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Décisions

CA Lyon, 3e ch., 19 juillet 1996, n° 95-05466

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Uni-Inter (SA)

Défendeur :

Sabourin (ès qual.), Licar (EURL), Carraz, Capias (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Karsenty

Conseillers :

Mme Robert, M. Durand

Avocats :

Mes Mouisset, Sportouch, Seigle

T. com. Lyon, du 19 juill. 1995

19 juillet 1995

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes d'un contrat de franchise en date du 6 février 1989 la société Uni Inter, qui a pour objet le conseil et le courtage matrimonial, a concédé à Madame Carraz, divorcée Liard, agissant pour le compte de l'EURL Licar en cours de formation, une licence d'exploitation exclusive de la marque Uni Inter sur la zone est de Lyon composée des 6°, 3°, 8° et 7° arrondissements, et s'est engagée à lui fournir diverses prestations de formation, transmission de savoir-faire, assistance technique et commerciale, promotion publicitaire, accès au fichier central, .. moyennant le versement d'une redevance mensuelle et d'une participation aux frais de promotion collective du réseau ;

Conclu pour une durée de 3 ans renouvelable, ce contrat a été tacitement reconduit pour une nouvelle période triennale lors de la première échéance du terme soit à compter du 6 février 1992 ;

Suite à l'ouverture par l'EURL Licar d'un cabinet secondaire à Vienne les parties ont signé le 1 février 1991 un second contrat de franchise qui a fait l'objet d'une résiliation le 3 mars 1992 en raison de l'absence de rentabilité de cette nouvelle agence ;

Se prévalant alors de la défaillance de l'EURL Licar dans l'exécution de ses obligations financières la société Uni Inter, après l'avoir vainement mise en demeure par courrier recommandé du 7 avril 1992, réitéré par exploit d'huissier délivré le 30 avril 1992, lui a fait signifier par exploit du 17 juillet 1992 que le contrat se trouvait résilié par application de la clause résolutoire puis l'a fait assigner par acte du 17 septembre 1992 devant le Tribunal de Commerce de Lyon aux fins de la voir condamner à lui payer, avec exécution provisoire :

- la somme de 114 476,70 F représentant les factures impayées au titre des deux contrats de franchise,

- la somme de 76 006 F en vertu de la clause pénale applicable en cas de rupture anticipée du contrat,

- la somme de 10 000 F en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Parallèlement l'EURL Licar et Mme Carraz, imputant les difficultés financières rencontrées dans la gestion de l'agence de Lyon à la violation concertée par la société Uni Inter et la société Capias, seconde agence franchisée de la région lyonnaise, de l'exclusivité territoriale qui leur avait été concédée, ont obtenu du Président du Tribunal de Commerce de Lyon, suivant ordonnance du 21 juillet 1992, la commission d'un huissier à l'effet de procéder à diverses constatations au siège social de la société Uni Inter situé 26, rue Thomassin à Lyon et de la société Capias situé 8, rue de la Charité ;

Se fondant sur les constatations recueillies par l'huissier désigné, Me Benichou, et consignées dans un procès-verbal du 23 juillet 1992, l'EURL Licar et Mme Carraz ont fait assigner par acte du 11 septembre 1992 la société Uni Inter et la société Capias devant le même tribunal aux fins de :

- voir constater qu'elles avaient violé la clause d'exclusivité territoriale qui avait été consentie à l'agence Licar aux termes du contrat de franchise du 6 février 1989 ;

- voir déclarer en conséquence la société Uni Inter entièrement responsable de la rupture du contrat et mal fondée à leur opposer la clause de non-concurrence mise à la charge du franchisé après cessation du contrat ;

- voir condamner solidairement les sociétés Uni Inter et Capias à réparer l'intégralité des préjudices résultant de la violation de la clause d'exclusivité et de la résiliation subséquente du contrat en leur versant la somme de 2 312 000 F représentant le montant des détournements de chiffre d'affaires, la somme de 170 598,80 francs en remboursement de frais de publicité nationale acquittés durant l'exécution du contrat, ainsi que celle de 6 250,50 F au titre du dernier prélèvement ;

