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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch., 11 juin 1996, n° 95001359

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

William Grant and Sons International LTD (Sté), William Grant and sons LTD (Sté)

Défendeur :

Marie Brizard et Roger International (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneron

Conseillers :

Mlle Courbin, M. Ors

Avoués :

Mes Claverie, Fournier

Avocats :

Mes Stehelin, du Grantrut, Le Nezet, Dupeux.

CA Bordeaux n° 95001359

11 juin 1996

Attendu que par lettre du 26 février 1958, la société William Grant And Sons Limited a proposé à la société Marie Brizard, dont le siège social est à Bordeaux, l'exclusivité de la vente sur le territoire français du whisky qu'elle fabriquait, les marchandises devant être prises en charge par la société Marie Brizard dans un port du Royaume-Uni ; que par lettre du 8 mars 1958, la société Marie Brizard acceptait cette proposition ;

Attendu que cet échange de lettres, non suivi de la mise en forme d'un contrat, valait accord des deux sociétés pour la distribution exclusive en France par la société Marie Brizard des whiskies de la société William Grant And Sons Ltd, des marques Grant's et Glendifddich ;

Attendu que par lettre du 17 mars 1993, la société William Grant And Sons International Ltd mettait fin à cet accord à compter du 31 décembre 1993 ;

Attendu que dans l'instance engagée le 30 décembre 1993 par la société Marie Brizard et Roger International contre les société William Grant And Sons International Ltd et William Grant And Sons Ltd, qui seront désormais dénommées plus simplement Sociétés William Grant And Sons, le tribunal de commerce de Bordeaux, par jugement du 27 janvier 1995 a :

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés William Grant And Sons,

- condamné celles-ci à payer à la société Marie Brizard et Roger International :

. 100.000.000 F au titre de l'insuffisance de préavis,

. 30.000.000 F à titre de dommages et intérêts,

. 36.159.240 F, avec les intérêts de droit à compter du 19 octobre 1994, au titre de la reprise du stock,

. 120.000 F au titre de l'article 700 du NCPC,

. 13.003.326 F au titre des frais de publicité promotionnelle de 1993,

- donné acte aux parties de ce qu'elles déclaraient vouloir se rapprocher en ce qui concernait le règlement éventuel d'une somme supplémentaire au titre de ces dépenses,

- condamné la société Marie Brizard et Roger International à payer aux société William Grant And Sons, au titre des achats effectués par sa filiale la société Agrofinex à la fin de 1993, la somme de 66.903.946 F avec les intérêts de droit à compter de la date à laquelle les divers composants de cette somme aurait dû être réglés,

- ordonné la compensation entre ces condamnations,

- et ordonné l'exécution provisoire de la décision, à charge pour la société Marie Brizard et Roger International de fournir une caution à hauteur de 110.000.000 F.

Attendu que la société William Grant And Sons ont relevé appel de ce jugement le 7 mars 1995 ; que sur leur requête du 9 mars 1995, l'affaire a été fixée à l'audience du 22 mai 1995 ; que sur leur requête du 9 mars 1995, l'affaire a été fixée à l'audience du 22 mai 1995 ; que la société Marie Brizard et Roger International a été assignée pour cette audience le 23 mars 1995 ;

Attendu que les sociétés William Grant And Sons ont conclu le 5 juillet 1995 à l'incompétence des juridictions françaises au profit de la " Courts Of Session " d'Edimbourg (Ecosse) subsidiairement à la saisine de la Cour de Justice des Communautés Européennes sur l'interprétation de la convention de Bruxelles quant à la compétence des Tribunaux français dans la présente instance, à la réformation de la décision de tribunal de commerce en ce qui concerne l'exécution provisoire et à la condamnation de la société Marie Brizard et Roger International à leur payer 500.000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive du chef de la compétence et de l'exécution provisoire et 300.000 F d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du NCPC ;

Attendu que par écritures du 7 juillet 1995, elles ont conclu, pour le cas où la compétence de la juridiction française serait retenue, au mal fondé des demandes de la société Marie Brizard et Roger International, aucune faute ne pouvant leur être reprochée dans la cessation de leurs relations commerciales avec cette société et le préavis de la rupture étant d'une durée suffisante ; qu'elles ont renouvelé leurs précédentes demandes de condamnation de la société Marie Brizard et Roger International à leur payer les sommes de 500.000 F et de 300.000 F ;

Attendu que la société Marie Brizard et Roger International a par écritures du 8 novembre 1995 conclu à la compétence du tribunal de commerce de Bordeaux et de Cour d'appel de ce siège, à la confirmation du jugement du 7 janvier 1995 en ce qui concerne le principe des condamnations, mais par voie d'appel incident à 380.000.000 F pour l'insuffisance de préavis, à 100.000.000 F pour les dommages et intérêts, à la condamnation des sociétés William Grant And Sons à 60.000.000 F pour les motifs indiqués dans ses conclusions, à la confirmation du jugement pour le stock, mais la condamnation principale de ce chef devant porter intérêt au taux légal à compter du 1er janvier 1994, à la confirmation également du jugement en ce qui concerne les frais publi-promotionnels, mais les intérêts de la condamnation devant courir à compter du 15 février 1994, à la capitalisation des intérêts dûs pour une année entière et à l'élévation à la somme de 400.000 F de la condamnation au titre de l'article 700 du NCPC ;

Attendu que par conclusions du 12 février 1996, les sociétés William Grant And Sons ont confirmé et complété leurs écritures antérieures sur l'incompétence des juridictions françaises, la nécessité de saisir la Cour de Justice des Communautés Européennes le caractère non fautif de la rupture du contrat de distribution, l'interposition de la société Agrofinex qui constitue une novation par substitution de débiteur et le rejet des demandes de la société Marie Brizard et Roger International ;

Attendu que par écritures du 29 février 1966, celle-ci a insisté sur l'option que lui donnent les articles 2 et 5-1° de la convention de Bruxelles pour le choix de la juridiction à saisir, observé que les juridictions françaises sont compétentes pour interpréter cette convention, critiqué les travaux de Messieurs Proglio et Gauthier versés aux débats par les société William Grant And Sons et souligne la gravité du préjudice qu'elle a subi à la suite de la rupture du contrat ;

Attendu que par conclusions du 8 mars 1966, les sociétés William Grant And Sons ont présenté des observations sur les écritures de la société Marie Brizard et Roger International du 29 février 1996 et par d'autres écritures du 11 mars 1993 répondu aux critiques formulées sur le rapport de Messieurs Proglio et Gauthier et précisé que la société Marie Brizard et Roger International avait conscience que l'échec des négociations en cours pouvait aboutir à la rupture des relations contractuelles ;

Attendu que dans ses dernières écritures du 11 mars 1996, la société Marie Brizard et Roger International a demandé que l'attestation du 15 mars 1996 de Monsieur Evans, communiquée tardivement, soit écartée des débats ;

Attendu que l'ordonnance de clôture a été signée le 11 mars 1996 ;

Attendu que les moyens des parties seront analysés dans les motifs de l'arrêt ;

