CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 20 décembre 1995, n° 1167-93
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Clarins (SA)
Défendeur :
Riquelme
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Magendie
Conseillers :
MM. Frank, Boilevin
Avoués :
SCP Merle, Carena Doron, SCP Lambert, Debray, Chemin
Avocats :
Mes Fourment, Davies.
Rappel des faits et de la procédure
Madame Riquelme, qui exploite un magasin de parfumerie sous l'enseigne " Atouts Femme ", situé dans un centre commercial, à Poitiers, a saisi le Tribunal de commerce de Nanterre d'une action dirigée à l'encontre de la société Clarins, ainsi que d'autres fournisseurs de produits de beauté aux fins notamment de les voir condamnés pour refus de vente par application des dispositions de l'article 36-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.
Elle lui reprochait en effet de lui avoir refusé, sans raisons valables, le bénéfice d'un contrat de distributeur agréé.
S'agissant plus précisément de la société Clarins - qui reste seule aujourd'hui en cause - Madame Riquelme lui reprochait :
- de n'avoir pas donné suite pendant au moins 3 ans à sa demande d'ouverture de compte,
- d'avoir agréé un concurrent qui exerce dans le même centre commercial qu'elle, alors que celui-ci aurait formulé sa demande d'ouverture de compte postérieurement à la sienne,
- d'avoir conditionné son agrément à la présence dans la parfumerie Atouts Femme d'autres marques de produits de beauté de prestige.
La société Clarins réfutait cette argumentation ; elle faisait valoir que Madame Riquelme avait été parfaitement informée des motifs de l'incompatibilité totale de son magasin avec les critères de sélection qualitative requis par la distribution des produits Clarins et produisait à cet égard, le rapport de visualisation confirmant les insuffisances flagrantes du magasin, établi la veille de l'assignation.
Par le jugement entrepris, le Tribunal de commerce de Nanterre a ordonné à la société Clarins ainsi qu'aux autres fabricants défendeurs, de communiquer à Madame Riquelme, la fiche d'évaluation établie sur la parfumerie Atouts Femme, en enjoignant à l'intéressée d'entreprendre, le cas échéant, les mesures nécessaires pour rendre son magasin conforme aux exigences motivées de chacun des vendeurs, dans un délai de 6 mois.
Le tribunal ordonnait en outre à la société Clarins de procéder à une nouvelle visualisation du magasin Atouts Femme dans un délai d'un mois à dater de toute nouvelle demande de Madame Riquelme, après mise en conformité de son magasin et, si les conditions requises apparaissent réalisées, de lui accorder un contrat de distributeur agréé de sa marque, faute de quoi Madame Riquelme pourrait alors s'adresser à nouveau à justice.
Le tribunal a en outre retenu que les sociétés défenderesses - dont la société Clarins - en s'abstenant de communiquer leur rapport de visualisation de la parfumerie, avaient causé un préjudice à Madame Riquelme qui s'est vue accorder 20 000 F à titre de dommages et intérêts.
Exposés des thèses en présence et des demandes des parties
Par suite du désistement des sociétés Givenchy, Azzaro, Pacco Rabanne et Guy Laroche, le litige soumis à la cour par l'appel de la société Clarins oppose seulement celle-ci à Madame Riquelme.
La société appelante, après avoir rappelé la chronologie de ses relations avec Madame Riquelme, fait tout d'abord valoir que l'injonction qui lui a été faite d'avoir à communiquer le rapport de visualisation est manifestement sans objet puisqu'il a été régulièrement communiqué dans le cadre de la procédure. Elle ajoute qu'il ne peut lui être fait grief de n'avoir pas communiqué ce rapport auparavant puisque cette procédure venait d'être mise en place fin 1991. Elle soutient encore que Madame Riquelme avait été auparavant régulièrement informée des raisons pour lesquelles son point de vente ne satisfaisait pas aux critères de sélection qualitative requis par la société Clarins et souligne que le préjudice allégué par l'intéressée est d'autant plus fantaisiste qu'elle demandait au tribunal de lui donner acte de ce qu'elle acceptait l'ensemble des charges et conditions découlant du contrat de distribution, le jugement lui ayant décerné ledit acte. Elle expose en résumé que Madame Riquelme avait ainsi pleine conscience de ce que la singulière exiguïté de son magasin ne lui permettait pas de répondre aux critères requis par le vendeur.