Consécutivement à la mise en redressement puis en liquidation judiciaire de l'EURL Licar prononcée le 7 octobre 1992, Me Sabourin est intervenu volontairement à l'instance qu'il a reprise en sa qualité de mandataire liquidateur, et la société Uni Inter lui a adressé une déclaration de créance par bordereau du 26 novembre 1992 ;

Par jugement en date du 19 juillet 1995 le Tribunal, après avoir joint les deux instances, a :

- condamné la société Uni Inter et la société Capias à payer à Me Sabourin es-qualités la somme de 1 514 815 F ;

- fixé à 115 093,18 F le montant de la créance de la société Uni Inter au passif de l'EURL Licar ;

- débouté Me Sabourin et Mme Carraz de leurs autres demandes ;

- condamné solidairement les sociétés Uni Inter et Capias à verser à Me Sabourin es-qualités une somme de 50 000 F à titre de dommages et intérêts ainsi qu'une indemnité de procédure de 20 000 F ;

- accordé l'exécution provisoire de la décision à hauteur de 1 500 000 F à charge pour Me Sabourin es-qualités de fournir la caution d'un établissement financier ;

La société Uni Inter puis la société Capias ont relevé appel de ce jugement dont le Premier Président de la Cour d'Appel, suivant ordonnance de référé du 19 mars 1996, a arrêté l'exécution provisoire sous la condition que les défenderesses ou l'une d'entre elles fournissent à Me Sabourin un ou plusieurs engagements de cautionnements bancaires à hauteur de 600 000 F au moins ;

La société Uni Inter a déposé des conclusions de réformation aux termes desquelles, reprenant les moyens qu'elle avait fait valoir en première instance, elle soutient :

- que la clause du contrat de franchise invoquée par les parties adverses ne confère pas au franchisé une exclusivité de clientèle mais une simple exclusivité d'implantation n'emportant pas interdiction pour les autres franchisés du réseau de traiter avec des habitants du secteur visé ;

- qu'une telle stipulation serait d'ailleurs contraire aux principes généraux régissant les contrats de franchise ainsi qu'au caractère " intuitu personae " des relations s'instaurant entre l'agent matrimonial et son client ;

- que cette interprétation est d'ailleurs conforme à la commune intention des parties dès lors qu'il résulte des pièces versées aux débats que l'EURL Licar a souscrit des contrats avec des clients (au nombre de 69) résidant à l'extérieur de son secteur d'implantation, considérant ainsi que l'exclusivité attachée au contrat de franchise ne lui interdisait pas de traiter avec des clients domiciliés hors de son secteur et dépendant même du secteur d'un autre franchisé ;

- que le fait que la société Capias ait traité avec des clients domiciliés dans le secteur de l'EURL Licar ne constitue donc pas une violation de la clause d'exclusivité bénéficiant à cette dernière ;

- que les faits de favoritisme qui lui sont imputés au bénéfice de la société Capias ne sont pas démontés dès lors qu'elle a toujours procédé à une répartition égalitaire des coupons-réponse qu'elle recevait dans le cadre de campagnes publicitaires nationales et que seules les campagnes-tests ont pu bénéficier à la société Capias en sa qualité de bureau pilote ;

- qu'en admettant même qu'elle n'ait pas respecté la clause d'exclusivité invoquée, l'évaluation faite par le tribunal du préjudice qui en est résulté est manifestement excessive dans la mesure où il convenait de déduire des sommes avancées le montant du chiffre d'affaires réalisé par l'EURL Licar sur les 69 clients dépendant du secteur de la société Capias, soit 462 300 F, ainsi que la moitié de celui réalisé sur des clients domiciliés en dehors des zones d'implantation des deux franchisés de la région lyonnaise ;

