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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 29 mars 1996, n° 94-9153

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Fiat Auto France (SA)

Défendeur :

Polyservices France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Leclercq

Conseillers :

M. Bouche, Mme Cabat

Avoués :

SCP Fisselier Chiloux Boulay, SCP Parmentier Hardouin

Avocats :

Mes Cocchiello, Ouakrat.

T. com. Paris, 15e ch., du 1er oct. 1993

1 octobre 1993

Considérant que la société Fiat auto France ci-après appelée Fiat France a fait appel d'un jugement contradictoire du 1er octobre 1993 du Tribunal de commerce de Paris qui l'a condamnée à payer 5 000 000 F à la société Polyservices France ci-après appelée Polyservices, a condamné la société Polyservices à lui payer 1 962 218,88 F avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 1993, a ordonné une expertise afin de faire les comptes entre les parties dans le cadre d'un règlement global et définitif, ordonné l'exécution provisoire à charge pour la société Polyservices de fournir une caution bancaire de 2 500 000 F et rejeté comme inutiles les autres demandes des parties ;

Considérant que la société Fiat France expose :

- qu'elle a signé le 1er juillet 1988 un contrat de concession de vente exclusive de véhicules neufs et de pièces de rechange de marque fait concernant un secteur de Paris avec la société Polyservices, animée par Jean-Michel Schoeler qui avait d'une part été concessionnaire Renault jusqu'en 1987 sous couvert d'une société France route et d'autre part exercé une activité de vente de véhicules neufs et d'occasion de toutes marques depuis au moins douze ans dans les locaux situés à Paris boulevard Berthier et à Nemours,

- que la société Polyservices conservait le droit de poursuivre ses activités de location mais aussi de vente en transit temporaire de véhicules de toutes marques en particulier à des touristes canadiens auxquels elle rachetait les véhicules à l'issue de leur séjour,

- qu'en 1989 la société Fiat France a été amenée à imposer aux loueurs français de véhicules de marque Fiat de revendre les véhicules à l'issue d'une période de 6 à 12 mois suivant leur achat pour mettre un terme à un trafic consistant à faire des acquisitions au tarif préférentiel consenti aux loueurs à seule fin de revendre aussitôt les véhicules en Italie à des prix inférieurs à ceux du marché local,

- que la société Polyservices a accepté de signer en 1989 le " protocole national d'accord " concernant les loueurs de véhicules Fiat qui accordait à la société Fiat France la faculté de rachat des véhicules qu'elle leur avait vendus,

- que la société Fiat France a dû gérer et revendre ainsi de nombreux véhicules de marque Fiat qu'elle rachetait, et a conclu avec la société Polyservices le 16 juillet 1990 un contrat lui accordant la location-gérance de l'établissement de la société Polyservices de Nemours dont la société Polyservices ne se servait plus ;

- que la société Polyservices a proposé à la société Fiat France de l'introduire sur le marché de la vente en transit temporaire en échange d'une redevance calculée sur le chiffre d'affaires ainsi réalisé mais que cette activité ne s'est révélée rentable que pour la société Polyservices,

- que les sociétés Fiat France et Polyservices se sont ainsi trouvées liées par diverses conventions à durée déterminée que chaque partie était libre de ne pas renouveler pour peu qu'elle en informe l'autre au moins trois mois à l'avance,

- que le coût excessif de la reprise, de la gestion et de la revente des véhicules et les conflits qui ont opposé la société Polyservices à son représentant canadien et aux sous traitants auxquels la société Fiat avait confié la gestion des ventes en transit temporaire, ont conduit la société Fiat France à notifier à la société Polyservices, par courrier du 29 septembre 1992 respectant le préavis contractuel de trois mois, qu'elle ne renouvelait pas pour l'année 1993 les contrats de vente en transit temporaire, de location et de location-gérance ;

- que le 30 septembre 1992 les sociétés Fiat France et Polyservices avaient déjà conclu une transaction mettant un terme aux litiges nés de l'exécution des contrats de vente en transit temporaire et de vente location de courte durée des années 1990 et 1991,

- que la société Fiat services a proposé à la société Polyservices le 26 septembre 1992 de lui verser 1 500 000 F en contrepartie de la rupture des relations contractuelles mais que la société Polyservices a rejeté cette offre transactionnelle, a exprimé des exigences extravagantes et s'est opposée en décembre 1992 et au cours du premier trimestre de l'année 1993 à toute reprise des véhicules appartenant à la société Fiat France stockés à Nemours, contraignant l'appelante à engager une procédure de référé ;

- que la société Fiat France a pris le 17 février 1993 la décision de dénoncer le contrat de concession exclusive, seule convention liant encore les parties, tandis que la société Polyservices refusait de payer une dette de plus de deux millions de francs ;

- qu'un accord concernant les comptes d'exécution des contrats est intervenu entre les parties après qu'ait été prononcé le jugement déféré.

