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Décisions

CA Lyon, 3e ch., 18 octobre 1996, n° 94-07656

LYON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Sicovar Les Demeures Artisanales (SARL)

Défendeur :

Verger

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Karsenty

Conseillers :

M. Durand, Mme Robert

Avoués :

SCP Junillon Wicky, Me Barriquand

Avocats :

Mes Petitjean, Hibert.

T. com. Villefranche-sur-Saône, du 17 no…

17 novembre 1994

Faits, procédure et prétentions des parties :

Le 27 juillet 1990, la société Sicovar, qui commercialise des maisons individuelles d'habitation, a conclu avec M. Verger un contrat d'agent commercial sur le secteur de Villefranche sur Saône dans un rayon de 50 kms.

M. Verger était rémunéré à la commission au taux de 6 % du prix HT sur les affaires réalisées par la société et de 7 % sur le chiffre d'affaires HT des affaires apportées par l'agent commercial.

Le 2 juin 1993, la société Sicovar a rompu le contrat avec effet immédiat.

Le 30 juin 1993, M. Verger a assigné la société Sicovar en référé ;

Par ordonnance du 9 septembre 1993, le juge des référés du Tribunal de commerce de Villefranche sur Saône a condamné la société Sicovar à payer à M. Verger, par provision la somme de 89 882,63 F.

Le 30 juillet 1993, M. Verger a assigné la société Sicovar en paiement des sommes de :

- 325 764,20 F au titre de rappel de commissionnement outre intérêt ;

- 44 519,46 F à titre de rappel de commission sur préavis, outre intérêts ;

- 900 899,56 F à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation abusive ;

- 25 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Sicovar s'est opposée aux demandes.

Par jugement du 17 novembre 1994, le tribunal a fait droit aux demandes en deniers et quittances, a fixé à 10 000 F l'indemnité de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Sicovar a relevé appel de cette décision.

Sur les commissions, elle soutient que M. Verger a commis des erreurs de taux, d'addition, de déduction.

Sur la rupture, elle fait valoir que M. Verger a commis des fautes qui justifient sa décision de mettre fin au contrat ; qu'en effet, il a, de son propre chef, consenti aux clients différents cadeaux et conditions particulières sans en informer sa mandante et en lui dissimulant ces arrangements, causant ainsi à la concluante de multiples difficultés avec ses clients et un préjudice financier ; qu'il a eu recours à des sous-agents à qui il n'a pas versé la rémunération qui leur était due ; qu'il a joué le rôle d'apporteur d'affaires pour des fournisseurs et utilisé la marque " Les Demeures Artisanales " sans son autorisation pour établir des plans, solliciter un permis de construire et négocier avec des sous-traitants ; qu'en mai 1993, il a dénigré sa mandante en tentant de détourner un client au profit d'un tiers ; que pour tenter d'obtenir des commissions indues, il s'est livré à une tentative de chantage, délit pour lequel il a été condamné le 14 mars 1995.

L'appelante considère que M. Verger ne prouve pas avoir subi un préjudice, qu'en effet, travailleur indépendant, il n'a pas perdu de clientèle.

M. Verger conclut à la confirmation du jugement sur le rappel de commissions sur préavis et sollicite les sommes de 233 878,66 F sur le rappel de commissions outre intérêts, de 1 067 010 F à titre d'indemnité de résiliation et de 25 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur le rappel de commissions, il soutient qu'à la lecture des facturations et des relevés de chiffres d'affaires réalisés, dont il justifie à partir des éléments d'informations transmis par sa mandante, il a bénéficié au cours de son mandat d'un montant total de commissions de 1 467 138,84 F sur lesquelles il a perçu la somme de 1 143 377, 55 F d'où une créance de 323 761,29 F - 89 882,63 F, réglée lors de l'exécution de l'ordonnance de référé, soit la somme de 233 878,66 F outre intérêts.

L'intimé considère que la réalité des griefs invoqués par l'appelante n'est pas prouvée.

Sur l'utilisation abusive de la marque, il souligne que l'aide apportée à Mme Bolevy a été par l'équipe de la société Sicovar à un membre du personnel en difficultés.

Sur le défaut de règlement de sous-agents, il observe que M. Magliano, dont le contrat a été rédigé par la société Sicovar, n'a pas donné suite à la procédure de paiement qu'il avait engagée, admettant ainsi ne détenir aucune créance sur le concluant.

Sur son rôle d'apporteur d'affaires, il souligne qu'il n'a jamais perçu de commission de la part de la société Habitat Confort qui commercialise des cheminées.

Sur le dénigrement, il conteste avoir rencontré M. Labordère, salarié de l'appelante, sur le chantier " Bernard " selon l'attestation versée aux débats.

