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Décisions

CA Paris, 16e ch. A, 23 janvier 1996, n° 94-15801

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Baby Les Jardins de la Marne (Sté)

Défendeur :

Tofel (Sté), Comte, De Muynck, Fourrel, Kokkinos

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Duclaud

Conseillers :

Mme Guérin, M. Morel

Avoués :

SCP Varin-Petit, SCP Lagourgue

Avocats :

Mes Bertrand, Frémy.

T. com. Créteil, 5e ch., du 30 mars 1994

30 mars 1994

LA COUR est saisie de l'appel interjeté par la Société Baby Les Jardins de la Marne du jugement du 30 mars 1994 par lequel le Tribunal de Commerce de Créteil a :

- prononcé la résiliation du contrat de location-gérance passé entre la Société Baby Les Jardins de la Marne et la Société Tofel, les associés, MM. Kokkinos, Comte, Fourvel et Mme De Muynck, la somme de 576.053,03 F à titre de réparation du préjudice,

- rejeté les autres demandes des parties,

- condamné la Société Baby Les Jardins de la Marne à payer aux demandeurs la somme de 10.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Les faits sont les suivants :

Par acte du 27 janvier 1993 la Société Baby Les Jardins de la Marne a donné en location-gérance à la Société en formation Tofel pour un an à compter du 1er février 1993, un fonds de commerce de " restauration, bar, salon de thé pour repas d'affaires, réceptions, noces et banquets ". Ayant appris que la licence de débit de boissons de 4ème catégorie attribuée en 1989 à la Société Baby Les Jardins de la Marne et qu'elle cherchait à faire transférer à son profit était périmée ", la Société Tofel a demandé, par lettre du 13 avril 1993, à la Société Baby Les Jardins de la Marne l'annulation du contrat, et que celle-ci s'y est refusée. Elle a cependant restitué les lieux le 11 mai 1993, et réclamé le remboursement du dépôt de garantie. Sa demande étant restée vaine, elle a saisi le Tribunal de Commerce de Créteil, qui a rendu la décision entreprise.

La Société Baby Les Jardins de la Marne, appelante, estime qu'elle n'a commis aucune faute, qu'aucun vice n'est venu vicier le consentement de la Société Tofel et que celle-ci n'a subi aucun préjudice. Elle soutient d'autre part que la Société Tofel ne pouvait se dispenser comme elle l'a fait de régler les redevances d'avril et mai 1993, et qu'elle a laissé les lieux dans un état de délabrement très important.

Elle prie en conséquence la Cour d'infirmer la décision entreprise, de débouter la Société Tofel et ses associés de toutes leurs prétentions, de prononcer la résiliation du contrat du 27 janvier 1993 aux torts exclusifs de la Société Tofel et de ses associés, et de les condamner à lui payer la somme de 540.000 F à titre de dommages-intérêts ainsi que celle de 30.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La Société Tofel, MM. Comte, Fourvel et Kokkinos, et Mme De Muynck, intimés, soutiennent que le contrat du 27 janvier 1993 est entaché de dol et d'une erreur substantielle et que sa résolution doit être constatée. Ils concluent à la confirmation du jugement entrepris, sauf pour la Cour à condamner l'appelante à leur payer la somme de 606.470 F en réparation de leur préjudice. Ils réclament également la somme de 50.000 F à titre de dommages-intérêts supplémentaires et celle de 10.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Cela étant exposé, LA COUR,

Considérant qu'il résulte des documents produits et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que lors de la signature du contrat de location-gérance, la Société Baby Les Jardins de la Marne a présenté à la Société Tofel une licence de débit de boissons de 4ème catégorie, établie le 7 mars 1989 au nom de M. Halfon, gérant de la Société Baby Les Jardins de la Marne ; que la Société Tofel ayant cherché à faire transférer cette licence, mais ayant appris par les services de police, qu'elle était périmée, elle a, par lettre du 16 mars 1993 fait présenter par son conseil, rédacteur de l'acte, une " requête en vue de l'obtention d'une licence " auprès du Parquet de Créteil ; que celui-ci, faisant suite à cette requête lui a répondu le 26 mars 1993 que " M. Halfon, depuis mars 1989, bien qu'ayant été avisé par le Commissariat de Police, n'a pas fait procéder au changement de gérant sur cette licence, laquelle doit être considérée en l'état comme étant périmée " ;

Considérant que sans pouvoir espérer une régularisation prochaine, la Société Tofel s'est ainsi heurtée à de graves difficultés, tenant au fait qu'aux termes de l'article 31 du Code des débits de boissons, les étrangers autres que les ressortissants de la CEE ne peuvent exercer la profession de débitant de boissons, et que M. Halfon, gérant de la Société Baby Les Jardins de la Marne, est de nationalité tunisienne ; qu'une licence de 4e catégorie est de toute évidence un élément essentiel pour l'exploitation d'une activité telle que celle qu'elle exerce et qu'elle s'est trouvée dans l'impossibilité de s'inscrire au registre du commerce, le greffe exigeant la production de la nouvelle licence, et de services de l'alcool, en dehors de ses activités de restaurant;

Considérant que la société appelante ne peut donc sérieusement prétendre avoir rempli son obligation de délivrance en mettant à la disposition de la Société Tofel un fonds de commerce permettant une exploitation dans les conditions convenues, et que les premiers juges ont à juste titre souligné par ailleurs sa carence, puisqu'après avoir été avisé par les services de police de ce que sa licence de 4ème catégorie n'était pas valable, elle n'a pas accompli la moindre démarche en vue d'une régularisation ; qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé à ses torts exclusifs, la résiliation du contrat de location-gérance liant les parties ;

Considérant que la Société Tofel avait versé un dépôt de garantie de 270.000 F, et que les quelques photographies que la Société Baby Les Jardins de la Marne verse aux débats, ne peuvent suffire à établir que, comme elle le prétend, les locaux aient été restitués en mauvais état ; que la Société Tofel avait par ailleurs réalisé des investissements irrécupérables, dont les premiers juges ont relevé la liste, pour un montant de 90.913,03 F ; qu'enfin le Tribunal a exactement fixé au vu des documents produits, à 206.740 F la perte subie par la locataire-gérante ; qu'il convient donc de confirmer également le jugement en ce qu'il a fixé à 206.740 F + 90.313,03 F + 270.000 F = 567.053,03 F la somme due à la Société Tofel par la Société Baby Les Jardins de la Marne ;

Considérant que les premiers juges ont fait une juste application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et que leur décision sera confirmée en toutes ses dispositions, qu'il n'est pas inéquitable de rejeter la demande en paiement d'une somme supplémentaire formée par les intimés au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs : Et ceux non contraires des premiers juges, En la forme reçoit l'appel, mais le déclare mal fondé, le rejette ; Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ; Déboute les parties de leurs autres demandes ; Condamne la Société Baby Les Jardins de la Marne, aux entiers dépens ; Admet la SCP Lagourgue, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.