L'appelante demande à la cour :
- de déclarer la société Clarins recevable et bien fondée en son appel, et y faisant droit,
- de constater que la licéité de l'ensemble des dispositions contractuelles liant la société Clarins à ses distributeurs agréés a été consacrée par la jurisprudence,
- de constater que la société Clarins s'est conformée en tous points à la réglementation alors en vigueur afférente à la distribution sélective des produits de beauté de grande marque,
- de constater les insuffisantes manifeste du point de vente exploité par Madame Riquelme à l'enseigne " Atouts Femme " à Poitiers,
- de dire et juger que Madame Riquelme a été dûment informée par la société Clarins du non respect par son magasin des critères de sélection qualitative requis pour la distribution des produits Clarins,
- de dire et juger que le rapport de visualisation établi le 16 janvier 1991, soit dès la mise en place par la société Clarins du nouveau système de visualisation en vigueur pour l'ensemble de son réseau, a été régulièrement communiqué à Madame Riquelme en réponse à l'action qu'elle devait introduire quelques jours plus tard devant le Tribunal de commerce de Nanterre,
- de déclarer en conséquence sans objet l'injonction faite à la société Clarins d'avoir à communiquer à nouveau ledit rapport de visualisation,
- de dire et juger qu'il ne pouvait être fait grief à la société Clarins de n'avoir pas auparavant communiqué le rapport de visualisation en date du 16 janvier 1991, la procédure de visualisation ayant été mise en place par la société Clarins à quelques jours de l'introduction par Madame Riquelme de son action portée devant le Tribunal de commerce de Nanterre,
- en conséquence, d'infirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a notamment ordonné à la société Clarins de communiquer à Madame Riquelme la fiche d'évaluation de la parfumerie Atouts Femme et de procéder à une nouvelle visualisation du magasin dans un délai d'un mois à compter de toute nouvelle demande de Madame Riquelme, après mise en conformité de son magasin, et condamné la société Clarins au paiement de la somme de 20 000 F à titre de dommages et intérêts, outre au paiement d'une somme de 2 500 F au titre de l'article 700 du NCPC ainsi qu'aux dépens,
- de condamner Madame Riquelme au paiement de la somme de 15 000 F par application des dispositions de l'article 700 du NCPC,
- de la condamner en outre aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Madame Riquelme, qui s'attache à réfuter l'argumentation de l'appelante, reproche notamment à la société Clarins, de n'avoir pas déféré à l'injonction qui lui était faite et de l'avoir ainsi empêchée de connaître les raisons pour lesquelles elle ne pouvait pas bénéficier d'une ouverture de compte.
