CA Amiens, 2e et 4e ch. réunies, 4 décembre 1995, n° 1558-94
AMIENS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Rover France (SA)
Défendeur :
Garage Blandan Donald Buffoli (SARL), Bayle (ès qual.), Villette (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Premier président :
M. Parodi
Présidents de chambre :
M. Cachelot, Mme Moinard
Conseiller :
M. Roche
Avoués :
SCP Le Roy, Me Caussain
Avocats :
Mes Lenz, Bourgeon
Par contrat conclu le 21 novembre 1985 pour une durée indéterminée la société River France avait confié à la société Garage Blandan l'exclusivité, pour le département de Meurthe et Moselle, de la revente des véhicules de marque Land Rover comprenant tant les modèles Land Rover que Range Rover.
L'annexe IV audit contrat prévoyait, en son article 4 A a la possibilité pour les parties de signer des avenants annuels fixant les objectifs de vente que le concessionnaire devait " s'efforcer de réaliser par année civile par quadrimestre ".
L'article 8 A de ladite annexe offrait à la société Rover France la faculté de résilier ledit contrat sans respecter le délai de préavis ordinaire de 12 mois en cas de non réalisation par le concessionnaire " par suite de l'insuffisance de ses efforts " de ses objectifs quadrimestriels de vente à concurrence d'au moins 75 %.
Ce même article 8 précisait en son " B " que la " résiliation immédiate " pouvait intervenir, notamment après mise en demeure pour le concessionnaire de rattraper son retard dans un délai de 2 mois restée sans effet.
En l'espèce, et en application de l'article 4 A susmentionné de l'annexe IV du contrat de concession alors en vigueur, la société Garage Blandan a conclu avec la société Rover France, le 6 février 1987, un " avenant n° V " aux termes duquel elle s'engageait à vendre en 1987, sur le territoire qui lui était concédé, au moins 20 véhicules de modèle Range Rover et 27 de modèle Land Rover, soit au total 47 véhicules. Cet objectif était ventilé en fonction des trois quadrimestres de l'année 1987.
Ayant alors constaté que son concessionnaire n'avait pas atteint ses objectifs de vente, la société Rover France l'a, pour deux courriers successifs en date des 1er juin et 22 juillet 1987, mis en demeure d'améliorer ses résultats et de combler son retard sous peine de voir résilier le contrat les liant.
Relevant néanmoins, l'absence persistante de progression des ventes du garage Blandan et l'insuffisance de ses résultats par rapport aux objectifs assignés, la société Rover France a, par courrier du 8 décembre 1987, prononcé la " résiliation extraordinaire " du contrat de concession susmentionné en application de l'article 8-B de l'annexe IV de celui-ci.
Après avoir initialement considéré le courrier susvisé de la société Rover France comme " nul et non avenu ", la société Garage Blandan a accepté, par une lettre du 16 février 1988, de cesser son activité de concessionnaire " sous les plus expresses réserves de tous ses droits ".
C'est dans ces conditions que, par acte du 7 novembre 1988, la société Garage Blandan a assigné la société Rover France devant le tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir l'indemnisation de la rupture par cette dernière du contrat de concession exclusive qui les liait.
Par jugement en date du 27 septembre 1989 le tribunal de commerce de Paris a fait partiellement droit à la demande indemnitaire formée par la société Garage Blandan et condamné la défenderesse au paiement de la somme de 710 000 F à titre de dommages-intérêts au motif que les stipulations contractuelles sur lesquelles elle avait fondé sa décision de résiliation sans préavis du contrat de concession susmentionné devaient être déclarées nulles en application de l'article 85-2 du Traité de Rome car " non conformes aux conditions auxquelles doivent satisfaire les accords de distribution de véhicules automobiles pour pouvoir bénéficier de l'article 85-3 dudit Traité ". Par suite, selon le tribunal, la résiliation intervenue le 8 décembre 1987 devait être qualifiée " d'abusive ".
Sur appel interjeté par la société Rover France la Cour d'appel de Paris a, par arrêt du 14 mars 1991, confirmé le jugement déféré sauf sur le montant de l'indemnité allouée à la société Garage Blandan qu'elle a augmentée et portée à 1 106 052 F.