SUR LA COMPETENCE :

Attendu que les sociétés William Grant And Sons concluent que c'est à tort que le tribunal de commerce de Bordeaux s'est déclaré compétent dans son jugement du 27 janvier 1995, aux motifs :

- que la demande principale de la société Marie Brizard et Roger International avait pour fondement le non-respect de l'obligation qu'elles avaient, en l'absence de faute imputable au concessionnaire, de maintenir la concession après la rupture pendant un temps suffisant, alors que cette rupture n'avait pas entraîné un préjudice injustifié pour la société concessionnaire,

- que le lieu de l'exécution de l'obligation servant de fondement à la demande principal était la France et qu'en vertu de l'article 5 de la convention de Bruxelles elles avaient été légitimement assignées devant une juridiction française ;

Qu'elles concluent dans leurs écritures du 5 juillet 1995 et du 13 février 1996 :

- que l'article 2 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 pose le principe général de la compétence des juridictions de l'Etat du domicile du défendeur à l'action : qu'elles auraient dû en conséquence être attraites devant une juridiction écossaise ;

- que l'article 5.1° de la convention de Bruxelles, selon lequel le défendeur domicilié sur le territoire d'un Etat contractant peut être attrait dans un autre Etat contractant, en matière contractuelle devant le Tribunal du lieu de l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée, est une dérogation à la règle générale de l'article 2 ;

- que la compétence spéciale de l'article 5.1° n'est pas fondée sur l'ensemble des obligations caractérisant le contrat mais sur celle uniquement qui sert de base aux prétentions du demandeur ;

- que les demandes de la société Marie Brizard et Roger International ayant pour base de prétendues obligations contractuelles distinctes, et non une seule obligation clairement identifiée, la règle spéciale de l'article 5.1° est inapplicable et la règle de compétence générale de l'article 2 doit recevoir application ;

- qu'il n'existe pas d'obligation contractuelle au soutien de la demande ; que les lettres échangées ne contiennent aucune clause sur un délai de préavis,

- que le tribunal de commerce de Bordeaux était en conséquence incompétent et que la Cour d'appel doit se déclarer incompétente au profit de la Court Of Session d'Edimbourg,

- que même dans le cas où la Cour d'appel estimerait que l'article 5.1° de la convention de Bruxelles peut recevoir application, la détermination de l'obligation principale qui n'aurait pas été respectée et qui dicterait la compétence pour les autres obligations qui ne l'auraient pas non plus été, ne donnerait pas compétence à la juridiction française ;

- qu'en effet, la société Marie Brizard et Roger International, se plaint à tort des conditions de la rupture des relations contractuelles, puisque le contrat à durée indéterminée pouvait être rompu et qu'aucun abus de droit ne peut leur être reproché ; que dès 1990, elle avait été informée de leur volonté de réaménager leurs relations, ce qui pouvait aboutir à tout moment à la rupture de leurs relations contractuelles ; qu'elle réclame en réalité une indemnité de clientèle ; que c'est donc à tort que le tribunal de commerce a estimé que le fondement de la demande principale de la société Marie Brizard et Roger International résidait " dans le non-respect de l'obligation qu'avait William Grant en l'absence de faute imputée au concessionnaire de maintenir la concession après la rupture pendant un temps suffisant pour que cette rupture n'entraîne pas un préjudice injustifié pour la société concessionnaire " ;

- qu'en réalité le contrat ayant régulièrement pris fin, l'obligation qui existerait ne peut pas être rattachée au contrat ;

- que la recherche du pays avec lequel le contrat en cause a les attaches les plus solides désigne la loi écossaise ; que leur lettre du 26 février 1958, par laquelle elle proposait à la société Marie Brizard et Roger International d'être leur agent pour la France a été expédiée de leur siège social en Ecosse et rédigée en anglais ; que la réponse du 8 mars 1958 de la société Marie Brizard et Roger International est rédigée en anglais ; que l'acceptation de leur offre a eu lieu en Ecosse, à leur siège social ; que les conditions se réfèrent à la " Scotch Whisky Association " ; que la monnaie de paiement était la livre sterling ; que si un contrat avait été signé, ce qui n'avait pas été jugé utile par la société Marie Brizard, il aurait prévu, comme les autres contrats de l'époque, une clause renvoyant à la loi écossaise et à l'arbitrage du shérif du Comté de Lanark (Ecosse) ; que les produits étaient livrés " Free on Board " (FOB) au Royaume-Uni ; que tous ces indices dictent bien la compétence de la loi écossaise ;

- qu'en droit écossais, l'obligation servant de fondement à l'action est celle de ne pas résilier l'accord de distribution sans que soit donné un préavis raisonnable ; que la non-exécution de cette obligation se situe en Ecosse ; que même s'il est considéré que l'objet de la demande est une indemnité de clientèle, il s'agit, en droit français, d'une obligation autonome par rapport au contrat lui-même ; que seuls les Tribunaux écossais sont donc compétents ;

- qu'une demande d'indemnisation pour compenser le préjudice prétendument subi à la suite d'un contrat ayant régulièrement pris fin, ne peut pas être rattachée au contrat expiré ;

Attendu qu'elles demandent à titre subsidiaire que la Cour d'appel pose à la Cour de Justice des Communautés Européennes une question préjudicielle sur le problème de la compétence et de l'interprétation des articles 2 et 5.1° de la convention de Bruxelles, en précisant qu'il n'existe pas à ce jour de jurisprudence de cette Cour dans les cas similaires ;

Attendu que la société Marie Brizard et Roger International a conclu les 8 novembre 1995 et 29 février 1996 :

- qu'elle bénéficiait d'une option pour la compétence, résultant des articles 2 et 5.1° de la convention de Bruxelles, aucune hiérarchie n'existant entre ces articles,

- que l'article 5.1° de la convention de Bruxelles ne doit pas être interprété restrictivement, mais doit être limité à son champ d'application qui est la matière contractuelle ; qu'en cette matière, il doit développer toutes ses conséquences ; qu'il n'existe pas de prééminence en cette matière de l'article 2 ;

- que ses demandes procèdent toutes du contrat l'unissant à la société William Grant And Sons ; que la demande principale est fondée sur le non-respect par ces sociétés de leur obligation de maintenir, après la rupture, durant un temps suffisant, la concession, afin que la rupture n'entraîne pas pour elle un préjudice injustifié ; que sa seconde demande relative à son indemnisation pour le montant de sa participation aux frais de publicité, cet investissement supposant un engagement à long terme, résulte elle-même d'un préjudice indissociable de celui lié à la brutalité de la rupture ; que sa troisième demande tend à obtenir des dommages et intérêts essentiellement pour réparer le préjudice causé par l'inexécution par les sociétés William Grant And Sons de leurs obligation de coopération jusqu'au terme de leurs rapports et de négociation de bonne foi qu'imposaient les rapports existants ; que la connexité des demandes commande aussi de les soumettre au même juge, ainsi que l'admet la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes,

