CA Amiens, 4e ch. com., 21 juin 1996, n° 9403224
AMIENS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Cicile Communication (Sté)
Défendeur :
Aidis (SARL), Berkowicz (ès qual.), Wallyn (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chapuis de Montaunet
Conseillers :
Mme Lecointe, M. Roche
Avoués :
SCP Million & Plateau, Me Caussain
Avocats :
Mes Soncin, Margules, Katalan Drai.
LA COUR,
Par acte sous seing privé en date du 29 novembre 1988 la société Cicile Communication a confié à la société Loisnard la distribution exclusive des journaux gratuits qu'elle édite sous le titre Impact 02 (Edition de Saint-Quentin).
A la suite de l'intervention de la liquidation judiciaire de la société Loisnard, Me Garnier, ès-qualités de liquidateur de celle-ci a, par acte du 28 août 1992, cédé à la société Aidis le fonds de commerce exploité par la société Loisnard.
Du fait de cette cession, le contrat de distribution publicitaire sus-mentionné conclu avec la société Cicile Communication s'est trouvé transféré pour exécution à la société Aidis.
Cependant, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 2 août 1993, la société Cicile Communication informait la société Aidis de ce qu'il n'était plus dans son intention de collaborer avec elle à compter de cette date et faisait, à cet effet, état de multiples doléances quant à la façon de travailler de cette dernière.
Le 11 août 1993 la société Norporte, dont la société Aidis exploitait l'enseigne commerciale, rappelait à la société Cicile Communication que le délai de dénonciation prévu au contrat devait être respecté et que ledit contrat ne pouvait être résilié avec le 25 septembre 1994.
C'est dans ces conditions que par acte du 21 août 1993, la société Aidis a assigné la société Cicile Communication devant le Tribunal de Commerce de Saint-Quentin afin de la voir condamner à lui régler le montant du préjudice qui lui aurait été ainsi occasionné, soit 609 303,91 F, outre les intérêts légaux à compter de l'assignation, ainsi qu'une somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Aidis ayant été déclarée en redressement judiciaire aux termes d'un jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Saint-Quentin, en date du 17 septembre 1993, Me Berkowicz, agissant en qualité d'administrateur de la société Aidis, est intervenu dans la procédure pour reprendre l'ensemble des demandes formulées par ladite société à l'encontre de la défenderesse. Celle-ci a, pour sa part, sollicité qu'il soit sursis à statuer dans l'instance en cause dès lors qu'elle avait saisi, le 28 septembre 1993, le juge d'instruction près le Tribunal de Grande Instance de Saint-Quentin d'une plainte avec constitution de partie civile à la suite d'indélicatesse dont elle aurait été victime.
Par jugement en date du 10 juin 1994 le Tribunal saisi a, notamment :
- rejeté la demande de sursis à statuer sus-mentionnée,
- déclaré que le contrat du 29 novembre 1988 conclu entre la société Loisnard et la société Cicile Communication a bien été repris par la société Aidis lors du rachat par celle-ci du fonds de commerce de la société Loisnard et qu'en conséquence ce contrat n'était résiliable, avec un préavis de 6 mois, que le 25 septembre 1994 par la société Cicile Communication,
- reçu la société Cicile Communication dans sa demande reconventionnelle en principal et condamné Me Wallyn ès-qualités de liquidateur de la société Aidis payer à la société Cicile Communication la somme de 93 600 F,
- condamné la société Cicile Communication à payer à Me Wallyn ès-qualités de liquidateur de la société Aidis la somme de 201 062 F en réparation du préjudice subi.