Sur pourvoi formé par la société River France la Cour de Cassation a, par un arrêt en date du 9 novembre 1993, cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt susmentionné du 14 mars 1991, remis, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la Cour d'appel de céans.
A l'appui de sa décision la Cour de Cassation a, tout d'abord, retenu qu'en déclarant nulle la clause de l'article 8 B du contrat de concession litigieux sanctionnant par la résiliation le défaut pour le concessionnaire d'avoir atteint les objectifs de vente prévus par le contrat " au motif que la résiliation extraordinaire prévue par l'article 5 du règlement CEE n° 123-85 ne pouvait sanctionner une obligation de résultat non prévue par ce règlement " la Cour d'appel avait violé l'article 85 du Traité instituant la CEE ainsi que ledit règlement communautaire, lequel n'établissait pas de prescriptions contraignantes affectant directement la validité ou le contenu des clauses contractuelles.
Elle a, également, estimé qu'en déclarant nulle la clause litigieuse prévue par l'article 8 B du contrat comme étant restrictive de la concurrence susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres sans rechercher en quoi ladite clause aurait eu pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun la Cour d'appel n'avait pas donné de base légale à sa décision.
Devant la Cour de renvoi, la société Rover France fait valoir, en premier lieu, qu'il n'est pas interdit aux parties de convenir d'obligations différentes de celles expressément prévues et exemptés de plein droit par le règlement CEE correspondant, en l'espèce celui n° 123-85 du 12 décembre 1984 spécifique à la distribution automobile, que la jurisprudence dont l'origine remonte à l'arrêt VAG/Magne rendu par la CJCE le 18 décembre 1986 est désormais bien établie, qu'en ce qui concerne plus particulièrement les clauses d'objectifs insérées dans les contrats de concession automobile, la doctrine est unanime à considérer que l'exemption des clauses par lesquelles un concessionnaire doit s'efforcer de satisfaire certains objectifs ne peut être interprétée comme une condamnation de celles qui imposent un tel objectif, que les parties à un contrat de concession automobile peuvent, donc, parfaitement convenir d'objectifs minima sanctionnés par la résiliation immédiate du contrat sans qu'il soit nécessaire d'établir au préalable la négligence fautive du concessionnaire, qu'en deuxième lieu les clauses d'objectifs, non prévues et non exemptés de plein droit par le règlement communautaire susmentionné n'ont pas, en elles-mêmes, un effet anti-concurrentiel, que, bien au contraire, elles ont pour objet de stimuler la concurrence entre les concessionnaires membres d'un même réseau ainsi qu'entre les différents réseaux eux-mêmes, et, de ce fait, de promouvoir le progrès et l'efficacité économiques au profit du consommateur final, qu'en réalité le fait de contraindre le concessionnaire à une efficacité minimum est un stimulant pour la concurrence, que c'est, au demeurant, la raison pour laquelle le règlement en cause ne prenait même pas la nécessité d'exempter de telles clauses au regard de l'interdiction des ententes puisqu'elles n'ont - a priori - aucun effet anticoncurrentiel, qu'ainsi, loin d'être " nulle ", comme l'a prétendu le jugement entrepris, la clause d'objectif convenue entre elle même et la société Garage Blandan est conforme tant à la lettre qu'à l' esprit du droit communautaire de la concurrence, qu'en troisième lieu, elle scrupuleusement respecté les conditions de mise en œuvre de la résiliation extraordinaire du contrat pour non réalisation des objectifs prévus, que les premiers juges ne pouvaient donc, sans ajouter une condition à celles, claires et précises, déjà posées par le contrat, demander au concédant de justifier que le concessionnaire ait fait " preuve de son incapacité de mettre les moyens nécessaires à la disposition de son entreprise pour réaliser ses objectifs ", qu'enfin, et à titre subsidiaire, elle n'a nullement " modifié unilatéralement la condition d'exécution de la clause d'objectif " comme le soutient également le jugement déféré, que, simplement l'explosion du marché des véhicules tout-terrain entre 1986 et 1987 s'étant accompagnée d'un accroissement plus rapide que prévu des ventes des modèles Land et Range Rover, elle a informé les concessionnaires de son réseau, par circulaire en date du 24 février 1987, qu'elle les dispensait de la constitution d'un stock minimum, que cette mesure avait pour seul but de permettre à tous les concessionnaires d'honorer dans les délais de livraison habituels les commandes qui leur étaient passées, que l'on évitait que certains concessionnaires aient trop de véhicules en stock tandis que d'autres ne pouvaient réaliser les ventes pour lesquelles ils avaient déjà des acheteurs, qu'à partir de ce moment, tous les concessionnaires subiront les mêmes délais de livraison, chacun étant servi dès qu'il pouvait justifier d'une commande ferme du client, que cette dispense de constitution d'un stock minimum représentait, donc, une mesure favorable aux concessionnaires puisqu'elle les libérait d'une contrainte de trésorerie non négligeable, qu'il n'existe, dès lors, aucun lien de causalité entre la non réalisation par le Garage Blandan de ses objectifs et la dispense de constitution d'un stock minimum de modèles dont il a bénéficié comme tous les concessionnaires du réseau.
