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Décisions

CA Dijon, 1re ch. sect. 1, 25 juin 1996, n° 1933-95

DIJON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Pereira

Défendeur :

Ruiz

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chazal de Mauriac

Conseillers :

Mme Masson-Berra, M. Jacquin

Avoués :

SCP Avril-Hanssen, SCP Fonainte-Tranchand

Avocats :

Me Berland, SCP Bergeret-Schaffer.

T. com. Beaune, du 5 mai 1995

5 mai 1995

Messieurs Antonio Ruiz et José Pereira ont, par acte sous seing privé du 15 décembre 1989, constitué une SARL dont chacun détient 250 parts sociales.

Le 21 décembre 1989 la SARL Ruiz a pris en location-gérance le fonds de commerce appartenant à M. Antonio Ruiz.

Par acte sous seing privé du 24 mai 1994, M. Ruiz a cédé ses 250 parts sociales à M. Carlos Pereira, frère de José Pereira pour la somme de 25 000 F.

Le prix de cession qui aurait dû être payé comptant le jour de la signature, n'ayant pas été réglé, M. Ruiz a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 août 1994 réclamé le paiement à M. Carlos Pereira.

Par jugement du 5 mai 1995, le tribunal de commerce de Beaune a condamné M. Pereira à payer la somme de 25 000 F à M. Ruiz.

M. Pereira a interjeté appel de ce jugement.

Il fait valoir :

- qu'il verse au débat un exemplaire de l'acte de cession revêtu de la signature du cédant et du cessionnaire,

- que la production de cet acte est assimilable à la remise de dette prévue par l'article 1282 du Code civil,

- qu'ainsi la preuve est rapportée de sa libération, telle que prévue par ledit article,

- qu'il n'a pas payé la somme de 25 000 F du fait que M. Ruiz a gardé le bénéfice de la clientèle, du droit au bail ainsi qu'une partie du matériel,

- qu'en compensation, M. Ruiz a renoncé au paiement de la somme litigieuse,

Il demande à la Cour :

- de réformer le jugement entrepris,

- de juger que M. Ruiz ne dispose plus d'aucune créance à son encontre,

- de le condamner à payer la somme de 4 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

M. Ruiz répond :

- que l'article 1282 du Code civil est inapplicable du fait qu'il n'a pas remis volontairement un titre original à son débiteur mais une simple copie,

- que le droit au bail et la clientèle lui appartiennent en propre et non pas à la SARL Ruiz,

- que le matériel restant appartient à la SARL Ruiz et que M. Pereira peut venir le récupérer.

Il demande à la Cour :

- de constater que M. Pereira ne rapporte pas la preuve qu'il lui aurait remis un original de l'acte de cession de part,

- de dire que les dispositions de l'article 1282 du Code civil sont inapplicables en l'espèce,

- de constater que M. Pereira ne lui a pas réglé la somme de 25 000 F,

- de constater que M. Pereira devra restituer le matériel qu'il a emporté,

- de confirmer le jugement entrepris.

Motifs de la décision

Sur l'application de l'article 1282 du Code civil

Attendu que pour les actes sous seing privé dressés en matière commerciale, les dispositions de l'article 1325 du Code civil sont inapplicables et qu'un seul original peut avoir été valablement réalisé ;

Attendu qu'en l'espèce l'acte de cession a été réalisé en trois exemplaires ;

Attendu qu'il est de jurisprudence constante que si plusieurs originaux ont été réalisés, le débiteur n'est libéré que si le créancier lui a remis tous les originaux en sa possession ;

Attendu qu'il ressort d'un courrier du 3 novembre 1995 de la société de technique comptable que l'un des originaux aurait été déposé au service de l'enregistrement ;

Attendu que M. Carlos Pereira ne démontre pas être en possession des trois exemplaires de l'acte de cession ou du moins de deux d'entre eux ;

Attendu dans ces conditions qu'il ne peut prétendre être libéré de ses obligations au sens de l'article 1282 du Code civil, du fait de la remise volontaire du titre original par le créancier au débiteur ;

Sur la compensation

Attendu qu'il n'est pas allégué que la somme de 25 000 F ait été versée par Carlos Pereira à José Ruiz ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que le contrat de location-gérance établi le 21 décembre 1989 ait été résilié ;

Que la SARL dont les parts ont été vendues se trouve en conséquence sans enseigne, sans clientèle et sans locaux ;

Attendu que M. Ruiz fait état du fait qu'il serait prêt à restituer le matériel figurant à l'actif de la société encore en sa possession ;

Que le matériel figurant sur la liste annexée au contrat de location-gérance a dû être repris par M. Ruiz à la suite de la résiliation de ce contrat ;

Que les pièces versées aux débats ne permettent pas de savoir si du matériel a été acheté par la SARL après décembre 1989 et se trouve encore dans le patrimoine de celle-ci ;

Que M. Ruiz ne produit pas le bilan de la SARL ,

Attendu qu'il est indiqué à l'acte de cession que la somme litigieuse est quittancée ;

Que M. Ruiz ne fournit aucun élément sur la contrepartie qui aurait pu exister au paiement de cette somme ;

Attendu qu'il existe en conséquence suffisamment d'indices concordant permettant de conclure à l'existence d'une compensation entre la créance de 25 000 F et la conservation par M. Ruiz de la clientèle, au droit au bail et de divers outillages ;

Attendu qu'il convient dans ces conditions de débouter M. Ruiz de sa demande en paiement ;

Sur la restitution du matériel

Attendu qu'en l'absence de tout écrit et de toute désignation précise du matériel litigieux, il convient de donner acte à M. Ruiz qu'il est prêt à remettre à M. Pereira un certain nombre d'objets encore en sa possession et de le débouter de sa demande visant à la restitution d'outillage professionnel dont il ne démontre pas qu'il lui appartient en propre;

Au regard des circonstances de l'espèce, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés en marge des dépens.

Décision

Par ces motifs, LA COUR : Réforme le jugement entrepris, Constate que M. Pereira ne démontre pas être en possession des originaux de l'acte de cession, Constate que les parties ont procédé à une compensation entre la créance de 25 000 F et la reprise par M. Ruiz des éléments du fonds de commerce, Donne acte à M. Ruiz du fait qu'il est prêt à restituer le matériel toujours en possession, Déboute M. Ruiz de sa demande en restitution de matériel, Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Laisse les dépens à la charge de M. Ruiz, Autorise la SCP Fontaine-Tranchand, avoué, à recouvrer directement ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision.