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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 4 juillet 1996, n° 167-94

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

A. d'Etat (SARL)

Défendeur :

Hédiard (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Assié

Conseillers :

Mmes Laporte, Rousset

Avoués :

SCP Fievet, Rochette, Lafon, Me Bommart

Avocats :

Mes Abiet, Bacrie.

T. com. Nanterre, 4e ch., du 12 nov. 199…

12 novembre 1993

FAITS ET PROCEDURE

La Sarl A. D'Etat Tapis et Maison, ci-après dénommée Sarl d'Etat, propriétaire d'un fonds de commerce situé 88 rue Porte Dijeaux dans le centre de Bordeaux s'est intéressée au concept de franchise que proposait la Société Hediard par le biais d'annonces dans la presse.

Des contacts ont été pris entre les deux sociétés au début de l'année 1989 et la Société Hediard, " conjointement " avec la Sarl d'Etat, a établi un document dénommé " projet d'implantation d'un magasin franchisé à Bordeaux ", comportant une étude de faisabilité et les comptes d'exploitation prévisionnels pour les trois premières années en fonction de la localisation choisie.

Monsieur d'Etat, gérant de la Sarl d'Etat, a versé pour ces frais d'étude 20.000 F à la société Hediard et il a donné acte à cette dernière de ce que " ces prévisions ne pourraient et ne sauraient en aucune manière ni d'aucune façon constituer une engagement formel, ni de Monsieur d'Etat, ni de la Société Hediard à réaliser les prévisions ainsi établies de bonne foi entre les parties ".

Le 16 mars 1989, un contrat de distribution en franchise a été signé entre les mêmes parties auquel étaient annexés, une carte du territoire d'exclusivité concédé à la Sarl d'Etat, la liste des prestations du franchiseur ainsi que le cahier des charges.

Ce contrat prévoyait le versement par la Sarl d'Etat à la Société Hediard d'une somme forfaitaire de 200.000 F, dont devaient être déduits les 20.000 F réglés lors de l'étude de faisabilité, ainsi qu'une redevance relative à l'assistance et aux prestations fournies par le franchiseur de 10 % hors taxes du chiffre d'affaires réalisé par le franchisé dans le territoire concédé.

L'article 19-2 du contrat prévoyait en outre une redevance annuelle minimum de 250.000 F hors taxes la première année, 300.000 F la deuxième année et 400.000 F la troisième année.

La Sarl d'Etat a commencé l'exploitation du magasin franchisé " Hediard " au mois de Septembre 1989 mais, dès le mois de Juillet 1990, des difficultés sont apparues, la société Hediard reprochant par lettre recommandée à la Sarl d'Etat de ne pas être à jour de ses règlements et la Sarl d'Etat à la Société Hediard d'augmenter ses tarifs sans respecter les délais contractuels de préavis.

Des réunions ont eu lieu en Mars et Avril 1991 sur le thème de la " survie du magasin de Bordeaux ", la société Hediard faisant grief à son franchisé d'avoir été en cessation virtuelle de paiement avec un manque flagrant de fonds propres lors de la signature du contrat de franchise, la Sarl d'Etat se plaignant pour sa part, d'une insuffisance de marge et d'augmentation de prix arbitraires.

Compte tenu de la situation, la Sarl d'Etat a notifié à la Société Hediard son intention de lui céder son fonds de commerce

La Société Hediard a proposé une location gérance, proposition qu'a refusé la Sarl d'Etat et la Société Hediard n'a pas levé l'option d'achat du fonds de commerce qui lui était contractuellement réservée.

La Société Hediard, mettant en avant que la Sarl d'Etat ne respectait pas ses obligations contractuelles, a adressé à cette dernière, le 17 juin 1991, une mise en demeure, réitérée le 25 juin 1991, d'avoir à régulariser sa situation en lui réglant les sommes de 827.583,71 F dont 645.795,71 F au titre des marchandises commandées et livrées et 226.780 F au titre des redevances depuis le mois de septembre 1990, rappelant que, à défaut de règlement dans le délai d'un mois, le contrat se trouverait résilié conformément aux prévisions de l'article 21.

La Sarl d'Etat a répondu par lettre du 15 juillet 1991, estimant n'être redevable d'aucune somme envers le franchiseur compte tenu du manquement par ce dernier à ses obligations.

