CA Montpellier, 2e ch. B, 14 mai 1996, n° 95-0001121
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Ancestrale (SA)
Défendeur :
Moly (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Plantard
Conseillers :
MM. Avon, Torregrosa
Avoué :
SCP Touzery-Cottalorda
Avocats :
SCP Biver, Me Jauffret.
LES FAITS, LA PROCEDURE ET LES PRETENTIONS :
Les parties sont liées par un contrat de franchise en date du 15 décembre 1989 sur l'exécution et les conséquences duquel elles sont en désaccord.
La SA Ancestrale qui exploite un fonds de boulangerie sous l'enseigne Au Four à Bois sur la ville de Carcassonne a assigné par acte en date du 22 juin 1993 son franchiseur devant le Tribunal de Commerce de Rodez pour voir :
- constater l'éviction du savoir-faire du franchisé par le franchiseur et les actes de concurrence déloyale de la société Moly SA à l'encontre de la SA Ancestrale ;
- condamner en conséquence Moly SA à payer à la SA Ancestrale la somme de 750 000 F au titre du préjudice commercial, et à celle de 250 000 F en réparation du préjudice causé par les actes de concurrence déloyale ;
- condamner la SA Moly à prendre à sa charge une partie de la dette fournisseurs à hauteur de 450 000 F.
La SA Moly a demandé en réponse de constater la résiliation du contrat intervenue le 13 juillet 1993, de condamner la SA Ancestrale au paiement de la somme de 894 106,43 F en principal.
Elle a sollicité l'autorisation de reprise du matériel et la condamnation sous astreinte de l'Ancestrale à repeindre les poutres et à remettre à Moly l'ensemble du matériel tel que mentionné dans la liste jointe à la lettre de résiliation pour le prix de 82 253,10 F.
Diverses sommes étaient réclamées à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale du fait de l'utilisation de meubles spécifiques au réseau de franchise, et du fait de l'utilisation d'une enseigne rappelant celle du réseau de franchise. La condamnation de l'Ancestrale à supprimer son enseigne actuelle, sous astreinte, était demandée outre le paiement de 65 200 F au titre de la redevance contractuelle.
La SA Moly sollicitait enfin condamnation de l'Ancestrale au paiement de la somme de 1 761 046 F au titre du gain dont elle a été privée ;
La SA Ancestrale sollicitait en réponse au principal le prononcé de la nullité du contrat de franchise, avec toute conséquence financière, et subsidiairement la résiliation de ce contrat aux torts exclusifs de Moly, pour inexécution fautive de ses obligations contractuelles avec toute conséquence en termes de dommages et intérêts.
Par jugement en date du 28 juin 1994, le Tribunal de Commerce de Rodez a débouté la SA Ancestrale de ses demandes principales et subsidiaires.
Reconventionnellement, le Tribunal a admis la demande de résiliation du contrat de franchise formée par Moly Gel à compter du 13 juillet 1993.
La SA Ancestrale a été condamnée à payer à la société Moly Gel la somme de 894 106, 43 F, en principal, à remettre sous astreinte le matériel franchisé, à faire disparaître les agencements qui seraient spécifiques d'un fonds de commerce Au Four à Bois.
La SA Ancestrale a été condamnée à remettre à Moly Gel les matériels énumérés dans la liste jointe à la lettre de résiliation, contre paiement de leur valeur à concurrence de 10 % par Moly Gel.
La SA Ancestrale a relevé appel. Elle demande à la Cour de réformer le jugement sus visé en date du 28 juin 1994.
La Cour constatera la nullité du contrat de franchise en date du 15 septembre 1989, avec toutes conséquences de droit et notamment retour au statu quo anté.
Subsidiairement, pour le cas où la Cour ne retiendrait pas la nullité, elle jugera que Moly s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale à l'égard de son franchisé.
La SA Moly sera condamnée à payer à la SA Ancestrale 1 000 000 F à titre de dommages et intérêts, et devra en toute hypothèse prendre en charge la totalité de la dette fournisseurs. Une somme de 15 000 F est réclamée au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La SA Ancestrale considère que le contrat est nul sur le fondement de l'article 1129 du Code Civil, faute de détermination suffisante du prix.
