CA Aix-en-Provence, 8e ch. B, 26 avril 1996, n° 92-8186
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Viatick Provence Côte d'Azur (SARL), Bor (ès qual.)
Défendeur :
Viatick (SA), Chavinier (ès qual.), SCP Sauvan (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bihl
Conseillers :
MM. Astier, Stern
Avoués :
Mes Latil, SCP Blanc
Avocats :
Mes Erhard, Minguet, SCP Cohen & Borra
LA COUR,
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur l'appel interjeté par la société Viatick Provence Côte d'Azur (VPCA) à l'encontre d'un jugement sur le fond rendu le 10 mars 1992 par le Tribunal de commerce de Brignoles qui a :
- condamné la SARL Viatick PCA à payer à la SA Viatick :
* 51 647,45 F (cinquante et un mille six cent quarante sept francs et quarante cinq centimes) en principal, outre les intérêts de droit à compter de l'assignation du 2 octobre 1991,
* 3 000 F (trois mille francs) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,
- débouté chacune des parties du surplus de ses demandes,
- condamné la SARL Viatick PCA aux entiers dépens.
Se référant expressément pour la relation détaillée des faits et de la procédure antérieure à la décision entreprise et pour l'énoncé complet des demandes et moyens des parties aux écritures qu'elles ont échangées en cause d'appel ;
Attendu qu'il convient cependant, pour résumer le litige, de rappeler ce qui suit :
Le 27 juillet 1989, un contrat de franchise a été conclu entre la SA Viatick et la société VPCA pour une durée de 10 ans.
La SA Viatick a dénoncé ce contrat par lettre recommandée du 21 mars 1991 au motif que la société VPCA ne respectait pas ses engagements contractuels, notamment en ce qui concerne le paiement des factures et la transmission des tableaux de bord mensuels.
Après l'échec de la médiation prévue au contrat, la SA Viatick a saisi le Tribunal de commerce de Brignoles qui a pris la décision rappelée ci-dessus, ne retenant pas le grief de concurrence déloyale avancé par la société VPCA.
A l'appui de son appel, cette société soutient que :
- la SA Viatick a vendu à certains services des Armées sur le secteur réservé à la société VPCA des produits dont l'exclusivité avait été réservée à cette dernière,
- ces faits ont été reconnus dans une lettre du 28 juin 1990, bien avant la facture impayée du 31 octobre 1990, dans laquelle il est allégué que le produit XS87-PCM n'entre pas dans le contrat de franchisage,
- ce contrat est général et n'exclut pas le produit,
- la SA Viatick a également vendu d'autres produits concurrençant déloyalement la société VPCA,
- la production des livres de compte ou une expertise peut démontrer l'ampleur du préjudice,
- la somme de 51 647,45 F n'a pas été payée pour compenser le préjudice subi,
- les objectifs financiers n'ont pas été réalisés en raison de la concurrence déloyale suscitée,
- le contrat doit être résilié aux torts du franchiseur déloyal,
- le jugement entrepris doit être infirmé, la SA Viatick doit être condamnée à payer à la VPCA la somme de 250 000 F de dommages-intérêts pour préjudice et celle de 30 000 F au titre de l'article 700 du NCPC avec intérêts capitalisables, subsidiairement une expertise doit être ordonnée,
- les dommages-intérêts doivent se compenser avec les factures dues.
Me Bor est intervenu volontairement ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL VPCA et a fait siennes les conclusions de cette société.
Me Chavinier, représentant des créanciers au redressement judiciaire de la SA Viatick est intervenu volontairement.
La SCP Sauvan, administrateur au redressement judiciaire de la SA Viatick a été assignée par Me Bor, cette SCP a conclu ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de cette société pour signaler que la VPCA n'avait pas déclaré de créance à la procédure collective, que toute créance éventuelle était éteinte, le jugement devant être confirmé par Me Bor condamné à payer 10 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Me Bor ès qualités a répliqué que la créance de la société VPCA avait bien été déclarée, que le produit XS 93 est en réalité du Luxor program PCA faisant partie de la marque Luxor prévue au contrat de franchise, les Services de la Marine et des Armées ayant d'ailleurs été démarchés par un représentant de la société VPCA, que la SCP Sauvan n'avait aucune qualité pour se substituer à la SA Viatick à nouveau in bonis.
La SA Viatick et Me Chavinier, représentant des créanciers à son redressement judiciaire ont alors conclu le 3 février 1996 pour s'associer aux conclusions de la SCP Sauvan.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 février 1996, la précédente ordonnance du 12 octobre 1995 ayant été révoquée ;
Le 16 février 1996, Me Bor a demandé le rejet des conclusions déposées tardivement le 13 février 1996 soit deux jours avant la clôture et soutenu que Me Chavinier n'avait plus aucun intérêt à agir.
SUR CE,
Attendu que la régularité formelle de l'appel n'est pas discutée et que rien au dossier ne permet à la Cour de le déclarer irrecevable d'office ;
Attendu que l'article 67 de la loi du 25 janvier 1985 dispose en son alinéa 2 que " les actions introduites avant le jugement qui arrête le plan soit par l'administrateur soit par le représentant des créanciers sont poursuivies par le commissaire à l'exécution du plan ".