Que la société Fiat France observe qu'elle a respecté les conventions en accordant à la société Polyservices les préavis convenus et qu'elle est libre de ses choix de politique commerciale ; qu'elle soutient que la société Polyservices est au surplus victime de " l'esprit excessivement chicanier " de son animateur Jean-Michel Schoeler qui a conduit à la résiliation conflictuelle de la concession antérieure Renault ;

Qu'elle reproche aux premiers juges de s'être contredits en admettant d'une part la régularité des résiliations, l'absence de dépendance économique, la conformité de l'activité exercée à Nemours, l'absence de dévaluation du fonds confié en location-gérance, la libre acceptation du " protocole national d'accord " comportant une clause de rachat dite " buy back ", les pertes subies par la société Fiat France et le caractère conflictuel pris par les relations de la société Polyservices avec son représentant québécois et avec les collaborateurs et dirigeants de la société Fiat France, et en reprochant d'autre part à la société Fiat France de n'avoir résilié " pour des raisons fussent-elles justifiées " que les seuls contrats sur lesquels la société Polyservices faisait des bénéfices ;

Qu'elle réfute en outre le grief de tergiversations que le tribunal de commerce lui a fait, en précisant que la société Polyservices disposait d'un trimestre pour chercher une solution alternative et qu'elle a prouvé sa bonne foi en répondant par une offre transactionnelle à laquelle elle n'était pas tenue, aux prestations véhémentes de la société Polyservices ; qu'elle affirme que cette offre n'était nullement un aveu de responsabilité et qu'elle est caduque ;

Que la société Fiat France demande à la Cour de réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer 5 000 000 F de dommages-intérêts, de rejeter les demandes de la société Polyservices et de condamner celle-ci à lui payer 100 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Considérant que la société Polyservices confirme dès ses premières conclusions du 30 septembre 1994 que la société Fiat France et elle ont conclu depuis le prononcé du jugement déféré un accord transactionnel concernant les créances et les dettes résultant de l'exécution des conventions et que seule demeure soumise à débats la réparation du préjudice engendré par la rupture des relations contractuelles résultant :

- du refus de renouvellement dénoncé en septembre 1992 à effet du 31 décembre 1992 de l'engagement d'achat de véhicules Fiat destinés à la location comportant une clause de revente obligatoire à la société Fiat France après une période de location de 6 à 12 mois, du contrat de location-gérance des installations de Nemours dont la société Polyservices n'avait plus l'utilité du fait de son obligation de revente des véhicules de location à la société Fiat France, et d'un contrat de concession exclusive de vente de véhicules en transit temporaire à la clientèle canadienne,

- de la résiliation le 15 février 1993 à effet du 16 février 1994 du contrat de concession de vente de véhicules et pièces de rechange Fiat en réplique à l'assignation de la société Polyservices du 22 janvier 1993 ;

Qu'elle insiste dans ces conclusions sur l'intérêt que la société Fiat France a porté sur ses installations parisiennes du boulevard Berthier fort bien situées puis sur celles de Nemours, sur l'exclusivité convenue dans les diverses conventions à la demande de la société Fiat France et sur la disparition progressive de l'indépendance de la société Polyservices du fait de la création " d'un ensemble de liens étroits et exclusifs unissant les parties de manière pratiquement inextricable " et aboutissant à ce que la totalité du chiffre d'affaires réalisé par la société Polyservices dans de nombreux secteurs de son activité dépende de la société Fiat France ;

Qu'elle soutient que la société Fiat France n'avait qu'à se louer des progrès de ses parts de marché que la société Polyservices lui a assurées, et conteste l'existence des pertes d'exploitation tardivement alléguées par la société Fiat France à laquelle elle reproche d'avoir abusé de sa position dominante, rompu sans raison valable les différentes conventions, donné une publicité inopportune à cette rupture alors que parallèlement elle laissait espérer un renouvellement des accords, compromis l'équilibre économique de l'activité de la société Polyservices, tergiversé dans sa décision finale, détourné l'un des éléments essentiels du fonds de commerce de la société Polyservices en confiant le fichier des clients de transit temporaire à un concurrent direct de l'intimée et cherché à " maximiser " le préjudice de la société Polyservices afin de l'éliminer ;