De plus, le consentement du franchisé a été obtenu par les promesses mirifiques du chiffre d'affaires émanant du franchiseur. L'édition de la plaquette présentant un chiffre d'affaires gonflé constitue indéniablement une manœuvre, d'autant que le " point mort " de rentabilité indiqué semble aisément accessible. Le contrat de franchise est donc aussi atteint de nullité pour dol.
Au subsidiaire, la SA Ancestrale soutient que la SA Moly s'est livrée à des actes de concurrence déloyale par l'implantation d'un magasin pilote aux quatre chemins. Le franchiseur a ouvert délibérément deux magasins pilotes en sachant que cela allait porter un coup fatal à son franchisé. (conclusions du 6 mai 1995).
La SA Moly demande à la Cour de constater la résiliation intervenue le 13 juillet 1993.
La SA Ancestrale sera condamnée au paiement de la somme de 885 948 F en principal.
La SA Moly sera autorisée à :
- reprendre tous les matériels et documents portant la marque Au Four à Bois ;
- faire disparaître les agencements, articles et installations portant le sigle ou le nom " Au Four à Bois " ou qui seraient spécifiques d'un fonds de commerce " Au Four à Bois " ;
La SA Ancestrale sera condamnée sous astreinte à :
- repeindre les poutres du magasin ;
- remettre à SA Moly l'ensemble du matériel tel que mentionné dans la liste jointe à la lettre de résiliation, pour le prix de 85 243,10 F.
A titre subsidiaire, pour le cas où la SA Moly ne serait pas autorisée à se substituer à elle pour les obligations ci-dessus énoncées, condamner SA Ancestrale sous astreinte à :
- remettre à la SA Moly tous les matériels, documents, portant la marque Au Four à Bois ;
- faire disparaître les agencements, articles et installations portant le sigle ou le nom " Au Four à Bois " ou qui seraient spécifiques d'un fonds de commerce " Au Four à Bois ".
La Cour jugera que le prix des meubles ne sera pas versé par la SA Moly et qu'il se compensera avec les astreintes contractuelles prévues par l'article 21 du contrat de franchise.
La SA Ancestrale sera condamnée à verser à Moly le montant de l'astreinte de 1 000 F due à compter du 13 juillet 1995 jusqu'au prononcé du jugement à intervenir déduction faite du prix des meubles.
Elle sera condamnée à 200 000 F de dommages et intérêts pour concurrence déloyale, et à la même somme du fait de l'utilisation d'une enseigne rappelant celle du réseau de franchise.
La SA Ancestrale sera condamnée à supprimer son enseigne actuelle sous peine d'astreinte, et devra être condamnée à payer :
- 65 205 F au titre de la redevance contractuelle,
- 1 761 046 F au titre du gain dont a été privé la SA Moly, (conclusions du 29.12.95).
Les articles 1129 et 1589 du Code civil ne s'appliquent pas au vu du dernier état de la jurisprudence de la Cour de Cassation, et il n'est pas prétendu par la SA Ancestrale que les tarifs soient abusifs.
Les tarifs étaient annexés au contrat de l'ensemble des fournitures équipant le magasin faisaient l'objet d'un devis global forfaitaire annexé au contrat et accepté par le franchisé.
La SA Moly conteste qu'il y ait eu manœuvre dolosive.
En aucun cas le franchiseur ne s'engage à ce que le franchisé réalise le chiffre d'affaires de l'annexe. En tout état de cause, les chiffres d'affaires 90, 91 et 92 ont dépassé les chiffres prévisionnels, étant précisé que les ventes des tournées doivent être prises en compte puisqu'elles étaient réalisées par la SA Ancestrale franchisée avec les produits de la SA Moly.
La SA Moly n'a réalisé aucun acte de concurrence déloyale envers son franchisé.
Reconventionnellement la SA Ancestrale doit être condamnée à payer 885 948 F au titre de royalties, marchandises, matériel et prestations.
La Cour constatera la résiliation de plein droit du contrat de franchise à compter du 13 juillet 1993, pour non respect de ses obligations par Ancestrale.
La SA Ancestrale doit être condamnée à respecter l'article 21 du contrat de franchise : restitution des matériels et documents faisant référence à la franchise, disparition des agencements spécifiques du réseau de franchise.
