Cass. com., 20 février 1996, n° 94-14.958
COUR DE CASSATION
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Tuileries briqueteries du Lauragais Guiraud frères (SA)
Défendeur :
Bernier et Compagnie diffusions commerciales (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Grimaldi
Avocat général :
M. Raynaud
Avocats :
Me Vincent, SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin.
LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses trois branches ; - Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré (Toulouse, 14 mars 1994) que, par lettre du 20 juin 1990, la Société tuileries briqueteries du Lauragais Guiraud frères (la STBL) a fait connaître à la société à responsabilité limitée Bernier et compagnie, diffusions commerciales (société Bernier) que le contrat à durée déterminée les liant, régi par le décret du 23 décembre 1958, ne serait pas renouvelé à son échéance du 1er janvier 1991 ; que les pourparlers amiables entre les deux sociétés ayant échoué, la société Bernier a assigné la société la STBL en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que la STBL reproche à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande alors, selon le pourvoi, d'une part, que le refus de renouvellement du contrat d'agent commercial conclu pour une durée déterminée avant l'entrée en vigueur de la loi du 25 juin 1991 n'ouvre aucun droit à indemnité à l'agent commercial, même si ce contrat s'était renouvelé à plusieurs reprises durant une longue période ; que la cour d'appel, qui a jugé que la durée même de la collaboration des parties constituait la preuve d'une fraude à la loi, et qu'il convenait d'annuler la clause de durée déterminée, a violé l'article 3 du décret du 23 décembre 1958 ; alors, d'autre part, que les parties à un contrat à durée déterminée peuvent dénoncer ce contrat dans le délai contractuellement prévu, sans avoir à motiver leur décision ; que la cour d'appel, qui a déduit le caractère abusif du non-renouvellement d'un contrat, notifié dans le délai de préavis contractuel, de l'absence de preuve de sa justification par les circonstances particulières, a violé les articles 1134 et 1315 du Code civil ; et alors, enfin, que l'agent commercial, mandataire, représente son mandant auprès de la clientèle de ce dernier ; que la cour d'appel qui, pour juger fautive la décision d'un mandant de ne pas renouveler un contrat d'agent commercial, a retenu que ce mandant avait détourné à son profit la clientèle de l'agent commercial, a violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'en retenant que le mandant avait "détourné à son profit la clientèle du mandataire en la faisant suivre par un salarié sur le secteur qu'il lui avait précédemment confié", l'arrêt a fait ressortir, bien qu'en utilisant une terminologie inexacte, que le mandant avait détourné à son profit les commissions que l'agent était en droit d'escompter, pour l'avenir, sur les affaires qu'il traiterait avec la clientèle ;
Attendu, en second lieu, que, par motifs propres et adoptés, après avoir relevé que la STBL a traité "en fait 23 années avec la même personne", l'arrêt retient que le mandataire prouve le caractère abusif du non-renouvellement de son mandat en démontrant que celui-ci n'était justifié par aucune circonstance particulière et que la STBL avait poursuivi son activité, et, en réalité, "détourné à son profit la clientèle de son mandataire" qui, au cours de son mandat, avait fait progresser son chiffre d'affaires de 50 000 à 1,5 MF; qu'en l'état de ces constations et appréciations, et abstraction faite des motifs surabondants dont fait état la première branche, la cour d'appel a légalement justifié sa décision; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches.
Par ces motif : rejette le pourvoi.