Qu'elle détaille son préjudice et demande à la Cour de déclarer abusif le refus de renouvellement " de l'ensemble et de chacune des conventions " et de constater la tentative d'accaparement et de dévalorisation du fonds de commerce dont tout particulièrement celui de Nemours et des fautes d'exécution des conventions concernant la vente des véhicules de transit temporaire, de porter à 23 970 000 F le montant de dommages-intérêts et d'y ajouter 250 000 F de perte d'usage et 102 400 F de surcoût salarial, de débouter la société Fiat France de ses demandes et de la condamner à lui verser 150 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Considérant que la société Polyservices précise, par conclusions signifiées le 12 juin 1995, que l'évolution dramatique de sa situation l'a conduite à solliciter et obtenir la nomination de Maître Chavaux administrateur judiciaire, en tant que mandataire ad hoc chargé d'assister ses dirigeants dans la recherche de solutions au litige l'opposant à la société Fiat France et que Maître Chavaux a confirmé l'abus de position dominante commis par la société Fiat France et l'ampleur du préjudice en résultant ;

Considérant que la société Fiat France constate que les rapports de Maître Chavaux et d'un avocat que Maître Chavaux s'est partiellement substitué, Maître Petreschi, ne sont pas contradictoires, verse aux débats une consultation pas davantage contradictoire du professeur de droit Louis Vogel et soutient que les critères de la dépendance économique que sont l'importance des parts de marché et l'impossibilité de la reconversion ne sont pas réunis ;

Qu'elle prétend à nouveau qu'elle était en droit de ne pas renouveler ou de résilier les conventions, qu'elle n'avait pas à justifier sa décision, qu'elle n'a jamais cherché à nuire à la société Polyservices, qu'il n'existait aucune communauté d'entreprise entre les deux sociétés et que l'évaluation du préjudice est irréaliste ;

Considérant que les premiers juges qui étaient en fait saisis des mêmes moyens et de la même argumentation que celle qui développée en appel, ont relevé avec pertinence et par des motifs que la Cour adopte, que la société Polyservices a accepté les trois accords secondaires qui n'ont pas été renouvelés, et le contrat principal de concession qui a été résilié, que la quadruple rupture était régulière en ce qu'elle respectait les préavis contractuels et n'était nullement abusive dès lors que ses motifs et circonstances étaient analysés convention par convention, enfin que le préjudice imputable isolément à chaque rupture n'existait pas du fait de l'absence de droit à une pérennisation ou de l'existence d'une proposition sensiblement équivalente que la société Polyservices a rejetée (convention de location temporaire avec clause de revente obligatoire) ou encore de l'absence d'exclusivité contractuelle (convention de location de véhicules en transit temporaire) qui avait été acceptée par la société Polyservices en contrepartie d'autres avantages (location-gérance du fonds de Nemours assortie d'une spécification exclusive Fiat) ;

Considérant que la société Polyservices a cependant raison de prétendre qu'elle se trouvait, du fait des clauses cumulées des quatre conventions, dans un état de dépendance économique ; qu'elle était liée depuis le 1er juillet 1988 à la société Fiat France par un contrat de concession autorisant à vendre des véhicules neufs qui ne pouvaient être que de marque Fiat, mais exerçait parallèlement une activité considérable de loueur de voitures ; que dès 1989 un " protocole national d'accord " applicable aux loueurs de véhicules de marque Fiat et comportant une clause de revente obligatoire des véhicules à la société Fiat France dans des délais d'une extrême brièveté et un contrat de concession exclusive de commercialisation des véhicules de marque Fiat vendus à la clientèle canadienne sous le régime fiscal avantageux du transit temporaire sont venus restreindre considérablement la liberté de la société Polyservices de louer et revendre des véhicules d'autres marques que Fiat ; que le 16 juillet 1990 la société Polyservices a confié à la société Fiat France son fonds de commerce de Nemours au sein duquel elle revendait ses véhicules de location, se privant ainsi d'une des conditions essentielles d'un maintien d'une diversification de ses sources d'approvisionnement ;

Que les premiers juges ont constaté fort justement que la société Polyservices s'était placée librement dans cet état ; qu'ils ont cependant eu tort de conclure qu'il n'en résultait pas une dépendance économique en négligeant l'existence de clauses d'exclusivité qui paralysaient l'appel à la concurrence, l'activité de vente de véhicules neufs Fiat dont l'oubli leur permettait d'aboutir au 31 % du chiffre d'affaires de la société Polyservices auxquels ils ont évalués par erreur l'activité Fiat de l'intimée, et le fait que la société Fiat France exploite une marque connue et est aussi vigilante que ses concurrents quand il lui faut conquérir des parts de marché ;

