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Décisions

CA Nîmes, 2e ch. B, 27 juin 1996, n° 95-332

NÎMES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Groupe Marathon (SARL), Aubert (ès qual.)

Défendeur :

Mondial Garantie Diffusion (Sté), Ripert (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Martin

Conseillers :

MM. Nicolai, Bestagno

Avoués :

SCP Tardieu, SCP Pomies Richaud Astraud

Avocats :

Mes Lemaire, Laugier.

T. com. Avignon, du 17 févr. 1995

17 février 1995

FAITS ET PROCEDURE :

Le 1er avril 1990 la SARL Mondial Garantie Diffusion, franchiseur, et la SARL Mondial garantie diffusion Provence, en voie de formation et représentée par Albert Mercoeur, franchisée, ont passé un contrat de franchise ayant pour but " l'utilisation de la marque Mondial Garantie Diffusion " dans le contexte suivant qui fait l'objet d'un préambule :

" Le franchiseur a mis au point une technique de commercialisation d'un contrat d'assistance et de garantie concernant les véhicules terrestres, dans un premier temps sur les véhicules légers de tourismes et utilitaires, puis dans un deuxième temps sur les poids lourds.

" Cette technique est exploitée sous la marque " Mondial Garantie Diffusion ". Ce nom a été déposé en tant que marque à l'INPI sous le n° 151 05 41 le 20 janvier 1989.

" Le franchiseur exploite lui-même cette technique depuis plusieurs années avec un franc succès et avec une totale satisfaction de sa clientèle.

" Il a décidé de concéder l'utilisation de ses connaissances, produits et procédés commerciaux sous la marque " Mondial Garantie Diffusion " de telle sorte que l'ensemble du territoire français soit couvert à travers un " réseau de franchisés... "

Le contrat comporte les clauses ci-après reproduites :

- Article 3 :

" Le présent contrat est conclu pour une durée de dix années entières et consécutives qui ont commencé à courir le 1er avril mil neuf cent quatre vingt dix, pour se terminer le 30 mars deux mille,

" Il est renouvelable par tacite reconduction... "

- Article 4-4 :

" En cas de non respect des clauses du présent contrat ou des prescriptions du cahier des charges par l'une ou " l'autre partie. Dans ce cas, la résiliation interviendra de plein droit un mois après sommation restée sans effet " d'avoir à respecter les clauses ou conditions. "

- Article 7-4 :

" Le franchisé s'interdit de divulguer toute critique, affirmation ou commentaire susceptible de porter tort au franchiseur ou à la chaîne, ou de nuire à son image. "

- Article 7-6 :

" Compte tenu du savoir-faire apporté par le franchiseur, le franchisé s'engage, pendant toute la durée du contrat, et sur tout le territoire français, à ne pas exploiter, par lui-même ou par personne interposée, et plus généralement à ne pas avoir d'intérêts directs ou indirects dans toute autre activité de quelque nature qu'elle soit portant sur la vente de contrat d'assistance et de garanties, ou utilisant une marque ou une enseigne identique ou susceptible d'entraîner, dans l'esprit de la clientèle, une confusion avec la marque ou l'enseigne " Mondial Garantie Diffusion " ou " MGD ". "

- Article 7-8 :

" Tout manquement à l'une des clauses du présent contrat entraînerait des poursuites pour fait de concurrence déloyale et donnerait lieu à versement de dommages et intérêts dont le montant serait fixé par les tribunaux compétents. En outre dans les cas visés au 3 et 4, le franchiseur pourra demander la résiliation du contrat. "

- Article 8 alinéa 2 :

" ...en contrepartie de la contribution financière du franchiseur dans le fonctionnement du service, le franchisé s'engage à reverser au franchiseur 40 % (quarante pour cent) du chiffre d'affaires hors taxes constitué par la vente des carnets d'assistance et de garanties.

" Le paiement de cette redevance aura lieu au plus tard le 10 du mois suivant. "

S'agissant de l'obligation de non-concurrence, l'article 6-4 dispose :

- Articles 6-4 :

" Sauf en cas de rupture pour manquements graves aux obligations du franchiseur ou encore à l'expiration normale du contra, si celui-ci est dénoncé par le franchiseur, le franchisé restera pendant un délai de deux ans à compter de la cessation effective de l'activité soumis aux obligations des paragraphes 6 et 7 de l'article 7.

