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Décisions

Cass. com., 12 mars 1996, n° 93-19.278

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Mouselli

Défendeur :

Soclaine (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Huglo

Avocat général :

M. Mourier

Avocats :

SCP Peignot, Garreau, Me Roger, SCP de Chaisemartin, Courjon.

TGI Paris, 1re ch., 1re sect., du 18 nov…

18 novembre 1992

LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi incident formé par la société Soclaine que sur le pourvoi principal formé par M. Mouselli ; - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 3e ch., sect. B, 14 mai 1993) que, par acte du 17 septembre 1991, la société Soclaine a confié à la société Hauteville Diffusion (la société HD) la location-gérance, pour une durée de six mois, d'un fonds de commerce de vêtements de cuir et de fourrures ; que la redevance était payable par une série d'effets de commerce avalisés par M. Mouselli, gérant de la société HD ; que, par acte du 21 février 1992, la société Soclaine a consenti une promesse de vente du fonds à M. Mouselli pour un prix déterminé ; qu'une partie des effets émis en paiement de la redevance n'ayant pas été réglée et la vente n'ayant pas été réalisée, la société Soclaine a fait assigner la société HD, mise en redressement judiciaire, et M. Mouselli en paiement des effets litigieux et en nullité de la promesse de vente ; que ceux-ci ont demandé, à titre reconventionnel, la nullité du contrat de location-gérance, celle de la promesse de vente aux torts de la société Soclaine et, en conséquence de l'annulation de la promesse de vente, le remboursement à la société HD, qui les avait payés, des droits d'enregistrement de cette convention ;

Sur le premier moyen, pris en ses cinq branches, du pourvoi principal : - Attendu que M. Mouselli reproche à l'arrêt d'avoir déclaré valide le contrat de location-gérance, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'est nulle [la] location-gérance d'un fonds lorsque celui qui donne le fonds en gérance ne l'a pas exploité pendant deux ans au moins ; qu'en se bornant à affirmer que " les documents versés aux débats " établissaient que la société Soclaine avait exploité le fonds pendant deux ans au moins sans préciser sur quels documents de la cause elle fondait sa décision, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que le simple écoulement d'un stock pendant trois ans, jusqu'à sa disparition, ne saurait être assimilé à l'exploitation d'un fonds de commerce ; que la cour d'appel a constaté que l'activité fourrure de la société Soclaine avait essentiellement consisté en l'écoulement du stock ; que, dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 4 de la loi du 20 mars 1956 ; alors, en outre, que l'article 21 du décret du 23 mars 1967 et les articles 9 et 11 du décret du 30 mai 1984 imposent une inscription complémentaire ou une immatriculation secondaire au registre du commerce et des sociétés pour l'exploitation d'un fonds de commerce totalement distinct et indépendant du fonds ayant fait l'objet de l'immatriculation principale ; qu'en l'espèce, M. Mouselli avait invoqué l'absence d'immatriculation secondaire ou complémentaire au registre du commerce, pour contester l'existence d'une exploitation effective du fonds de commerce de cuirs et fourrures par la société Soclaire ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a vilolé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, encore, qu'est nulle, faute d'objet, la location-gérance d'un fonds de commerce dont la clientèle a disparu ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, après avoir relevé que l' activité fourrure de la société Soclaine n'était plus que marginale in fine et consistait en l'écoulement du stock, a constaté qu'il n'existait plus de marchandise en stock lors de la conclusion du contrat litigieux ; que ce faisant, la cour d'appel a mis en évidence la disparition de la clientèle, et par suite la mort du fonds de commerce ; qu'en décidant, néanmoins que le contrat de location-gérance n'était pas nul faute d'objet, la cour d'appel n'a pas tiré toutes les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, et a violé les articles 1 et 4 de la loi du 20 mars 1956 ; et alors, enfin, que la cour d'appel a constaté que l'objet réel du contrat du 17 septembre 1991 était de permettre à M. Mouselli de surseoir au paiement du prix du droit au bail et de s'informer sur place de la qualité de l'emplacement, la société Soclaine cherchant à céder son droit au bail et M. Mouselli désirant disposer d'un emplacement commercial ; qu'il résulte de ces constatations, que le contrat n'avait pour objet que la location des lieux et qu'il dissimulait ainsi un bail commercial ; que, dès lors, en refusant d'annuler le contrat de location-gérance, la cour d'appel a refusé de tirer les conséquences légales qui résultaient de ses propres constatations et violé les articles 1 et 4 de la loi du 20 mars 1956 ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant énoncé que, ni la diminution de l'activité constatée, ni le fait que cette activité ait essentiellement consisté en l'écoulement du stock, n'étaient de nature à empêcher la société Soclaine de se prévaloir de l'exploitation du fonds pendant la période considérée, la cour d'appel, qui n'avait pas à suivre M. Mouselli dans le détail de son argumentation, a pu décider que la société loueuse avait exploité pendant deux années au moins le fonds de commerce mis en location-gérance;