- que sa demande principale n'est pas une demande d'indemnité de clientèle, mais de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation qui n'est pas autonome, mais qui relève de leurs relations contractuelles, l'indemnité pour rupture abusive étant due en réparation d'une obligation contractuelle violée, celle de maintenir les relations contractuelles pendant un préavis suffisant pour lui permettre pendant ce délai d'une part la poursuite de la distribution des produits Grant en France, d'autre part l'adaptation de ses structures aux conséquences de la rupture,

- que les tribunaux français sont compétents pour connaître les litiges consécutifs à l'exécution et à la rupture d'accords internationaux de distribution, lorsque le distributeur a son siège et exerce son activité en France et que la distribution concerne la France,

- que l'accord de distribution exclusive en France des produits des sociétés William Grant And Sons, qui impose au concédant un comportement loyal sur le secteur concédé, est soumis à la loi française, loi du pays où il s'exécute ; que les indices évoqués par les sociétés William Grant And Sons pour justifier la compétence écossaise ne commandent pas cette compétence,

- que les juridictions françaises qui ont compétence pour interpréter la convention de Bruxelles n'ont aucune obligation de saisir la Cour de Justice des Communautés Européennes ; que la jurisprudence de cette cour commande d'ailleurs la compétence française ;

Attendu que les relations contractuelles existant entre les sociétés William Grant And Sons et la société Marie Brizard et Roger International sont constituées par :

- la lettre du 26 février 1958, rédigée en anglais, envoyée par la société William Grant And Sons de Glasgow (Ecosse) à Messieurs Marie Brizard et Roger, lettre par laquelle la société William Grant And Sons leur proposait la représentation exclusive du whisky écossais Grant en France, ainsi qu'auprès de la clientèle diplomatique et des ambassades et dans les boutiques de bateau, conformément aux termes et conditions précisés dans cette lettre, au prix et conditions de l'association du whisky écossais, les prix étant FOB ; qu'en échange de l'octroi de cette représentation, la société Marie Brizard et Roger International acceptait de ne négocier aucun autre whisky écossais ; que le contrat de représentation n'était pas transmissible ;

- la lettre du 8 mars 1958 envoyée par Monsieur Jean Glottin, Président Directeur Général de la société Marie Brizard, à la société William Grant And Sons, rédigée en anglais et par laquelle la proposition d'agent exclusif pour le whisky Grant pour la France, y compris les ventes au corps diplomatique et aux ambassades ainsi que l'avitaillement des navires était acceptée, aux conditions précisées dans la lettre du 26 février 1958 ; qu'en réponse à la question de la société William Grant And Sons sur la nécessité ou l'utilité de rédiger un contrat formel, l'idée étant exprimée qu'un contrat de représentation exclusif dépendait à long terme de l'instauration d'une confiance réciproque, il répondait qu'il n'était pas nécessaire de rédiger un contrat en bonne et due forme, les courriers des 26 février et 8 mars 1958 constituant en eux mêmes un contrat et son souhait étant qu'un esprit de confiance mutuel puisse toujours exister entre les deux sociétés ;

Attendu que ce contrat de représentation exclusive ne contient aucune disposition sur sa durée et sur les conditions de sa rupture et spécialement le délai de préavis ;

Attendu que comme pour tout contrat à durée indéterminée, chaque partie pouvait y mettre fin, à condition d'agir de bonne foi et de manière non abusive ;

Attendu qu'à l'issue de nombreuses discussions, la dernière réunion ayant eu lieu à Bruges près de Bordeaux, le 10 février 1993, la société William Grant And Sons International Ltd notifiait au Président Directeur Général de la société Marie Brizard et Roger International, par lettre du 17 mars 1993, qu'elle mettait fin à leurs relations commerciales sur le territoire français à dater du 31 décembre 1993 ;

Attendu que les demandes de la société Marie Brizard et Roger International sont fondées sur cette dénonciation du contrat avec un délai de préavis insuffisant en raison de l'ancienneté des relations commerciales et de sa participation importante depuis de nombreuses années aux frais de publicité et de promotion des produits Grant ;

Attendu qu'aux termes de l'article 2 de la convention de Bruxelles du 27 décembre 1968, les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat contractant sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant la juridiction de cet Etat et de l'article 5.1° que le défendeur domicilié sur le territoire d'un Etat contractant peut être attrait dans un autre Etat contractant, en matière contractuelle devant le lieu où l'obligation a été ou devait être exécutée ;

Attendu que si l'article 2 figure dans les dispositions générales et l'article 5 dans les compétences spéciales, il n'en résulte pas une primauté de l'article 2 sur l'article 5.1° ; que ces textes ouvrent une alternative, une option au demandeur à l'action pour le choix de la juridiction compétente ; que si l'article 5.1° concerne la matière contractuelle et ne peut être appliqué en dehors de cette matière, il doit être appliqué dans toutes ses conséquences dans ce domaine ;

Attendu que la demande principale n'est pas une demande d'indemnité de clientèle mais de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de distribution exclusive; qu'elle commande la même compétence pour les autres demandes qui ne sont pas étrangères à l'exécution de ce contrat et aux relations contractuelles ayant existées entre les sociétés William Grant And Sons et Marie Brizard et Roger International, mais sont également les conséquences de la rupture ; que la demande principale n'est pas fondée sur une obligation autonome au contrat, comme l'allèguent les sociétés William Grant And Sons qui ne définissent d'ailleurs pas la nature, délictuelle ou contractuelle, de cette obligation ; qu'en réalité il s'agit d'une obligation contractuelle se rattachant directement à l'exécution du contrat qui devait être poursuivie, jusqu'au terme de celui-ci, de bonne foi ;

Attendu que la règle de l'article 5.1° de la convention de Bruxelles est en conséquence applicable ;

Attendu, en ce qui concerne " le lieu où l'obligation a été ou doit être exécutée ", qui dictera la compétence de la juridiction saisie ou de celle qui aurait due l'être, qu'il convient de souligner que l'objet du contrat liant les sociétés William Grant And Sons et Marie Brizard et Roger International est la distribution exclusive en France des whiskies des sociétés William Grant And Sons; que ce contrat ne s'appliquait qu'en France; que c'est cet élément qui doit être pris en considération, et non les circonstances secondaires qui sont constituées par la rédaction en anglais des lettres des 26 février et 8 mars 1958, le lieu d'expédition de la première lettre et le lieu de destination de la seconde, la livraison au Royaume-Uni des bouteilles de whisky, la monnaie de règlement des factures et la référence aux règlements de la Scotch Whisky Association ; que de manière évidente les société William Grant And Sons ne peuvent se fonder sur la clause qu'aurait contenu le contrat de concession, si un tel contrat avait été établi, pour en tirer une conclusion sur la compétence des juridictions écossaises ; que l'obligation principale sur laquelle se fonde l'action étant celle d'exécuter en France de bonne foi le contrat de concession et son inexécution servant de base à la demande de 3.800.000 F de dommages et intérêts, les juridictions françaises ont compétence pour en connaître;