Régulièrement appelante, la société Cicile Communication fait valoir que le tribunal s'est livré à une inexacte appréciation des faits en rejetant la demande sursis à statuer qu'elle avait formée et en la condamnant à payer à Me Wallyn, ès-qualités de liquidateur de la société Aidis la somme de 201 062 F en réparation du préjudice subi, qu'en effet, l'article 4 du Code de Procédure Pénale dispose en son alinéa second que : " ... il est sursis au jugement de l'action civile devant la juridiction civile tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique, lorsque celle-ci a été mise en mouvement ", qu'aux termes d'une jurisprudence constante de la cour de cassation : " Vaut mise en mouvement de l'action publique la constitution de partie civile devant un juge d'instruction même contre X ", que cette règle est l'émanation du principe selon lequel le criminel tient le civil en l'état, que la juridiction consulaire ne pouvait en conséquence que surseoir à statuer dans l'attente des suites que donneront à la plainte précitée le juge d'instruction et le Procureur de République de Saint-Quentin, qu'il convient donc d'infirmer le jugement sur ce point,
que par ailleurs, à aucun moment, il ne lui été indiqué que la société Aidis entendait collaborer avec elle dans le cadre du contrat de distribution initialement conclu le 29 novembre 1988, qu'en tout état de cause elle était en droit de résilier les relations professionnelles qu'elle entretenait avec la société Aidis compte tenu des graves " indélicatesses " qu'elle a commises à son préjudice, qu'à ce sujet, elle s'aperçut très rapidement de l'existence d'une situation anormale dans la mesure où bien que la société Aidis prétendait avoir distribué l'intégralité des journaux pour lesquels elle avait adressé la facturation correspondante, nombre d'entre eux n'étaient pas parvenus à leur destinataire,
Que Mme Riquet et MM. Boilet et Denis, tous trois anciens salariés de la société Aidis donnait régulièrement l'ordre de conduire à une déchetterie tous les journaux gratuits Impact 02 pour lesquels la société Aidis n'avait pas trouvé de distributeur,
Que ce témoin estime que la quantité moyenne ainsi détruite par la société Aidis chaque semaine, depuis le début de l'année 1993 jusqu'au 31 juillet 1993 de la même année, de 3 000 exemplaires,
Que Mme Riquet a établi une attestation dans le même sens,
Que mieux encore, M. Dens explique pour sa part avoir vu chaque semaine durant le premier semestre 1993, dans les locaux de la société Aidis, des paquets complets de journaux Impact 02 qui ne partaient jamais pour être distribués et qui étaient rassemblés avec d'autres documents sur des palettes conditionnées par films destinées à la destruction,
Qu'ainsi la société Aidis a pendant plusieurs mois prétendu lui facturer des prestations censées correspondre à la distribution de plusieurs milliers de journaux alors qu'elle les avait en réalité détruits,
Qu'il est donc parfaitement compréhensible qu'une fois avisée de ces agissements, elle ait décidé de mettre dès le 2 août 1993 immédiatement fin aux relations commerciales qu'elle entretenait alors avec la société Aidis,
Que l'identification du contrat liant ces deux sociétés apparaît donc accessoire ans la mesure où il est évident que, de toutes façons, aucune disposition contractuelle ne pouvait légitimement l'obliger à respecter un quelconque délai de préavis pour mettre un terme aux rapports contractuels qu'elle avait entretenus jusqu'alors avec la société Aidis compte tenu du comportement malhonnête que celle-ci avait cru devoir adopter à son détriment depuis de nombreux mois,
Qu'il n'est pas inintéressant de rappeler qu'à la même époque les propres actionnaires de la société Aidis avaient cru devoir adresser un courrier au Président du Tribunal de Commerce de Saint-Quentin pour lui faire part de leur inquiétudes sur la façon dont cette société était gérée,
Qu'en revanche, la cour ne pourra, tout comme le tribunal, que la déclarer bien fondée en ses demandes reconventionnelles, qu'il ressort en effet des attestations rédigées par les anciens collaborateurs de la société Aidis que celle-ci a détourné pendant près d'un an 3 000 journaux de la société concluante chaque semaine,
Que si chacun de ces journaux a indûment été facturé à 15 centimes l'unité par la société Aidis ce qui représente d'ores et déjà une dépense indûment exposée par elle il convient d'ajouter que celle-ci avait parallèlement dû financer la fabrication et l'imprimerie de ces mêmes journaux (achat, papier, photocomposition, fabrication industrielle, etc ...),
Que si l'on considère qu'en moyenne chaque journal lui coûte 50 centimes et si l'on y ajoute les 15 centimes indûment réclamés par la société Aidis, le comportement de cette dernière lui occasionnait donc chaque semaine un préjudice financier direct de l'ordre de 1 950 F (soit 3 000 exemplaires x 65 centimes : 7 800 F par mois, soit 93 600 F sur une période de 12 mois).