La rachat par Moly des éléments mobiliers vendus par elle est une obligation contractuelle sans que ces mobiliers soient nécessairement spécifiques au réseau de franchise.
Du fait de la concurrence déloyale exercée par la SA Ancestrale par le maintien des éléments spécifiques au réseau de franchise, cette dernière devra verser à la SA Moly la somme de 200 000 F à titre de dommages et intérêts.
La SA Ancestrale doit être condamnée à enlever son enseigne en raison de la confusion créée avec l'enseigne Au Four à Bois.
Elle sera condamnée au titre de la concurrence déloyale ainsi créée à des dommages et intérêts d'un montant de 200 000 F.
La SA Moly est en droit de demander paiement de la redevance contractuelle de 3 % sur le chiffre d'affaires des tournées.
La SA Ancestrale devra être condamnée à réparer le préjudice subi par la SA Moly du fait de la résiliation anticipée du contrat.
La SA Moly fait état d'un revirement de la jurisprudence par quatre arrêts de l'Assemblée Plénière de la Cour de cassation en date du 1er décembre 1995. L'application de l'article 1129 du Code Civil est écartée et la seule sanction envisagée est une résiliation du contrat en cas d'abus dans la fixation des tarifs.
Elle explique ensuite comment a été calculé la progression des achats de SA Ancestrale auprès d'elle pour évaluer le manque à gagner souffert suite à la rupture du contrat de franchise (conclusions du 19 janvier 1996).
La SA Ancestrale maintient ses prétentions en précisant dans ses conclusions responsives du 13 février 1996 que :
- il n'y a pas eu tarif de référence à caractère contractuel,
- le franchiseur n'a pas exécuté le contrat de bonne foi et a abusé de l'exclusivité contractuelle,
- il y a eu abus dans la tarification,
- la zone de chalandise a été vidée de sa substance,
- la preuve du dol ressort des propres conclusions de Moly,
- la tournée n'a jamais fait partie de la franchise,
- l'acte déloyal et fautif commis par la société Moly a consisté à priver son franchisé du potentiel de clientèle qui lui avait été pourtant promis contractuellement.
Sur ce :
Sur la nullité du contrat de franchise pour indétermination du prix :
Attendu que le contrat de franchise liant les parties indique dans son article sept (assortiments et achats) que le franchisé s'engage expressément à ne s'approvisionner qu'auprès du franchiseur et que " les produits semi-finis feront l'objet d'un tarif annexé aux présentes. En cas de contestation par le franchisé de la modification du prix, celui-ci devra saisir, dans le délai d'un mois à compter de la notification du tarif, le Président du Tribunal de Commerce de Villefranche-de-Rouergue, qui devra nommer un expert chargé de déterminer si les augmentations proposées sont en rapport avec les augmentations des coûts du franchiseur " ;
Attendu que les parties sont en désaccord sur la réalité de l'annexion au contrat des tarifs, étant à cet égard précisé que l'exemplaire enregistré fourni aux débats ne contient pas cette liste des tarifs ;
Mais attendu que le franchisé a reconnu " qu'il lui a été fourni les renseignements nécessaires à sa prise de décision tels qu'ils sont exigés par l'annexe 4 du Code de Déontologie de la Fédération Française de Franchisage " ;
Attendu que cette annexe comprend l'obligation pour le franchiseur de fournir les tarifs ;
Attendu que la lecture purement littérale des termes du contrat permet donc d'opposer au franchisé sa connaissance des tarifs initiaux lors de la conclusion du contrat ;
Attendu qu'en toute hypothèse, toute l'architecture conventionnelle de l'article 7 susvisé du contrat de franchise n'est pas fondée sur les prix initiaux mais anticipe à l'évidence sur leur " modification " avec possibilité en ce cas pour le franchisé de contester en faisant appel à un expert désigné judiciairement ;
Attendu que cette possibilité de contestation en cas de modification, jamais utilisée par les franchisés en l'espèce, alors que l'exécution du contrat s'est étalée sur plusieurs années, relativise quelque peu l'argument tiré de la prétendue méconnaissance des tarifs initiaux et qui permettrait d'annuler le contrat, alors qu'à l'évidence la volonté des parties a consisté à pouvoir faire appel à un expert lorsque la modification des tarifs était contestée, ce qui milite en faveur d'une connaissance initiale de bases tarifaires et surtout d'une acceptation des modifications successives nécessairement intervenues en cours d'exécution du contrat ;
