CA Grenoble, 1re ch. civ., 4 mars 1996, n° 94-585
GRENOBLE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Bruyère
Défendeur :
Sofinabail (SA), Dumoulin (ès qual.), Follain et Leblay (SCP)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Berger
Conseillers :
Mmes Manier, Brenot
Avoués :
SCP Grimaud, SCP Calas, Balayn, SCP Perret, Pougand
Avocat :
Me Fleuriot
LES FAITS :
Afin de financer la création d'une cave à vins à Montélimar " à travers " un contrat de franchise que leur avaient consenti la société Bacchus et la société Stratégie et Consortium Internationaux Vinicoles (SCIV), les époux Guy Bruyère et Chantal Champion ont signé, le 28 mars 1990, avec la société Sofinabail, un contrat de crédit-bail d'une durée de 60 mois au taux de 17,96 % portant sur divers matériels et pour un montant de 326 000 F. A hauteur de cette somme en principal (outre intérêts, frais et accessoires), Chantal Bruyère s'est portée caution solidaire en faveur de la société Sofinabail.
Guy Bruyère a été déclaré en liquidation judiciaire le 13 juin 1990. La société Sofinabail a déclaré sa créance entre les mains du liquidateur le 29 juin 1990.
LA PROCEDURE :
Le 30 octobre 1990, la société Sofinabail a assigné Chantal Bruyère devant le Tribunal de grande instance de Valence en paiement de la somme de 420 678,98 F.
Le 18 juin 1991, Chantal Bruyère a appelé en garantie la société Bacchus et la SCIV en annulation du bon de commande et du contrat de franchise du 15 novembre 1989 et en déclaration judiciaire de leur responsabilité in solidum relative à la liquidation de Guy Bruyère.
Par jugement rendu le 23 novembre 1993, le Tribunal de grande instance de Valence a déclaré irrecevable l'intervention forcée contre la société Bacchus et la SCIV, condamné Chantal Bruyère à payer à la société Sofinabail la somme de 326 300 F, avec intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance, a dit que la société Sofinabail devrait déduire de sa créance la somme de 21 954,40 F perçue au titre de la liquidation des biens de Bruyère et a condamné Chantal Bruyère à payer à la société Bacchus et la SCIV la somme de 1 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
LES PRETENTIONS DES PARTIES EN APPEL ET LA MOTIVATION DE LA COUR :
Maîtres Follain et Leblay se présentent devant la Cour en qualité de liquidateurs de la société Bacchus.
Maître Dumoulin se présente devant la Cour en qualité de liquidateur de la SCIV.
Ils font valoir l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du Tribunal de grande instance de Valence rendu le 6 novembre 1991 aux termes duquel, sur la même demande que celle présentée par action incidente dans la présente procédure, l'action de Chantal Bruyère avait été renvoyée, pour incompétence devant le Tribunal de commerce de Rouen.
Cependant, l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée à Chantal Bruyère dès lors que le Tribunal de grande instance de Valence n'a tranché aucune des contestations soumises à son appréciation.
Chantal Bruyère est donc en la forme recevable à présenter la même demande (garantie de toute condamnation prononcée à son encontre) par voie incidente mais c'est à juste titre, au fond, que la société Bacchus et la SCIV font valoir l'indépendance des contrats les liant à Guy Bruyère d'une part et du contrat liant la société Sofinabail à Chantal Bruyère.
La Cour, en conséquence, confirme le jugement sur la mise hors de cause de la société Bacchus et de la SCIV.
Chantal Bruyère ne conteste pas la validité formelle de son engagement de caution. Elle " découvre " pour la première fois, en appel et après plus de 4 ans de procédure, que la société Sofinabail a manqué à son devoir de conseil dès lors que concernant l'état de chômeurs de longue durée des époux Bruyère et après analyse du projet présenté, elle devait refuser d'établir le contrat de crédit-bail. Cependant, il est constant que la société Sofinabail a été saisie du financement du matériel du fonds de commerce des époux Bruyère postérieurement à la création de celui-ci.
D'autre part, les époux Bruyère ne peuvent justifier de l'intervention fautive de la société Sofinabail dans la réalisation de leur projet dès lors que l'article 1 du contrat de crédit-bail rappelle que le locataire (les époux Bruyère) a choisi librement le matériel et assume pleinement la responsabilité de son choix.
Sur le montant de sa créance, la société Sofinabail présente un décompte probant établissant son montant à la somme de 420 678,98 F (y compris les intérêts, frais et accessoires au paiement desquels Chantal Bruyère avait consenti).
Par ailleurs, la Cour fait droit à la demande en capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil présentée par conclusions signifiées le 21 février 1995.
Sur l'application de l'article 700 :
La société Sofinabail sollicite 3 000 F. La Cour fait droit à sa demande.
Les sociétés Bacchus et SCIV sollicitent conjointement 5 930 F. La Cour fait droit à leur demande.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi, Déboute Chantal Bruyère de son appel ; Confirme le jugement du Tribunal de grande instance de Valence sur la mise hors de cause de la société Bacchus, sur la déduction de la somme de 21 954,40 F (vingt et un mille neuf cent cinquante quatre francs quarante centimes), sur l'application de l'article 700 ; Confirme le jugement sur le principe de la condamnation de Chantal Bruyère mais en fixe le montant à la somme de 420 678,98 F (quatre cent vingt mille six cent soixante dix huit francs quatre vingt dix huit centimes), avec intérêts au taux de 17,90 % à compter de l'acte introductif d'instance ; Ajoutant au jugement, 1/ Ordonne la capitalisation des intérêts à compter du 21 février 1995, 2/ Condamne Chantal Bruyère à payer à la société Sofinabail la somme de 5 000 F (cinq mille francs) et conjointement aux sociétés Bacchus et Stratégie et Consortium Internationaux Vinicoles la somme de 5 930 F (cinq mille neuf cent trente francs) en application de l'article 700, Condamne Chantal Bruyère aux dépens.