L'appelante prie, donc, la Cour de :
* Constater que la clause d'objectifs convenue entre elle-même et la société Garage Blandan était licite au regard du droit communautaire de la concurrence.
* Constater que la société Garage Blandan n'a jamais atteint 75 % de ses objectifs de vente.
* Constater qu'elle a scrupuleusement respecté les conditions de mise en œuvre de la résiliation extraordinaire du contrat de concession pour non-réalisation des objectifs de vente par la société Garage Blandan.
En conséquence
* Réformer le jugement du 27 septembre 1994 du tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il l'a condamnée pour rupture abusive du contrat de concession.
* Dire et juger que la société Garage Blandan tant irrecevable que mal fondée en l'ensemble de ses prétentions, l'en débouter.
* Condamner la société Garage Blandan à lui verser la somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
* La condamner encore aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Jacques Caussain, Avoué près de la Cour d'appel d'Amiens, dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
La société Garage Blandan, Maître Bayle, es qualité d'administrateur de celle-ci déclarée en état de redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Nancy du 22 février 1994, ainsi que Maître Villette, es qualité de représentant des créanciers de l'intéressée, font valoir, pour leur part que, dans son arrêt du 9 novembre 1993 la Cour de Cassation n'a cassé l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 14 mars 1991 qu'en raison d'une " insuffisance de motifs ", que les affirmations de l'appelante selon lesquelles les parties à un accord restrictif de concurrence seraient libres de convenir d'obligations différentes de celles expressément prévues et exemptés de plein droit par un règlement communautaire ne sont en rien conformes à l'arrêt Magne c/ VAG rendu par CJCE le 18 décembre 1986, qu'en effet les clauses contractuelles litigieuses s'exposent au risque de nullité si elles ont un effet anticoncurrentiel au sens de l'article 85-1 du Traité de Rome, qu'en l'espèce l'article 8-B de la convention en cause instaure une obligation de résultat non exemptée par le règlement n° 123-85, qu'il a un effet anticoncurrentiel potentiel au sens de l'article 85-1 du Traité dès lors qu'il s'insère dans un contrat imposant à des distributeurs sélectionnés une obligation de non-concurrence sur une base quantitative ainsi qu'une obligation de ne pas vendre aux revendeurs non agréés par la société Rover, que le fait que ce contrat-type ait été souscrit à titre individuel par plusieurs centaines de concessionnaires et qu'il organise la distribution de produits au travers desquels les entreprises partie à l'accord réalisent un chiffre d'affaires supérieur à 200 000 000 écus confère un caractère sensible aux restrictions constatées, que par ailleurs, lesdites restrictions affectent directement le commerce entre Etats membres, que, plus précisément, la clause de résiliation extraordinaire contestée est potentiellement restrictive de concurrence à deux titres ;
1 - En premier lieu, à la différence du règlement 1983-83 relatif aux accords de distribution exclusive en général, le règlement 123-85 relatif aux accords de distribution de véhicules automobiles autorise les fournisseurs à interdire à leurs distributeurs agréés qu'ils revendent les véhicules neufs à des revendeurs non agréés (article 3.9 et 3.10 a).