Aucune solution amiable n'ayant pu être trouvée, la Sarl d'Etat a engagé une action devant le Tribunal de Commerce de Nanterre, pour obtenir réparation de son préjudice en invoquant la nullité du contrat de franchise pour dol, défaut de cause et absence de savoir-faire, défaut de détermination des prix, violation de la clause d'exclusivité territoriale, violation caractérisée des obligations du franchiseur. Subsidiairement, elle a demandé que soit prononcée pour les mêmes motifs la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la Société Hediard.

La Société Hediard s'est opposée à l'ensemble des prétentions émises à son encontre et, reconventionnellement, elle a réclamé paiement d'un arriéré de facturation ainsi que des dommages et intérêts.

Par jugement en date du 12 novembre 1993, le Tribunal de Commerce de Nanterre a :

- rejeté les moyens de nullité du contrat conclu le 16 mars 1989 invoqués par la Sarl d'Etat,

- dit que le contrat résilié aux torts partagés des parties a compter du 25 juillet 1991,

- condamné la Sarl d'Etat à payer à la Société Hediard la somme de 1.019.177,12 F majorée des intérêts de droit à compter du 25 juillet 1991,

- condamné la Société Hediard à payer à la Sarl d'Etat la somme de 800.000 F majorée des intérêts de droit à compter du 25 juillet 1991,

- dit y avoir lieu à compensation entre les sommes que se doivent mutuellement les parties,

- partagé par moitié les dépens.

Appelante de cette décision, la Sarl d'Etat fait grief aux premiers juges d'avoir mal apprécié les éléments de la cause et d'avoir fait une évaluation insuffisante de son préjudice.

Elle estime tout d'abord réunis en l'espèce les éléments constitutifs d'un dol. A cet égard, elle fait essentiellement valoir qu'elle a été induite en erreur par la Société Hediard qui lui a volontairement présenté des chiffres d'affaires prévisionnels dénués de toute vraisemblance auxquels elle a cru, n'étant pas professionnelle de la distribution, et que, sans cette croyance erronée, elle ne se serait pas engagée. Elle ajoute que le contrat est dépourvu de cause dès lors que la Société Hediard ne lui a apporté aucune assistance et qu'elle ne lui a transmis aucun savoir-faire. Elle estime également que le contrat de franchise doit être tenu pour nul dans la mesure où la fixation des prix était laissée à la discrétion du seul franchiseur. Elle fait grief au franchiseur d'avoir violé l'exclusivité territoriale qui lui a était consentie. Elle lui reproche enfin de n'avoir pas respecté ses obligations contractuelles. Pour l'ensemble de ces motifs, elle demande à la Cour de :

- Réformer en tous points le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Nanterre en date du 12 novembre 1993, en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de franchise, signé entre les parties le 16 mars 1989, aux torts partagés et a condamné la Sarl d'Etat, à payer à la Société Hediard la somme de 1.019.117,12 F, majorée des intérêts de droit à compter du 25 juillet 1991 ;

- Déclarer nul le contrat signé entre la Société Hediard et la Sarl d'Etat le 16 mars 1989 pour les causes sus-énoncées, et ce, en application des articles 1109, 1110, 1116 et suivants du Code Civil, ainsi que des articles 1129, 1131 et 1591 du Code Civil ;

En conséquence,

Ordonner la restitution du droit d'entrée versé par la Sarl d'Etat en exécution du contrat entaché de nullité, soit la somme de 200.000 F hors taxes, et la somme, arrêtée au 25 juin 1991 de 226.780,00 F toutes taxes comprises, qui sera comptabilisée à titre d'avoir par la Société Hediard, et ce avec intérêts de droit à compter de l'assignation ;

Condamner la Société Hediard au paiement de la somme de 2.000.000 F à titre de dommages et intérêts, comprenant les pertes d'exploitation, le préjudice financier et l'indemnité pour violation de clause d'exclusivité ;

Condamner la Société Hediard au paiement de la somme de 36.586,10 F correspondant au prix du matériel appartenant à la Sarl d'Etat ;