Attendu qu'enfin, la Cour de cassation, a sur ce chapitre jugé que l'article 1129 du Code Civil, sur lequel le franchisé fonde le premier volet de son appel, n'était pas applicable à la détermination du prix, ladite détermination n'étant pas, sauf dispositions légales contraires, une condition de validité du contrat ;
Sur l'absence d'exécution de bonne foi et sur l'abus d'exclusivité contractuelle :
Attendu que l'inexpérience alléguée des franchisés dans le domaine de la boulangerie, outre qu'elle n'est nullement démontrée au dossier, n'est pas de nature à permettre à elle seule d'opposer à la SA Moly une exécution contractuelle dénuée de bonne foi ;
Attendu que référence faite à la jurisprudence ci-dessus évoquée, la société franchisée invoque dans ses dernières écritures l'abus dans la tarification, la Cour de Cassation ayant retenu que dans les cas où un contrat ne saurait être annulé pour indétermination du prix, l'abus dans la fixation du prix pouvait néanmoins donner lieu à résiliation ou indemnisation ;
Attendu que le franchisé, outre qu'il doit rapporter la preuve de l'abus dans la fixation du prix, ne peut néanmoins se prévaloir d'une telle jurisprudence pour revenir par le biais de l'annulation contractuelle sur les effets passés du contrat déjà exécuté pour partie, la résiliation ne valant que pour l'avenir ;
Attendu que l'abus dans la fixation du prix résulterait en l'espèce de ce que la pâte congelée vendue comprenait 75 % d'eau, dont 20 % perdue à la cuisson, qui était vendue " à un tarif beaucoup plus élevé que celui de la Lyonnaise des Eaux " ;
Attendu que la société franchisée peut actuellement fabriquer une pâte à 1,62 F HT le kg, selon elle, alors que cette pâte était facturée 4,98 F par Moly ;
Mais attendu qu'à l'évidence, la Cour est tenue dans l'ignorance du détail des différentes prestations facturées au franchisé, où le prix de la pâte n'était qu'une composante ; que l'abus dans la fixation du prix, dans le cadre d'un contrat de franchise procurant à l'un et l'autre des partenaires contractuels des avantages et des obligations, ne peut se prouver à partir d'une simple comparaison avec les comptes d'exploitation d'un artisan ayant décidé de contrôler dans son entier le processus de fabrication, dans un raisonnement partiel ne se préoccupant pas des résultats nets d'exploitation respectifs et où rien n'indique que soient comparés des prix comparables, c'est-à-dire portant sur un même produit demandant en aval un même coût de finition en termes de personnel employé, et de cuisson notamment, et procurant les mêmes facilités en termes de gestion de stocks et de pertes éventuelles ;
Attendu que l'ont peut à la vérité s'interroger sur la pertinence à comparer le coût de revient d'une fabrication à partir de pâte congelée, et celui d'une fabrication plus conventionnelle ;
Attendu que les documents communiqués sur ce volet par la société franchisée, à savoir des factures d'eau de 95 et des éléments tarifaires de 1990, ne sont d'aucune valeur probatoire et ne crédibilisent nullement la découverte soumise à la cour, après plusieurs années d'exécution contractuelle, d'un prix de la pâte ayant un caractère abusif au seul prétexte d'une composition comprenant une grande quantité d'eau ;
Attendu qu'en conclusion sur ce volet de l'argumentation de l'appelante, ni l'indétermination alléguée du prix, non prouvée au dossier, ni le caractère abusif des prix pratiqués ne sont démontrés, le contrat n'étant en conséquence pas susceptible d'être annulé ou résilié pour l'une ou l'autre de ces raisons ;
Sur le dol ayant provoqué une erreur :
Attendu que l'appelante soutient que le consentement du franchisé a été déterminé par les promesses mirifiques de chiffre d'affaires émanant du franchiseur, sans lesquelles le franchisé n'aurait pas contracté ;
Attendu que la société Ancestrale ne conteste en aucune manière que les chiffres d'affaires de référence mentionnées pour les deux magasins pilotes mentionnés dans la plaquette publicitaire ont bien été réalisés et même dépassés ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que le franchiseur n'a contractuellement aucune obligation de résultat ;