Toutefois, cette possibilité d'organiser des réseaux " étanches " est de nature à renforcer le cloisonnement des marchés et à faciliter la perpétuation d'écarts de prix importants sur les mêmes modèles de véhicules entre les différents Etats Membres, dans des conditions contraires à la fois à l'objectif d'un marché unique poursuivi par le Traité et aux intérêts du consommateur.
C'est pourquoi tout en autorisant les fournisseurs à fermer leur réseau, le règlement 123-85 prévoit que les revendeurs agréés doivent pouvoir procéder entre eux à des ventes croisées, y compris d'un Etat membre à un autre, afin que le consommateur puisse bénéficier du prix de vente le plus bas possible, en fonction du prix d'achat le plus compétitif susceptible d'être obtenu sur l'ensemble des marchés de l'Union Européenne.
Or, l'article 4 de l'annexe IV du contrat litigieux prévoit que seront exclus pour déterminer si l'objectif de vente a été atteint :
" les véhicules vendus par le concessionnaire à d'autres concessionnaires de la société ".
Ces dispositions sont incontestablement susceptibles de dissuader un concessionnaire de céder à d'autres concessionnaires Rover de l'Union Européenne des véhicules acquis auprès de la société Rover France, de crainte que cette dernière ne s'en prévale pour résilier son contrat en excluant ces ventes croisées de l'appréciation du pourcentage minimum de réalisation de ses objectifs par ailleurs exigé par l'article 8-B des conventions litigieuses.
2 - En second lieu, d'une manière générale, toute clause accroissant au-delà des prévisions du règlement 123-85, la précarité de la situation contractuelle du concessionnaire, est susceptible de réduire l'autonomie concurrentielle que l'exemption catégorielle entend lui assurer que, de même, ledit article 8-B n'est pas nécessaire à une bonne exécution de l'accord de distribution existant entre les parties, que, notamment, la nécessité de rentabiliser les investissements réalisés exclut que le concessionnaire ne s'efforce pas, spontanément, de réaliser un certain chiffre d'affaires, que, par suite, non expressément exemptés par la réglementation communautaire, à tout le moins partiellement restrictives de concurrence et non nécessaires à une bonne exécution du contrat, les dispositions de l'article 8-B du contrat dont s'agit doivent être regardées comme étant nulles en vertu de l'article 85-2 du Traité de Rome, qu'en tout état de cause, et à supposer même valable ladite clause résolutoire la société Rover France ne rapporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, que les conditions contractuelles de mise en œuvre de ladite clause aient été réunies, que celle-ci ne pouvait, en effet, s'appliquer que sous réserve de la réunion de la double condition de la non-réalisation par le concessionnaire d'au moins 75 % de ses objectifs quadrimestriels et de l'insuffisance de ses efforts, que l'appelante ne démontre en rien que tel ait été le cas, qu'en tout état de cause la formulation même des courriers par lesquels la société Rover France adressait les avenants d'objectifs à sa signature établit que ceux-ci étaient fixés de façon unilatérale, qu'aucun élément statistique fiable n'a été fourni susceptible de justifier les critères retenus pour arrêter les objectifs de vente qui lui ont été impartis et qui sont, en réalité, inéquitables et incohérents, qu'enfin l'appelante a manqué à ses propres obligations en supprimant à ses concessionnaires la possibilité de passer des commandes de stocks de modèle Range Rover alors que celle-ci était destinée à permettre à chaque revendeur de disposer en permanence de véhicules " libres à la vente ", qu'au surplus, elle s'est vue appliquer des délais de livraison supérieurs à ceux imposés à ses collègues, ce qui la " discriminait ", de fait, dans l'exécution de ses engagements contractuels.
