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Décisions

CA Montpellier, 5e ch. A, 29 janvier 1996, n° 95-4451

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Mac Donald's France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tournier

Conseillers :

MM. Armingaud, Prouzat

Avoué :

SCP Estival-Divisia

Avocat :

Me Alquezar.

CA Montpellier n° 95-4451

29 janvier 1996

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par requête du 26 mai 1995 la Société Mac Donald's France exposait que, dans le cadre de son activité, elle voulait donner en location-gérance un fonds de commerce de restauration rapide exploité sous son enseigne à Rodez, Boulevard Paul Ramadier, lieu dit Prat Mouly, et sollicitait donc la suppression du délai d'exploitation du fonds conformément à l'article 5 de la loi du 20 mars 1956.

Après conclusions du Parquet le Président du Tribunal de Grande Instance de Rodez rejetait la requête au double motif que :

- il n'appartenait pas à la juridiction saisie d'adapter ce texte, à ces nouvelles formes d'activités, ni de s'en affranchir, ni même de le compléter par une application purement prétorienne, qui, sous la sanction que pourrait encourir un pareil arrêt de règlement, devrait sans distinction et conformément au principe des précédents être étendue à toute personne qui organiserait ses activités sous cette forme,

- il n'était nullement établi que la Société se trouvait dans l'impossibilité d'exploiter le fonds par des préposés, et qu'il n'était pas justifié de l'ouverture du fonds.

La Société Mac Donald's a régulièrement relevé appel de cette décision auprès du greffe de la juridiction qui a statué, et soutient essentiellement que :

- son organisation économique implique le recours à la location-gérance pour fonctionner,

- le fonds est actuellement ouvert et se trouve exploité par un salarié,

- elle ne recherche pas dans cette opération une finalité spéculative.

Elle sollicite donc l'infirmation de la décision déférée et l'octroi de la suppression du délai de deux ans.

Madame le Substitut Général a conclu à l'infirmation en exposant que la loi devrait recevoir une interprétation large, conformément à la jurisprudence dominante, d'autant plus qu'il n'existait pas, en l'espèce, de fraude à la loi.

MOTIFS

Attendu que selon l'article 4 de la loi 56-277 du 20 mars 1956 la personne, physique ou morale, qui concède une location-gérance doit satisfaire à la double condition d'avoir été commerçante pendant sept ans, et d'avoir exploité au moins pendant deux ans le fonds mis en gérance ; que le juge peut réduire ou supprimer l'un ou l'autre de ces délais, notamment lorsque le commerçant justifie qu'il est dans l'impossibilité d'exploiter son fonds personnellement ou par l'intermédiaire de préposés ;

Attendu que si, dans ce cadre, le législateur a donné au juge une large marge d'appréciation par le recours au terme notamment, il n'en demeure pas moins que les indications qu'il a formulées, sur les situations à prendre en considération, doivent servir d'indices sur les intérêts qu'il a entendu protéger ;

Attendu que la première condition, pour une société, s'apprécie à compter de son immatriculation, puisque cette formalité confère la qualité de commerçant en raison de la forme sociale ; que la seconde condition suppose que la personne commerçante ait exploité au moins pendant deux ans le fonds mis en gérance, c'est-à-dire qu'il soit établi un lien d'exploitation entre le loueur et le fonds lui-même ;

Attendu qu'à la date de la requête, il convient d'observer que :

- si la Société Mac Donald's était commerçante depuis plus de sept ans, par contre le fonds de commerce n'était pas ouvert,

- que les termes d'exploitation du fonds mis en gérance impliquent, nécessairement et obligatoirement, son ouverture à la clientèle, même si la notion de fonds de commerce peut se référer à la clientèle potentielle existante dans la localité, cette distinction étant soulignée par le Professeur Derruppé dans sa note au Dalloz de 1974 page 283 à propos des arrêts du 27 février 1973 que la Société invoque, mais sans produire cette note,

- la loi de 1956, ayant été modifiée en 1986, il est donc certain que le législateur n'a pas souhaité apporter des changements ni aux restrictions légales dans le secteur d'activité de la Société ni aux dérogations instituées ;

Attendu que c'estdonc, à juste titre, que l'Ordonnance déférée a rejeté la requête en retenant qu'il n'appartenait pas au juge d'étendre la portée de la loi en accordant une dispense totale préalable, avant ouverture du fonds, alors que la loi ne l'autorise qu'à réduire ou supprimer des délais d'exploitation dudit fonds;

Attendu qu'en cause d'appel la Société prétend qu'elle a ouvert le fonds en recourant à un salarié sous la forme d'une exploitation directe; que cette affirmation démontre donc qu'elle ne se trouve pas dans l'impossibilité de le faire fonctionner;

Attendu que la requérante expose aussi que ce dernier mode de gestion est plus onéreux que le système de la location-gérance, l'accroissement de la rentabilité immédiate étant alors moins important, et qu'elle a adopté le système de fonctionnement de la location-gérance, sur l'ensemble du territoire français, en raison de son efficacité et de sa rationalité économiques ;

Attendu que, toutefois, ce choix de la requérante :

- n'est pas sans aucun lien avec un caractère spéculatif sur le fonds, puisque l'objectif visé est l'augmentation immédiate de la rentabilité, et donc finalement de la redevance perçue par la Société, grâce à l'implication personnelle du locataire-gérant,

- ne constitue pas un motif impérieux, survenu pendant l'exploitation, mettant en cause la bonne marche du fonds,

- préexistant à l'ouverture, et parfaitement connu de la Société, il pouvait rentrer, au même titre que les autres contraintes existantes, notamment fiscales, dans les prévisions liées à l'ouverture du commerce en cause;

Attendu qu'il n'y a donc pas lieu à délivrer l'octroi d'une dérogation à la durée légale ;

Attendu que, dans ces conditions, la Cour maintiendra sa jurisprudence antérieure, telle que déjà définie dans un arrêt du 16 janvier 1992, et confirmera l'Ordonnance déférée ; qu'en application de l'article 454, dernier alinéa, du Nouveau Code de Procédure Civile le présent arrêt sera également notifié, par le Greffe, au Président de la Chambre de Commerce de Rodez ;

Vu l'article 696 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Par ces motifs : LA COUR, Confirme l'ordonnance déférée, Dit qu'en application de l'article 454, dernier alinéa, du Nouveau Code de Procédure Civile le présent arrêt sera également notifié par le Greffe au Président de la Chambre de Commerce de Rodez, Condamne la Société requérante aux dépens.