Attendu que l'annexe 1 du contrat comporte un tableau de chiffre d'affaires de référence pour les 9 premières années d'exploitation, qui commence à 2 400 000 F et se termine à 5 300 000 F ;
Attendu qu'il est spécifié qu'il ne s'agit pas " d'un chiffre d'affaires optimum mais d'un chiffre d'affaires de référence proche du point mort au dessous duquel la rentabilité ... n'est pas assurée (pour une zone de chalandise d'environ 50 000 hbts) ... Naturellement, le franchisé doit avoir un chiffre d'affaires très nettement supérieur " ;
Attendu qu'au surplus, il n'est pas sérieusement contestable que le franchiseur a intérêt à ce que le chiffre d'affaires se développe, l'annexe susvisée étant en réalité la base de référence servant à calculer le droit de franchise " directement liée au chiffre d'affaires de référence visé à l'annexe du contrat en dessous duquel le contrat peut être résilié à chacune des parties au cours du premier trimestre de l'année civile " (cf. p. 10 du contrat de franchise) ;
Attendu que cette possibilité de résiliation n'est pas invoquée dans les conclusions respectives et n'a pas été utilisée par la société franchisée ;
Attendu qu'à l'appui de l'intérêt de la SA Moly à un chiffre d'affaires le plus important possible, il n'est pas inutile de mentionner la redevance proportionnelle au chiffre d'affaires prévue par l'article 10 du contrat ;
Attendu qu'enfin, il n'est pas contesté que le chiffre d'affaires annoncé par la plaquette publicitaire a été pratiquement atteint par le franchisé sur les trois premières années, même si l'on ne tient pas compte du chiffre d'affaires des tournées, la Cour ne prenant bien évidemment en compte que les bilans comptables officiels, et non l'analyse (en date du 12 décembre 1996) d'un expert comptable ayant statué sur la base des informations (lesquelles ?) qui lui ont été communiquées ;
Attendu que pour l'Ancestrale, qui ne conteste pas expressément les chiffres de ses bilans, cela démontre encore plus le caractère dolosif du chiffre d'affaires annoncé qui, " quand bien même il aurait été atteint ou même dépassé " a généré des pertes importantes ;
Attendu que cette analyse, s'éloigne à l'évidence de la théorie du dol qui ne se présume point et qui résulte de manœuvres ayant pour but d'obtenir un consentement ;qu'en effet, la Cour est dans l'ignorance la plus complète de la structure des charges de l'Ancestrale qui a abouti à des pertes, et ne saurait se livrer à une appréciation comparée des exploitations pilotes bénéficiaires et de celle de l'Ancestrale.
Attendu que la notion de " point mort " n'a de sens qu'après prise en compte des charges et acceptation de critères communs d'analyse comptable, qui n'ont bien entendu fait l'objet d'aucune discussion préalable par les parties lors de la conclusion du contrat ;
Attendu qu'en l'état du dossier, la Cour ne peut que constater que les manœuvres constitutives du dol ne sont pas prouvées, et que l'existence de déficits malgré la réalisation des Chiffre d'affaires de référence n'est pas en soi révélatrice d'une erreur volontairement provoquée ayant vicié le consentement initial, sauf à interpréter le contrat de franchise comme incluant une obligation comptable de résultat qui est incompatible avec le caractère indépendant de l'exercice de son activité par le franchisé, à tout le moins sur un plan juridique ;
Sur les actes de concurrence déloyale de la SA Moly :
Attendu qu'il suffit de se reporter à la lecture des pages deux et trois du contrat de franchise pour s'apercevoir que le franchisé bénéficiait de l'exclusivité d'utilisation de l'enseigne Four à Bois sur la zone prévue à l'avenant n° 1, exclusivité territoriale dont il n'est pas contestée qu'elle a été respectée ;
Mais attendu que l'éventualité d'une " ouverture dans la ville de Carcassonne et son agglomération " était prévue, avec procédure de préemption au profit du franchisé déjà en place (p. 3 du contrat de franchise) ;
Attendu qu'il n'est pas contestable, au vu des courriers échangés, que cette possibilité de préférence a été offerte à l'Ancestrale, qui n'y a pas donné suite ;