Elle sollicite, outre la confirmation du jugement, la condamnation de la société Clarins à lui payer 20 000 F de dommages-intérêts pour procédure abusive et 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur ce, LA COUR,
Considérant qu'en cause d'appel, Madame Riquelme reprend pour l'essentiel l'argumentation qui était la sienne devant les premiers juges ; que toutefois, elle forme un appel incident, en prétendant notamment que la société Clarins n'aurait pas satisfait à l'injonction qui lui avait été faite par le Tribunal de commerce de Nanterre d'avoir à procéder à une nouvelle visualisation ;
Qu'elle demande en outre à la cour de dire que la société Clarins ne serait pas en mesure de rapporter la preuve du caractère objectif de ses critères, ni par voie de conséquence, de motiver son refus ;
Sur l'exécution provisoire du jugement et l'injonction délivrée à la société Clarins
Considérant que contrairement à ce que prétend Madame Riquelme, la société Clarins, au regard de l'exécution provisoire dont était assortie la décision dont appel, justifie avoir fait procéder à une nouvelle visualisation du magasin Atouts Femme le 17 mars 1993 ;
Que ce nouveau rapport de visualisation a confirmé l'insuffisance manifeste du magasin considéré au regard des critères de sélection qualitative requis par la société Clarins pour la distribution des produits de sa marque ;
Qu'en outre, et alors qu'elle n'y était pas tenue, la société Clarins a fait procéder à une nouvelle visualisation du magasin le 25 janvier 1995 au regard des nouveaux critères de distribution qualitative requis pour la distribution des produits de la marque (notation sur 98 points pour un point de vente situé en galerie marchande), ce à la demande de Madame Riquelme ; que cette notation a une nouvelle fois confirmé l'insuffisance du magasin, lequel n'a obtenu qu'un total de 29 points sur un minimum requis de 49 points ;
Qu'ainsi, Madame Riquelme ne peut prétendre que la société Clarins n'aurait pas déféré à l'injonction du tribunal dans le cadre de l'exécution provisoire ;
Qu'il apparaît en revanche que Madame Riquelme n'a jamais entrepris les travaux nécessaires à une mise en conformité de son magasin au regard des critères de sélection qualitative requis par la société Clarins, que ce soit à la suite du premier rapport de visualisation du 16 janvier 1991, produit aux débats devant le tribunal, ou des rapports de visualisation établis postérieurement au jugement dont appel ;
Sur l'instruction de la demande d'ouverture de compte
Sur le grief tiré de l'inertie reprochée à la société Clarins
Considérant que Madame Riquelme a soutenu que la société Clarins n'aurait pas donné suite, pendant au moins 3 ans, à sa demande d'ouverture de compte ;
Considérant cependant que Madame Riquelme régulièrement en contact avec le représentant de la société Clarins avait, dès l'origine, été informée des insuffisances de son magasin ;
Considérant en effet que Madame Riquelme avait sollicité et obtenu une nouvelle visite, après avoir fait état de ce qu'elle avait nouvellement obtenu le dépôt d'une nouvelle marque de produits de beauté ; que c'est ainsi que par lettre en date du 14 janvier 1988, Madame Riquelme demandait à la société Clarins de " reconsidérer " sa demande ; que s'étant vue à nouveau confirmer par le représentant de la société Clarins que son magasin ne satisfaisait pas aux critères de sélection qualitative requis pour la distribution des produits Clarins, ce à l'occasion d'une nouvelle visite, Madame Riquelme relançait la société Clarins par lettre en date du 9 février 1989, se bornant à demander une " confirmation écrite du refus " exprimé par le représentant de la société Clarins ajoutant que, sans nouvelles, elle considérerait que sa demande était irrecevable ;
Considérant que Madame Riquelme relançait ultérieurement la société Clarins par lettres en date des 23 novembre 1989 et 20 janvier 1990, en précisant qu'elle avait entrepris un certain nombre de travaux dans son magasin ; que c'est dans ces conditions que, le 31 janvier 1990, le représentant de la société Clarins procédait à une nouvelle visite de la parfumerie Atouts Femme ; qu'ayant constaté sur place le caractère tout à fait mineur des travaux réalisés par Madame Riquelme, sans influence sur les caractéristiques générales du point de vente, le représentant de la société Clarins lui faisait savoir que le magasin ne satisfaisait toujours pas aux critères de sélection qualitative requis ; qu'une lettre en date du 6 avril 1990, confirmait la position de la société Clarins à Madame Riquelme ;
