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Décisions

CA Bourges, 1re ch., 11 juillet 1996, n° 94-01001

BOURGES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Taupin

Défendeur :

Garage Nevers Sud (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mallard

Conseillers :

M. Gouilhers, Mme Penot

Avoués :

Mes Guillaumin, Tracol

Avocats :

Mes Chamboulive, Gallon.

T. com. Nevers, du 13 avr. 1994

13 avril 1994

Par jugement en date du 13 avril 1994, le Tribunal de Commerce de Nevers a condamné la société Garage Nevers Sud à payer à Monsieur Taupin les sommes de :

- 45 000 F à titre de commissions relatives à la vente de véhicules.

- 18 285,04 F au titre du paiement des interventions sous garantie.

La même décision a condamné Monsieur Taupin à verser à la société Garage Nevers Sud la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, tout en déboutant les parties de toutes leurs autres demandes.

Le 3 juin 1994, Monsieur Taupin a relevé appel de cette décision en ce qu'elle n'a pas fait droit à diverses de ses prétentions.

Il fait grief en premier lieu au jugement d'avoir estimé que la rupture de son contrat d'agent commercial était justifiée, alors qu'un examen attentif de la situation, des pièces et des témoignages démontre sans équivoque que les motifs allégués pour rompre le contrat étaient dépourvus de tout fondement. Il soutient que dès lors, il est parfaitement en droit de solliciter une somme de 1 267 000 F, représentant deux années de marge brute de son activité au profit de la marque Scania, dont il était l'agent.

Il ajoute qu'au surplus les conditions de la rupture et son caractère précipité et prémédité lui ont causé un préjudice qu'il demande à la Cour d'évaluer à la somme de 316 800 F.

Il revendique en outre le paiement des sommes de :

- 45 000 F à titre de commissions, relevant que la prétention de la société Garage Nevers Sud à vouloir lui imposer avant tout règlement l'établissement d'une facture démontre la mauvaise foi de celle-ci, car elle seule détient les éléments permettant le calcul des commissions.

- 84 000 F au titre des rétrocessions de la prime de 0,66 %, consentie par le constructeur.

- 7 645 F à titre de réajustement des heures de garantie.

- 30 020,66 F au titre des factures concernant des interventions sous garantie que la société Garage Nevers Sud ne lui a pas encore réglées à ce jour.

Arguant du caractère manifestement infondé des prétentions reconventionnelles de son adversaire, il invite la Cour à confirmer le jugement qui l'a débouté de ce chef.

Il sollicite enfin la somme de 20 000 F par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société Garage Nevers Sud réplique que le jugement doit être confirmé, en ce qu'il a rejeté toutes les demandes de Monsieur Taupin concernant la rupture de son contrat de travail, rupture dont le bien fondé ne saurait être discuté.

Se portant appelante incidente, elle invite la Cour à dire que les sommes dues prétendument au titre des commissions ne pourront être réglées qu'à la suite de l'établissement de factures régulières et que Monsieur Taupin est redevable de la valeur du stock, qui était à sa disposition au jour de la rupture, soit 35 858,85 F.

Elle demande enfin l'allocation d'une somme de 20 000 F par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 mars 1996.

Sur quoi LA COUR

Attendu qu'il convient de se référer pour un exposé complet des faits et plus ample des moyens et prétentions des parties aux énonciations du premier jugement et aux écritures en cause d'appel oralement développées.

Sur la rupture des relations contractuelles

Attendu qu'à la lecture des courriers adressés par la société Garage Nevers Sud à son agent, il ressort que celle-ci a formulé à l'encontre de ce dernier deux reproches majeurs, à savoir le mauvais service rendu à la clientèle et l'approvisionnement en pièces détachées auprès d'un autre fournisseur.

Attendu que sur le premier point, la Cour ne peut manquer de relever que selon divers témoignages, dont la sincérité n'a pas été discutée, la tenue du garage de Monsieur Taupin laissait très grandement à désirer et que la qualité de l'accueil de la clientèle était pour le moins discutable.

Attendu qu'en outre, il doit être mis en évidence que ces graves lacunes ont pu être constatées par les représentants du constructeur à l'occasion d'une visite, comme en atteste un courrier du 6 avril 1992.

Attendu que sur le second point, étant rappelé que Monsieur Taupin ne saurait s'abriter derrière le règlement de la Commission Européenne du 12 décembre 1984, qui implique que les produits soient de qualité équivalente et que l'impératif de sécurité soit respecté, il y a lieu de constater que Monsieur Taupin au mépris des dispositions contractuelles librement acceptées par ses soins a cru devoir en quelques occasions démontrées se fournir en pièces détachées auprès d'un autre fournisseur que l'intimée.

Attendu que la tentative de justification de son attitude avancée par Monsieur Taupin ne résiste pas à l'examen, lorsqu'il est constaté qu'il a commandé non pas un pare-brise (ce qui aurait été compréhensible en cas d'urgence), mais trois... et que pour les années 1990, 1991 et 1992 il a commandé en tout et pour tout deux pare-brise à la société Garage Nevers Sud, alors qu'il est acquis qu'il s'agit là d'un produit à forte rotation.

Attendu qu'enfin, le caractère fallacieux de l'explication donnée par Monsieur Taupin ressort tant de la lecture du témoignage de l'un de ses salariés que de l'examen de l'évolution du chiffre d'affaires des pièces de rechange ; que de plus, il ne saurait être oublié que lors de la visite des représentants de la marque Scania, ceux-ci ont mis en évidence que les explications de Monsieur Taupin sur les achats des pièces n'étaient pas logiques ...

