CA Paris, 5e ch. C, 18 octobre 1996, n° 95-17306
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Coustal, De Cayssac (SCI), GSO 47 (SARL)
Défendeur :
Fiat Auto France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rognon
Conseillers :
Mme Cabat, M. Betch
Avoué :
SCP Teytaud
Avocats :
Mes Le Bâtonnier, Neret.
La SARL GSO (Grande Surface de l'Occasion), locataire de la SCI de Cayssac et ayant une activité de vente de véhicules d'occasion a été, aussi, à compter du 1er janvier 1990, concessionnaire exclusif Alfa Roméo.
En décembre 1991, Fiat Auto France a absorbé par voie de fusion Alfa Roméo et a conclu avec les concessionnaires de ce réseau de nouveaux contrats.
La SARL GSO a, durant l'année 1992, vendu un nombre assez faible de voitures et a demandé, en janvier 1993, le prononcé de la résolution judiciaire du contrat de concession conclu avec Fiat Auto France, la SCI et Monsieur Coustal, gérant tant de la SARL GSO que de la SCI, demandant, chacun réparation du préjudice que cette résolution leur causait.
Sur le litige ainsi né entre les parties, le Tribunal de commerce de Paris a, par jugement du 11 avril 1995 :
- Prononcé aux torts de la société Fiat Auto France la résolution du contrat de concession du 2 janvier 1992,
- Dit que la SARL GSO 47 a subi un préjudice dont la responsabilité est partagée entre cette société et la société Fiat Auto France,
- Condamné celle-ci à payer à la SARL GSO 47 la somme de 700 000 F à titre de dommages et intérêts,
- Rejeté toutes autres demandes.
Monsieur Coustal la SARL GSO 47, la SCI de Cayssac, d'une part, la société Fiat Auto France d'autre part, ont régulièrement interjeté appel de cette décision.
La société Fiat Auto France dénonce la faiblesse des résultats obtenus par la SARL, les dépenses inconsidérées de restructuration des locaux auxquelles elle s'est livrée, son endettement juste compensé par la vente des véhicules en stock mais sans recherche ou développement d'une clientèle et soutient que les premiers juges ne pouvaient, comme ils l'ont fait à partir de la situation de la SARL qu'elle décrit, prononcer la résolution judiciaire du contrat de concession en application des dispositions de l'article 1184 du Code civil au motif d'un prétendu non respect de l'article 1 de la loi du 31 décembre 1989 puisque ces dispositions n'édictent qu'une obligation précontractuelle dont la violation ne peut donc pas ouvrir droit à une action en résolution judiciaire qui sanctionne les actes intervenant durant l'exécution même d'un contrat et non ceux constatés dans la période précédant sa formation.
Elle ajoute que c'est vainement que Monsieur Coustal, la SARL GSO 47 la SCI de Cayssac invoquent le non respect de ces dispositions puisque le nouveau contrat signé en mars 1992 a fait suite à de multiples informations publiques et contractuelles données aux concessionnaires Alfa Roméo sur le changement juridique affectant cette marque ; que de nombreux concessionnaires ont choisi de ne pas signer de nouveau contrat avec Fiat Auto France qui devait, en tout état de cause et en raison de la transmission de patrimoine qu'emportait la fusion-absorption en poursuivre l'exécution et qu'elle s'est limitée, ce que la SARL GSO 47 a accepté parce que son intérêt le lui dictait, à lui proposer un nouveau contrat dans lequel Fiat Auto France prenait simplement la place d'Alfa Roméo.
La société Fiat Auto France fait valoir aussi, que les éléments d'information que cette loi prévoit sont sans lien avec les modifications de la politique commerciale mise en œuvre et qui lui sont reprochés à faute par la SARL GSO 47 puisque cette politique est, par sa nature même, nécessairement évolutive et ne peut donc être enfermée dans des informations pré-contractuelles ayant pour effet de la fixer définitivement.
Enfin, la société Fiat Auto France souligne l'absence de lien de causalité entre les fautes reprochées et les pertes allégués par la SARL GSO 47, pertes dont l'origine est à rechercher dans la faiblesse de ses performances commerciales, la démesure de ses investissements inopportuns et sans rapport avec les nécessités d'une concession comparable, ainsi que dans le désintérêt manifesté par la représentation de la marque.