Attendu qu'en l'espèce Me Chavinier étant intervenu à la procédure, la SCP Sauvan, commissaire à l'exécution du plan, avait qualité pour poursuivre la procédure contrairement à ce que soutient Me Bor ; que ses conclusions sont recevables, l'ordonnance de clôture du 12 octobre 1995 ayant été révoquée ;
Attendu que les conclusions déposées tardivement par la société Viatick et Me Chavinier le 13 février 1996 sont dès lors inutiles et doivent être déclarées irrecevables tout comme celles de Me Bor déposées après la clôture ;
Attendu que la société VPCA n'a jamais contesté devoir la somme de 51 647,45 F à la société Viatick, mais a refusé de la payer au motif que cette dernière lui serait redevable de dommages-intérêts plus importants ;
Attendu que la société VPCA ne pouvait compenser sa dette qui était certaine et exigible avec sa créance éventuelle et future ;
Attendu que cette société étant actuellement en liquidation judiciaire et la SA Viatick ayant déclaré sa créance à hauteur de la seule somme de 51 647,45 F à Me Bor le 10 août 1993, il convient conformément aux dispositions de la loi du 25 janvier 1985 de constater cette créance et de la fixer à la somme mentionnée ci-dessus ;
Attendu concernant la rupture du contrat de franchise, que la lecture de celui-ci permet de constater que ses articles 1 et 2 sont ainsi rédigés :
" Article 1er :
Compte tenu de l'expérience et du savoir-faire acquis par la société Viatick dans le domaine de la distribution de produits de maintenance industrielle de la marque Luxor et de produits " insecticide " de la marque Biokill, auprès d'une clientèle d'Administrations, collectivités, entreprises, " cafés hôtels restaurants ", garages ; etc... celle-ci concède à Viatick Provence Côte d'Azur le droit d'utiliser le sigle " Viatick " pendant la durée du présent contrat.
Article 2 :
L'objet de cette franchise est la distribution auprès des clientes déjà nommées des produits distribués par la société Viatick à l'exclusion de tout autre produit, sauf accord exprès de Viatick, étant entendu que pour ce qui concerne le réseau vente " Grand Public ", seule la société Viatick SA en aura la charge.
Tout achat de produits destinés à la revente sera obligatoirement effectué auprès de la société Viatick. En contrepartie, la société Viatick Provence Côte d'Azur obtient l'exclusivité de la distribution des produits Viatick sur les départements du Var (83), des Alpes-Maritimes (06), des Bouches-du-Rhône partiel (13), de l'Hérault (34), du Gard (30), du Vaucluse (84), des Alpes-de-Haute-Provence (04), des Hautes-Alpes (05) ".
Attendu que la distribution des produits de marque Luxor et Biokill auprès des administrations est donc sans contestation possible concédée à la société VPCA avec exclusivité sur un territoire qui correspond globalement à la région Provence Alpes Côte d'Azur ;
Attendu que la seule exclusion prévue au contrat est le réseau vente " Grand Public " et non pas le Ministère des Armées;
Attendu qu'il résulte des propres pièces de la SA Luxor que celle-ci fournit depuis 1988 et 1989 le service des Essences des Armées en produit nettoyant de marque Luxor en infraction avec le contrat de franchise du moins à compter du 27 juillet 1989;
Attendu que le Service des Essences des Armées a des établissements sur tout le territoire national y compris la Région Paca;
Attendu que la société VPCA a également constaté que la SA Viatick avait fait démarcher les services du Commissariat de la Marine à Toulon (83) pour leur vendre le produit nettoyant Luxor ;
Attendu que la SA Viatick n'a pas associé son franchisé aux marchés de fourniture qu'elle a pu passer avec les différents Services du Ministère des Armées pouvant être intéressés par le nettoyant Luxor malgré les demandes répétées de la société VPCA (notamment par lettre recommandée du 19 juin 1990) laquelle aurait dû toucher une commission pour les produits livrés sur le territoire qui lui était concédé;
Attendu qu'elle a gravement contrevenu à l'exclusivité qu'elle avait promis à son franchisé le privant ainsi d'une partie des profits qu'il pouvait espérer et l'empêchant de réaliser les chiffres d'affaires (un million la première année) incluant nécessairement les ventes aux Administrations et notamment aux Armées, grosses consommatrices de produit nettoyant industriel, que ce soit pour ses véhicules ou pour ses aéronefs;
Attendu que la SA Viatick, qui succombe pour l'essentiel, doit être condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant distraits au profit de la SCP d'avoués Latil, qui devra justifier en avoir fait l'avance sans avoir reçu provision ;
Attendu que la partie qui succombe et qui est condamnée aux dépens doit, pour des raisons d'équité, être déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et tenue de rembourser à son adversaire les frais non compris dans les dépens qu'il a dû supporter en cause d'appel et que la Cour est en mesure de fixer à la somme de 10 000 F compte tenu des éléments du dossier, de la nature de l'affaire et des facultés contributives des parties ;
Par ces motifs : La Cour, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort. Reçoit en la forme l'appel de la SA Viatick Provence Côte d'Azur (VPCA) ; Reçoit les interventions volontaires de Me Bor, ès qualités de liquidateur judiciaire de cette société, de Me Chavinier, administrateur au redressement judiciaire de la SA Viatick et de la SCP Sauvan, commissaire à l'exécution du plan de cette société ; Déclare irrecevables les conclusions déposées le 13 février 1996 par la SA Viatick et Me Chavinier et celles déposées le 16 février 1996 par Me Bor ; Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Fixe la créance de la société VPCA sur la société Viatick à la somme de 108 352,55 F, cette créance devant être soldée selon les modalités prévues au plan de redressement de cette dernière société, soit 100 % sur 9 ans d'avril 1994 à avril 2002 ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en faveur de la SA Viatick et des organes de sa procédure collective ; Vu les articles 696 et 699 du NCPC, condamne la SA Viatick aux dépens, ceux d'appel recouvrés par la SCP Latil et à payer à Me Bor, ès qualités la somme de 10 000 F (dix mille francs) ; Rejette toute demande des parties contraire à la présente décision.