Considérant encore que dès la mise en place de la nouvelle procédure de visualisation à la fin de l'année 1990, la société Clarins s'est préoccupée de faire noter le magasin de Madame Riquelme ;
Que c'est à cette fin que le représentant de la société Clarins s'est rendu une nouvelle fois sur place le 16 janvier 1991, son rapport ne faisant que confirmer les insuffisances du magasin de Madame Riquelme au regard des critères de sélection qualitative requis par la société Clarins pour la distribution des produits de sa marque ;
Que Madame Riquelme ayant quelques jours plus tard fait assigner la société Clarins devant la Tribunal de commerce de Nanterre, ce rapport de visualisation fût régulièrement produit aux débats dans le cadre de la procédure ;
Que les griefs de Madame Riquelme tirés de l'attitude morosive de la société Clarins ne sont dès lors pas fondés ;
Sur le grief tiré de l'absence de communication du rapport de visualisation
Considérant que les premiers juges après avoir tout d'abord relevé, à juste titre, que " la marque est seule juge de la nature et de la qualité des points de vente qu'elle désire agréer dans le cadre d'une application non discriminatoire de ses critères de sélection des points de vente ", ont exactement rappelé que les critères qualitatifs étaient propres à chaque fabricant et qu'il convenait, en fonction de la situation de fait, de distinguer les différentes réponses faites par chaque marque à la demande de Madame Riquelme ;
Considérant que les premiers juges ont estimé en revanche que si le point de vente de Madame Riquelme ne satisfaisait pas aux critères qualitatifs requis par les fabricants, ces derniers auraient agi avec légèreté en s'abstenant de communiquer à Madame Riquelme le rapport de visualisation de son magasin, ce qui aurait occasionné à cette dernière un préjudice dont il lui serait dû réparation ;
Considérant que les premiers juges ont ce faisant commis une confusion entre la notion de critères de sélection qualitative et celle de " rapport de visualisation " ;
Qu'en effet, les critères de sélection qualitative correspondent à la définition des éléments que le fabricant décide librement d'imposer aux demandeurs au dépôt de sa marque, et qu'il doit dès lors faire figurer dans ses conditions générales de vente, aucune autre obligation n'est imposée au fabricant, du moins à l'époque des faits ;
Considérant que le droit positif en la matière résultait alors en effet des recommandations fédérales de la Fédération Française des Industries de Produits de Beauté et de Toilette (FFIPPBT) en date du 7 mars 1986, recommandations issues de négociations menées par cette fédération avec la Direction générale de la concurrence et de la consommation à la suite de la publication au BOCC du 26 décembre 1983 ; que par lettre en date du 13 mars 1986, la DGCC avait confirmé à la FFIPPBT que ses recommandations, sous réserve de l'analyse qui pourrait en être faite par les autres instances compétentes en matière de concurrence, n'appelaient pas d'observations de se part ;
Que ces recommandations ont ensuite été validées par la section de la concurrence de la Cour d'appel de Paris aux termes d'un arrêt en date du 2 novembre 1988, dans le cadre d'un recours en annulation formé par une association de consommateurs à l'encontre d'une décision du Conseil de la concurrence afférente à la situation de la distribution sélective des produits de beauté ;
Considérant que les grilles de notation ou les rapports de visualisation que certains fabricants avaient conçus ne se confondaient pas avec la notion de critères de sélection qualitative, puisqu'il s'agissait simplement d'objectiver autant que faire se peut l'appréciation qualitative des points de vente demandeurs au dépôt de la marque ;
Que de tels documents répondaient donc au souci des fabricants de " lisser " de manière optimale la notation des points de vente au regard des critères de sélection qualitative définis dans les conditions générales de vente, et, en cas de contestation, de disposer d'un support opposable au demandeur ;
