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Décisions

CA Agen, 1re ch., 10 septembre 1996, n° 95000744

AGEN

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Charrier

Défendeur :

Labonne (Époux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Fourcheraud

Conseillers :

M. Louiset, Mme Coleno

Avoués :

Mes Burg, Teston

Avocats :

Reulet, Lafon-Dupouy.

T. com. Marmande, du 4 avr. 1995

4 avril 1995

Attendu que Gisèle Chaperon épouse Charrier a régulièrement relevé appel d'un jugement rendu le 4 avril 1995 par le Tribunal de commerce de Marmande qui :

- l'a déboutée de toutes ses demandes,

- l'a condamné à payer aux époux Labonne la somme de 4 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ;

Attendu que l'appelante demande à la Cour de réformer le jugement entrepris et de condamner les époux Labonne à lui payer :

- la somme de 177 706,11 F représentant la valeur du stock de marchandises existant à l'expiration du contrat de location-gérance, avec intérêts de droit à compter de la demande en justice,

- celle de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ;

Attendu que les époux Fernand Labonne concluent au débouté de dame Chaperon de son appel et prient la Cour de la condamner au paiement de la somme de 8 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ;

Sur ce,

Attendu que bien que se référant pour plus ample exposé des faits, de la procédure, ainsi que des fins et moyens des parties, aux énonciations du jugement entrepris et aux conclusions régulièrement échangées, la Cour rappellera seulement que les époux Labonne, par contrat notarié en date du 23 septembre 1977, ont donné en location-gérance libre à Denis Charrier et son épouse Gisèle Chaperon leur fonds de commerce de " confection, bonneterie, prêt à porter, habillement en général... " sis place de l'Hôtel de Ville à Miramont de Guyenne (47) ; que ledit bail, conclu pour une durée de 3, 6 ou 9 années à compter du 1er octobre 1977, prévoyait que le stock de marchandises existant devait faire l'objet d'un inventaire lors de l'entrée en jouissance et serait racheté par les preneurs selon les modalités de paiement particulières ; que ce bail, d'un commun accord entre les parties, a été résilié à l'expiration de la deuxième période triennale (octobre 1983), les époux Charrier étant en instance de divorce ; qu'un nouveau contrat de location-gérance libre a été établi le 18 octobre 1983 au profit de la seule Gisèle Chaperon épouse Charrier, pour une durée de 3, 6 ou 9 années à compter du 1er octobre 1983 ; que cette gérance s'est poursuivie par tacite reconduction ; que le 28 septembre 1993, dame Chaperon, alors que le contrat devait prendre fin comme convenu le 30 septembre 1993, a sollicité des époux Labonne leur accord pour poursuivre son activité jusqu'au 28 février 1994 ; que cet accord a été confirmé le 28 octobre 1993 ; que cependant, par l'intermédiaire de son comptable, Gisèle Chaperon a fait connaître son intention de quitter les lieux le 15 février 1994 ; qu'à cette date, elle a fait établir par un huissier de justice un inventaire des marchandises laissées au propriétaire en fin de bail, inventaire faisant ressortir que les marchandises représentaient, en tenant compte de la dépréciation appliquée à chaque article, une somme totale de 149 836,52 F, soit 177 706,11 F TTC ;

Que, pour avoir paiement de cette somme qu'a refusé de régler amiablement Fernand Labonne, dame Chaperon a saisi le Tribunal de commerce de Marmande qui, par la décision déférée, l'a déboutée de cette demande ;

Attendu qu'à l'appui de son appel, dame Chaperon fait grief au premier juge d'avoir méconnu la jurisprudence en la matière qui admet qu'à défaut de clause contractuelle, il est conforme à l'usage que le propriétaire reprenne les marchandises en stock, à la suite d'une estimation expertale si besoin est ; qu'elle fait valoir qu'en effet, le locataire-gérant a l'obligation de gérer en bon père de famille le fonds loué qu'il a reçu achalandé ; que cette obligation lui impose de remplacer constamment les marchandises vendues de manière à le tenir constamment approvisionné ;