Attendu que les demandes de la société Marie Brizard et Roger International autres que la principale de 380.000.000 F pour insuffisance du délai de préavis, se rattachent aussi à l'exécution en France du contrat durant la période où il était en vigueur et aux conséquences de sa dénonciation brutale ; qu'elles commandent la même compétence des juridictions françaises, et plus précisément en première instance du tribunal de commerce de Bordeaux lieu du siège social de la société Marie Brizard et Roger International ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de Justice des Communautés Européennes sur ce problème de compétence, l'article 5.1° de la convention de Bruxelles dictant la solution ;

SUR LA RECEVABILITE DE LA DEMANDE :

Attendu que les sociétés William Grant And Sons soulèvent dans leurs écritures du 7 juillet 1995 l'irrecevabilité de l'action de la société Marie Brizard et Roger International, l'ensemble des relations financières ayant lieu par l'intermédiaire de la société de droit suisse, la société Agrofinex, filiale de la société Marie Brizard et Roger International ; qu'elles observent que les commandes étaient établies au nom de cette société et réglées par celle-ci, que les versements des contributions aux frais de publicité s'effectuaient également par cette société et qu'ainsi leur seul contractant économique et juridique était la société Agrofinex et non la société Marie Brizard et Roger International ; que si la rupture des relations a pu causer un préjudice, celui-ci n'a pu être subi que par la société Agrofinex et non par la société Marie Brizard et Roger International ; que c'est ainsi à tort que le tribunal de commerce a jugé l'action de celle-ci recevable ;

Que dans leurs conclusions du 13 février 1996 elles observent que la société Marie Brizard et Roger International a reconnu que l'interposition de la société Agrofinex avait constitué une novation par changement de débiteur ;

Attendu que la société Marie Brizard et Roger International a répliqué dans ses conclusions du 8 novembre 1995 qu'elle contrôle entièrement sa filiale suisse Agrofinex, qui n'a ni personnel, ni local d'exploitation, ni représentant, ni dirigeant si ce n'est les siens ; que la société Agrofinex est une société de facturation, constituée pour éviter les risques de change, les sociétés William Grant And Sons facturant en livre sterling, et aussi pour procurer à la société William Grant And Sons un avantage au titre de la TVA ; que la société Agrofinex lui refacturait tout ce qui lui avait été facturé par les sociétés William Grant And Sons ; que les factures établies par ces sociétés précisaient bien qu'il s'agissait de marchandises fournies à Marie Brizard et Roger International ; qu'il n'existait ainsi de relations contractuelles qu'entre les société William Grant And Sons et elle-même ; que c'est d'ailleurs à elle-même que ces sociétés ont dénoncé le contrat d'exclusivité ; que c'est elle seule qui subit le dommage résultant du délai de préavis insuffisant ; qu'en application de l'article 1321 du Code civil, l'interposition ostensible des personnes ne peut l'emporter sur les réalités voulues par les parties ;

Attendu que le contrat de distribution exclusive des whiskies fabriqués par les sociétés William Grant And Sons engage ces sociétés et la société Marie Brizard et Roger International ; que la société Agrofinex, qui n'existait d'ailleurs pas en 1958, n'y est pas partie ; qu'elle ne l'est pas devenue après sa constitution ; qu'il n'est pas prouvé qu'elle se soit substituée aux obligations de la société Marie Brizard et Roger International résultant du contrat de concession ;que la novation par substitution du débiteur, prévue par l'article 1271-2° du Code civil, ne se présume pas et doit résulter sans équivoque des faits et actes des parties ; que les sociétés William Grant And Sons ne prétendent pas que la condition de l'article 1275 du Code civil pour qu'il y ait novation est remplie ; que toutes les discussions sur les conditions d'application du contrat d'exclusivité, spécialement celles ayant précédé sa dénonciation par les sociétés William Grant And Sons, ont eu lieu entre ces sociétés et la société Marie Brizard et Roger International ; que si les factures de whisky ont été établies au nom de la société Agrofinex et si les règlements financiers ont été opérés par l'intermédiaire de cette société, qui refacturait à la société Marie Brizard et Roger International, c'était cette dernière société qui était la destinataire réelle des livraisons et la véritable débitrice du coût des produits ; que c'était elle qui participait aux frais de publicité et de promotion des whisky ; que c'est elle qui subit les conséquences de la rupture des relations contractuelles ; qu'agissant pour la défense de ses intérêts, ainsi que l'article 31 du NCPC lui permet de le faire, son action doit être déclarée recevable, ainsi que l'a exactement jugé le tribunal de commerce ;

SUR LE DELAI DE PREAVIS :

Attendu que le tribunal de commerce de Bordeaux " devant l'importance des forces et des sommes en jeu " a estimé qu'il était " évident " que les solutions de rechange ne pouvaient ni être rapidement mises en place compte tenu en particulier des impératifs liés à l'exécution des engagements pris pour l'année 1993, ni produire immédiatement le plein effet qui en était attendu et qu'il s'avérait " que le préavis de neuf mois octroyé à la société Marie Brizard et Roger International, s'il lui permettait d'envisager les modifications qui s'imposeraient à partir du 1er janvier 1994 et de prendre des contacts, ne lui permettait pas de commencer à les traduire dans les faits avant cette date " et en a conclu que le préavis était insuffisant d'une année ;

Qu'il a chiffré à 100.000.000 F la somme à accorder à la société Marie Brizard et Roger International en compensation de cette insuffisance, ce chiffre correspondant approximativement, d'après la motivation du jugement, à la marge demi-nette annuelle moyenne des trois dernières années d'exécution du contrat, tel qu'elle résultait du rapport de Messieurs Gandur et Paquier, qui avaient chiffré cette marge à 106.737.000 F ;

Attendu que les sociétés William Grant And Sons concluent qu'elles n'ont commis aucune faute en résiliant le contrat de distribution exclusive et qu'elles ont respecté un délai raisonnable, le délai de neuf mois ayant permis à la société Marie Brizard et Roger International de signer au cours de l'automne 1993 un accord de distribution, à compter du début de l'année 1994, pour les produits Whyte et Mackay ; qu'elles observent que la cessation des relations contractuelles n'avaient rien eu d'inopiné, puisque depuis trois ans elles étaient en discussion avec la société Marie Brizard et Roger International sur les modifications à apporter à leurs engagements, que cette société avait été prévenue des risques de résiliation du contrat depuis longtemps et que c'est d'ailleurs elle qui a provoqué cette rupture en refusant tout accord ;

Qu'elles estiment en conséquence que c'est à tort que le tribunal de commerce leur reproche d'être entrées en pourparlers avec la société Saint Raphaël, cette circonstance étant sans influence sur la détermination du caractère abusif ou raisonnable du délai de préavis ; que leur refuser d'entamer des négociations avec un éventuel futur concessionnaire aussi longtemps qu'elles étaient liées avec la société Marie Brizard et Roger International serait nier leur droit de mettre fin au contrat de concession ; qu'elles estiment aussi que le préavis était d'autant plus raisonnable que le contrat contenait une exclusivité stipulée au seul avantage de la société Marie Brizard et Roger International ; que cette société était en effet libre de distribuer d'autres marques que leurs whiskies, ce qu'elle a d'ailleurs fait en diversifiant ses activités dans la distribution de vins, de spiritueux et de boissons sans alcool ;