" Dans tous les cas, le franchisé restera soumis aux obligations des paragraphes 2, 3 et 4 de l'article 7. "

Il résulte des extraits du registre du commerce et des sociétés d'Avignon, versés aux débats que deux sociétés : la SARL Mondial Garantie Diffusion Provence et la SARL Marathon ont été immatriculées le même jour (28 juin 1990), en vue de la même activité, avec la même indication d'une création de fonds de commerce et d'un commencement d'exploitation au 1er avril 1990.

Il en résulte également qu'Albert Mercoeur était le gérant de la première dès son origine, et qu'il est devenu gérant de la seconde le 12 décembre 1990.

Deux litiges, étroitement connexes, vont opposer la SARL Mondial Garantie Diffusion à la SARL Marathon.

1er litige :

Saisi par la SARL Mondial Garantie Diffusion d'une demande dirigée contre la SARL Groupe Marathon (nouvelle dénomination selon la demanderesse de la SARL Mondial Garantie Diffusion), aux fins de résiliation du contrat de franchise et de paiement par le franchisé de diverses sommes (redevances, droit d'entrée, dommages et intérêts), le Tribunal de commerce d'Avignon a rendu le 17 février 1995 après expertise, un jugement contradictoire par lequel il a :

- constaté la mise en redressement judiciaire de la demanderesse et l'intervention volontaire de Me Ripert, représentant des créanciers,

- constaté la résiliation du contrat de franchise aux torts réciproques des parties,

- condamné la défenderesse à payer à Me Ripert ès qualités 423 411,31 F, arriéré de redevances, outre intérêts au taux légal, et 3 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

S'agissant de la résiliation, il s'est exprimé en ces termes :

" Attendu que par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 28 septembre 1990, la société Mondial Garantie Diffusion Provence confirmait à la société Mondial garantie diffusion qu'elle résiliait le contrat de franchise à compter de ce jour,

" Que le contrat de franchise étant déjà résilié, il n'y a pas lieu pour le tribunal de prononcer sa résiliation,

" Attendu que du rapport de l'expert il ressort que chacune des parties a commis des manquements à leurs " obligations respectives,

" Que la résiliation de ce contrat ne peut être imputé aux torts et griefs d'une seule des parties. "

Appel de ce jugement a été relevé le 15 mars 1995 par la SARL Groupe Marathon qui ne conteste pas venir aux droits et obligations de la SARL Mondial Garantie Diffusion Provence, mais rejette sur le franchiseur la responsabilité de la rupture de leurs accords et conclut au rejet de ses demandes au titre d'un solde de redevances.

L'appelante fait valoir sur le premier point que le franchiseur a encaissé une somme de 1 126,27 francs qui lui revenait personnellement et a tenté de débaucher une partie de son personnel.

Il écrit sur le second point :

" Attendu qu'il est exact que l'expert Lemaire indique dans son rapport que, si l'on retient comme taux de redevance de franchise le pourcentage de 40 % du chiffre d'affaires, la société MGDP - actuellement Groupe " Marathon - est alors débitrice envers la société MGD d'une somme de 423 411,31 francs... "

" Attendu qu'il ressort d'un document indiscutable, régulièrement versé aux débats, que s'il est exact que dans le contrat de franchise initial le taux de redevance avait été fixé à 40 %, ce taux avait été ramené à 22 % par décision d'une assemblée générale réunissant le franchiseur et tous ses franchisés le 11 juillet 1990 au siège social situé : Route de Marseille à Montfavet "

" Attendu que l'expert Lemaire a cru pouvoir se contenter de constater que ce document n'était pas signé de toutes les parties pour considérer qu'il n'avait pas de valeur probante, qu'il ne pouvait dès lors remettre en cause le contrat de franchise initial ;

" Que cette appréciation personnelle de l'expert est particulièrement critiquable et ne pourra être suivie par la Cour ;

" Attendu qu'il faut en effet souligner que ce document a été établi par M. Jourdain de la société MGD France, qui procède tout d'abord à une analyse des ratio dont il indique qu'ils font apparaître une distorsion dans l'équilibre des pourcentages pratiqués et qui mentionne ensuite, en page 6, la nouvelle franchise ;

" Qu'il est expressément noté que cette nouvelle franchise se présente sous la forme d'une réduction importante de la redevance et que le nouveau pourcentage est fixé, pour un chiffre d'affaires supérieur à 100 000 F - ce qui était le cas de la société MGDP- Groupe Marathon - à 22 % et non plus à 40 % ;

" Qu'ainsi, la société MGDP - Groupe Marathon a, à juste titre, pratiqué le nouveau taux de 22 % à compter du mois de juillet 1990.