Qu'en réalité dès la conclusion du contrat de location-gérance la société Polyservices dépendait économiquement de la société Fiat France puisqu'elle ne pouvait vendre de véhicules neufs, qu'il s'agisse de vente ordinaire ou de vente en transit temporaire, que de marque Fiat et qu'il lui devenait impossible d'acheter pour les louer faute d'avoir conservé la structure appropriée de revente située à Nemours;

Que la meilleure illustration de cette dépendance est l'effondrement des résultats de la société Polyservices en 1992 bien que l'entreprise ait conservé l'exclusivité de la vente des véhicules neufs de marque Fiat dans son secteur, seule activité préservée par la première rupture ;

Que la société Fiat France n'oppose à ces arguments que l'affirmation surprenante et fausse de l'absence de notoriété de sa marque, la faible part de marché ou de chiffre d'affaires de chaque activité prise isolément et la possibilité ouverte selon elle par les préavis de trouver une solution salvatrice ; qu'elle admet cependant que l'activité Fiat représentait dans son ensemble 78 % des recettes de la société Polyservices et néglige totalement les clauses d'exclusivité et le décalage des ruptures qui faisaient que la société Polyservices se trouvait liée à elle jusqu'en 1993 ;

Considérant que la société Fiat France n'ignorait évidemment rien de cette dépendance puisqu'elle avait signé les diverses conventions qui l'ont créée, et qu'elle pouvait en observer les effets à travers les facturations réciproques des deux entreprises ;

Que l'exécution de bonne foi des conventions sur laquelle la société Polyservices fonde au moins partiellement ses demandes, imposait à la société Fiat France qui ne justifie d'aucun grief autre que celui insuffisant d'une absence de cordialité des relations contractuelles, d'accorder à la société Polyservices un délai raisonnable de reconversion avec le caractère quasi exclusif de son activité Fiat;

Que le préavis contractuel de trois mois était envisageable pour un refus de renouvellement d'une seule des conventions secondaires; qu'il ne l'est plus pour la résiliation simultanée des trois conventionsd'autant qu'elles étaient en fait les seules à rendre bénéficiaire l'exploitation de la société Polyservices ; qu'il l'est encore moins lorsque ce délai est amputé par des tergiversations qui ne sont guère contestées, autorisant la société Polyservices à espérer en la conclusion d'accords quelque peu modifiés en cours de négociation et à différer en conséquence la recherche de nouveaux partenaires ;

Que la société Fiat France pouvait encore bien moins rompre de bonne foi le 29 septembre 1992 à effet du 31 décembre 1992 les relations commerciales secondaires avant de résilier le 15 février 1993 le contrat principal de concession avec préavis contractuel d'un an à effet du 16 février 1994; qu'elle pouvait parfaitement se douter, à supposer qu'elle n'ait pas disposé en tant que concédant des bilans et comptes d'exploitation de son concessionnaire au surplus publiés, de ce qu'elle provoquait ainsi un déséquilibre considérable de l'activité de la société Polyservices en ne lui laissant que l'activité de vente de véhicules neufs dont elle connaissait parfaitement le marasme pour en tirer elle-même argument lorsqu'elle entend justifier la rupture dont elle a pris l'initiative, et en lui interdisant en fait pendant près de dix sept mois de chercher utilement un autre concédant du fait du maintien de liens exclusifs;

Que la loyauté aurait dû conduire la société Fiat France compte tenu de l'imbrication économique des activités, à prendre l'initiative en septembre 1992 d'une résiliation de la concession à effet d'une année comme convenu et d'un renouvellement abrégé des conventions secondaires de façon à ce que l'ensemble des contrats prennent fin à la même date; que pour ces motifs substitués à ceux des premiers juges la Cour constatera que la société Fiat France a abusé de son droit de mettre fin aux conventions la liant à la société Polyservices;

Considérant que la société Polyservices réclame en premier lieu 23 970 000 F de dommages-intérêts dont la Cour n'est pas parvenue à reconstituer le calcul puisque l'intimée demande dans les motifs de ses conclusions :

- 8 457 880 F de dommages-intérêts en réparation de sa perte d'exploitation de l'exercice 1993 lequel succédait à des exercices bénéficiaires ou équilibrés, calculée avant imputation de 5 000 000 F accordés par le tribunal de commerce,