Elle conclut à l'infirmation du jugement déféré, au caractère justifié de la résiliation qu'elle a, elle-même, notifiée à la SARL GSO 47 le 5 juillet 1993, demande le rejet de l'intégralité des demandes présentées à son encontre et l'attribution d'une somme de 150 000 F en application des dispositions de l'article 700 NCPC.
Monsieur Coustal, la SCI de Cayssac, la SARL GSO 47 sollicitent confirmation de la décision des premiers juges en ce qu'elle a prononcé la résolution du contrat de concession aux torts de la société Fiat Auto France aux motifs que les concessionnaires n'ont jamais été informés de l'absorption de Alfa Roméo avant la signature du contrat de 1992, que la SARL GSO 47 a été contrainte de signer un nouveau contrat avec la SA Fiat Auto France qui a modifié l'équilibre contractuel par les changements des personnels de direction et celui de la politique du réseau ou des incitations accordées sans information ou concertation préalable, modifications qui ont entraîné d'importantes pertes de chiffres d'affaires et une situation comptable préoccupante alors que la diffusion des véhicules Alfa Roméo dans le secteur géographique concédé avait été sensiblement accrue.
Elle demande que le montant global des dommages et intérêts compensateurs du préjudice de la SARL GSO 47 soit porté à la somme de 7 310 000 F et que la société Fiat Auto France soit déclarée tenue d'indemniser la SCI de Cayssac à hauteur de 360 000 F, somme correspondant au montant des loyers perdus et Monsieur Coustal à hauteur de 2 000 000 F en réparation du préjudice moral causé.
Elle sollicite aussi l'attribution d'une somme de 80 000 F en application des dispositions de l'article 700 du NCPC et dans le dernier état de ses écritures le constat de la nullité du contrat conclu et le prononcé d'une mesure d'expertise permettant de se prononcer sur l'ampleur des préjudices subis.
Ceci exposé
1°) Sur la nullité du contrat signé entre les parties en mai 1992 avec effet au 2 janvier 1992.
Considérant que la SARL GSO 47 demande le constat de la nullité de ce contrat au motif que sa signature n'aurait pas été précédée par la fourniture, par la société Fiat Auto France, du document prévu par l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989 ;
Considérant que lors de la signature avec la société Fiat Auto France de ce contrat de concessionnaire de la marque Alfa Roméo, la société GSO 47 était déjà et depuis le 1er janvier 1990, concessionnaire Alfa Roméo à Agen. Que ce n'est qu'à la suite d'une fusion-absorbtion de la société Alfa Roméo par la société Fiat Auto France que celle-ci devenue l'ayant cause à titre universel de la société absorbée, tenue de toutes les obligations de cette dernière, a offert aux concessionnaires Alfa Roméo qui le souhaitaient, la signature d'un contrat de même objet mais tenant compte de la modification de situation juridique ayant affecté les sociétés absorbée et absorbante ;
Considérant que la signature de cet acte dont les dispositions sont restées pour la SARL GSO 47 particulièrement limitées voire sans effet quant à la mise à sa disposition d'un nom commercial, d'une marque ou une enseigne et d'une exclusivité ou d'une quasi exclusivité pour l'exercice d'une activité, tous éléments dont la mise à dispositions entraîne l'obligation de fourniture du document prévu par l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989, a été précédée d'une campagne d'information des concessionnaires de la marque Alfa Roméo marquée par l'expédition à chacun, dès le 3 décembre 1991, d'une lettre circulaire les informant de la fusion intervenue, la publication d'un numéro spécial du journal (alfactu) réservé aux membres du réseau, consacré à cette fusion et aux résultats économiques et commerciaux qui en étaient attendus; qu'elle a en outre fait l'objet de différentes réunions de l'amicale des concessionnaires notamment le 14 février 1992 dont les comptes rendus ont été diffusés à ceux-ci;
Considérant que la SARL GSO 47 ne peut, en professionnelle avertie, valablement soutenir qu'elle n'a pas connu l'existence de l'opération, ses conditions et modalités ainsi que ses conséquences sur son activité étant précisé que cette fusion absorption n'entraînait nullement la création d'un nouveau contrat de concession mais une mise à jour librement acceptée à sa discrétion en mai 1992 par la SARL GSO 47 de celui dont elle disposait et que cette société ne peut donc exciper du non-respect des dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989 lors de la signature en mai 1992 de l'acte à effet du 1er janvier 1992;