- que les constatations soulevées sur les demandes en paiement qu'elle a formées ne sont pas fondées dès lors que celles-ci procèdent d'une stricte application des stipulations contractuelles ;

Elle demande donc à la Cour à titre principal de débouter Me Sabourin es-qualités et Mme Carraz des fins de leur action comme mal fondée, de fixer à la somme de 191 191,75 F le montant de sa créance sur l'EURL Licar et de condamner les intimés à lui verser 50 000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi qu'une indemnité de procédure de 30 000 F ; à titre subsidiaire elle sollicite que soit ordonné la compensation entre les créances respectives des parties ;

La société Capias a déposé elle aussi des conclusions de réformation au soutien desquelles, adoptant les mêmes moyens de défense, elle soutient :

- que dans la commune intention des parties signataires des contrats de franchises Uni Inter la clause d'exclusivité ne fait pas interdiction au franchisé de traiter avec une clientèle domiciliée en dehors de son secteur mais lui impose de s'installer à l'intérieur d'un périmètre protégé avec la garantie qu'aucun autre franchisé ne s'y installera ;

- que cette interprétation est d'ailleurs conforme au mode de fonctionnement des réseaux franchisés et à la réglementation nationale et européenne prohibant le refus de prestation de service en fonction du lieu de résidence du bénéficiaire ;

- que la société Capias bénéficie d'un statut particulier de bureau-pilote ayant vocation à tester et promouvoir de nouvelles techniques de savoir-faire pour le compte des autres franchisés, ce qui implique qu'elle mette en œuvre des campagnes publicitaires individuelles dont les autres membres du réseau sont par la suite appelés à bénéficier ;

- que c'est en cette qualité qu'elle a organisé la participation des bureaux Uni Inter au Salon du Bonheur 1992 puis au jeu-concours " gagnez des vacances à Ibiza ", actions dont l'ensemble des membres du réseau ont bénéficié, notamment l'EURL Licar, selon un mode de répartition égalitaire ;

- que les allégations selon lesquelles le franchiseur l'aurait favorisé dans la répartition des coupons-réponse qu'il pouvait lui-même recevoir ne sont pas fondées dès lors que cette répartition était effectuée sur un mode quantitatif et égalitairement sans considération du lieu de domiciliation des prospects ;

- que ces allégations sont d'autant moins pertinentes que l'EURL Licar a elle-même bénéficié de ce système de répartition ainsi qu'en attestent le volume de sa clientèle hors de son secteur ;

- que la réclamation formée à titre personnel par Mme Carraz pour manque à gagner sont dépourvues de tout fondement ;

Elle demande donc à la Cour de débouter Me Sabourin es-qualités et Mme Carraz de leurs demandes et de condamner cette dernière à lui verser 100 000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que 30 000 F à titre d'indemnité de procédure ;

Me Sabourin es-qualités et Mme Suzanne Carraz ont déposé des conclusions de confirmation aux termes desquelles ils font valoir au soutien de leurs prétentions et en défense à l'argumentation adverse :

- que c'est à juste titre que le Tribunal a estimé que la clause invoquée ne constituait pas seulement une clause d'implantation exclusive mais bien une clause d'exclusivité de clientèle dès lorsque celle-ci est essentiellement recrutée par voie de prospection et de publicité dont le mode de répartition s'effectue en fonction de cette sectorisation ;

- que la société Uni Inter et la société Capias, qui par l'intermédiaire de leurs associés, ont des intérêts communs, ont violé la clause d'exclusivité stipulée au profit de l'EURL Licar dans le cadre d'une action concertée visant à détourner au profit de la société Capias une partie de sa clientèle par une répartition inégalitaire des coupons-réponse collectés à l'issue de campagnes publicitaires communes ;

- qu'elle en rapporte la preuve par les constatations recueillies dans le procès-verbal que l'huissier Benichou a établi et qui démontre l'importance des détournements opérés à son détriment ;

