CA Douai, 2e ch., 6 juin 1996, n° 94-03733
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Scanazur (SARL)
Défendeur :
MCI Europe BV (Sté), Prochar (SA), Tessendorlo Chemie (SA), PB Gelatins (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Courdent
Conseillers :
Mmes Chaillet, Laplane
Avoués :
Mes Le March'Hadour Pouille-Groulez, Quignon
Avocats :
Mes Varaut, Voituriez.
Attendu le 27 avril 1994, la SARL Scanazur a relevé appel, à l'encontre de la société MCI Europe BV, de la société Prochar, de la SA Tessendorlo Chemie et de la SA PB Gelatins, du jugement rendu le 13 janvier 1994 par le Tribunal de commerce de Lille qui l'a déboutée de ses demandes, fins et conclusions et l'a condamnée à payer à la SA PB Gelatins la somme de 5 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, qui a constaté que la société MCI Europe BV peut prétendre à une indemnisation de la part de la SA PB Gelatins et qui a ordonné une expertise pour évaluer la valeur de rachat de la clientèle de MCI à la date du 20 juin 1989 et les dommages et intérêts qui pourraient être équitablement dus, et qui a condamné la SA PB Gelatins à payer à la société MCI Europe la somme de 5 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Que par arrêt du 21 novembre 1995, la cour a invité la société Scanazur à présenter des conclusions récapitulatives et à les déposer pour le 31 janvier 1996, les intimés étant libres d'y répondre jusqu'au 31 mars 1996.
Que pour satisfaire à cette demande, la société Scanazur a déposé des conclusions récapitulatives dans lesquelles elle sollicite la réformation du jugement et demande de dire que les sociétés Prochar, PB Gelatins et Tessendorlo ont résilié le contrat de concession conclu avec Scanazur en violation des dispositions de l'article 1184 du Code civil et dans des conditions qui engagent leur responsabilité, de dire que Scanazur est fondée à solliciter réparation du préjudice qui est résulté pour elle de cette résiliation abusive, et de condamner les sociétés Prochar, PB Gelatins et Tessendorlo Chemie, solidairement à lui payer la somme de 15.878.011 F avec intérêts au taux légal à compter du 1er juin 1989, ainsi que celle de 50 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que les sociétés PB Gelatins, Tessendorlo Chimie et Prochar sollicitent la confirmation du jugement, le rejet des prétentions de la SARL Scanazur et la condamnation de celle-ci au paiement de 50 000 F hors taxe en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; qu'à titre subsidiaire, elles demandent de désigner un expert en marketing pour évaluer le préjudice éventuellement subi, se prononcer sur le temps nécessaire à la création d'un réseau de distribution dans les autres pays européens et de dire dans quelle mesure l'activité prétendue a pu profiter à la société Prochar.
Sur ce,
Attendu que par acte sous seing privé du 25 juillet 1987, la société Prochar a confié à la SARL Scanazur la concession exclusive de ses produits " délectarômes " en Europe à l'exception de la France, de la Belgique, de l'Espagne et du Portugal et ce pour une durée de dix ans à compter du 1er juillet 1987 avec reconduction de cinq ans en cinq ans sauf dénonciation, avec quotas imposés de vingt cinq tonnes et un chiffre d'affaires moyen de 750 000 F hors taxe la première année, doublement de ces quotas la deuxième année, doublement de l'année précédente la troisième année, puis augmentation de 1/3 la quatrième année et 1/4 la cinquième année ; qu'en rémunération de ses services, le concessionnaire pouvait acheter à la SA Prochar s'engageant à l'aider par de la publicité et des échantillons produits et éventuellement par les missions techniques qui s'avéreraient nécessaires ;
Attendu que les parties convenaient que la première année sous contrat demarerait le 1er janvier 1988 et que pendant trois ans les quotas n'étaient qu'indicatifs sauf au cas où il conviendrait de calculer l'indemnité compensatrice éventuellement due à Scanazur en cas de résiliation du contrat ; que les articles 16 et 19 du contrat prévoyaient, en cas de résiliation du contrat, une indemnité compensatrice pour Scanazur égale à deux ans de son chiffre d'affaires calculée sur la moyenne des deux dernières années, à condition que les quotas ci-dessus visés aient été atteints et que Scanazur n'ait pas commis de faute contractuelle, sinon cela entraînerait la résiliation du contrat sans indemnité.
Attendu qu'il est constant que la SARL Scanazur n'a réalisé aucun chiffre d'affaires.
Qu'en mai 1989, la société Prochar s'est fondue dans PB Gelatins, filiale de Tessendorlo ; qu'elle le signale à Scanazur en indiquant que PB Gelatins avait l'intention d'apporter peu de changements dans l'organisation de la société.
Que par courrier du 1er juin 1989, a été annoncée à Scanazur la résiliation de la concession exclusive du 25 juillet 1987.
Que par acte sous seing privé du 2 décembre 1988, la société Prochar a accordé à la MCI la concession exclusive de vente des produits Délectarômes aux Pays-Bas et autres territoires hollandais en coopération avec Scanazur avec une période d'essai de trois ans et la possibilité ensuite de dénoncer ce contrat tous les cinq ans moyennant un préavis de trois mois ;
Qu'en cas de résiliation après la troisième année, la société Prochar devrait verser à MCI cinq fois la commission gagnée l'année précédente ; que si la résiliation intervenait dans les trois premières années, une discussion devait s'instaurer entre les parties sur le rachat de la clientèle et des dommages et intérêts équitables.