Les intimés prient, par suite, la Cour de :
Dire la société Rover France recevable mais mal fondée en son appel principal,
Dire Maîtres Bayle & Villette es qualités recevables en leur intervention,
Dire la SARL Blandan et ces derniers es qualités recevables en leur appel incident tendant à ce que soit portée à 1 106 852 F l'indemnité globale qui lui est due,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité de l'article 8-B de l'annexe IV du contrat de concessionnaire du 21 novembre 1985, en application de l'article 85-2 du Traité Rome et dit la résiliation du 8 décembre 1987 abusive comme dépourvue de fondement,
Subsidiairement, dire et juger qu'en tout état de cause, la société Rover France ne justifie pas du bien fondé de l'application à la SARL Blandan des dispositions de l'article 8 du contrat du 21 novembre 1985,
En toute hypothèse, condamner la société Rover France à payer à la SARL Blandan la somme de 1 106 852 F,
Confirmer le jugement entrepris dans ses dispositions relatives à l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Y ajoutant, condamner la société Rover France au paiement d'une somme supplémentaire de 50 000 F HT sur ce fondement,
Condamner la société Rover France aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement pourra être assuré par la SCP Le Roy conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Dans ces conclusions en réponse, la société Rover France demande que lui soit adjugé le bénéfice de ses précédentes conclusions et ce, par les mêmes moyens que ceux déjà exposés.
Dans de dernières conclusions, les intimés indiquent que par jugement du 30 mai 1995 le tribunal de commerce de Nancy a homologué le plein de continuation présenté par la société Garage Blandan, mis fin aux fonctions de Maître Bayle en qualité d'administrateur et désigné celui-ci en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Les intimés sollicitent, en conséquence, de la Cour de :
Donner acte à Maître Villette de ce qu'il se retire de la cause.
Donner acte à Maître Bayle de ce qu'il reprend es qualité de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la SARL Garage Blandan l'intégralité des moyens et demandes résultant des écritures qu'il avait signifiées le 7 février 1995 en qualité d'Administrateur au redressement judiciaire.
Allouer à la SARL Garage Blandan l'entier bénéfice de ses précédentes écritures.
Sur ce
Sur le retrait de la cause de Maître Villette es qualité de représentant des créanciers de la société Garage Blandan et sur l'intervention de Maître Bayle es qualité de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la société Garage Blandan.
Attendu qu'ainsi qu'il a été ci-dessus rappelé, le tribunal de commerce de Nancy a, par jugement du 30 mai 1995, homologué le plan de continuation présenté par la société Garage Blandan, laquelle avait été précédemment déclarée en redressement judiciaire par un jugement du même tribunal en date du 22 février 1994 ; qu'il convient, en conséquence, de donner acte, d'une part, à Maître Villette, es qualité, de son retrait de la cause, et, d'autre part, à Maître Bayle de son intervention es qualité de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la société Garage Blandan ;
Sur la validité de la clause de l'article 8 B du contrat de concession litigieux sanctionnant par la résiliation par simple notification le défaut pour le concessionnaire d'avoir atteint, dans un certain délai, les objectifs de vente prévus au contrat :
Attendu que le jugement déféré a considéré que la résiliation susmentionnée prononcée le 8 décembre 1987 était " abusive " car fondée sur des stipulations contractuelles " nulles " au regard du droit communautaire de la concurrence car " non conformes aux conditions auxquelles doivent satisfaire les accords de la distribution de véhicules automobiles pour pouvoir bénéficier de l'article 85-3 du Traité de Rome " ;