Attendu que la société Marie Brizard et Roger International insiste dans ses conclusions du 18 mars 1996 sur le développement de ses relations avec les sociétés William Grant And Sons, dont elles était devenue le partenaire, le mémorandum du 21 septembre 1964 ayant confirmé leur association d'intérêt, sur sa participation très importante, de l'ordre de 40 %, au budget de publicité et de promotion des ventes, sur l'efficacité de son réseau de vente qui avait permis aux whiskies des sociétés William Grant And Sons, jusqu'alors inconnus en France, de devenir les whiskies les plus vendus dans ce pays, selon une progression exceptionnelle, sur la durée de 35 ans du contrat de distribution exclusive, et sur la spécificité de ses relations avec les sociétés William Grant And Sons qui dépassaient le contenu normal des liens unissant un concédant à son distributeur ; qu'elle explique que les exigences des sociétés William Grant And Sons étaient de plus en plus fortes et auraient abouti, si elle les avait acceptées, à une prise de contrôle de son réseau commercial ; qu'elle souligne que les longues discussions qui ont eu lieu entre les sociétés William Grant And Sons et elle-même sur les modifications de leurs relations ne peuvent pas être considérées comme faisant partie du délai de préavis et qu'elle ne pouvait pas en déduire qu'une rupture de leurs relations était envisageable, qu'elle impute la responsabilité de la rupture aux sociétés William Grant And Sons, les raisons invoquées par ces sociétés concernant son indépendance, la fragilité de son caractère familial et de son actionnariat, le contrôle de son réseau de vente n'étant pas valables ; qu'elle indique que les sociétés William Grant And Sons, qui remettaient en cause tout ce qu'elle proposait, voulaient en réalité s'approprier son réseau de distribution en France (Marie Brizard Distribution - MBD) dont elle voulait conserver le contrôle ; que de même sa proposition concernant la création d'une filiale Newco pour la distribution des produits Grant en France n'a non plus pas abouti, bien qu'elle ait accepté que le capital de cette société soit finalement réparti à égalité entre elle-même et les sociétés William Grant And Sons, celles-ci voulant aussi détenir 50 % de MBD, ce qu'elle refusait ; que de même un autre projet concernant la création d'une société de distribution MBDVS, par apport du réseau grande distribution des vins et spiritueux de MBD, dans laquelle les sociétés William Grant And Sons tout d'abord actionnaires à 10 % le deviendraient à concurrence de 49 %, avec la signature d'un pacte d'actionnaires garantissant aux sociétés William Grant And Sons d'être associées aux grandes orientations et décisions de MBDVS, d'un contrat de commissionnaire à la vente de 20 ans entre les sociétés Newco et MBDVS, de contrats de service entre les sociétés Marie Brizard et Roger International et MBDVS et entre MDB et MBDVS et de promesses de ventes réciproques des participations dans les sociétés Newco et MBDVS en cas de changement de contrôle, n'a pas pu être suivi d'effet en raison des exigences toujours plus fortes des sociétés William Grant And Sons qui remettaient en cause ce qui avait été convenu et dont l'objectif était en réalité de s'approprier son réseau de vente, ce qu'elle ne pouvait pas admettre, et à un prix qui ne correspondait absolument pas à sa valeur réelle ; que tous ses efforts pour obtenir un accord équilibré ont été tenus en échec ; qu'elle ne pouvait toutefois pas envisager une rupture brutale du contrat d'exclusivité ;

Qu'estimant ainsi que la dénonciation du contrat de distribution exclusive avait eu lieu avec un préavis insuffisant et de manière abusive, et déloyale, et se fondant sur l'ancienneté des relations contractuelles, leur spécificité et leurs résultats, sur les investissements qu'elle avait consentis pur les produits Grant, sur le pourcentage de 30 % de son chiffre d'affaires que représentait la vente des whiskies des sociétés William Grant And Sons, elle conclut que le préavis devait être d'une durée supérieure à celle retenue par le tribunal de commerce et être de 5 années, délai qui avait d'ailleurs été envisagé par les sociétés William Grant And Sons ; que se fondant sur le rapport d'expertise de Messieurs Gandur et Paquier, elle chiffre à 380.000.000 F le préjudice résultant de l'absence d'un délai de préavis raisonnable ;

Attendu que le contrat liant les sociétés William Grant And Sons à Marie Brizard et Roger International était un contrat de distribution exclusive en France par Marie Brizard et Roger International des whiskies fabriqués par les sociétés William Grant And Sons, la société Marie Brizard et Roger International ne pouvant pas distribuer d'autres whiskies que ceux de ces sociétés ; qu'il ne s'agissait pas d'un montant d'intérêt commun, et qu'il ne peut pas être question d'une indemnité de clientèle ;

Attendu qu'étant un contrat à durée indéterminée, il pouvait être rompu à tout moment par chaque partie, mais, les contrats devant être exécutés loyalement et de bonne foi jusqu'à leur achèvement, avec un délai de préavis raisonnable ne présentant aucun caractère anormal, brutal ou abusif;

Attendu que cette faculté de résiliation du contrat était libre et non soumise à un motif légitime ; qu'il convient d'ailleurs d'observer que dans la lettre du 17 mars 1993 les sociétés William Grant And Sons n'ont formulé aucun grief à l'encontre de la société Marie Brizard et Roger International dans l'exécution du contrat ;

Attendu que l'attestation du 5 mars 1996 de Monsieur David J. Evans, sur les discussions qui auraient eu lieu de 1990 à 1992, entre la société Marie Brizard et Roger International et le Group Cantrelle et Cochrane pour la diffusion des marques de ce groupe et d'un whisky appartenant à un autre groupe, ayant été communiquée tardivement, le jour de l'ordonnance de clôture, doit être écartée des débats ;

Attendu que pour apprécier le caractère raisonnable ou abusif du délai de préavis, il y a lieu de tenir compte de la nature des relations commerciales, de l'importance des intérêts financiers en cause, de l'ancienneté des relations commerciales, des circonstances de la rupture, et des conséquences de la cession du contrat ;

Attendu qu'il est incontestable que l'exécution du contrat de distribution exclusive des whiskies Grant a été fructueuse pour les deux parties qui avaient intérêt au développement des ventes en France, ce qui explique l'importance des frais de publicité et de promotion commerciale (rabais et ristournes) auxquels participaient les sociétés William Grant And Sons et la société Marie Brizard et Roger International pour un pourcentage élevé indiqué dans leurs écritures même si elles ne sont pas d'accord sur la répartition réelle des charges ; que sans être associées juridiquement, les sociétés William Grant And Sons et Marie Brizard et Roger International menaient une politique concertée et de partenaires ainsi qu'il résulte des nombreux comptes-rendus de réunions versés aux débats ; que les résultats ont été particulièrement positifs ainsi que le prouve la forte progression des ventes des produits Grant en 35 ans ; que les sociétés William Grant And Sons ne le contestent pas, tout en imputant pas ce développement au seul dynamisme et à la seule efficacité de la société Marie Brizard et Roger International, mais également à la qualité des produits Glenfiddich et Grant, leur présentation, les campagnes de publicité qu'elles ont conçues et supportées financièrement et leur participation importante dans les remises et les ristournes de distribution ; que si les parties discutent sur la charge réelle pour chacune d'elles des dépenses de publicité, de marketing et de pratiques commerciales, il ne peut pas être sérieusement discuté que les investissements par l'une et par l'autre ont représenté des sommes très importantes, ainsi qu'il résulte de leurs écritures ;