- que le tribunal a fait une juste évaluation du préjudice subi par l'EURL Licar constitué d'une part du montant du chiffre d'affaires réalisé par la société Capias sur des arrondissements dont elle avait l'exclusivité et représentant 879 600 F au vu des pièces recueillies par l'huissier, ainsi que par la moitié du chiffre d'affaires réalisé par cette dernière sur le secteur périphérique de l'est lyonnais s'élevant à 1 270 500 F ;

- qu'ayant violé la clause d'exclusivité à laquelle elle était tenue la société Uni Inter, qui est à l'origine de la rupture anticipée du contrat, ne peut invoquer le bénéfice de la clause pénale figurant au contrat pas plus que réclamer le remboursement des frais de procédure qu'elle a exposés ;

- qu'il ne saurait y avoir lieu à compensation entre les créances respectives des parties dont le fondement n'est pas le même ;

Il s demandent donc à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf à porter à 100 000 F le montant de l'indemnité allouée à Me Sabourin à titre de dommages et intérêts complémentaires et d'allouer à ce dernier une indemnité de procédure de 20 000 F ;

SUR QUOI, LA COUR,

1° Sur la portée de la clause d'exclusivité

Attendu que la société Uni Inter dispose de deux agences franchisées sur la région lyonnaise ; l'agence Licar situé 119, rue Garibaldi dans le 6e arrondissement et l'agence Capias ayant son siège 8, rue de la Charité dans le 2e arrondissement ;

Qu'aux termes de l'article 1 du contrat de franchise signé entre la société Uni Inter et Mme Carraz divorcée Liard agissant pour le compte de l'EURL Licar il est stipulé : " le franchiseur reconnaît, pour son franchisé, Mme Liard ou l'EURL Licar, à titre exclusif pour la zone des arrondissements est de Lyon (6e, 3e, 8e, 7e) " ;

Que les sociétés appelantes soutiennent que cette clause ne confère aux franchisés qu'une exclusivité d'implantation dans la zone concernée leur garantissant qu'aucune autre agence du réseau ne viendra s'y installer, et non pas une exclusivité de clientèle sur ce secteur ;

Qu'à cet effet elles font valoir qu'une telle clause d'exclusivité ne constitue pas une condition essentielle du contrat de franchise, qu'elle serait contraire aux règles de droit interne et communautaire dès lors qu'elle aurait pour effet de contraindre une agence à refuser ses prestations à un client qui ne serait pas domicilié sur son secteur d'activité, et enfin qu'elle ne serait pas conforme à la commune intention des parties matérialisée par l'exploitation par les agences franchisées de clients domiciliés en dehors de leur secteur d'implantation ;

Mais attendu qu'en matière de franchise la clause d'exclusivité territoriale est celle par laquelle le franchiseur accorde au franchisé le droit exclusif d'utiliser dans une zone géographique déterminée ses signes distinctifs et son savoir-faire ;

Qu'ayant donc pour objet de garantir au franchisé qu'aucun autre membre du réseau n'aura le droit d'exercer les mêmes droits que lui dans ledit secteur, elle aboutit nécessairement à lui concéder un droit exclusif sur la clientèle potentielle du secteur qui lui a été dévolu ;

Que cette interprétation est d'ailleurs conforme aux stipulations de l'article 15.9 du contrat qui prévoient que " si la structure d'exploitation du franchisé se révèle inadaptée par rapport à l'importance de la clientèle visée à l'article 1, le franchiseur proposera, par lettre recommandée avec accusé de réception motivée, les adaptations qui paraîtront nécessaires ", et que dans cette hypothèse " le franchiseur proposera en priorité au franchisé l'installation d'un second bureau conseil dans la zone visée à l'article 1... " ;