L'appelante ayant été placée à son tour en liquidation judiciaire, Me Aubert, son liquidateur, intervient et déclare faire siennes les conclusions prises en son nom.

Me Ripert, intimé, conclut à une confirmation de la décision entreprise.

2ème litige :

Suivant exploit du 5 février 1991 la SARL Mondial Garantie Diffusion a fait assigner la SARL Groupe Marathon en concurrence déloyale devant le Tribunal de commerce de Nîmes, au motif qu'après résiliation du contrat de franchise le 28 septembre 1990 à l'initiative de la SARL Mondial Garantie Diffusion Provence, Mercoeur avait envoyé à la clientèle :

1°) le 1er octobre 1990, la lettre suivante à en-tête Groupe Marathon :

" La société MGD Provence change de dénomination sociale. Elle deviendra à ce jour la " société Groupe Marathon ".

" La société Groupe Marathon s'engage à prendre en charge la gestion des carnets vendus dont les primes ont été perçues par la société MGD Provence et ce jusqu'à expiration des carnets de garanties.

" En aucun cas la société MGD Provence ne peut être responsable des arriérés d'impayés de la société MGD dont le gérant est M. Jourdain.

" La société Groupe Marathon vous adressera les prestations de suivi, de sérieux que vous avez apprécié chez " MGD Provence. "

2°) le 14 novembre 1990, une attestation de bon fonctionnement de son compte bancaire, et la lettre ci-jointe à en-tête Groupe Marathon France :

" M. Philippe Jourdain, gérant Mondial Garantie Diffusion vous a fait parvenir un courrier dans lequel il vous " suggère de ne pas régler Groupe Marathon ex MGD Provence gérant M. Mercoeur sous prétexte que nous sommes ses débiteurs.

" Cette information est fausse.

" Elle gène nos bonnes relations commerciales et elle a pour but de nous discréditer.

" Pour conforter la présente, nous vous joignons l'attestation délivrée par notre banquier.

" MGD peut-il en faire autant ? "

3°) des carnets de garantie identiques aux siens, mais au nom de " Groupe Marathon ".

Par jugement contradictoire du 16 décembre 1994 le tribunal a constaté la mise en redressement judiciaire de la demanderesse et l'intervention de Me Ripert, représentant des créanciers, puis a condamné la défenderesse, reconnue contractuellement coupable de concurrence déloyale, à payer à ce dernier 50 000 F de dommages et intérêts, plus 30 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Le tribunal a ordonné publication de son jugement.

Appel en a été relevé le 14 janvier 1995 par la SARL Groupe Marathon à l'encontre de Me Ripert, devenu liquidateur judiciaire de la société adverse.

L'appelante conclut au rejet de la demande en faisant plaider :

- qu'aucune des pièces versées aux débats ne permet de caractériser la campagne de dénigrement dont elle a été accusée, qu'il y a eu seulement mise au point de sa part, et qu'elle a obtenu une décision de relaxe dans une procédure pénale ouverte du chef de diffamation sur plainte de Jourdain, gérant de la SARL Mondial gérant diffusion,

- que n'est pas caractérisée non plus la recherche de confusion dont elle est accusée, carnets et bons de commande étant conçus et distribués selon le même modèle par les vingt-cinq sociétés qui poursuivent une activité identique,

- que ne sont pas établis enfin la captation de clientèle, chaque société ayant la sienne, ni le préjudice.

L'appelante critique par ailleurs la décision des premiers juges, en ce qu'il y est indiqué :

1°) " ...Attendu que manifestement la société Groupe Marathon utilise après l'avoir reproduit à l'identique le même produit que celui de la société Mondial Garantie Diffusion, et créée ainsi une confusion dans l'esprit de la clientèle au détriment de la société Mondial Garantie Diffusion, en contrevenant aux clauses de non concurrence qu'elle avait souscrites... "

2°) " Attendu qu'elle (la société Mondial Garantie Diffusion) ne justifie pas du montant de ce préjudice qu'elle allègue,

" que, cependant, le tribunal possède des éléments suffisants pour en fixer le quantum à la somme de 50 000 F... "

Elle fait valoir sur le premier point que le Groupe Marathon n'a signé aucune clause de non-concurrence, et que celle liant le franchisé ne valait que pour le temps du contrat.