Que c'est ce qui avait conduit précisément la société Clarins, à la fin de l'année 1990, à mettre en place une procédure de notation au travers de rapports de visualisation ;
Que dès lors, il ne pouvait être fait grief à la société Clarins de n'avoir pas auparavant communiqué à Madame Riquelme un rapport de visualisation qui n'existait pas ;
Que de surcroît l'injonction délivrée par le tribunal à la société Clarins d'avoir à communiquer à Madame Riquelme un rapport de visualisation était, pour ce qui concerne la société Clarins, dénuée de tout objet, puisque ledit rapport établi quelques jours avant l'assignation, lui avait été régulièrement communiqué dans le cadre de la procédure ;
Considérant en résumé que, l'instruction de la demande de Madame Riquelme n'était sujette à aucune critique, celle-ci ayant été dûment informée en son temps de l'irrecevabilité de sa demande de dépôt de la marque au regard des critères de sélection qualitative requis par la société Clarins ainsi que ses propres courriers en attestent ;
Que le tribunal a commis une erreur, au regard du droit alors applicable en la matière, en laissant entendre que la société Clarins aurait agi avec légèreté en ne communiquant pas auparavant à Madame Riquelme un rapport de visualisation inexistant, et en lui délivrant injonction de ce faire, alors que ledit rapport de visualisation, conformément à la nouvelle procédure mise en place, avait été régulièrement communiqué à cette dernière ;
Sur les griefs d'inopposabilité des rapports de visualisation
Considérant qu'en cause d'appel, Madame Riquelme conteste " l'objectivité " des rapports de visualisation successifs de son magasin ;
Qu'elle avance ainsi que la société Clarins se retrancherait derrière des notations établies de manière unilatérale, que la société Clarins se constituerait sa propre preuve et que les " reproches " formulés à l'adresse de son magasin présenteraient un caractère subjectif ;
Qu'elle veut pour preuve que d'autres fabricants de produits de beauté lui ont accordé le dépôt de leur marque, ce qui démontrerait surabondamment le caractère illicite du refus de vente opposé par la société Clarins ;
Considérant cependant que chaque fabricant étant libre de la définition de ses propres critères de sélection qualitative, qu'aucun argument ne saurait aussi être tiré du fait que le candidat au dépôt de la marque a par ailleurs obtenu la qualité de dépositaire de la part d'autres fabricants de produits de beauté ;
Considérant que la liberté laissée à chaque fabricant de définir le standard de qualité de son réseau, par l'énonciation de ses propres critères de sélection qualitative, préserve la nécessaire concurrence entre fabricants seuls responsables du soin de gérer l'image de leurs produits et d'appréhender leur perfection dans le public ;
Sur le caractère objectif des critères de sélection qualitative
Considérant que le terme " d'objectivité " signifie seulement que le fabricant est tenu, dans la mise en œuvre de ses critères de sélection qualitative, de ne pas adopter d'attitudes discriminatoires; qu'en d'autres termes, ses critères de sélection qualitative doivent être exigés, sur l'ensemble du territoire, dans tous les points de vente demandeurs à l'agrément; qu'en revanche, la qualité étant, par définition, une notion subjective, il est admis une part de subjectivité irréductible dans le processus d'appréciation des qualités présentées par un magasin, sans que cette part de subjectivité puisse être reprochée au fabricant;
Considérant que les rapports de visualisation successifs du magasin " Atouts Femme " exploité par Madame Riquelme établissent que ledit magasin était loin d'être en mesure de satisfaire aux critères de sélection qualitative requis par la société Clarins ;
Considérant que l'injonction qui avait été délivrée par le jugement dont appel à la société Clarins était sans objet, dès lors que le premier rapport de visualisation établi le 16 janvier 1991 avait été régulièrement communiqué à Madame Riquelme dans le cadre de la procédure ; que les deux rapports de visualisation établis par la suite n'ont fait que confirmer l'insuffisance du magasin de Madame Riquelme ;
Sur l'absence de discrimination
