Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 26 juin 1996, n° 93-6913

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Nartas (SARL), Grossetti (ès qual.), Mariani (ès qual.)

Défendeur :

Karol de Sainclair (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dragon

Conseillers :

MM. Isouard, Semeriva

Avoués :

SCP de Saint Ferreol, Touboul, SCP Blanc

Avocat :

SCP Bonnabel.

T. com. Aix-en-Provence, du 1er févr. 19…

1 février 1993

EXPOSE DU LITIGE :

Le 2 mai 1990, la société Nartas, titulaire d'une licence d'exploitation de la marque Lirama et qui anime un réseau de franchise dans le secteur de la literie a franchisé la société Karol de Sainclair pour un magasin situé à Les Clays sous Bois (Yvelines). L'adhésion à ce réseau prévoyait un droit d'entrée de 100 000 F et une redevance de 3 % du chiffre d'affaires.

Par jugement du 1er février 1993, le Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a annulé le contrat du 2 mai 1990 et a condamné la société Nartas à rembourser à la société Karol de Sainclair la somme de 44 650 F avec intérêts au taux légal à compter de la demande, montant de la partie du droit d'entrée versée et l'a condamnée au paiement de la somme de 2 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Le 2 mars 1993, la société Nartas a interjeté appel de cette décision.

Elle soutient avoir accompli son obligation pré-contractuelle de renseignement bien que l'article 1° de la loi du 31 décembre 1989 ne soit pas applicable à ce contrat de franchise et nie toute manœuvre ou réticence pour obtenir le consentement du franchisé.

Elle conteste l'indétermination du prix des articles à vendre arguant qu'il n'était pas fixé par elle et que le franchisé conservait le choix de différents fournisseurs.

Elle allègue être étrangère au contrat de bail conclu entre la société Karol de Sainclair et le prétendu propriétaire du local dans lequel celle-ci devait exercer son commerce. Ainsi les difficultés rencontrées pour l'exécution de ce bail ne sauraient lui être imputées.

Elle sollicite l'infirmation du jugement attaqué et la condamnation de son adversaire à lui payer les sommes de :

- 49 300 F montant des effets acceptés impayés,

- 6 050 F solde du droit d'entrée,

- 8 801,75 F montant de la facture impayée du 15 juin 1990.

Elle demande la communication par la société Karol de Sainclair sous astreinte de 5 000 F par jour de retard de son chiffre d'affaires afin que puisse être calculée la redevance de 3 % et sa condamnation à lui payer la somme de 20 000 F de dommages-intérêts outre celle de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société Karol de Sainclair conclut à la confirmation de la décision déférée et à la condamnation de la société Nartas à lui payer la somme de 20 000 F de dommages-intérêts ainsi que celle de 5 000 F par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle prétend que le mandat d'intérêt commun résultant du contrat de franchise s'étendait aussi au choix du local où le commerce devait être exercé, que le bail conclu le 30 août 1989 avec la société GMG pour un local situé à Mourepas n'a pu être exécuté, cette société n'ayant en réalité aucun droit sur l'immeuble qu'elle avait donné en location, qu'ainsi le contrat de franchise privé de l'un de ses éléments essentiels ne peut être valable.

Elle reproche également à son adversaire l'absence de l'information prévue par les articles 1° de la loi du 31 janvier 1989 et du décret du 4 avril 1991 et d'indication sur la détermination du prix des marchandises concernées par la franchise.

Maître Grossetti et Maître Mariani, respectivement représentant des créanciers et administrateurs judiciaire de la société Nartas, interviennent volontairement à l'instance et s'associent aux écritures de cette société.

MOTIFS DE LA DECISION :

La recevabilité de l'appel n'est pas contestée et aucun élément dans le dossier des parties n'invite la Cour à la décliner d'office.

L'article 1° de la loi du 31 décembre 1989 impose à un certain nombre d'opérateurs économiques, dont le franchiseur, une obligation d'information pré-contractuelle par la remise d'un document vingt jours au minimum avant la signature du contrat.

Le paragraphe 2 de ce texte énonce : " Ce document, dont le contenu est fixé par décret, précise notamment l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités ".

Aucune disposition de cette loi ne soumet son entrée en vigueur à la publication d'un décret et elle est donc d'application immédiate.

Si le contenu complet de ce document n'a été fixé que par le décret du 4 avril 1991, les contrats de franchise conclus entre la loi du 31 décembre 1989 et ce décret doivent être précédés de la remise dudit document dont la loi prévoit l'existence et précise de manière suffisante les principales informations qu'il doit fournir.