Sur la condamnation du tribunal correctionnel, il considère que ces faits sont étrangers à la résiliation du contrat d'agent commercial, et que la clémence du tribunal révèle l'absence du préjudice de la société Sicovar.

L'intimé soutient que son préjudice est justifié car le contrat Sicovar représentait l'intégralité de son activité professionnelle ; qu'il a perdu à l'âge de 48 ans sa seule source de revenus et que son préjudice est accru par la clause de non-concurrence dont Sicovar n'a pas voulu le délier.

Motifs et décision :

Attendu qu'il ne ressort pas des pièces produites par la société Sicovar que M. Verger a, de son propre chef et sans en informer sa mandante consenti des cadeaux ou des conditions particulières à ses clients ;

Qu'en effet dans la lettre adressée à M. Paupeney, M. Verger demande à ce client d'envoyer, si celui-ci accepte ses propositions, la copie de la lettre au directeur de la société Sicovar ; que, selon l'attestation non contestée des époux Carette, ceux-ci ont conclu le protocole d'accord avec M. Verger et avec M. Apostol, directeur technique de la société appelante ; que les conventions conclues avec la société Vin, le 21 décembre 1992, et avec M. Falcot, le 27 avril 1992, se rapportent à des difficultés d'exécution des travaux et ne constituent ni des cadeaux, ni des conditions contractuelles particulières ;

Attendu que l'appelante produit une lettre de M. Magliano, sous-agent, qui lui réclame le paiement de commissions non réglées par M. Verger ; que ce dernier produit une ordonnance de caducité de l'expertise rendue le 28 octobre 1993 pour défaut de consignation de la provision par M. Magliano ; qu'ainsi la preuve de la créance impayée invoquée par l'appelante n'est pas rapportée ;

Attendu que la lettre d'Habitat Confort, dont il n'est pas contesté qu'il s'agit d'une société qui commercialise des cheminées, ne constitue pas la preuve d'un manquement contractuel puisque M. Verger, agent commercial, était libre d'exercer une autre activité ;

Attendu quel'appelante ne conteste pas que l'équipe du groupe Demeures Caladoises, Demeures Artisanales, Sicovar a aidé une salarié du groupe à établir des plans pour l'agrandissement de sa maison à la suite de circonstances familiales difficiles ; que ce fait ne peut être considéré comme une utilisation abusive de la marque " Les demeures artisanales ";

Attendu que l'attestation de M. Labordère ne fait pas état d'une tentative de détournement de clientèle au profit d'un tiers ni d'un dénigrement de la société Sicovar Demeures artisanales;

Attendu que la condamnation pénale de M. Verger du chef de tentative de chantage, délit commis après la rupture du contrat se rapporte à des faits sans relations avec les obligations contractuelles de l'agent commercial;

Attendu quedans ces conditions, l'appelante ne rapporte pas la preuve d'une faute de M. Verger justifiant la rupture des relations contractuelles ; qu'en conséquence, à bon droit, le tribunal a alloué une indemnité de rupture à M. Verger;

Attendu qu'en considération des éléments d'appréciation dont dispose la Cour et de la durée du mandat (33 mois) l'indemnité compensatrice du préjudice subi du fait de la perte de revenus de l'agent commercial sera calculée sur la base de 18 mois de commissions ;

Attendu que dans une lettre adressée à son conseil et versée aux débats, la sociétés Sicovar a précisé que le droit à commission de M. Verger pendant la durée du contrat était de 1 468 000 F soit une somme légèrement supérieure à l'évaluation de l'intimé, qui sera retenue soit :

(1 647 138 F x 18): 33 = 800 257 F

Attendu qu'il est constant que M. Verger n'a pas bénéficié du préavis d'un mois prévu en cas de résiliation du contrat par l'article 4 du contrat d'agent commercial ; qu'il lui est dû la somme de :

1 467 138 F : 33 = 44 458,72 F ;

Attendu que M. Verger justifie avoir perçu des commissions pendant la durée de son mandat pour la somme de 1 143 377,55 F ; que compte tenu de la somme de 98 882,60 F perçue en exécution de l'ordonnance de référé du 9 septembre 1993, il reste dû à M. Verger la somme de 233 878,66 F ;

Attendu que les sommes allouées porteront intérêts à compter de l'assignation ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à l'intimé la charge des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés ;

Par ces motifs, LA COUR, Réformant partiellement le jugement entrepris ; Condamne la société Sicovar à payer en deniers ou quittances valables, avec intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 1993, les sommes de 44 458,72 F, au titre de l'indemnité de préavis, de 800 257 F, au titre de l'indemnité de rupture ; Condamne la société Sicovar à payer à M. Verger la somme de 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; La condamne aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de Me Barriquand, avoué.