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Décisions

CA Paris, 25e ch. A, 10 mai 1996, n° 94-19295

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Société Vendéenne de Distribution (SARL)

Défendeur :

Bataillard

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

(faisant fonctions) : Mme Renard-Payen

Conseillers :

MM. Faucher, Weill

Avoués :

Me Bettinger, SCP Gibou-Pignot-Grappotte-Benetreau

Avocats :

Mes Edan, Catoni.

T. com. Corbeil-essonnes, 2e ch., du 31 …

31 mai 1994

LA COUR statue sur l'appel de la SARL Vendéenne de Distribution à l'encontre du jugement rendu le 31 mai 1994 par le Tribunal de commerce de Corbeil-Essonnes qui, dans le litige l'opposant à Louis Bataillard son agent commercial à l'occasion du non renouvellement de son contrat, l'a condamnée à payer à celui-ci la somme de 167 000 F avec intérêts " de droit " à compter du 27 septembre 1993 et a débouté les parties de leurs autres demandes.

La société Vendéenne de Distribution conclut à la réformation de ce jugement et fait en substance valoir :

- que le non renouvellement du contrat d'agent commercial à durée déterminée la liant à Louis Bataillard ne revêt aucun caractère abusif ;

- qu'en tout état de cause, elle était fondée du fait des graves manquements de son agent dans l'exécution de son mandat à mettre un terme à leurs relations contractuelles, le comportement de celui-ci le privant de tout droit à indemnité de rupture ;

- qu'à tout le moins, Louis Bataillard ne peut bénéficier que d'une indemnité correspondant au chiffre d'affaires par lui réalisé sur l'année 1992.

En conséquence, elle prie la Cour de débouter Louis Bataillard de sa demande d'indemnité de rupture, subsidiairement de lui allouer à ce titre une somme qui ne saurait excéder 68 415 F et de le condamner à lui payer une indemnité de 20 000 F au titre de ses frais irrepétibles.

Louis Bataillard qui conteste l'argumentation développée par la société Vendéenne de Distribution, conclut au rejet de l'appel formé par celle-ci, à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à lui payer une indemnité de cessation de contrat et demande à titre principal que la société Vendéenne de Distribution soit condamnée à lui payer la somme de 180 000 F à ce titre, avec intérêts " de droit " à compter de l'assignation et à titre subsidiaire, celle de 167 000 F assortie des intérêts aux taux légal dans les mêmes conditions outre celle de 15 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Sur quoi, LA COUR :

Considérant que le 26 décembre 1989, la société Vendéenne de Distribution et Louis Bataillard ont conclu un contrat d'agent commercial par lequel la société a confié à compter du 1er janvier 1990 à celui-ci la prospection de la clientèle sur la région parisienne et le Nord-Est de la France en vue du placement de produits d'emballage destinés aux industriels de la viande et ce, pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties un mois avant chaque échéance ;

Considérant que ce contrat a été reconduit en janvier 1991 et en janvier 1992 ; que par courrier du 26 octobre 1992, la Vendéenne a informé son agent de son intention de ne pas renouveler le contrat au-delà de son terme, en invoquant un accord sur ce point avec celui-ci ; que par courrier des 28 octobre et 21 novembre 1992, Louis Bataillard a contesté cette décision qu'il estimait abusive et a sollicité une indemnité de rupture d'environ 180 000 F ;

Considérant que la Vendéenne reconnaît qu'elle n'avait pas la possibilité de dénoncer le contrat d'agence sans verser d'indemnité à Louis Bataillard, puisqu'elle invoque les dispositions de la loi du 25 juin 1991, applicables, selon elle, au contrat renouvelé en 1992 et puisqu'elle prétend que les fautes graves de son agent priveraient celui-ci de son droit à indemnisation ;

Considérant que l'appelante reproche à Louis Bataillard tant une baisse de chiffre d'affaires en 1992, dénotant une insuffisance de prospection au cours de cette période qu'une prospection active de sa part pour des concurrents ainsi qu'un refus de se plier à ses directives sur la régularisation des bons de commande et une erreur lors de la commande Frigo A 25 ;

Considérant qu'il ressort d'un échange de correspondances intervenu en juillet 1992 entre les parties que leurs relations se sont dégradées au cours de l'année 1992 à la suite des ennuis de santé du dirigeant de la Vendéenne ; que celles-ci s'adressaient un certain nombre de reproches plus ou moins fondés ;

Que, cependant,l'appelante ne rapporte pas la preuve des fautes graves commises par son agent susceptibles de priver celui-ci de l'indemnité de rupture que lui donnent droit les trois années durant lesquelles il a par sa prospection augmenté la clientèle de son mandant ;

Considérant en effet qu'il est nullement démontré que la baisse du chiffre d'affaires au cours de l'exercice 1992 soit la conséquence d'une insuffisance de prospection de Louis Bataillard, alors que la Vendéenne avait admis dans ses propres correspondances la réalité des difficultés économiques consécutives à la guerre du Golfe ;

Considérant que les autres griefs invoqués par l'appelante relatifs aux prises de commandes ou à la prospection pour des concurrents, hormis qu'ils n'ont fait l'objet d'aucune mise en demeure préalable et n'ont pas été invoqués dans la lettre de rupture, ne sauraient constituer des fautes graves comme le prétend aujourd'hui la Vendéenne ;

Considérant qu'il s'ensuit que l'appelante ne démontrant pas l'existence de fautes graves de son agent dans l'exécution de son mandat, elle lui est redevable d'un indemnité de rupture qui, compte tenu de la durée des relations contractuelles, du montant des commissions perçues par Louis Bataillard, a justement été évaluée par le Tribunal à la somme de 167 000 F majorée des intérêts du taux légal à compter du 27 septembre 1993, date de l'assignation ;

Considérant qua la Vendéenne qui succombe ne peut prétendre à l'indemnisation de ses frais ; qu'en revanche, il est équitable d'allouer à l'intimé une indemnité de 10 000 F au titre de l'article 700 NCPC ;

Par ces motifs : Confirme le jugement déféré et y ajoutant, Condamne la société Vendéenne de Distribution à payer à Louis Bataillard une indemnité de dix mille francs (10 000 F) au titre de l'article 700 du NCPC, Déboute les parties de leurs autres demandes, Condamne la société Vendéenne de Distribution aux entiers dépens d'appel, admet la SCP Gibou-Pignot Grappotte-Benetreau, avoué, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du NCPC.