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Décisions

CA Paris, 5e ch. C, 15 mars 1996, n° 94-26400

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Villette (ès qual.), Lopez

Défendeur :

Parfums et Beauté de France et Compagnie (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rognon

Conseillers :

Mme Cabat, M. Betch

Avoués :

Mes Pamar, Bolling

Avocats :

Mes Leupold, Rivoire.

T. com. Paris, du 13 sept. 1994

13 septembre 1994

Madame Lopez, aujourd'hui en liquidation judiciaire et représentée par Maître Alain Villette es-qualités de mandataire-liquidateur, a exploité deux fonds de commerce de parfumerie à Nancy.

Durant cette exploitation, elle a signé les 15 mars et 31 mai 1988 deux contrats de distribution agréée Lancôme avec la SNC Parfums et Beauté France (ci-après Lancôme) distributeur exclusif pour la France de la marque Lancôme.

Le 5 juillet 1990, Lancôme a notifié à Mme Lopez une " fin des relations commerciales " que celle-ci a dénoncée comme abusive.

Sur le litige ainsi né entre les parties, le Tribunal de commerce de Paris a, par jugement du 13 septembre 1994, condamné la SNC Parfums et Beauté France dénommée Lancôme à payer à M. Villette es-qualités une somme de 150.000 F à titre de dommages-intérêts outre 10.000 F en application des dispositions de l'article 700 du NCPC.

Me Villette es-qualités et la SNC Parfums et Beauté France (Lancôme) ont valablement interjeté appel de cette décision.

Maître Villette soutient que Lancôme ne démontre pas la vente de produits par Madame Lopez à un réseau de distribution parasitaire, vente qui aurait motivé la rupture des contrats de distribution ; qu'elle ne démontre pas davantage la non conformité alléguée des magasins de Mme Lopez avec les normes Lancôme de sorte que la résiliation de ces contrats est abusive.

Il ajoute que si des produits vendus à Mme Lopez ont pu être ultérieurement retrouvés chez des commerçants non agréés, Mme Lopez a subi en septembre et décembre 1988 les cambriolages de ses deux parfumeries, faits qui peuvent expliquer que des produits puissent avoir été retrouvés dans un réseau de distribution parasitaire.

Il sollicite le rejet de l'appel interjeté par Lancôme et demande que le montant des dommages-intérêts accordé par les premiers juges soit porté à 1.660.458 F représentant la perte des fonds, perte décrite comme étant en lien de causalité avec la faute de la SNC

Me Villette, es-qualités demande en outre 87.912 F correspondant à des ristournes de fin d'année, la capitalisation des intérêts ainsi que 20.000 F en application des dispositions de l'article 700 du NCPC.

La SNC Lancôme s'oppose à ces prétentions en soutenant que malgré les nombreuses demandes qui lui étaient adressées Mme Lopez n'a jamais été en mesure d'offrir dans ses magasins, aux produits Lancôme, un environnement de marques suffisant et ce alors que les contrats de distribution consentis lui permettaient, par leur exécution dans le temps, d'y parvenir. Elle relève que cet élément suffisait à justifier la résiliation des contrats, résiliation qui a en outre été imposée par la découverte de produits, indéniablement livrés à Mme Lopez, sur le marché parasitaire ce alors que celle-ci avait l'obligation de ne céder ces produits qu'à des consommateurs et non à des négociants ou détaillants.

La SNC ajoute que le défaut de notification au fournisseur, tenu de faire respecter l'intégrité de son réseau, des cambriolages subis, cambriolages jusqu'alors cachés par Mme Lopez, constitue une infraction à l'article II 3 des conditions de vente justifiant aussi la résiliation querellée.

Elle souligne enfin que le montant du préjudice annoncé n'est pas justifié et conclut à l'infirmation de la décision déférée avec rejet des demandes présentées à son encontre et attribution d'une somme de 25.000 F en application des dispositions de l'article 700 du NCPC.

Cela exposé :

Considérant qu'il n'est pas discuté que Lancôme dispose d'un réseau de distribution sélective, réseau dont Mme Lopez a souhaité faire partie ;

Considérant qu'il ressort des pièces mises aux débats, notamment des contrats signés les 15 mars 1988 et 31 mai 1988 par Mme Lopez que ceux-ci n'ont été prévus que pour 6 mois seulement, durée destinée à permettre à Mme Lopez, selon lettres des 24 mars 1987, 19 avril 1988, 20 mai 1988, 20 novembre 1988, 17 janvier 1989, 17 juillet 1989 émanant de Lancôme, de mettre ses magasins en conformité aux critères qualitatifs exigés par cette marque et bien connus de Mme Lopez ;

Considérant que si celle-ci soutient s'être mise aux exigences qu'en découlaient, elle ne verse aux débats aucune pièce ou élément permettant de l'établir notamment de démontrer que l'environnement de marques était assuré;

Considérant que devant les demandes écrites, réitérées, présentées sur ces points par Lancôme, Mme Lopez n'a été en mesure, le 10 octobre 1989, que de solliciter de nouveaux délais pour arriver au respect des obligations qu'elle avait souscrites sur ce point ;

Considérant que peu après, deux articles dont les codes démontrent qu'ils ont indéniablement été livrés à Mme Lopez, ont été retrouvés alors qu'ils faisaient l'objet d'une commercialisation parallèle; que si Mme Lopez invoque deux cambriolages dont elle a été victime et qui expliqueraient cette découverte, il y a lieu de constater qu'elle ne verse aux débats aucune pièce laissant supposer l'existence même de ces cambriolages très tardivement allégués ;

Considérant qu'il apparaît qu'aux termes des conditions générales de ventes consenties par Lancôme, Mme Lopez s'est engagée (paragraphe II art. 3) à communiquer à Lancôme " l'inventaire des produits volés déclarés à la police en accompagnement de la plainte pour vol " et ce pour permettre à celle-ci d'assurer l'étanchéité de son réseau ; que Mme Lopez ne justifie pas avoir rempli cette obligation alors qu'elle fait elle-même état, devant la Cour, de deux cambriolages successivement subis en septembre et décembre 1988 ;

Considérant que pour ces motifs la résiliation des contrats de distribution par Lancôme est justifiéeet que les demandes présentées à son encontre par Maître Villette doivent être rejetée étant ajouté qu'avec la résiliation au 5 juillet 1990 des contrats Mme Lopez ne peut exciper d'un refus de vente commis à son préjudice, le 30 juillet 1990 et qu'elle ne justifie pas de l'existence d'une obligation contractuellement souscrite par Lancôme d'un paiement de ristournes ou de commissions ;

Considérant que l'équité ne commande pas l'attribution d'une somme au titre des frais irrépétibles de première instance ou d'appel ;

Par ces motifs : LA COUR, déclare recevables les appels de la SNC Parfums Beauté France (Lancôme) et de Maître Villette es-qualités ; Infirme en toutes ses dispositions la décision déférée ; Rejette l'intégralité des demandes présentées par Me Villette à l'encontre de la SNC Parfums Beauté France (Lancôme) ; Rejette toute demande autre ou contraire aux motifs ; Condamne Maître Villette es-qualités aux dépens de première instance et d'appel et admet pour ces derniers l'avoué concerné au bénéfice des dispositions de l'article 699 du NCPC.