Attendu que s'il est certain que cette possibilité d'ouverture dans l'agglomération a pour effet de vider quelque peu de son sens les termes de l'annexe 1 qui indiquent des CA de référence pour " une zone de chalandise de 50 000 habitants " qui à l'évidence correspond en l'espèce à l'agglomération de Carcassonne et non à la seule zone d'exclusivité, il n'en demeure pas moins que les termes précis du contrat qui ne confèrent l'exclusivité que sur une zone bien déterminée et qui n'empêchent pas une implantation hors-zone dans l'agglomération, même en limite, ont été respectés et qu'il n'est donc pas fondé en droit de fonder une quelconque action sur la concurrence déloyale ;
Attendu que les attestations versées au soutien de cette thèse ne suffisent pas par ailleurs à dispenser l'Ancestrale de prouver le préjudice qui résulterait de la concurrence déloyale alléguée, les chiffres versés au dossier ne permettant pas d'établir avec certitude une baisse de chiffre d'affaires au moment de l'implantation litigieuse et donc une relation de cause à effet directe entre ces implantations et les baisses du chiffre d'affaires alléguées.
Attendu que l'Ancestrale verse elle-même une étude comptable, fondée sur les " informations " communiquées à un professionnel et dont la teneur n'est pas précisée, et dont il ressort que le résultat était presque nul en 1991, et qu'il s'est aggravé sous forme de déficit en 1992, 1993, 1994, pour devenir bénéficiaire en 1995 ;
Attendu que l'appelante elle-même, sur la base de ses propres chiffres et dans l'hypothèses où ils seraient vérifiés, démontre ainsi l'absence de relation comptable certaine entre les implantations concurrentes contestées et les résultats observés, étant significativement précisé que les résultats déficitaires de 92, 93 et 94 correspondent grosso modo à la somme réclamée par Moly au titre des marchandises et royalties (885 948 F) ;
Attendu que l'éventuel déséquilibre au plan commercial du contrat de franchise qui pourrait se déduire de ces chiffres n'a en droit aucune incidence sur l'application qui est sollicitée de la théorie de la concurrence déloyale ;
Attendu qu'en conclusions, l'Ancestrale qui succombe à rapporter la preuve d'un abus dans la fixation des tarifs, de manœuvres dolosives ou d'actes de concurrence déloyale doit subir purement et simplement les effets du contrat dont il lui appartenait de mieux évaluer le risque commercial ;
Sur les demandes de la SA Moly :
Attendu que la somme de 894 106,43 F n'a fait l'objet d'aucune contestation subsidiaire en appel quant à son montant, les documents commerciaux régulièrement communiqués à l'appui de cette somme qui n'est d'ailleurs jamais discutée, ne faisant l'objet d'aucune contestation quant à la réalité des fournitures et marchandises livrées qu'il retracent ;
Attendu que la somme de 894 106,43 F est donc incontestablement due avec intérêts au taux légal depuis le 4 mai 1993 ;
Attendu que la résiliation est de droit à compter du 13 juillet 1993, date du courrier de rupture du contrat de franchise reçu le 19 juillet 1993 (article 19 du contrat, rubrique " résiliation ") ;
Attendu que la SA Moly sollicite à bon droit l'application de l'article 21 du contrat, déjà invoqué dans la lettre du 13 juillet 1993, dont la repeinture des poutres contractuellement prévue ;
Attendu que l'astreinte prévue par cet article ainsi que l'a justement noté le Premier Juge, constitue une clause pénale qu'il convient de modérer compte tenu de son caractère manifestement excessif qui permettrait de sanctionner par une somme de 365 000 F environ alors qu'un litige est en cours et qu'il va être jugé Infra que ces mobiliers ne constituent pas le support d'une stratégie de concurrence déloyale par l'ex-franchisé ;
Attendu qu'en effet, aucun des éléments versés au dossier par Moly SA ne caractérise le maintien d'éléments spécifiques au réseau de franchise ouvrant droit à condamnation pour concurrence déloyale pour le montant sollicité de 200 000 F ;
Attendu qu'outre le fait que les éléments produits n'ont pas été constatés par huissier, la Cour ne peut que constater que l'élément " pain au levain cuit au feu de bois " n'occulte pas la mention " l'Ancestrale " sur la nouvelle enseigne, aucun élément contractuel suffisamment précis n'étant fourni au dossier qui permette d'individualiser l'enseigne franchisée ;