Qu'enfin elle se trouve confortée par un autre argument de texte tiré des dispositions figurant à l'article 8 du contrat-type d'adhésion d'un client au réseau selon lesquelles le déménagement de l'adhérent entraîne le transfert de son dossier au bureau Uni Inter le plus proche de son nouveau domicile et n'emporte résiliation du contrat que si aucun bureau ne se trouve implanté dans un rayon de 100 kilomètres ;

Que c'est donc à juste titre que le tribunal a reconnu à l'EURL Licar un droit exclusif sur la clientèle domiciliée dans le périmètre du secteur géographique concédé, lequel droit, s'il ne peut conduire à interdire au franchisé de traiter avec des clients extérieurs choisissant volontairement de s'adresser à lui plutôt qu'à celui implanté dans leur secteur géographique, impose en revanche au franchiseur d'assurer à chaque franchisé la protection de son périmètre d'activité et de le garantir de tout détournement de sa clientèle potentielle au profit d'un autre membre du réseau ;

2° Sur la violation de la clause d'exclusivité

Attendu que dans le cadre d'un réseau, tel que celui du courtage matrimonial, développant exclusivement son activité par voie de prospection publicitaire au moyen d'insertions dans la presse ou sur support télématique, l'exclusivité géographique accordée à chaque franchisé a nécessairement pour finalité d'orienter le client qui s'adresse au réseau vers le bureau implanté sur le secteur dans lequel il est domicilié ;

Or, attendu qu'il résulte tant des constatations consignées dans le procès-verbal de Me Benichou que des pièces versées aux débats par les parties intimées que la société Uni Inter n'a pas respecté cette clause d'exclusivité à l'égard de l'EURL Licar, ni ne l'a fait respecter par la société Capias, second franchisé implanté sur la région lyonnaise dont elle détient directement ou indirectement la moitié du capital social ;

Qu'il est en effet démontré qu'à l'occasion de campagnes de promotion nationale telle que la participation du réseau Uni Inter au Salon du Bonheur 1992 dans laquelle Mme Carraz s'est personnellement impliquée, seul le nom de la société Capias figurait sur les 600 prospectus publicitaires avec coupons-réponse distribués aux visiteurs, ainsi que la liste des exposants du salon, de telle sorte que l'ensemble des clients que cette campagne a touché ont été nécessairement orientés vers la seule société Capias qui, tout en soutenant avoir procédé ensuite à une répartition égalitaire des prospects réalisés, ne conteste pas ne pas l'avoir fait selon le critère de la domiciliation géographique des intéressés conformément à la clause d'exclusivité accordée à chaque bureau ;

Attendu que les intimées rapportent encore la preuve qu'à l'occasion de plusieurs autres campagnes publicitaires organisées au plan national par voie de parution dans des organes de presse tels que l'hebdomadaire " Télé 7 jours ", la clientèle potentiellement intéressée était exclusivement orientée vers le bureau Capias dont l'adresse figurait seule sur la parution, sous l'en-tête " Uni Inter " ;

Qu'il en a été de même à l'occasion de la campagne publicitaire " Gagnez vos vacances à Ibiza " organisée en commun par les deux bureaux de la région lyonnaise et dont certains des coupons-réponse, bien que comportant leur nom et adresse respectifs, sont parvenus au siège de la société Uni Inter dont la boîte postale figurait aussi sur le coupon, et qui, tout en affirmant sans en justifier, avoir procédé à une répartition égalitaire des dits coupons entre les deux franchisés, ne prétend en tous cas pas avoir respecté le critère de la domiciliation géographique qui seul était de nature à garantir l'exclusivité accordée à chacun des bureaux ;

Qu'en effet si cette répartition égalitaire, à la supposer exacte, se justifiait à l'égard de la clientèle domiciliée en dehors des zones concédées à chacun des bureaux franchisés c'est-à-dire sur des secteurs sur lesquels aucun d'eux ne disposait d'un droit d'exploitation exclusive, elle constituait une infraction manifeste au droit d'exclusivité concédé à l'intérieur de leur zone d'implantation ;