Considérant que bien qu'elle ne reprenne pas explicitement ce moyen devant la cour, Madame Riquelme avait soutenu que la société Clarins aurait adopté à son égard une attitude discriminatoire, au motif qu'elle aurait agréé un concurrent dans le même centre commercial à Poitiers, en l'occurrence la parfumerie Juric, alors que celui-ci aurait formulé sa demande d'ouverture de compte postérieurement à la sienne ;
Considérant cependant d'une part que, Madame Riquelme ne pouvait invoquer à son profit la règle de l'antériorité, dès lors que sa demande de dépôt de la marque n'était pas recevable ;
Considérant d'autre part, s'agissant du point de vente concurrent, que s'il est exact que la société Clarins a agréé la parfumerie Juric, ce magasin satisfait aux critères de sélection qualitative requis par la société Clarins ainsi qu'il résulte du rapport de visualisation de cette parfumerie ;
Considérant que si la parfumerie Juric a obtenu à l'époque la note de 44 points, pour un minimum requis de 40 points, ceci résulte des caractéristiques très différentes de ce magasin par rapport à celui exploité par Madame Riquelme, ainsi que cela résulte de la comparaison entre les rapports de visualisation ;
Qu'il est aussi établi que Madame Riquelme n'a fait l'objet d'aucun traitement discriminatoire ;
Sur l'article 700 du NCPC
Considérant que l'équité justifie de ne pas laisser à la charge de la société Clarins les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoirement, Déclare la société Clarins recevable et bien fondée en son appel et, y faisant droit, Constate la licéité de l'ensemble des dispositions contractuelles unissant la société Clarins à ses distributeurs agréés, Constate que la société Clarins s'est conformée en tous points à la réglementation alors en vigueur afférente à la distribution sélective des produits de beauté de grande marque, Constate les insuffisances du point de vente exploité par Madame Riquelme à l'enseigne Atouts Femme à Poitiers, au regard des critères de sélection qualitative requis pour la distribution des produits de la marque Clarins, Dit et juge que Madame Riquelme a été dûment informée par la société Clarins du non respect par son magasin des critères de sélection qualitative requis pour la distribution des produits Clarins, Dit et juge que le rapport de visualisation établi le 16 janvier 1991, soit dès la mise en place par la société Clarins du nouveau système de visualisation en vigueur pour l'ensemble de son réseau, a été régulièrement communiqué à Madame Riquelme en réponse à l'action qu'elle avait introduite quelques jours plus tard devant le Tribunal de commerce de Nanterre, Déclare en conséquence sans objet l'injonction faite à la société Clarins d'avoir à communiquer à nouveau ledit rapport de visualisation, Dit et juge qu'il ne pouvait être fait grief à la société Clarins de n'avoir pas auparavant communiqué le rapport de visualisation en date du 16 janvier 1991, la procédure de visualisation ayant été mise en place par la société Clarins à quelques jours de l'introduction par Madame Riquelme de son action portée devant le Tribunal de commerce de Nanterre, Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné à la société Clarins de communiquer à Madame Riquelme la fiche d'évaluation de la parfumerie Atouts Femme et de procéder à une nouvelle visualisation du magasin dans un délai d'un mois à compter de toute nouvelle demande de Madame Riquelme, après mise en conformité de son magasin et condamné la société Clarins au paiement de la somme de 20 000 F à titre de dommages et intérêts, outre au paiement d'une somme de 2 500 F au titre de l'article 700 du NCPC ainsi qu'aux dépens, Confirme le jugement dont appel en ce qu'il a écarté la demande de Madame Riquelme tendant à voir condamner la société Clarins, sous astreinte, à proposer à sa signature un contrat de distributeur agréé, Déclare Madame Riquelme mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions, et notamment en sa demande tendant à la condamnation de la société Clarins au paiement d'une somme de 20 000 F à titre de dommages et intérêts " pour procédure abusive et injustifiée ", l'en déboute, Condamne Madame Riquelme au paiement de la somme de 10 000 F par application de l'article 700 du NCPC, La condamne en outre en tous les dépens de première instance et d'appel.