Attendu que face à de tels manquements d'un agent, mettant en cause d'une part la renommée de la marque, mais aussi des règles de sécurité, les pièces acquises auprès d'un autre fournisseur n'étant que des pièces " adaptables ", c'est justement que la société Garage Nevers Sud a pris la décision de mettre fin aux relations contractuelles, comme la convention conclue entre les parties le lui permettait.

Attendu que Monsieur Taupin, procédant à une assimilation quelque abusive avec la situation d'un VRP revendique l'allocation d'une indemnité de rupture égale à deux années de marge brute.

Mais attendu que ce faisant, il oublie que le contrat ne prévoit pas l'allocation d'une telle indemnité et qu'il est acquis qu'en toute hypothèse, celle-ci n'est pas due, s'il est relevé à la charge de l'agent des faits gravement fautifs.

Or attendu que Monsieur Taupin en procédant à des acquisitions de pièces détachées auprès d'un fournisseur autre, qui ne lui vendait que des pièces adaptables et en les implantant sur des véhicules de la marque Scania, violait de manière grave son obligation de loyauté, risquant de mettre en cause l'image de marque de celle-ci en cas de défectuosité desdites pièces, dont il ignorait la qualité réelle et la fiabilité.

Attendu qu'une telle attitude est gravement fautive et justifierait en tout état de cause le non-versement d'une quelconque indemnité de rupture.

Attendu que dès lors, c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté Monsieur Taupin de toutes ses demandes relatives à cette rupture.

Attendu que le jugement sera confirmé à ce titre.

Attendu que si Monsieur Taupin réclame une indemnité pour une rupture précipitée de son contrat, il ne peut disconvenir que ledit contrat ne prévoyait aucun délai de préavis avant la fin des relations et que la société Garage Nevers Sud, face à son attitude pouvait parfaitement se mettre à la recherche de solution de remplacement.

Attendu qu'à bon droit, il a été débouté de sa demande à ce titre, étant observé que rien ne vient justifier l'allégation d'un préavis de six mois.

Attendu que le jugement sera confirmé à ce titre.

Sur les autres demandes de Monsieur Taupin

Attendu que vis-à-vis des commissions, il est à observer que la société Garage Nevers Sud n'en discute pas le principe, mais entend en soumettre le règlement à l'établissement de factures par Monsieur Taupin ; mais attendu que cette exigence n'est pas fondée, car elle impose à l'appelant de faire appel à des éléments chiffrés qui sont en la seule possession de la société Garage Nevers Sud et qu'elle n'a jamais produits en cours de procédure.

Attendu que dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont alloué à ce titre à Monsieur Taupin la somme de 45 000 F.

Attendu qu'il convient de confirmer le jugement sur ce point.

Attendu que vis-à-vis de la rétrocession de la prime de 0,66 %, la Cour ne peut manquer de constater que le contrat liant les parties n'a jamais retenu la possibilité de faire bénéficier l'agent de la remise consentie par le constructeur et qu'ainsi Monsieur Taupin en sa qualité d'agent n'a aucune qualité pour prétendre au bénéfice de la rétrocession de la prime en question.

Attendu que le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande à ce titre sera confirmé.

Attendu que vis-à-vis du réajustement du prix des heures de garantie, il est constant que c'est Monsieur Taupin, qui de sa propre initiative a fixé le taux horaire de ses interventions, certes à un prix inférieur à celui remboursé par le constructeur à la société Garage Nevers Sud et qu'il est dès lors malvenu à vouloir faire supporter à son adversaire la différence entre ces deux taux, alors qu'au surplus la rémunération du concessionnaire prend en compte la compensation des interventions de celui-ci auprès du constructeur et le règlement de celles-ci.

Attendu que le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande à ce titre sera confirmé.

Attendu que vis-à-vis des factures de garantie, il convient de relever que les premiers juges au terme d'une analyse minutieuse et complète des diverses factures produites par Monsieur Taupin ont mis en évidence que certaines de celles-ci n'avaient aucun rapport avec des véhicules de marque Scania et ont avec justesse limité le montant des sommes dues à ce titre à 18 285,04 F.

Attendu qu'il conviendra de confirmer le jugement sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle de la société Garage Nevers Sud.

Attendu qu'en ce qui concerne le stock, une lecture attentive des clauses contractuelles permet de mettre en évidence que Monsieur Taupin avait la possibilité d'enjoindre à son adversaire de reprendre possession dans les conditions contractuellement définies du stock restant ; que force est de constater qu'il n'a pas usé de cette faculté dans le délai contractuel.

Attendu qu'il convient d'en déduire qu'il a entendu conserver la possession dudit stock et le condamner à en payer la valeur, soit la somme TTC de 35 858,85 F.

Attendu que le jugement sera réformé en ce sens.

Sur les dépens et les frais irrépétibles.

Attendu que Monsieur Taupin qui succombe supportera les dépens, ce qui prive de tout fondement sa demande au titre des frais irrépétibles.

Attendu qu'il convient d'allouer à la société Garage Nevers Sud, la somme de 7 000 F sur le même fondement, la somme allouée en première instance étant confirmée.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement après en avoir délibéré ; Reçoit les appels réguliers en la forme. Réformant le jugement, condamne Monsieur Taupin à payer à la société Garage Nevers Sud la somme de Trente Cinq Mille Huit Cent Cinquante Huit Francs et Quatre Vingt-Cinq centimes (35 858,85 F) en règlement du stock des pièces de rechange. Confirme en toutes ses autres dispositions le jugement entrepris. Y ajoutant, condamne Monsieur Taupin à payer à la société Garage Nevers Sud la somme de Sept Mille Francs (7 000 F) par application de l'article 700 du NCPC devant la Cour. Déboute les parties de toutes leurs autres demandes. Condamne Monsieur Taupin aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Tracol, Avoué aux offres de droit.