- 9 900 000 F de dommages-intérêts en réparation de la disparition totale de son activité de vente en transit temporaire sur la base annuelle de 3 300 000 F,

- 13 500 000 F de dommages-intérêts en réparation de la perte de son activité de location et des redevances de location-gérance sur la base annuelle de 4 500 000 F,

- 570 000 F de dépenses de publicité qui n'ont pas été refacturées à la société Fiat France ;

Que la société Polyservices se comporte comme si elle avait droit à la pérennisation de ses relations contractuelles avec la société Fiat France alors qu'elle exerçait une activité de concessionnaire et non de mandataire et que la société Fiat France pouvait y mettre fin pour peu qu'elle respecte un préavis d'une durée très inférieure aux trois années sur lesquelles l'intimée fonde ses calculs ; qu'il convient de lui rappeler qu'elle n'a droit à la réparation que du préjudice résultant directement de l'abus du droit de rompre reproché à la société Fiat France, c'est à dire d'une perte à chiffrer en particulier par comparaison entre la dégradation de la situation effectivement subie entre le 29 septembre 1992 et le 28 septembre 1992 ou entre le 15 février 1993 et le 15 février 1994 si la société Fiat France avait procédé à une rupture simultanée des quatre conventions à effet d'un an ainsi que la loyauté le lui commandait, et permis à la société Polyservices de trouver un autre cocontractant ;

Que la Cour ne dispose pas d'éléments suffisants pour se prononcer sur le montant du préjudice ; qu'il convient de recourir à une expertise et d'accorder à la société Polyservices une provision de 4 000 000 F ;

Considérant que la société Polyservices demande en outre 250 000 F et 102 400 F en réparation de l'altération de son image de marque du fait de " prestations déplorables " de la société Fiat France et du surcoût salarial engendré par la nécessité de faire travailler un salarié à temps complet durant huit mois sur les deux cent plaintes au moins qu'elle a reçues ;

Que la Cour adopte les motifs pertinents par lesquels les premiers juges ont rejeté cette demande faute de preuve d'un préjudice d'image subi, s'il a existé, par la marque et non par le concessionnaire évincé, et d'un surcoût salarial d'autant moins justifié que son chiffrage est aberrant ;

Par ces motifs : Constate que ne sont plus contestées les circonstances et les conséquences de la rupture du quadruple accord contractuel, Confirme la décision déférée en ce qu'elle a retenu que la société Fiat auto France avait abusé de son droit de rompre les quatre conventions la liant à la société Polyservices France, Fait grief à la société Fiat auto France d'avoir, en parfaite connaissance de l'état de dépendance dans lequel se trouvait la société Polyservices France vis-à-vis d'elle, procédé sans raison à une rupture en deux temps d'accords contractuels en accordant priorité au refus de renouvellement des contrats bénéficiaires pour son cocontractant et en maintenant pour près de quatorze mois la seule concession déficitaire assortie d'une exclusivité susceptible de compromettre toute reconversion, et d'avoir ainsi sciemment porté préjudice à son cocontractant en déséquilibrant durablement ses conditions d'exploitation au mépris de toute bonne foi, Avant dire droit pour le surplus, Ordonne avant dire droit une expertise à l'effet, connaissance prise de tous documents utiles, les parties et tous sachants entendus, de fournir à la Cour en fonction des observations du présent arrêt les éléments de nature à lui permettre de chiffrer le préjudice résultant directement pour la société Polyservices France de l'abus de droit de rompre reproché à la société Fiat auto France tel qu'il a été défini, Commet M. Jacques Salato expert près la Cour de cassation et la Cour d'appel de Paris 97 boulevard Haussmann 75008 Paris téléphone 42 66 68 53 pour y procéder ; Fixe à 60 000 F la provision à consigner au greffe de la Cour par la société Polyservices France dans les deux mois du présent arrêt, Dit que l'expert devra déposer son rapport au secrétariat greffe de la Cour dans les 8 mois de sa saisine, Condamne la société Fiat auto France à verser à la société Polyservices France une provision de 4 000 000 F à valoir sur son indemnisation, Déboute toutefois d'ores et déjà la société Polyservices France de ses demandes de 250 000 et 102 400 F au titre des plaintes de clients ; Condamne la société Fiat auto France au paiement des dépens de première instance et d'appel exposés à ce jour, Admet la société civile professionnelle Parmentier Hardouin, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.