L'appelante prie, donc, la cour de :
- surseoir à statuer sur la présente procédure dans l'attente des suites qui seront données à la plainte avec constitution de partie civile qu'elle a régularisée le 28 septembre 1993 entre les mains du juge d'instruction près le Tribunal de grande instance de Saint-Quentin ;
- à défaut débouter la société Aidis, Me Berkowicz et Me Wallyn ès-qualités, de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- en revanche confirmer le jugement en ce qu'il l'a déclarée recevable et bien fondée en ses demandes reconventionnelles et par suite fixer à la somme de 93 600 F le préjudice qu'elle a subi du fait des agissements de la société Aidis,
- condamner conjointement et solidairement la société Aidis, Me Berkowicz et Me Wallyn ès-qualités à lui payer les sommes de 93 600 F et 50 000 F à titre de dommages et intérêts en réparation des divers préjudices directs et indirects que lui ont occasionnés les agissements indélicats de la société Aidis,
- les condamner en outre sous la même solidarité à lui payer la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens dont distraction est requise au profit de la SCP Million et Plateau, en application des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Me Wallyn, pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Aidis, soutient, pour sa part, qu'en ce qui concerne la demande sursis à statuer, la cour a à se prononcer sur la validité du contrat repris par la société Aidis et liant antérieurement la société Loisnard à la société Cicile Communication, que sur le fond, le litige est purement commercial et n'a donc pas de rapport direct avec la plainte déposée par la société Cicile Communication auprès du juge d'instruction laquelle ne vise aucune personne précise,
Que de plus, l'appelante s'abstient d'indiquer le sort réservé à cette plainte,
Qu'en conséquence, il conviendra de confirmer sur ce point le jugement du Tribunal de Commerce de Saint-Quentin,
Qu'en ce qui concerne la rupture du contrat de distribution applicable entre les sociétés Cicile Communication et Aidis, il convient de relever qu'à la suite de la liquidation judiciaire de la société Loisnard, le liquidateur lui a cédé le fonds exploité par cette dernière par acte du 28 août 1992, qu'à la suite de cette cession, le contrat litigieux s'est trouvé transféré et normalement exécuté par ses soins,
Qu'en effet, cette exécution s'est effectuée pendant près d'un an dans les mêmes conditions que celles prévues au contrat de 1988 liant initialement la société Loisnard à la société Cicile Communication, que dans ces conditions, la société Cicile Communication ne peut valablement soutenir aujourd'hui qu'elle n'entendait pas collaborer avec elle (société Aidis) dans le cadre du contrat de distribution puisque son comportement établit le contraire, qu'en conséquence, les relations des parties étant régies par ce contrat de distribution et la société Cicile Communication n'ayant pas respecté le préavis de six mois, il convient de retenir l'existence d'une rupture abusive du contrat par la société Cicile Communication, que les doléances formulées par la société Cicile Communication ont toujours été traitées et leur solution apportée lors des entretiens hebdomadaires prévus au titre commercial à des abattements de 30 % sur 4 factures correspondant chacune à une distribution hebdomadaire de 74 475 exemplaires représentant la totalité des exemplaires confiés par la distribution, que ces abattements n'auraient pas été distribués ont largement réparés le préjudice dont fait état la société Cicile dans ses conclusions, qu'en aucun cas, elle ne saurait être condamnée à réparer une seconde fois ce prétendu préjudice, qu'enfin, la société Cicile Communication ne saurait se prévaloir de ces agissements pour mettre fin au contrat les unissant sans respect du préavis,
Qu'en ce qui concerne le quantum de la condamnation de la société Cicile Communication, le préjudice qu'elle a subi s'élève, en réalité, non pas à la somme de 201 062 F retenue par le Tribunal mais à celle de 609 303,91 F HT se décomposant comme suit :
* 1993 : 18 distributions de 74 475 exemplaires au tarif de 152,32 F le mille, soit 206 931,59 F,
* 1994 : 35 distributions de 75 475 exemplaires à 152,32 F le mille, soit 402 372,32 F,
soit au total : 609 303,91 F
Qu'enfin en ce qui concerne la condamnation prononcée au profit de la société Cicile Communication, la demande formée de ce chef est irrecevable en l'absence de déclaration de créance de la part de l'intéressée dès lors que la créance revendiquée est relative à des faits antérieurs au redressement judiciaire de la société Aidis, qu'en tout état de cause, la condamnation est injustifiée.