Que c'est donc à juste titre que le tribunal a considéré qu'il était amplement démontré que la société Uni Inter n'avait pas respecté ni fait respecter la clause d'exclusivité consentie à l'EURL Licar, et estimé que si la société Capias avait été investie d'un rôle de leader promotionnel en qualité de bureau-pilote, cette circonstance n'était pas de nature à légitimer un mode de répartition de la clientèle contraire à l'exclusivité dont chaque franchisé bénéficiait ;

3° Sur l'existence d'un préjudice

Attendu que si la violation de la clause d'exclusivité par le franchiseur constitue un manquement à ses obligations contractuelles justifiant la résiliation du contrat à ses torts en vertu des dispositions y figurant à l'article 23, les pièces versées aux débats par les intimées ne sont pas en l'état suffisantes pour établir la réalité et l'importance des détournements de clientèle dont l'EURL Licar aurait été victime du fait du non respect de l'exclusivité dans le mode de répartition de la clientèle ;

Qu'en effet, il convient de tenir compte dans l'estimation du préjudice qu'elle a pu subir du fait des manquements imputés aux sociétés appelantes du chiffre d'affaires qu'en fonction de ce mode de répartition arbitraire elle a pu elle-même réaliser avec des clients domiciliés sur le secteur d'un autre franchisé, notamment de la société Capias ;

Or, attendu que cette estimation qui nécessite une analyse exhaustive des documents détenus par les trois parties en cause à laquelle l'huissier désigné n'avait pas les moyens de procéder, rend nécessaire le recours à une expertise judiciaire confié à un expert-comptable ;

Attendu que l'instauration de cette mesure conduit, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, à surseoir à statuer sur l'ensemble des demandes formées ;

Par ces motifs, Confirme le jugement en ce qu'il a constaté la violation par les sociétés Uni Inter et Capias de la clause d'exclusivité consentie à l'EURL Licar en vertu du contrat de franchise signé le 6 février 1989 et prononcé la résiliation du dit contrat aux torts du franchiseur ; Avant dire droit sur la détermination du préjudice invoqué par l'EURL Licar et Mme Carraz, Ordonne une mesure d'expertise et désigne M. Pierre Grafmeyer demeurant 14, chemin de la Pomme à Tassin-la-Demi-Lune pour y procéder avec mission, après avoir convoqué les parties, recueilli leurs observations, pris connaissance de l'ensemble des documents détenus par chacune d'elle et entendu tous sachants ; - de déterminer, durant la période d'exécution du contrat de franchise signé le 6 février 1989 entre la société Uni Inter et l'EURL Licar, le chiffre d'affaires réalisé par la société Capias sur des clients recrutés par voie de prospection et dépendant du secteur concédé à l'EURL Licar, et le chiffre d'affaires réalisé par celle-ci sur des clients recrutés sur le même mode et dépendant du secteur concédé à la société Capias ; - de déterminer le chiffre d'affaires réalisé par les deux sociétés sur une clientèle prospectée dans la région lyonnaise mais domiciliée en dehors des zones d'implantation exclusive de chacune d'elles ; - d'une manière générale de fournir tous éléments permettant de déterminer le préjudice que l'EURL Licar a subi du fait du manquement au respect de la clause d'exclusivité et de répondre aux dires des parties en relation avec le litige ; Dit que cette expertise sera diligentée sous le contrôle de Mme Robert conseiller et aux frais avancés de Me Sabourin qui devra consigner es-qualités au greffe de la cour une provision de 10 000 F à valoir sur les frais et honoraires de l'expert avant le 1er septembre 1996 ; Dit qu'à défaut de consignation dans le dit délai la désignation de l'expert sera caduque ; Dit que l'expert désigné devra dresser un rapport qu'il déposera en deux exemplaires au greffe de la cour avant le 31 décembre 1996 et dont il adressera un exemplaire à chacune des parties ; Sursoit à statuer sur les autres chefs de demandes et réserve les dépens.