Attendu qu'il n'y a donc lieu ni de prononcer des dommages et intérêts à ce titre, ni, de condamner sous astreinte à supprimer l'enseigne actuelle ;
Attendu qu'aucun élément contractuel ne permet d'intégrer les tournées au contrat de franchise, étant précisé qu'aucune précision n'est fournie au dossier sur les moyens ayant permis la réalisation de ces tournées pour lesquelles d'ailleurs les redevances n'étaient pas réclamées dans la lettre de rupture contractuelle ;
Attendu que le préjudice dont se prévaut la SA Moly du fait de la résiliation anticipée du contrat n'a strictement aucun fondement contractuel ; que la Cour ne saurait en même temps constater la résiliation et prononcer dommages et intérêts sur le fondement, non prévu contractuellement, de ce qui aurait été perçu par Moly si l'exécution dudit contrat avait perduré ;
Attendu qu'en conclusion, ne sont justifiées que la demande de condamnation pour un montant de 829 497,86 F, ainsi que la demande d'application de l'article 21 du contrat sous astreinte qui est en réalité une clause pénale qu'il convient de réduire à 1 F par jour de retard depuis le 13 juillet 1993, la Cour confirmant l'astreinte supplémentaire de 50 F par jour de retard prononcée d'office par le Premier Juge à compter de ce premier jugement (par application de l'article 33 de la loi du 9 juillet 1991) ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu à compensation entre l'astreinte sollicitée et le prix des meubles, rien au dossier ne permettant d'autoriser la SA Moly à bénéficier de l'article 1144 du Code Civil ;
Attendu que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, les dépens devant être supportés par moitié par chaque partie qui succombe chacune pour une part non négligeable de ses prétentions ;
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, Déclare l'appel recevable ; Au fond, déboute la société Ancestrale de l'ensemble de ses demandes formées en appel ; Fait droit partiellement à l'appel incident de la SA Moly et dit que l'astreinte prévue par l'article 21 du contrat de franchise constitue une clause pénale qu'il convient de réduire à un franc par jour à compter du premier jugement ; Condamne la SA Ancestrale à repeindre les poutres ; Confirme pour le surplus le jugement entrepris à savoir : - le prononcé de la résiliation du contrat de franchise à compter du 13 juillet 1993, - la condamnation de la SA Ancestrale à payer à Moly Gel la somme de huit cent quatre vingt quatorze cent six francs quarante trois centimes (894 106,43 F) avec intérêt au taux légal depuis la mise en demeure du 4 mai 1993, - la condamnation sous astreinte de cinquante francs (50 F) par jour de retard de la SA Ancestrale à remettre à SA Moly tous les matériels, documents et imprimés portant la marque Four à Bois, et la défense de les utiliser pour l'avenir, - la condamnation sous la même astreinte d'Ancestrale à faire disparaître les agencements, articles et installations portant le sigle ou le nom Four à Bois ou qui seraient spécifiques d'un fonds de commerce Four à Bois, - la condamnation de Ancestrale à remettre à Moly Gel la liste des matériels énumérés dans la liste jointe à la lettre de résiliation et la mise à charge de Moly Gel du paiement de ces matériels à hauteur de 10 % de leur avaleur estimée au jour du contrat ; Déboute la SA Moly du surplus de ses prétentions formées en appel, à savoir : la prétention à être autorisée à procéder elle-même à l'exécution de certaines condamnations, la prétention à compensation entre l'astreinte et le prix des meubles, la prétention à dommages et intérêts, à la suppression sous astreinte de l'enseigne Ancestrale, la prétention à redevance sur les tournées, et au paiement de un million sept cent soixante et un mille quarante six francs (1.761. 046 F) au titre de la part de gain ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Fait masse des dépens qui seront supportés par moitié par chacune des parties avec application pour leur recouvrement des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.