L'intimée conclut à une confirmation de la décision entreprise.

La SARL Groupe Marathon ayant été à son tour déclare en liquidation judiciaire en cause d'appel Me Aubert, son liquidateur, intervient et reprend en son nom les conclusions signifiées par l'appelante.

MOTIFS :

Attendu que la Cour observe à titre liminaire :

- que les litiges sont connexes comme procédant des mêmes relations et comme intéressant les mêmes parties, de sorte qu'il y a lieu de les joindre et de statuer sur l'ensemble par un seul arrêt,

- que seul Me Ripert ès qualités produit des pièces à l'appui de ses prétentions ;

1- Sur l'application à la SARL Groupe Marathon du contrat de franchise :

Attendu que si malgré de nombreux points communs soulignés dans l'exposé du présent arrêt, la SARL Mondial Garantie Diffusion Provence et la SARL Groupe Marathon constituent des personnes morales distinctes, les parties au procès s'accordent à reconnaître que la seconde a succédé à la première en tant que franchisé (cf. notamment pour ce qui concerne l'appelante les conclusions déposées le 17 juillet 1990), ce dont on trouve la confirmation dans la lettre de Mercoeur, ci-dessous reproduite, du 1er octobre 1990 ;

Attendu que le contrat est donc applicable à l'appelante ;

2- Sur la demande du franchiseur tendant au paiement d'un solde de redevances :

Attendu que sur la base d'une redevance de 40 % stipulée à l'article 8 du contrat l'expert est parvenu à un solde de 423 411,31 F ;

Attendu que ce chiffre est contesté en ce qu'il repose sur un taux qui aurait été ultérieurement ramené à 20 % ;

Attendu qu'une rémunération contractuelle de 40 % à 20 % n'étant pas établie, confirmation doit être prononcée d'une créance de 423 411,31 F outre intérêts ;

3- Sur la résiliation du contrat de franchise :

Attendu qu'au nombre des griefs exprimés par le franchiseur figure l'absence de paiement intégral des redevances ;

Attendu que ce reproche vient d'être déclaré fondé ( § II du présent arrêt) ;

Attendu que l'intimé conclut à une confirmation du jugement dont appel, jugement qui - rappelons-le - admet un partage des torts, et reconnaît par là même la réalité des griefs retenus par le tribunal à son encontre ;

Attendu que cette reconnaissance dispense la Cour de les apprécier à son tour, et justifie une confirmation du jugement ;

4- Sur l'action en concurrence déloyale :

Attendu que l'obligation contractée par le franchisé à l'article 7-4 alinéa 2 du contrat de franchise subsistait même après expiration de ce contrat (article 6-4 alinéa 2) ;

Attendu que constituent deux infractions à cette obligation l'envoi par Mercoeur à la clientèle de la lettre du 1er octobre 1990 et celle du 14 novembre 1990 qui renferment l'expression d'un doute sur le sérieux et la solvabilité du franchiseur ;

Attendu que l'obligation contractée par le franchisé à l'article 7-6 valait pour la durée du contrat et, sauf cas de rupture pour manquements graves aux obligations du franchiseur ou expiration normale du contrat, pour une durée de deux ans à compter de la cessation d'activité du franchisé (article 6-4) ;

Attendu qu'en l'espèce le contrat n'est pas parvenu à son terme et a été rompu pour manquements réciproques, ce qui justifie la prorogation pendant deux ans de cette obligation ;

Attendu qu'en usant auprès de la clientèle, dans ce délai, d'un carnet de garantie renfermant de nombreux empreints à celui du franchiseur, l'appelante a manqué à son engagement et a détourné pour partie au moins les clients potentiels ;

Attendu que les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ; En la forme, déclare les appels recevables et ordonne la jonction des procédures ; Au fond, confirme les décisions entreprises, sauf à dire : 1°) qu'il n'y a pas lieu à condamnation au profit de Me Ripert, mais à constatation de sa créance sur la SARL Groupe Marathon, en liquidation judiciaire, et à fixation de cette créance à : - 423 411,31 F outre intérêts, à titre de solde de redevances, - 50 000 F, à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale, - 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, 2°) qu'il n'y a pas lieu non plus à publication de jugement par voie de presse, cette mesure ne se justifiant plus en présence d'une double liquidation judiciaire ; Condamne Me Aubert, ès qualités, aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Pomies Richaud Astraud, avoués.