Attendu que la vente des produits Grant représentait selon les écrits de la société Marie Brizard et Roger International 30 % de son chiffre d'affaires et 55 % de sa marge demi-nette ce qui explique les investissements publicitaires et commerciaux auxquels elle a consenti que si les société William Grant And Sons pouvaient ignorer ce pourcentage, elles connaissaient nécessairement la quantité des produits provenant de leur fabrication et vendus par la société Marie Brizard et Roger International ; qu'elles n'ignoraient pas non plus que la société Marie Brizard et Roger International ne pouvait pas distribuer d'autres whiskies que ceux qu'elles fabriquaient et que la cessation de leurs relations poserait nécessairement un problème de substitution de produits à la société Marie Brizard et Roger International ; qu'ainsi que l'indique celle-ci dans ses écritures du 8 novembre 1995, l'exclusivité de la distribution des produits des sociétés William Grant And Sons n'était pas rompue par la distribution de 70.000 bouteilles de marque Langs par la société Verdenne de Dijon, filiale qu'elle avait acquise en 1988 et qui avait son propre réseau de vente ou par la vente exclusivement aux Etats-Unis du whisky Glen Moray par une autre filiale acquise en 1990 ;

Attendu que le contrat de distribution exclusive avait effet depuis près de 35 ans lorsqu'il a été dénoncé en mars 1993 et que les relations commerciales entre les sociétés, qui étaient particulièrement anciennes, avaient pris un développement considérable dans le temps;

Attendu que depuis 1990, les sociétés en cause ne parvenaient pas à un accord sur de nouvelles modalités commerciales de distribution des whiskies Grant's, et Glendfiddich, les sociétés William Grant And Sons souhaitant participer plus directement à la commercialisation de leurs produits en France par une prise de participation dans le capital de Marie Brizard et Roger International ou par la constitution d'une société commune de commercialisation dans laquelle elles seraient au moins à égalité avec la société Marie Brizard et Roger International ;

Que si ces discussions, qu'il est inutile d'étudier, étaient de nature à mettre en cause la pérennité du contrat de distribution exclusive elles n'impliquaient toutefois pas que les sociétés William Grant avaient l'intention d'y mettre rapidement fin à défaut d'un résultat positif ; que la rupture a eu lieu au cours d'une période de pourparlers, puisque des réunions avaient eu lieu les 10 décembre 1992, 14 janvier 1993 et 10 février 1993, et qu'une nouvelle réunion avait été envisagée le 19 février 1993 ; que par lettre du 9 mars 1993, une promotion pour la période de Pâques 1993 avait été conçue par les sociétés William Grant And Sons, ce qui ne laissait pas envisager par la société Marie Brizard et Roger International la dénonciation du contrat quelques jours plus tard par la lettre du 17 mars 1993 ; que les dernières années de discussion ne peuvent pas être assimilées à un délai implicite de préavis ; que celui-ci doit être calculé à partir de la lettre du 17 mars 1993 ; que sa durée dépasse légèrement 9 mois ;

Attendu que les conséquences de la cessation du contrat étaient graves pour la société Marie Brizard et Roger International, compte tenu du pourcentage de son chiffre d'affaires et de sa marge bénéficiaire que représentaient les ventes des produits Grant, des investissements publicitaires qu'elle avait faits depuis plusieurs années et comme pour tout produit de grande diffusion dans une perspective de court et de moyen terme, de la nécessité d'obtenir la distribution d'autres marques de whisky, et de la situation du marché du whisky ;

Attendu que les sociétés William Grant And Sons en raison des liens anciens qui les unissaient à Marie Brizard et Roger International ne pouvaient pas ignorer les conséquences de la rupture ; qu'elles mêmes étaient d'ailleurs déjà entrées en relations avec la société Saint Raphaël pour la distribution future de leurs produits ; que ce fait, s'il est resté discret, conformément à la confidentialité commerciale et non rendu public avant la rupture du contrat de distribution, le contraire n'étant pas allégué, n'est pas fautif ; qu'une société commerciale doit envisager en effet les conséquences de ses décisions, pallier leurs effets négatifs et s'assurer que ses produits seront distribués par un autre concessionnaire avant de rompre un contrat de distribution ; qu'elle a par contre l'obligation de respecter un délai de préavis raisonnable ;

Attendu que les sociétés William Grant And Sons n'ont pas convenu d'un délai de préavis de cinq années ; que le procès-verbal de la réunion tenue le 8 octobre 1991 à Richemond a fait état de cette durée qui aurait été évoquée par les sociétés William Grant And Sons pour ne pas avoir à payer une compensation en cas de rupture des accords ; mais qu'aucun accord n'existe à cet égard ;

Attendu que compte tenu des éléments à prendre en considération, tels qu'ils ont été définis ci-dessus, pour apprécier quelle aurait dû être la durée du délai raisonnable de dénonciation du contrat, le délai de préavis aurait dû être, comme l'a jugé le tribunal de commerce, d'une année supplémentaire et prendre fin le 30 décembre 1994;

Attendu, sur le préjudice qui a été la conséquence de l'inobservation d'un délai raisonnable, que les éléments fournis par la société Marie Brizard et Roger International, et spécialement le rapport de Messieurs Gandur et Paquier, qui a donné lieu aux observations de Messieurs René Proglio et Michel Gauthier, à la demande des sociétés William Grant And Sons, ces quatre experts n'ayant pas procédé contradictoirement à leurs opérations, ne suffisent pas à le chiffrer avec précision ; qu'il convient d'ordonner une expertise à ce sujet ;

Attendu que la cour dispose des éléments suffisants pour allouer dès à présent une provision de 25.000.000 F à la société Marie Brizard et Roger International ;

SUR LES DOMMAGES ET INTERETS COMPLEMENTAIRES :

Attendu que le tribunal de commerce après avoir alloué 100.000.000 F de dommages et intérêts pour permettre à la société Marie Brizard et Roger International de compenser complètement la perte du marché Grant a alloué aussi 30.000.000 F de dommages et intérêts en prenant en considération le fait que les société William Grant And Sons ont mené des négociations avec la société Saint-Raphaël tout en poursuivant leurs pourparlers avec la société Marie Brizard et Roger International et le retentissement de la décision brutale de rupture sur l'image de marque de cette société après 35 ans de collaboration exempte de tout reproche ;