Enjoindre à la Société Hediard de produire le décompte du stock de marchandises repris au magasin de son franchisé et l'enjoindre de porter cette évaluation en avoir au compte de la Sarl d'Etat et ce sous astreinte de 5.000 F par jour de retard à compter du prononcé du jugement ;

Subsidiairement dans le cas où la Cour se trouverait insuffisamment informée,

Commettre un expert avec pour mission de donner tous éléments d'évaluation du préjudice effectif subi résultant de la nullité du contrat de franchise, en tenant compte, en particulier, des montants investis de la valeurs résiduelle des investissements et des sommes pouvant en être retirées, des pertes d'exploitation, et plus généralement faire les comptes entre les parties ;

Condamner à titre prévisionnel, la Société Hediard, à verser la somme de 600.000 F dans le cas où cette expertise serait ordonnée ;

Très subsidiairement de voir prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchiseur et condamner celui-ci au paiement de la somme de 2.000.000 F à titre de dommages et intérêts, toutes causes confondues.

Condamner la Société Hediard à payer la somme de 20.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La Société Hediard fait valoir en réplique que les éléments constitutifs du dol ne sont pas réunis, qu'elle dispose, contrairement à ce qui est prétendu, d'un incontestable savoir-faire, que les prix étaient parfaitement déterminés et déterminables à partir d'un tarif communiqué à tous les franchisés, que la preuve d'une violation de l'exclusivité territoriale n'est pas rapportée et qu'elle a parfaitement respecté ses obligations. Elle déduit de là que, comme l'a retenu à bon droit le Tribunal, la convention liant les parties ne saurait être déclarée nulle. Elle estime en revanche que les violations du contrat émanent de la seule Sarl d'Etat et que le contrat doit être déclaré résilié, en application de l'article 21 de ladite convention, à compter du 25 juillet 1991 et aux torts exclusifs de la Sarl d'Etat. Elle fait grief aux premiers juges de n'avoir pas pris suffisamment en compte son préjudice et demande que la Sarl d'Etat soit condamnée à lui payer la somme de 3.000.000 F à titre de dommages et intérêts en sus de celle de 800.000 F qui lui a été déjà accordée. Enfin, elle réclame une indemnité de 50.000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DECISION

A. - Sur le prétendue nullité du contrat de franchise

Sur le dol

Considérant qu'aux termes de l'article 1116 du Code Civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Considérant que l'appelante soutient que la Société Hediard lui a communiqué volontairement des provisions erronées et que c'est sur les bases de ces prévisions qu'elle a été amenée à contracter.

Considérant cependant qu'il n'est pas rapporté en l'espèce la moindre preuve de manœuvres, d'artifices ou de dissimulations volontairement utilisés par la Société Hediard pour amener la Sarl d'Etat à contracter.

Considérant en effet que si les objectifs prévisionnels se sont révélés impossibles à atteindre, il n'est pas pour autant établi que la Société Hediard ait sciemment " gonflé " lesdites prévisions ; qu'à cet égard, il sera tout d'abord observé que le contrat a été conclu au début d'une période de récession dont tous les opérateurs économiques ont sous-estimé l'ampleur et que cette situation était de nature à influer directement sur la distribution de produits de luxe tels que ceux proposés par la Société Hediard ; que, par ailleurs et même si la Sarl d'Etat n'avait pas l'expérience de ce type de distribution, elle avait néanmoins une connaissance approfondie des affaires dans la région bordelaise et était ainsi à même d'apprécier, de par elle-même, si les objectifs envisagés présentaient ou non un caractère réaliste; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les conditions d'application de l'article 1116 du Code civil n'étaient pas réunies en l'espèce.

Sur l'absence de cause

Considérant que la Sarl d'Etat se prévaut d'une absence de cause en invoquant un défaut de transmission de savoir-faire imputable à la Société Hediard ; qu'à cet égard, elle soutient que " la bible " qui lui a été transmise par la Société Hediard postérieurement à la signature du contrat de franchise, ne présente aucune particularité sur les produits et méthode vente et qu'en aucun cas elle ne constitue un concept spécifique avec des caractéristiques originales, ainsi qu'il a été indiqué à tort à la page 9 du contrat.