Me Wallyn, ès-qualités, demande, par suite à la cour de :
- infirmer partiellement le jugement,
- condamner la SARL Cicile Communication à lui payer :
* une somme de 609 303,91 F à titre de dommages et intérêts outre intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation,
* une somme de 20 000 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- dire irrecevable et en tout cas mal fondée la société Cicile Communication en l'ensemble de ses demandes et l'en débouter,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Cicile Communication une somme de 93 600 F,
- condamner la société Cicile Communication en tous les dépens dont distraction est requise au profit de Me Caussain, par application des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Dans de dernières conclusions la société Cicile Communication sollicite le bénéfice de ses précédentes conclusions par les mêmes moyens que ceux déjà développés et par les moyens que si elle a effectivement tenté, au mois de juin 1993, de diminuer de 30 % le montant des 4 factures que lui avait préalablement adressées la société Aidis, elle a, par la suite, déféré aux injonctions de cette dernière et lui a adressé le 5 juillet 1993 un chèque de 16 361,64 F correspondant aux sommes qu'elle avait essayé de retenir, qu'enfin Me Wallyn ne saurait exciper d'un défaut de déclaration de créance de sa part alors qu'en première instance il s'était opposé à ses réclamations sans soulever ce moyen auquel il a donc renoncé.
Sur ce,
Sur la demande de sursis à statuer présentée par la société Cicile Communication
Attendu que l'appelante sollicite tout d'abord qu'il soit sursis à statuer sur la présente instance " dans l'attente des suites données à la plainte avec constitution de partie civile qu'elle a régularisée le 28 septembre 1993 entre les mains du juge d'instruction près le Tribunal de grande instance de Saint-Quentin " ;
Attendu que si, aux termes de l'article 4 du Code de procédure pénale, " il est sursis au jugement de l'action civile devant la juridiction civile tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement " et si vaut mise en mouvement de l'action publique la constitution de partie civile devant le juge d'instruction et ce, même contre X, il convient de relever, en l'espèce, que l'objet du présent litige a trait à l'existence et à la validité même du contrat repris par la société Aidis et liant antérieurement la société Loisnard et la société Cicile Communication ; qu'ainsi il est sans rapport direct avec celui de la plainte dont excipe l'appelante ; qu'au surplus et en tout état de cause, à la suite de cette plainte, une ordonnance de non lieu a été rendue par le juge d'instruction et celle-ci a été confirmée par un arrêt de la Chambre d'Accusation de la Cour d'appel de céans en date du 31 octobre 1995.
Sur l'existence et la validité du contrat de distribution liant les sociétés Cicile Communication et Aidis.
Attendu qu'à la suite de la liquidation judiciaire de la société Loisnard, le liquidateur désigné a cédé à la société Aidis le fonds de commerce exploité par la société Loisnard par acte en date du 28 août 1992, qu'aux termes des stipulations dudit acte la société Aidis s'engageait notamment à " faire son affaire personnelle et prendre à son compte les commandes et marchés passés par le vendeur antérieurement à la signature des présentes ainsi que l'exécution et l'achèvement des contrats conclu par la société cédante " ; que c'est dans ces conditions que le contrat de distribution publicitaire sus-mentionné initialement conclu le 29 novembre 1988 entre les sociétés Loisnard et Cicile Communication s'est trouvé transféré à la société Aidis, laquelle l'a effectivement exécuté pendant près d'un an ; que l'appelante ne saurait donc utilement soutenir qu'elle n'avait jamais été avisée de la reprise par la société Aidis du contrat litigieux et qu'elle n'entendait pas collaborer avec celle-ci ; que, dès lors, les relations entre les parties s'inscrivant dans le cadre de ce contrat, la société Cicile Communication ne pouvait y mettre fin sans respecter les règles prévues à cet effet et notamment le " délai de préavis de six mois " qui y était inséré ;qu'en l'espèce en se bornant à informer la société Aidis par une lettre en date du 2 août 1993 qu'il n'était plus dans ses intentions de collaborer avec elle à compter de la réception de ce courrier, la société Cicile Communication a directement méconnu les stipulations contractuelles sus-rappelées ;que si elle fait état, pour justifier sa décision, de la mauvaise qualité des prestations fournies par la société Aidis ainsi que d'attestations établissant les " indélicatesses " de cette dernière, elle ne démontre pas que la non exécution par l'intéressée de ses obligations contractuelles aurait créé une situation d'une gravité et d'une urgence telle qu'elle justifierait la résiliation unilatérale et immédiate du contrat en cause ;que, dès lors, en mettant ainsi fin de façon unilatérale et prématurée audit contrat, la société Cicile Communication doit être considérée comme ayant commis une faute contractuelle de nature à engager sa responsabilité vis-à-vis de la société Aidis.