Attendu que la société Marie Brizard et Roger International demande que cette somme soit portée à 100.000.000 F ; qu'elle fait état de la négociation parallèle menée les sociétés William Grant And Sons avec la société Saint-Raphaël, des informations qu'elles ont obtenues sur elle-même au cours des longues négociations intervenues au cours des dernières années et qu'elles ont pu utiliser dans leurs relations avec la société Saint-Raphaël, de la prospection effectuée dans sa clientèle par la nouvelle structure " Grant Saint-Raphaël " avant la fin de l'année 1993, avec l'argument d'une perspective de baisse des prix, ce qui a eu pour conséquence de freiner ses ventes et de gonfler ses stocks au 31 décembre 1993, de l'illusion qu'elles ont entretenue sur la réussite des pourparlers en cours, de la rupture des négociations pour des motifs fallacieux, du poids qu'ont représenté en temps et en frais les longs pourparlers qui se sont finalement révélés inutiles et du caractère gravement dolosif et manifestement contraire à leurs obligations de loyauté et de prévenance des sociétés William Grant And Sons, l'ensemble de ces faits lui ayant causé un préjudice considérable ;

Attendu que les sociétés William Grant And Sons estiment dans leurs écritures que la rupture des relations n'était pas imprévisible, qu'elle doit être imputée à la société Marie Brizard et Roger International et qu'elle n'a pas entraîné de préjudice ; qu'elles réfutent leur obligation de compenser les conséquences de la dénonciation du contrat ; qu'elles n'ont pas conclu spécifiquement sur les dommages et intérêts complémentaires alloués par le tribunal de commerce, estimant globalement que les demandes de dommages et intérêts étaient dénuées de fondement ;

Attendu que les conséquence préjudiciables de l'inobservation du délai raisonnable de dénonciation du contrat de distribution exclusive seront indemnisées après que la cour d'appel aura pu les chiffrer en considération des éléments d'appréciation qu'apportera le rapport d'expertise ;

Attendu que la société Marie Brizard et Roger International n'apporte pas la preuve d'un préjudice indépendant de ce dommage ; qu'elle ne justifie pas de l'atteinte portée à son image de marque par la dénonciation du contrat et la publicité qui a été donnée à celle-ci ; qu'il n'est non plus pas prouvé que les sociétés William Grant And Sons ont utilisé dans leurs pourparlers avec la société Saint-Raphaël des renseignements sur la société Marie Brizard et Roger International dont elles avaient connaissance en raison de leurs rapports d'affaires et des négociations ayant précédé la rupture et qui par leur nature commerciale présentaient un rapport de confidentialité ; qu'ainsi qu'il a été indiqué une société commerciale doit envisager comment elle palliera les conséquences de la dénonciation du contrat de distribution exclusive de ses produits dans un pays avant de procéder à cette dénonciation ; que l'annonce quelques jours seulement après la rupture de l'accord intervenu avec la société William Grant And Sons avaient commencé à négocier avec cette société alors qu'elles poursuivaient leurs discussions avec la société Marie Brizard et Roger International ; que cette circonstance en elle-même n'était pas source de dommage pour la société Marie Brizard et Roger International ; que selon l'attestation de Monsieur Fernando Pique du 9 février 1996, la question de la distribution en France des whiskies Grant par la société Saint-Raphaël n'a été abordée que le 12 février 1993, l'accord de principe mais tout à fait préliminaire est intervenu le 16 mars 1993, l'accord de " joint venture " le 12 octobre 1993 et l'approbation de cet accord par les actionnaires de Saint-Raphaël le 22 décembre 1993 ;

Attendu qu'il n'est pas établi qu'il y ait eu un détournement de clientèle de la société Marie Brizard et Roger International avant le 31 décembre 1993 ;

Attendu que le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux doit donc être infirmé en ce qui concerne l'allocation de dommages et intérêts complémentaires à ceux résultant de la rupture du contrat de distribution exclusive ;

SUR LE SOLDE DES FRAIS PUBLI-PROMOTIONNELS DE 1993 :

Attendu que le tribunal de commerce a condamné les sociétés William Grant And Sons à payer à la société Marie Brizard et Roger International 13.003.326 F au titre des frais publi-promotionnels de 1993, les sociétés William Grant And Sons s'étant reconnues débitrices à la barre de cette somme et non pas de celle de 20.746.410 F réclamée par la société Marie Brizard et Roger International ; qu'il a donné acte aux parties de leur volonté de rapprochement sur la détermination de ces frais ;

Attendu que la société Marie Brizard et Roger International ne critique pas cette disposition du jugement, mais demande que la condamnation soit assortie des intérêts à compter du 15 février 1994, date à laquelle elle aurait du être réglée ;

Attendu que les sociétés William Grant And Sons n'ont pas conclu sur ces frais ;

Attendu que la société Marie Brizard et Roger International ne donne aucune autre précision sur la date du 15 février 1994 que l'affirmation selon laquelle la somme de 13.003.326 F aurait dû être réglée à cette date ;

Attendu qu'il résulte du jugement du tribunal de commerce (page 2) que la société Marie Brizard et Roger International avait demandé les intérêts au taux légal à compter du 22 juin 1994 ; que c'est dans le cadre de cette demande que les sociétés William Grant And Sons se sont reconnues à la barre du Tribunal débitrices de 13.003.326 F ; qu'il convient de n'accorder les intérêts de cette somme qu'à compter du 22 juin 1994 ;

SUR LE RACHAT DU STOCK DETENU PAR MARIE BRIZARD ET ROGER INTERNATIONAL :

Attendu que le tribunal de commerce a condamné les sociétés William Grant And Sons à payer à la société Marie Brizard et Roger International la somme de 36.159.240 F avec les intérêts à compter du 19 octobre 1994 pour la reprise du stock ;

Attendu que la société Marie Brizard et Roger International demande la confirmation de cette décision, mais avec les intérêts à compter du 1er janvier 1994 ;

Attendu que les sociétés William Grant And Sons acceptent de racheter le stock à son prix de vente, diminué des frais de transport du stock en Ecosse, du coût de réalisation et d'apposition de nouvelles étiquettes puisque les étiquettes actuelles mentionnent Marie Brizard comme distributeur, et augmenté du coût de stockage ;

Qu'elles concluent également à la seule compétence des Tribunaux écossais à ce sujet ;

Attendu qu'en raison de la connexité de cette demande avec la demande principale, le rachat du stock étant la conséquence de la résiliation du contrat de distribution exclusive, le tribunal de commerce de Bordeaux était compétent pour en connaître ;

Attendu que l'existence de ce stock important étant la conséquence du non-respect par les sociétés William Grant And Sons du délai raisonnable de dénonciation du contrat d'exclusivité, la société Marie Brizard et Roger International n'ayant pas eu le temps de vendre le stock ou de le réduire très sensiblement, il ne convient pas de déduire de sa valeur le coût du transport des produits en Ecosse ou dans tout autre lieu et du changement des étiquettes ;

Attendu que la société Marie Brizard et Roger International ne pouvant plus vendre les produits Grant à partir du 1er janvier 1994, c'est à partir de cette date que les intérêts de la somme de 36.159.240 F seront dus ;