La société Nartas ne soutient pas avoir remis ce document et a fortiori n'en justifie pas. La mention au contrat de franchise que le franchiseur a répondu à toutes les questions préliminaires du franchisé sur le fonctionnement et la rentabilité prévisionnelle d'une activité conforme à la formule mise au point par le franchiseur ne saurait démontrer la fourniture de l'information contractuelle due.

Cela dit, la loi du 31 décembre 1989 ne prévoit aucune sanction en cas du non-respect de l'obligation d'informer. Or la société Karol de Sainclair ne se plaint pas que l'absence de ces informations ait vicié son consentement et l'ait trompé sur la nature ou l'étendue de son engagement.

La cause réelle de son refus d'exécuter le contrat de franchise provient, ainsi que l'indique clairement sa lettre du 18 mars 1991 à la société Nartas, de l'impossibilité de louer le local prévu pour exercer son commerce. Ce courrier où elle rappelle le caractère cordial et amical des relations avec le franchiseur et reconnaît le bien fondé se son travail et de sa technique, confirme l'absence d'autres causes de rupture.

Certes le contrat de franchise précise le lieu où le commerce s'exercera. Mais cette mention, nécessaire pour situer le lieu d'exécution de la convention, n'établit pas que la société Nartas soit intervenue à ce choix et ait participé à la conclusion du bail commercial, une telle opération n'entrant pas habituellement dans les prestations fournies par le franchiseur.

Au surplus, il convient de remarquer que le bail commercial date du 30 août 1989 et donc se révèle antérieur de plus de huit mois au contrat de franchise.

Ainsi, l'impossibilité pour la société Karol de Sainclair de prendre possession du local convenu, provient de son omission à vérifier les droits du bailleur sur ledit local et non pas d'un manquement quelconque de la société Nartas à ses obligations de franchiseur.

Vraiment la société Karol de Sainclair sollicite-t-elle la nullité du contrat pour indétermination du prix des marchandises à acquérir dans le cadre de la franchise. En effet, lorsqu'une convention prévoit la conclusion de contrats ultérieurs, l'indétermination du prix de ces contrats dans la convention initiale n'affecte pas, sauf dispositions légales particulières, absence en l'espèce, la validité de celle-ci, l'abus dans la fixation du prix ne donnant lieu qu'à la résiliation ou indemnisation.

La société Karol de Sainclair qui n'a pas commencé à exécuter le contrat de franchise et n'a passé aucune commande de fournitures ne peut se plaindre d'un abus dans la fixation du prix de ces dernières.

Dès lors, le contrat de franchise s'avère valable et sa résolution provient de son inexécution par la société Karol de Sainclair qui doit réparer le préjudice subi par la société Nartas.

Ce préjudice doit être évalué à la somme de 100 000 F, montant du droit d'entrée dans le réseau de franchise que la société Nartas aurait perçu si le contrat s'était poursuivi augmentée de celle de 8 801,75 F correspondant à une facture de prestation du 15 juin 1990.

En raison de la somme de 44 650 F déjà versée au début du contrat, la société Karol de Sainclair se trouve redevable de celle de 64 151,75 F qui portera intérêts à compter du 11 janvier 1993, date de la mise en délibéré de l'affaire en première instance correspondant à la demande reconventionnelle de la société Nartas à laquelle la Cour se place pour évaluer le préjudice.

La société Karol de Sainclair n'ayant pas commencé à exploiter le fonds franchisé, la demande relative à la communication de son chiffre d'affaires pour calculer la redevance est sans objet.

Succombant à l'appel la société Karol de Sainclair doit être déboutée de ses demandes en dommages-intérêts et au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société Nartas ne caractérise pas le comportement fautif de son adversaire ni ne cerne son préjudice.

Elle doit être déboutée de sa demande en dommages-intérêts.

Il convient de lui allouer la somme de 5 000 F pour ses frais non répétibles.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement ; Reçoit l'appel ; Infirme le jugement du 1er février 1993 du Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence ; Statuant à nouveau : Condamne la société Karol de Sainclair à payer à la société Nartas la somme de 64 151,75 F (soixante quatre mille cent cinquante et un francs, soixante quinze centimes) avec intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 1991 ; Déboute la société Karol de Sainclair de ses demandes en dommages-intérêts et au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Rejette la demande en dommages-intérêts de la société Nartas ; Condamne la société Karol de Sainclair à payer à la société Nartas la somme de 5 000 F (cinq mille francs) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Condamne la société Karol de Sainclair aux dépens et autorise la SCP d'avoués de Saint Ferreol et Touboul, à recouvrer directement ceux d'appel dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.