février 1994, dise n'y avoir lieu à acquisition de la clause résolutoire ni à expulsion et infirmant la décision entreprise, constate qu'il n'y a ni clientèle, ni achalandage ni nom commercial consenti dans le contrat de location-gérance, requalifie ledit contrat en sous-location, ordonne la restitution des redevances versées soit 6 523 F par mois depuis février 1989, condamne la Demoiselle Desmet au paiement d'une indemnité selon l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens ;

Considérant que la Demoiselle Desmet conclut à la confirmation du jugement et se portant appelante incidente demande la condamnation de Gordji au paiement de l'arriéré des redevances de location-gérance qu'elle évalue à 213 452,20 F avec intérêts de droit et anatocisme, outre des dommages-intérêts et une indemnité selon l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; qu'elle demande également que, vu le commandement du 9 février 1994 visant la clause résolutoire, dire n'y avoir lieu à disqualification compte tenu des dispositions de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile, déclarer ladite clause acquise et prononcer l'expulsion de Gordji et de tous occupants de son chef ;

Considérant que le jugement entrepris étant réputé contradictoire, l'appelant n'ayant pas comparu, les moyens par lui exposés devant la Cour sont redevables contrairement à ce que soutient l'intimée ;

Considérant que par acte sous seing privé du 22 février 1989 intitulé " contrat de gérance libre " la Demoiselle Desmet et Gordji ont convenu ce qui suit :

" Article 1

- Mademoiselle Desmet donne en location-gérance à Monsieur Gordji Djamchid la partie du fonds de commerce intéressant le prêt à porter féminin exploité dans une boutique ayant façade sur la rue de Passy n° 12 occupant une partie de l'ancienne porte cochère de l'immeuble,

- le locataire étant parfaitement informé que Mademoiselle Desmet ou ses successeurs éventuels pouvait exercer dans les locaux sis à Paris 6, rue Gavarni (16ème) et donnant au fond de la cour du 12, rue de Passy une exploitation distincte,

- par ailleurs, Mademoiselle Desmet, titulaire des baux principaux se réserve toute l'exploitation prévue dans le bail initial qui lui a été consenti sans aucune réserve à l'égard de l'exploitation donnée en gérance par les présentes,

Article 2

- cette location-gérance portera sur la clientèle, l'achalandage, le nom commercial,

- le droit à l'occupation des locaux dans lesquels le fonds est exploité, tel que ledit fonds existe sans qu'une plus ample désignation que celle indiquée ci-dessus soit nécessaire au locataire-gérant, celui-ci les déclarant les bien connaître " ;

Considérant par ailleurs que selon le bail principal daté du 21 avril 1982 consenti par la Dame Durand à la Demoiselle Desmet, l'activité autorisée dans les lieux loués était celle de confection pour hommes, dames et enfants ;

Considérant que selon l'article 1126 du Code civil tout contrat a pour objet une chose qu'une partie s'oblige à donner ou qu'une partie s'oblige à faire ou ne pas faire ;

Considérant en l'espèce que du rapprochement opéré entre les stipulations des deux contrats, il résulte que la Demoiselle Desmet a d'une part donné en location-gérance son fonds de commerce et d'autre part s'est réservée toute l'exploitation prévue à son propre bail ; qu'ainsi, loin de porter sur la clientèle, l'achalandage et le nom commercial comme il était indiqué à l'article 2 ci-dessus reproduit le contrat était en fait vidé de sa substance et contraire aux dispositions du texte sus-visé ;

Considérant que la simple mise à disposition du contractant d'une partie des locaux où s'exerçait l'activité commerciale sans que le prétendu gérant ait le droit de continuer ladite activité ne peut s'analyser en un contrat de location-gérance mais en une simple sous-location-gérance ainsi que Gordji le soutient avec raison; que la Demoiselle Desmet ne peut donc prétendre ni au paiement d'une redevance, ni à l'exécution d'une clause résolutoire pour non-paiement de celle-ci; que dès lors le commandement du 9 février 1994 ne peut recevoir effet ;

Considérant que la Demoiselle Desmet n'est pas davantage fondée pour les causes sus-énoncées à prétendre au paiement de la somme de 213 452,20 F pour arriéré de redevances de location-gérance, chiffre avancé dans ses écritures ; qu'il lui appartient d'établir d'accord avec son co-contractant ou à défaut judiciairement, le loyer éventuellement dû au titre de la sous-location ; qu'eu égard à cette créance, Gordji n'est pas fondé à demander en l'état restitution de sommes versées à la Demoiselle Desmet ;

Considérant qu'il n'y a lieu en équité à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs Réformant, Dit que le contrat du 22 février 1989, qualifié contrat de gérance libre est en réalité un contrat de sous-location de locaux commerciaux ; Dit en conséquence le sous-locataire tenu au paiement d'un loyer et non d'une redevance de location-gérance ; Dit sans effet le commandement du 9 février 1994 ; Déboute la Demoiselle Desmet de ses demandes ; Déboute Gordji de sa demande de remboursement des sommes payées à titre de redevance ; Rejette toutes autres demandes des parties ; Condamne la Demoiselle Desmet aux dépens de première instance et d'appel dont distraction à la SCP Bommart-Forster conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.