Que les époux Charrier n'ont pu disposer du stock existant que moyennant la reconstitution de celui-ci ; que cette obligation entraîne en contrepartie celle du propriétaire de racheter le stock existant à la fin du contrat, rachat auquel en l'espèce se refuse le sieur Labonne ; que s'il peut y avoir éventuellement dans un contrat de cette nature une obligation contraire, celle-ci doit faire l'objet d'une clause spécifique édictant l'exclusion de cette obligation dès lors qu'elle est contraire à l'usage et à l'économie de ce type de contrat ;

Qu'en l'absence d'une telle obligation contraire, le bailleur est tenu à effectuer cette reprise en fin de contrat ; que c'est donc bien à tort et au résultat d'une solution contraire à cet usage commercial consacré par la jurisprudence et reconnu par la doctrine unanime que le Tribunal de commerce a refusé de faire droit à sa demande de rachat ;

Attendu que les intimés concluent à la confirmation du jugement déféré, en faisant notamment valoir que si une certaine jurisprudence impose " selon l'usage " au bailleur la reprise de la marchandise à la fin du contrat de gérance, c'est le cas où, à l'origine, un quelconque stock a été imposé au locataire qui a dû en faire l'acquisition ; qu'ils n'ont rien vendu à dame Chaperon qui, du fait de l'exploitation commune qu'elle avait faite avec son ex-mari Charrier, possédait, à titre personnel les marchandises nécessaires à la poursuite de son activité commerciale ; que, si les époux Charrier n'avaient pas entendu conserver les marchandises dont ils avaient, en 1977, fait l'acquisition, ils n'auraient pas manqué, comme le contrat le prévoyait, d'en solliciter la reprise ; qu'ils n'en ont rien fait, de sorte qu'eux-mêmes n'avaient aucun stock à leur disposition, ce qui les rendait incapables, s'ils l'avaient souhaité, d'en imposer l'acquisition à leur nouvelle gérante, dame Chaperon ; qu'imposer, dans ces conditions, une " reprise " à des bailleurs qui n'ont pas cédé de marchandises serait contraire à toutes les règles de droit et d'équité, et permettrait ainsi à l'appelante de liquider des marchandises dont elle n'a pu se défaire, malgré une campagne de solde, mettant en outre à leur charge des vêtements démodés et invendables ; qu'au surplus, la gestion du stock par dame Chaperon est des plus critiquables ;

Attendu que les rapports contractuels entre les époux Labonne et Gisèle Chaperon sont réglés et déterminés par le contrat de location-gérance libre du 18 octobre 1983, qui détermine seul les droits et obligations de chaque partie, sans que puisse interférer le contrat du 23 septembre 1977 auquel le nouveau contrat ne fait aucune référence et qui ne concerne pas les mêmes parties ;

Attendu que le contrat du 18 octobre 1983 ne comporte aucune clause de reprise de stock à l'expiration du bail et ne fait pas mention de marchandises qui n'auraient été vendues par les bailleurs et dame Chaperon ; qu'il n'est pas démontré ni même soutenu qu'un quelconque stock ait été imposé à dame Chaperon, stock dont elle aurait dû faire l'acquisition lors de la conclusion dudit contrat ; que, si les parties n'avaient eu en vue qu'un simple changement de gérant et n'avaient entendu modifier que sur ce seul point le contrat initial, elles n'auraient pas pris le soin de faire rédiger par un notaire le deuxième contrat, mais se seraient contentées d'un avenant modificatif ;

Attendu enfin que n'est pas établie l'existence d'un usage commercial d'obligation de reprise du stock par le bailleur en fin de location-gérance, lorsque aucun stock n'a été remis par les bailleurs au locataire-gérant;

Attendu qu'il convient, en conséquence, de débouter Gisèle Chaperon de son appel et de confirmer le jugement entrepris ;

Attendu qu'il apparaît équitable de mettre à la charge de Gisèle Chaperon une partie des frais et honoraires exposés par les époux Labonne et non compris dans les dépens que la Cour fixe à la somme de 4 000 F, et en revanche de laisser à l'appelante celle des frais et honoraires par elle exposés ;

Attendu que la partie qui succombe doit supporter les dépens ;

Par les motifs, la COUR, Rejette l'appel ; Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, condamne Gisèle Chaperon à verser aux époux Fernand Labonne la somme de 4 000 F (quatre mille francs) en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile. Condamne Gisèle Chaperon aux dépens d'appel lesquels seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.