Attendu, toutefois, qu'il convient, tout d'abord, de relever que le règlement n° 123-85 de la Commission, en date du 12 décembre 1984, concernant l'application de l'article 85-3 susvisé à des catégories d'accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles, n'établit pas de prescriptions contraignantes affectant directement la validité ou le contenu des clauses contractuelles affectant directement la validité ou le contenu des clauses contractuelles ou obligeant les parties contractantes à y adapter le contenu de leur contrat, mais se borne à établir les conditions qui, si elle sont remplies, font échapper certaines clauses contractuelles à l'interdiction et, par conséquent, à la nullité de plein droit prévues par l'article 85 § 1 et 2 du Traité CEE ; que, dès lors, si, comme en l'espèce, la nature de l'obligation de résultat imposée au concessionnaire, qui se doit d'atteindre certains objectifs quantitatifs de vente, empêche effectivement la clause litigieuse de bénéficier de l'exemption catégorielle prévue par le règlement communautaire susmentionné, la nullité de l'accord conclu n'en est pas, pour autant établie ; qu'en effet l'exemption des clauses par lesquelles un concessionnaire doit simplement s'efforcer d'effectuer certaines diligences et d'utiliser certains moyens sans être tenu à un objectif déterminé n'interdit pas de convenir de stipulations caractérisant une obligation de résultat, lesquelles ne sauraient être, de ce seul fait, et ainsi que le soutiennent les intimés, frappées d'une " présomption de contrariété au droit communautaire de la concurrence "; qu'en ce cas, il appartient seulement au juge de rechercher si de semblables clauses n'ont pas pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché Commun; qu'à cet effet il y a lieu d'observer que la clause d'objectifs présentement contestée, loin d' avoir un quelconque effet anti-concurrentiel en elle-même, contribue, dans l'intérêt du consommateur final, à maintenir une concurrence effective entre les concessionnaires et, en prévenant toute inaction ou passivité commerciales de leur part, à assurer la fluidité des marchés locaux; qu'en fait l'insertion dans le contrat conclu d'une telle clause vise à assurer l'équilibre économique de la convention et à empêcher la paralysie des règles normales de concurrence née de l'exclusivité réciproque à laquelle les parties s'engagent mutuellement, interdisant notamment au concédant de vendre ses produits à des tiers non membres du réseau; que, dans ces conditions, l'accroissement de la " dépendance économique " du concessionnaire ainsi que de sa situation de " précarité ", lequel résulterait, selon les intimés, de la clause litigieuse, ne saurait, en aucune façon, caractériser l'existence d'une pratique anticoncurrentielle mais permet, au contraire, de remédier aux rigidités, tant contractuelles qu'économiques, inhérentes à tout contrat de concession exclusive ; que, par ailleurs, les intimés exigent, également des dispositions de l'article 4 de l'annexe IV du contrat litigieux qui stipule que seront exclus - pour déterminer si l'objectif de vente a été atteint - " les véhicules vendus par le concessionnaire à d'autres concessionnaires de la société ", et soutiennent, à ce propos, que ces règles sont " susceptibles de dissuader un concessionnaire de céder à d'autres concessionnaires River de l'Union Européenne des véhicules acquis auprès de la société Rover France " ; que, cependant ces dispositions se bornent - sans les prohiber - à ne pas prendre en considération - dans l'appréciation du pourcentage minmum de réalisation des objectifs imposés aux intéressés - les ventes dites " croisées " réalisées entre concessionnaires ; qu'il ne s'agit, donc, nullement de restreindre la liberté contractuelle du concessionnaire ou d'empêcher le jeu normal de la concurrence mais, simplement, de prévenir les opérations artificielles de ventes croisées auxquelles les concessionnaires pourraient être tentés de se livrer dans le seul but de majorer leurs résultats et ce, sans contrepartie économique pour le concédant ; qu'enfin, et en tout état de cause, à supposer même que la clause contestée ait pu avoir eu un aspect anticoncurrentiel, les intimés n'établissent, ni même n'allèguent, qu'elle ait été de nature à avoir un effet sensible sur le commerce entre les Etats membres de l'Union Européenne ; que, par suite, les intimés ne démontrent en rien l'intégrité au regard de la norme communautaire de la clause litigieuse ; que c'est donc à tort que les premiers juges ont retenu la " nullité " de celle-ci pour ce motif ;
Sur les conditions de mise en œuvre de la clause susmentionnée de l'article 8-B du contrat de concession litigieux.