Sur l'indemnisation du préjudice allégué respectivement par la société Cicile Communication et la société Aidis.
En ce qui concerne la demande indemnitaire présentée par la société Cicile Communication du fait de la mauvaise qualité des prestations de la société Aidis ainsi que des agissements de celle-ci.
Attendu que par jugement en date du 17 septembre 1993 le Tribunal de commerce de Saint-Quentin a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Aidis ; que, bien que la créance dont excipe l'appelante - que ce soit le " préjudice financier direct " allégué ou le " préjudice commercial ", au demeurant non justifié, - soit afférente à des faits antérieurs audit redressement judiciaire, l'intéressée ne justifie nullement d'une quelconque déclaration de créance effectuée à cet effet ; que, dans ces conditions, celle-ci ne peut qu'être regardée comme éteinte en application des dispositions de l'article 53 de la loi du 25 juillet 1985 ; qu'enfin, et contrairement à ce que soutient l'appelante, le fait pour Me Wallyn de ne pas avoir soulevé le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande indemnitaire présentée par la société Cicile Communication en première instance ne fait pas obstacle à ce qu'il en fasse état en cause d'appel compte tenu des dispositions de l'article 563 du nouveau Code de procédure civile ; que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné Me Wallyn, ès-qualités, à payer à la société Cicile Communication la somme de 93 600 F.
En ce qui concerne la demande indemnitaire formée par Me Wallyn ès-qualités de liquidateur de la société Aidis.
Attendu que Me Wallyn, ès-qualités, sollicite le versement d'une somme de 609 303,91 F HT à titre de dommages et intérêts " se décomposant comme suit :
1993 : 18 distributions de 74 475 exemplaires au tarif de 152,32 F le mille soit 206 931,59 F,
1994 : 35 distributions de 74 475 exemplaires à 152,32 F le mille soit 402 372,32 F ;
Attendu toutefois, qu'il y a tout d'abord lieu de rappeler que la liquidation judiciaire de la société Aidis est intervenue le 18 mars 1994 et qu'en conséquence le contrat litigieux a nécessairement pris fin à cette date ; que ne peut donc être prise en compte que la période du 2 août 1993, date de la résiliation unilatérale du contrat en cause, au 18 mars 1994 ; que, compte tenu de la périodicité des distributions prévues, seules 25 de celles-ci doivent être retenues ; que, par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, et il n'est au demeurant pas utilement contesté, que la société Aidis n'avait pas procédé à une distribution complète et régulière des journaux que lui confiait l'appelante ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges, dans l'appréciation du préjudice allégué par la société Aidis, ont procédé à un abattement de 30 % sur le chiffre de distribution théorique de 74 475 afférent aux années 1993 et 1994 considérées ; que l'évaluation effectuée à ce titre par le jugement et arrêtée à la somme de 201 062 F compte tenu du tarif prévu de 152,32 F le mille sera donc confirmée ; qu'eu égard à la nature de la condamnation ainsi prononcée, les intérêts l'assortissant ne courront qu'à compter de la date de prononcé du jugement entrepris ;
Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que ledit jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné Me Wallyn, ès-qualités, à payer à la société Cicile Communication la somme de 93 600 F et confirmé pour le surplus, les intérêts assortissant la somme de 201 062 F, au paiement de laquelle la société Cicile Communication a été condamnée, courant à compter de la date du prononcé du jugement ;
Attendu que la société Cicile Communication, étant condamnée aux dépens, versera à Me Wallyn, ès-qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Aidis, la somme de 3 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement ; Reçoit les appels principal et incident jugés réguliers en la forme ; Au fond, infirme le jugement en ce qu'il a condamné Me Wallyn, ès-qualités, à payer à la société Cicile Communication la somme de 93 600 F et le confirme pour le surplus ; Y ajoutant ; Dit que la somme de 201 062 F au paiement de intérêts au taux légal à compter de la date de prononcé du jugement déféré ; Déboute les parties du surplus de leurs demandes respectives ; Condamne la société Cicile Communication aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct pour ceux dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu de provision au profit de Me Caussain, avoué à la cour ; La condamne également à payer à Me Wallyn, ès-qualité la somme de 3 000 F au titre des frais hors dépens.