Mais considérant que, dans la franchise de distribution, le savoir-faire est constitué essentiellement par la mise à disposition du franchisé d'une sélection d'articles ou de produits spécialisés présentant un caractère de spécificité ou d'originalité indéniable et destinés à un certain type de clientèle; qu'en l'espèce il est constant que la société Hediard, créée en 1854, offre à la vente des produits sélectionnés de sa marque, conditionnés spécialement et bénéficiant d'une notoriété incontestable; qu'il suit de là qu'en mettant ses produits à la disposition de la Sarl d'Etat et en délivrant à cette dernière des conseils adaptés pour la vente de ces produits, même si ces conseils ne présentent aucun caractère original, la Société Hediard a satisfait à ses obligations en ce qui concerne la transmission de son savoir-faire; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande de nullité du contrat pour l'absence de cause pour le motif susindiqué seul développé dans les écritures de l'appelante.

Sur l'absence de détermination des prix

Considérant que la clause du contrat de franchisage du 16 mars 1989, qui prévoit que le franchiseur s'engage " à faire bénéficier les franchisés de son réseau de prix et de conditions similaires... et à ne modifier ses tarifs que deux fois par an au plus, et ce, avec un préavis minimum de trois mois... " n'affecte pas, contrairement à ce qui est prétendu par l'appelante, la validité du contrat, l'abus dans la fixation du prix ne pouvant donner lieu qu'à résiliation et indemnisation ; que, dans ces conditions, et dès lors qu'il ressort des pièces des débats que les catalogues de prix ont été fournis à l'appelante dès la signature du contrat et au cours des périodes suivantes pour tenir compte de l'évolution des produits commercialisés, le moyen de nullité invoqué sera rejeté sauf à rechercher ultérieurement si la Société Hediard a respecté ou non les conditions contractuelles de modification des prix.

Sur la violation de l'exclusivité territoriale

Considérant que l'article 2 du contrat intitulé " concession " prévoit que " le franchiseur concède au franchisé le droit exclusif d'utiliser l'enseigne " Hediard " dans un périmètre couvrant 20 kms autour de Bordeaux et ce selon carte ci-annexée ".

Considérant qu'il est établi par les pièces des débats qu'un magasin situé à La Tresne, à 12 kms de Bordeaux et à l'intérieur du périmètre concédé, a poursuivi la distribution de certains produits " Hediard " plusieurs mois après l'entrée ne vigueur de l'accord de franchise ainsi qu'en fait foi notamment un constat d'huissier dressé le 4 juin 1991.

Considérant cependant que ce manquement, qui sera ultérieurement repris et analysé quant à ses conséquences, n'affecte en rien la validité du contrat mais est seulement susceptible d'entraîner, à le supposer constitué, la résiliation du contrat ou d'ouvrir droit à la réparation à la Sarl d'Etat ; que le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu'il a refusé de prononcer de ce chef la nullité de la convention.

Sur le non respect des obligations contractuelles

Considérant que, comme pour la violation de la clause d'exclusivité territoriale, la Sarl d'Etat voit dans les manquements qu'elle impute à la Société Hediard concernant l'assistance et la formation une cause de nullité de la convention.

Mais considérant que l'inexécution par une des parties des engagements qu'elle pris dans une convention légalement formée, c'est-à-dire répondant aux conditions de validité prévues par l'article 1108 du Code Civil, ne peuvent être sanctionnés que par la résiliation de ladite convention ou sa résolution et non par la voie de l'annulation ; que c'est donc encore à bon droit que Tribunal a retenu " que les éléments invoqués par la Sarl d'Etat ne mettent pas en cause la validité du contrat de franchise mais bien les responsabilités des parties dans sa résiliation qu'il conviendra d'apprécier ".