Attendu qu'il y a, tout d'abord, lieu de souligner qu'avant de prononcer la résiliation du contrat en cause sur le fondement de l'article 8-B susvisé la société Rover France a, à deux reprises, les 1er juin et 22 juillet 1987, mis en demeure la société Garage Blandan de rattraper le retard - non contesté en tant que tel - qu'elle détenait sur les objectifs de vente qui lui avaient été impartis ;
Attendu en deuxième lieu, que si les intimés soutiennent que " la clause litigieuse ne pouvait, de toute façon, s'appliquer que sous réserve de la réunion de deux conditions : la non-réalisation par le concessionnaire d'au moins 75 % de ses objectifs quadrimestriels et l'insuffisance de ses efforts ", il convient d'observer que, la première condition n'étant pas discutée, il n'y a pas à s'interroger sur l'effectivité des efforts de la société Garage Blandan dès lors que les objectifs minimaux de vente, tels que prévus dans les accords contractuels entre parties, exprimaient précisément les diligences attendues ; que, par suite, les premiers juges ne pouvaient, sans ajouter à l'engagement des contractants, dire que " la société Rover France ne justifiait pas que le concessionnaire ait refusé ou fait preuve de son incapacité de mettre les moyens nécessaires à la disposition de son entreprise pour réaliser ses objectifs " ;
Attendu, en troisième lieu, que si les intimés prétendent aussi que les objectifs de vente imposés par l'appelante ont été fixé " de manière unilatérale ", l'avenant critiqué, conclu le 6 février 1987, a été signé aussi bien par le concédant que par le concessionnaire sans qu'aucun d'eux n'émette la moindre réserve à son acceptation ; qu'ainsi les termes dudit avenant doivent être regardés comme faisant la loi des parties conformément aux dispositions de l'article 1134 du Code civil ; qu'au demeurant il ressort des pièces versées aux débats que l'objectif susrappelé de vente assigné à la société Garage Blandan traduisait une augmentation de 14 % par rapport qui lui avait été assigné l'année précédente alors que la progression des ventes de véhicules de marque Land ou Range Rover constatée au cours de la même période sur l'ensemble du territoire national avait été de 26 %; qu'ainsi l'obligation de résultat imposée à la société Garage Blandan ne reposait pas sur les critères subjectifs ou potestatifs mais répondait à des quotas minimaux fixés de façon objective en fonction des performances commerciales concrètes réalisées par la marque en France;
Attendu, en dernier lieu, que les intimés reprochent à la société Rover France d'avoir modifié unilatéralement les conditions d'exécution de la clause d'objectif en cause en supprimant, par une circulaire en date du 25 février 1987, la possibilité ouverte jusque-là à ses concessionnaires " de passer des commandes de stock de modèle Range Rover " ; que, toutefois, par ladite circulaire, la société Rover France n'a fait qu'informer les concessionnaires de son réseau de ce que, compte tenu de l'importante progression de sa clientèle, elle ne traiterait, dorénavant, les commandes passées qu'accompagnées de la photocopie d'un chèque d'acompte provenant du client ; qu'ainsi cette décision, qui n'a été prise qu'afin de permettre une meilleure " fluidité " de l'approvisionnement des concessionnaires en modèles de type Range Rover, est sans influence sur la possibilité pour les intéressés de réaliser leurs objectifs de vente ; que, d'ailleurs, la société Garage Blandan n'établit pas avoir perdu un seul client au motif qu'elle ne détenait pas, préalablement, en stock le modèle recherché par celui-ci ; qu'elle ne démontre pas davantage avoir dû subir des délais de livraison plus longs que ceux imposés aux autres concessionnaires de la marque ;
Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les intimés ne peuvent soutenir ni que la résiliation du contrat de concession dont s'agit serait fondée sur une clause nulle car non conforme au droit communautaire ni que ses conditions de mise en œuvre présenteraient un caractère abusif ; que, par suite, aucun des moyens sus analysés articulés par lesdits intimés ne pouvant être retenu, il y a lieu, par infirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris, de débouter ceux-ci de l'ensemble de leur prétentions ;
Sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de l'appelante les frais hors dépens exposés en cause d'appel à concurrence de 20 000 F ;
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement comme Cour de renvoi en exécution de l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 9 novembre 1993; Reçoit l'appel jugé régulier en la forme, Donne acte à Maître Villette de son retrait de la cause ès qualité de représentant des créanciers de la société Garage Blandan, Donne acte à Maître Bayle de son intervention ès qualité de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la société Garage Blandan, Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 27 septembre 1989, Déboute les intimés de l'ensemble de leurs demandes, Condamne la société Garage Blandan aux entiers dépens de première instance et d'appel avec, pour ces derniers, droit de recouvrement direct au profit de Maître Caussain, Avoué, pour ceux des dépens dont il aurait fait l'avance sans recevoir provision, la condamne aussi à verser à la société Rover France la somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.