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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 23 février 1996, n° 93-5664

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Allia (SA)

Défendeur :

Blanco (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guerrini

Conseillers :

M. Ancel, Mme Regniez

Avoués :

SCP Teytaud, SCP Faure Arnaudy

Avocats :

Mes Tetrau, Sarron.

T. com. Paris, 10e ch., du 18 déc. 1992

18 décembre 1992

Par lettre en date du 19 septembre 1984, la SA Matia Leichle aux droits de laquelle se trouve la société Allia, a confié à la SARL Blanco l'exclusivité de la vente des baignoires calèche, destinées à des utilisateurs présentant un handicap physique.

Il était prévu un objectif annuel de 160 unités et la rémunération était calculée sous forme de remise sur les prix habituellement pratiqués à la clientèle. Le contrat était prévu pour l'année 1985, sans qu'il soit prévu de reconduction automatique.

Par lettre en date du 1er juin 1989, la société Blanco a informé " Matia " qu'elle avait vendu à ce jour 250 baignoires et qu'elle constatait un démarchage direct de Matia auprès de la même clientèle.

Par lettre du 7 juin 1989, la SA Leichle rappelle que " Matia " n'existe pas en tant que société et que c'est elle qui a signé le contrat du 1er septembre 1984. Elle souligne que par lettre du 27 janvier 1989, elle a informé la société Blanco de la cessation de son activité sanitaire spécialisée de marque Matia à la société Allia.

Par lettre du 26 juin 1989, rappelant divers entretiens précédents et le manque de résultats de la société Blanco (250 baignoires vendues en quatre ans au lieu de 160 par an), la société Allia a confirmé à celle-ci sa volonté de reconduire pour 1990 le contrat conclu le 19 septembre 1984.

Par lettre en réponse en date du 10 janvier 1990, Blanco rappelait à Allia l'entretien du 25 juillet au cours duquel Allia lui avait demandé de fixer le montant de son indemnisation suite à la rupture du contrat. Elle demandait à ce titre une somme de 1 millions de francs.

Par lettre du 23 février 1990, Allia a précisé avoir demandé non pas le chiffrage d'une indemnisation mais le montant des investissements commerciaux.

C'est dans ces conditions que la société Blanco a assigné la société Allia en réparation du préjudice subi par cette rupture.

Le jugement déféré a dit que la rupture de la clause d'exclusivité par la société Allia n'était pas abusive mais a estimé que cette perte d'exclusivité était " un peu brutale " et a condamné la société Allia à payer à la société Blanco une somme de 300 000 F de dommages intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 1991 outre une somme de 30 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

La société Allia a relevé appel de cette décision, estimant que le jugement déféré n'avait pas tiré les conséquences qui s'imposaient de ses propres constatations, et était entaché d'une contradiction de motifs. Elle a conclu au débouté des demandes de la société Blanco et a sollicité une somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

La société Allia conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a reconnu la principe d'une indemnité due à la société Blanco et relevant appel incident pour le surplus, sollicite une somme de 1 million de francs de dommages intérêts, avec intérêts au taux légal, à compter du jour de la demande outre une somme de 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Sur ce, LA COUR,

Considérant que la société Allia a consenti par contrat en date du 19 septembre 1984 l'exclusivité de la vente des baignoires calèche, aux grossistes sanitaires, se réservant la vente aux autres clientèles, en particulier les maisons de retraite et les hôpitaux ;

Considérant que le contrat était prévu pour la seule année 1985, sans que la reconduction soit automatique ; que cependant l'exclusivité a été renouvelée d'année en année jusqu'à la lettre de rupture en date du 26 juin 1989 ;

Considérant que dans la mesure où des relations commerciales se sont poursuivies entre le concédant et le concessionnaire après l'expiration du contrat à durée déterminée, il s'est formé entre les parties un nouveau contrat de concession exclusive à durée indéterminée ;

Considérant que la rupture unilatérale d'un contrat à durée indéterminée doit faire l'objet d'un préavis;

Considérant qu'en l'espèce, le préavis de six mois offert par la société Allia était exempt de brusquerie et conforme aux usages; qu'au surplus il était motivé par l'insuffisance de résultats de la société Blanco (250 baignoires en quatre ans aux lieu et place de 160 par an), insuffisance non contestée par l'intimée ;

Considérant que la société Blanco n'établit aucune faute de la société Allia dans les circonstances de cette rupture ; que l'appelante n'a jamais admis, contrairement aux allégations de l'intimée non étayées par des documents, le principe d'une indemnisation ; qu'elle n'a pas non plus incité sa cocontractante à réaliser des investissements commerciaux particuliers dans l'espoir d'une reconduction du contrat ;

Considérant que dans ces conditions il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'indemnisation de la société Blanco ;

Considérant qu'en équité, il sera fait droit à la demande de frais irrépétibles de l'appelante ;

Par ces motifs : Réforme le jugement déféré, Statuant à nouveau, Déboute la société Blanco de ses demandes, la condamne à payer à la société Allia une somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC, La condamne aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du NCPC par la SCP d'avoués Teytaud.