Attendu que la MCI n'a produit aucun chiffre d'affaires ; que le 20 juin 1989, la société PB Gelatins a mis fin à ce deuxième contrat car l'essai toujours en cours n'était pas concluant.
1°) Attendu que Scanazur qui reconnaît n'avoir produit aucune vente soutient que des clients auraient l'intention d'acheter grâce à ses efforts qui ont abouti à la constitution de sociétés, à la prospection d'au moins treize entreprises, à la livraison d'échantillons ; qu'elle signale encore une campagne de presse en Europe, des rapports d'activités un référencement de trois délectarômes chez Nestlé et la conclusion d'une vente chez William Saurin, vente qui aurait d'ailleurs été faite à Paris, hors secteur ;
Qu'elle explique son absence de résultat par l'absence de tests préalables pour chaque parfum et par la mauvaise qualité des produits qui ne répondraient pas aux exigences européennes des préparations agro-alimentaires, le Délectarômes 1000/30 n'ayant pas un caractère totalement naturel et étant un produit toxique ; qu'en outre, elle soutient que la société Prochar a manqué à son engagement d'aide technique au moins jusqu'à la fin 1988 ; qu'elle prétend enfin que Prochar avait demandé qu'elle applique un coefficient de 2,25 % ce qui entraînerait un prix de vente trop élevé.
Mais attendu que, contrairement à ce qui soutient Scanazur, il résulte des documents librement débattus entre les parties que la société Prochar vendait des produits admis par les services de la répression des fraudes et l'institut Pasteur et que la prétendue toxicité invoquée ne concerne qu'un seul produit ne représentant qu'une très faible partie de la production, que la société Prochar a fourni des échantillons dans les langues utilisées dans le secteur de Scanazur, des documents de présentation et des fiches techniques, qu'elle n'a jamais refusé de répondre à une sollicitation de Scanazur ; Qu'enfin, la société Scanazur était libre de pratiquer les prix qu'elle voulait ; qu'elle a ainsi établi un tarif le 29 septembre 1988 avec des prix plus élevés que les prix indicatifs donnés par Prochar.
Attendu dans ces conditions qu'aucune faute contractuelle ne pouvant être retenue contre la société Prochar, l'absence de résultats de Scanazur ne peut s'expliquer que par l'absence d'activité ou les défauts de présentation des produits par Scanazur, défauts critiqués à plusieurs reprises dans des courriers adressés par Prochar à Scanazur et produits aux débats;
Attendu que si le contrat du 25 juillet 1987 n'imposait pas des quotas à Scanazur pour les premières années d'activité, il les indiquait avec une telle force que l'indemnité compensatrice devait être calculée sur les quotas réalisés et dans les seuls cas où les quotas contractuels étaient atteints et où Scanazur n'avait commis aucune faute contractuelle.
Qu'en l'espèce Scanazur n'a rien produit et ne peut justifier si ce n'est par des allégations non prouvées, son manque absolu de résultats pendant deux années, au cours desquelles elle n'a rien reproché à la société Prochar.
Qu'il s'ensuit que la société Prochar et les sociétés du Groupe PB Gelatins pouvaient définitivement mettre fin au contrat en vertu duquel la société Prochar avait effectué des dépens de promotion de produits sans en retirer un seul avantage;
Que la réalisation d'un chiffre d'affaires, même inférieur au chiffre d'affaires contractuellement prévu, est la condition évidente, même si elle n'est pas exprimée du maintien d'un contrat de concession ; que l'absence de tout chiffre d'affaires pendant deux ans, comme en l'espèce, constitue la faute contractuelle la plus grave justifiant la résiliation immédiate du contrat sans indemnité, surtout après les avertissements adressés à Scanazur par la société Prochar;
Que vainement est-il prétendu par Scanazur que Prochar devait faire prononcer la résiliation par la juridiction compétente puisque l'inexécution de ses obligations par une partie au contrat entraîne la résiliation de celui-ci, sauf à ce que la juridiction compétente vérifie les circonstances de la résiliation et se prononce sur le caractère brusque ou non, abusif ou non de la rupture et sur le droit ou non à indemnités ;
Qu'en l'espèce, le concédant n'a fait que tirer la conséquence logique du défaut absolu de production des concessionnaires, à savoir la résolution du contrat sans indemnité, même s'il a envisagé un moment de discuter avec le concessionnaire des conditions financières de la rupture ;
Que les frais engagés par Scanazur doivent demeurer à sa charge, aucune disposition contractuelle n'ayant prévue leur prise en charge par le concédant ; qu'il en eût été autrement si Scanazur n'avait commis aucune faute et avait fait l'objet d'une décision brusque et abusive de rupture du contrat de concession ; qu'il n'y donc pas lieu de procéder à un examen de ces frais prétendus.
Attendu que le jugement doit donc être confirmé, que la société Scanazur n'ayant subi d'autre préjudice ou manque à gagner que ceux résultant de sa faute, doit être déboutée de toutes ses prétentions.
Qu'en revanche, il est équitable d'allouer aux intimés une indemnité de 10.000 F pour leurs frais irrépétibles d'appel.
Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, Confirme le jugement entrepris; Déboute la société Scanazur de ses demandes, fins et conclusions. La condamne en outre au paiement deux sociétés PB Gelatins, Tessendorlo Chimie et Prochar la somme de 10 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; La condamne aux dépens distraits au profit de Maître Quignon, avoué, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.