B. - Sur l'imputabilité de la résiliation du contrat de franchise

Considérant que, comme l'ont constaté les premiers juges après une exacte analyse des pièces des débats, la Sarl d'Etat a, dès l'entrée en vigueur du contrat, omis de régler les fournitures qu'elle commandait à la Société Hediard et pris d'importants retards dans ses déclarations de chiffre d'affaires ainsi que dans le règlement des commissions qu'elle s'était engagée à payer au franchiseur ; qu'il suit de là qu'elle a, de manière délibérée et répétée, violé les obligations essentielles qui lui incombaient ; que la faiblesse du chiffre d'affaires par elle réalisé et les manquements qu'elle impute au franchiseur, qui seront ultérieurement analysés, ne sauraient justifier ce comportement fautif, étant observé que l'appelante restait devoir à la date du 25 juillet 1991, 645.795,71 F à la Société Hediard au titre de marchandises livrées, acceptées et revendues et qu'elle n'a jamais respecté les échéanciers de règlement que le franchiseur lui avait pourtant consentis, outre qu'elle n'avait versé aucune commission pourtant assises sur le seul chiffre d'affaires réalisé.

Considérant que, pour sa part, la Société Hediard n'a pas apporté à son franchisé, qui connaissait des difficultés au même titre que les autres franchisés Hediard, toute l'assistance et le conseil que celui-ci était en droit d'attendre, comme l'ont encore retenu les premiers juges aux termes d'une analyse que la Cour fait sienne, et ce, notamment au niveau des difficultés que la Sarl d'Etat rencontrait pour la commercialisation des vins dans le bordelais, lesquels étaient affichés à la vente à des prix nettement supérieurs à ceux de la concurrence ; qu'en outre, il apparaît que la société Hediard a modifié les barèmes de prix, ainsi qu'il ressort des éléments de la cause, sans respecter le mois de préavis contractuellement prévu ; que, de même, il ne saurait être utilement contesté que la Société Hediard a continué à approvisionner en produits de sa marque le magasin de La Tresne, situé dans un quartier résidentiel de Bordeaux, même si ce magasin n'avait pas l'enseigne Hediard, et que ce manquement à la clause d'exclusivité territoriale a entraîné un important manque à gagner pour la Sarl d'Etat et aggravé, au même titre que les autres manquements précédemment évoqués, les difficultés que rencontrait ladite société, laquelle se lançait dans la vente de produits de luxe dans une conjoncture économique de crise ne permettant pas de tenir les objectifs contractuellement prévus.

Considérant qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments d'appréciation, c'est à bon droit que le Tribunal a prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts partagés des deux parties à compter du 25 juillet 1991.

C. Sur les préjudices respectifs des parties

Considérant que les premiers juges ont fait une juste appréciation des préjudices subis par chacune des deux parties du fait de la résiliation du contrat de franchise à leurs torts partagés.

Considérant en effet que si la Société Hediard peut légitimement prétendre au paiement de l'arriéré de facturation que restait lui devoir la Sarl d'Etat au 25 juillet 1991, soit la somme de 1.019.117,12 F au titre des marchandises livrées et des commissions calculées au prorata du chiffre d'affaires l'intimée ne saurait cependant se voir allouer des dommages et intérêts complémentaires en raison du préjudice économique qu'elle prétend avoir subi du fait de la résiliation anticipée du contrat dès lors qu'elle a, de par ses manquements, largement contribué à la situation ainsi créée ; que ces manquements sont d'autant plus caractérisés que la Société Hediard s'est lourdement trompée sans ses prévisions et qu'elle a pris des mesures insuffisantes pour permettre à son franchisé de rétablir la situation.

Considérant qu'en ce qui concerne la Sarl d'Etat, l'analyse des pertes qu'elle a subies a été également justement appréciée par les premiers juges au regard de la comparaison des chiffres d'affaires prévisionnels et des chiffres d'affaires réels, de ses méthodes de gestion, des investissements réalisés par elle pour les besoins du contrat et du prix obtenu par la cession du fonds à un tiers ; que la somme de 1.600.000 F (valeur au 25 juillet 1991) retenue par le Tribunal, ramenée à 800.000 F après partage de responsabilité réparera suffisamment le préjudice subi par l'appelante sans qu'il y ait lieu d'avoir recours à une mesure d'expertise, eu égard à ces éléments qui s'avèrent suffisants.

D. - Sur les demandes complémentaires des parties

Considérant que l'équité ne commande pas de faire application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Considérant que les parties, qui voient chacune leurs moyens d'appel rejetés, supportent par moitié les dépens.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Reçoit la Sarl d'Etat en son appel principal et la Société Hediard en son appel incident ; Dit ces appels mal fondés ; Confirme en conséquence en toutes ses dispositions le jugement déféré.