Attendu, en deuxième lieu, que l'existence de la clientèle d'un fonds de commerce est une question de fait, souverainement appréciée par les juges du fond ; qu'ayant constaté que la disparition du stock n'avait pas entraîné, en l'espèce, celle de la clientèle, la cour d'appel a pu en déduire que la société HD et son gérant ne pouvaient prétendre que le contrat de location-gérance était sans objet ;

Attendu, en dernier lieu, que dès lors qu'elle retenait que le contrat du 17 septembre 1991 avait opéré une cession de la clientèle du fonds litigieux, la cour d'appel a pu décider qu'il n'y avait pas lieu de requalifier cette convention en un simple contrat de bail commercial portant sur les locaux d'exploitation du fonds ; D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi principal : - Attendu que M. Mouselli reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamné, solidairement avec la société HD, à régler le montant des effets impayés à la société Soclaine, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cassation à intervenir du chef du dispositif qui a rejeté l'action en nullité du contrat de location-gérance, entraînera, par voie de conséquence, la cassation de ce chef du dispositif par lequel M. Mouselli a été condamné sur le fondement d'un acte de caution prévu à l'article XIII de ce contrat ; et alors, d'autre part, qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est abstenue d'examiner la validité de la garantie de M. Mouselli, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que le premier moyen du pourvoi ayant fait l'objet d'un rejet, le présent moyen, en sa première branche, est sans fondement ;

Attendu, d'autre part, que M. Mouselli s'étant borné, dans ses conclusions, à contester la validité de l'obligation qui avait fait l'objet du cautionnement, le moyen, en ce qu'il met en cause la validité de l'acte de cautionnement lui-même, est nouveau et que, mélangé de fait et de droit, il est irrecevable ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident : - Attendu que la société Soclaine reproche à l'arrêt d'avoir prononcé, à ses torts, la nullité de la promesse de vente du 21 février 1992 et de l'avoir, en conséquence, condamnée à rembourser à la société HD le montant des droits d'enregistrement de l'acte, alors, selon le pourvoi, que l'omission d'énoncer les mentions prévues à l'article 12 de la loi du 29 juin 1935 dans une promesse de vente d'un fonds de commerce est sanctionnée par une nullité relative et facultative, pour le juge, de l'acte irrégulier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a affirmé que la nullité de la promesse de vente signée le 21 février devait être constatée, qu'elle a donc statué en méconnaisance de l'étendue de ses pouvoirs et, par suite, a violé le texte susvisé ;

Mais attendu que dès lors, que l'omission des mentions prescrites par l'article 12 de la loi du 29 juin 1935 a vicié le consentement de l'acquéreur et lui a causé un préjudice, le juge est tenu, sur la demande de celui-ci, de prononcer la nullité de l'acte de vente ; que la société Soclaine n'ayant pas répondu aux conclusions des administrateurs du redressement judiciaire de la société HD, qui soutenaient que cette société n'aurait jamais acheté le fonds pour le prix convenu si les renseignements visés à l'article 12 de la loi du 29 juin 1935 lui avaient été régulièrement fournis, le moyen, en ce qu'il suppose, pour être opérant, que l'omission des mentions litigieuses dans l'acte du 21 février 1992 n'aurait pas vicié le consentement de la société HD ou ne lui aurait pas causé de préjudice, est nouveau et que, mélangé de fait et de droit, il est irrecevable ;

Par ces motifs : rejette.