SUR LA COMPENSATION :

Attendu que la société Marie Brizard et Roger International, qui ne conteste pas devoir 66.903.346 F aux sociétés William Grant And Sons, ne discutent le jugement du tribunal de commerce en ce qu'il a ordonné la compensation des sommes auxquelles les parties ont été respectivement condamnées ;

Attendu que les sociétés William Grant And Sons n'ont pas conclu à ce sujet ;

Attendu que le jugement du tribunal de commerce sur cette compensation, qui est conforme aux règles de droit, doit être confirmé ;

SUR LA CAPITALISATION DES INTERETS :

Attendu que la société Marie Brizard et Roger International demande la capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;

Attendu que les sociétés William Grant And Sons n'ont pas conclu à ce sujet ;

Attendu que la demande, qui est conforme aux dispositions de l'article 1154 du Code civil, doit être accueillie ;

SUR LA DEMANDE DE 60.000.000 F DE LA SOCIETE MARIE BRIZARD ET ROGER INTERNATIONAL

Attendu qu'outre les sommes de 380.000.000 F pour l'insuffisance du préavis et de 100.000.000 F à titre de dommages et intérêts, la société Marie Brizard et Roger International demande 60.000.000 F ;

Attendu que cette demande, qui ne repose pas sur d'autres motifs que ceux fondant les demandes de 380.000.000 F et de 100.000.000 F, fait double emploi avec ces demandes, la première ayant été retenue par le présent arrêt, et doit donc être rejetée ;

SUR L'EXECUTION PROVISOIRE DU JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE BORDEAUX :

Attendu que les sociétés William Grant And Sons ont conclu dans leurs écritures du 5 février 1995 sur l'incompétence des juridictions françaises, à la réformation du jugement du tribunal de commerce sur l'exécution provisoire aux motifs que celle-ci n'était pas nécessaire, que la société Marie Brizard et Roger International ne manquait pas de trésorerie pour la poursuite de ses activités, que leur propre solvabilité ne pouvait pas être mise en cause et que l'exécution provisoire n'était pas compatible avec l'exception d'incompétence qu'elles avaient soulevée ;

Attendu que la société Marie Brizard et Roger International, qui répliqué dans ses conclusions du 8 novembre 1995 à ces arguments, observe que le débat statuer sur la compétence et sur le fond ;

Attendu que le présent arrêt qui statue sur la compétence et sur le fond, est exécutoire et que la question de l'exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce est en conséquence dénuée d'intérêt ;

SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES ET INTERETS DES SOCIETES WILLIAM GRANT AND SONS :

Attendu que se fondant sur le caractère abusif de la procédure et de la demande d'exécution provisoire, les sociétés William Grant demandent 500.000 F de dommages et intérêts ;

Attendu que la procédure a été engagée à bon droit devant le tribunal de commerce de Bordeaux ; que la société Marie Brizard et Roger International n'a pas accompli d'acte abusif de procédure ; que sa demande d'exécution provisoire de la décision à intervenir, cette exécution étant compatible avec la nature de l'affaire, à laquelle le tribunal de commerce a fait droit n'avait non plus rien d'abusif ;

Que la demande de dommages et intérêts ne peut qu'être rejetée ;

SUR LES DEMANDES AU TITRE DE L'ARTICLE 700 DU NCPC :

Attendu que les sociétés William Grant And Sons succombant dans l'instance doivent être déboutées de leur demande de 300.000 F fondée sur l'article 700 du NCPC ;

Attendu que la société Marie Brizard et Roger International demande à ce titre que l'indemnité allouée par le tribunal de commerce de 120.000 F soit élevée à 400.000 F ;

Attendu que la somme accordée par le tribunal de commerce sera confirmée et que pour la procédure d'appel une indemnité de 80.000 F sera accordée ;

Par ces motifs : Déclare irrecevable l'appel concernant l'exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 27 janvier 1995, Ecarte des débats l'attestation du 5 mars 1996 de Monsieur David J. Evans, Confirme le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 27 janvier 1995 sur la compétence, sur la recevabilité de l'action de la société Marie Brizard et Roger International et au fond sur l'insuffisance à hauteur d'une année du délai de préavis de la dénonciation du contrat d'exclusivité, sur la condamnation d'une part des sociétés William Grant And Sons Ltd et William Grant And Sons International Ltd à payer 36.159.240 F pour la reprise du stock, 13.003.326 F pour les frais publi-promotionnels de 1993 et 120.000 F au titre de l'article 700 du NCPC, d'autre part de la société Marie Brizard et Roger International à payer la somme de 66.903.346 F au titre des achats effectués par sa filiale, la société Agrofinex, et sur la compensation des condamnations, L'infirme en ce qui concerne le point de départ des intérêts de la somme de 36.159.240 F et la condamnation des sociétés William Grant And Sons Ltd et William Grant And Sons Ltd à payer la somme de 30.000.000 F ; Dit que la somme de 13.003.326 F produira intérêts à compter du 22 juin 1994 et celle de 36.159.240 F à compter du 1er janvier 1994 ; Déboute la société Marie Brizard et Roger International de sa demande de dommages et intérêts complémentaires de 100.000.000 F, Dit que les intérêts des sommes dues seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil, Avant dire droit sur l'indemnisation des conséquences de l'insuffisance du délai de préavis du contrat de distribution par les sociétés William Grant And Sons : Ordonne une expertise et désigne pour y procéder Monsieur Victor Amata, expert agréé par la Cour de cassation, 5 rue Anatole de la Forge - 75017 PARIS (Tél. : 01.43.80.27.16 - Fax : 01.43.80.67.24) avec mission de donner tous les éléments de nature comptable et financière de nature à permettre à la Cour d'apprécier les éléments du dommage subi par la société Marie Brizard et Roger International à la suite de l'insuffisance à hauteur d'une année du délai de préavis pour la dénonciation du contrat de distribution exclusive des produits des sociétés William Grant And Sons Ltd et William Grant And Sons International Ltd, Fixe à 50.000 F le montant de la somme à consigner dans les deux mois par la société Marie Brizard et Roger International au Greffe de la Cour d'appel, à valoir sur les frais et les honoraires de l'expert, Fixe au 1er mars 1997 la date limite du dépôt du rapport d'expertise, Condamne solidairement les sociétés William Grant And Sons Ltd et William Grant And Sons Ltd à payer à la société Marie Brizard et Roger International une provision de 25.000.000 F à valoir sur le préjudice résultant de l'insuffisance du délai de préavis, Condamne solidairement les sociétés William Grant And Sons Ltd et William Grant And Sons International Ltd à payer à la société Marie Brizard et Roger International pour la procédure d'appel une indemnité de 80.000 F au titre de l'article 700 du NCPC, Déboute les sociétés William Grant And Sons Ltd et William Grant And Sons International Ltd de leurs demandes d'indemnité au titre du même article 700 du NCPC et de dommages et intérêts pour procédure abusive, Les condamne solidairement aux dépens avec droit de recouvrement direct pour Maître Daniel Fournie, avoué, qui en a formulé la demande.