Considérant que la SARL GSO 47 qui appartenait déjà au réseau Alfa Roméo ne démontre par ailleurs pas que son consentement, en mai 1992, a été vicié ou obtenu à la suite de manœuvres dolosives déployées par la société Fiat Auto France; que sa demande tendant au constat de la nullité du contrat doit en conséquence être rejetée;
2°) Sur la résolution du contrat et les fautes imputées à la société Fiat Auto France durant l'exécution de ce contrat ;
Considérant qu'outre le défaut d'information, grief dont il vient d'être établi qu'il était inopérant, la SARL GSO 47 reproche à faute à la SA Fiat Auto France les modifications constamment apportées à l'économie de la relation contractuelle avec les concessionnaires se traduisant, à ses dires, par des modifications au niveau de la politique du réseau ;
Considérant sur ce point que la SARL GSO 47 ne peut se prévaloir, à partir du contrat signé, d'une politique commerciale devant rester figée dans les termes de ces actes ; que celle-ci est, par sa nature même, évolutive de sorte que la SARL GSO 47 ne peut valablement dénoncer des modifications qui y ont été apportées telles que les techniques de stimulation des ventes, les primes accordées, primes dont la SARL GSO 47 a bénéficié ou encore l'attribution de surprimes pour la réalisation d'objectifs commerciaux dont son activité pouvait lui offrir les bénéfices, et ce, alors surtout qu'il est établi que, concomitament, la société Fiat Auto France a sensiblement augmenté le budget de publicité consacré à la marque Alfa Roméo ;
Considérant que la SARL GSO 47 ne peut davantage imputer à faute à la société Fiat Auto France la perte d'un contrat de fourniture de cinquante véhicules à une société Locaser puisqu'il ressort d'une lettre du 21 juillet 1992 de la SARL GSO 47 que celle-ci, dans l'incapacité de financer l'opération pourtant acquise, qui a manifesté son désir de ne pas réaliser cette affaire et demandé la reprise des véhicules destinés à être livrés à la société Locaser ;
Considérant que les fautes de la SA Fiat Auto France justifiant la résolution du contrat ne sont donc pas établies et que la demande, à ce titre, de la SARL GSO 47 et, par là, le Monsieur Coustal et de la SCI de Cayssac sont à rejeter ;
Considérant que durant l'exécution du contrat la SARL GSO 47 n'est jamais parvenue à remplir ses engagements de vente, qu'en 1990 seuls 47 véhicules au lieu de 70 ont pu être vendus ; que son coefficient de pénétration est toujours restée en 1990, 1991, 1992 (0,51-0,45 - 0.23) très sensiblement inférieur à ceux réalisés par ces concessions comparables telles que Charleville, Compiègne, Montluçon ; que devant ces résultats restés limités elle a préféré réaliser avec la SCI de Cayssac, de lourds investissements immobiliers dont l'ampleur et le coût restent sans rapport établi avec l'exécution de ses obligations nées du contrat de concession ni même convenus, comme l'exigent les dispositions de l'article 5 du contrat, avec concédant ;
Considérant que son endettement au 31 décembre 1991 marqué par des créances importantes (1 183 036 F)n 492 974 F) des fournisseurs, des associés des banques est resté particulièrement lourd (4 064 741 F) ;
Considérant que devant cet état de fait elle a, en outre, pratiquement cessé, à compter de septembre 1992 et jusqu'en juillet 1993 la vente de tout nouveau véhicule (6 en 11 mois) et ce, aux seules fins d'apurer sa dette envers le fournisseur mais sans exécution du mandat d'intérêt commun qui les liait, préférant comme reconnu en ses écritures de première instance se désengager progressivement ;
Considérant que pour ces motifs la résiliation par la société Fiat Auto France au 5 juillet 1993 du contrat de concession s'est trouvée justifiée ;
Considérant que l'équité ou la situation économique des parties ne dicte pas l'attribution d'une somme au titre des frais irrépétibles de première instance ou d'appel.
Par ces motifs : LA COUR - Déclare recevable les appels de la SARL GSO 47, Monsieur Coustal, la SCI de Cayssac d'une part, de la SA Fiat Auto France d'autre part, - Infirmant la décision déférée ; - Rejette l'intégralité des demandes présentées par la SARL GSO 47 Monsieur Coustal la SCI de Cayssac à l'encontre de la société Fiat Auto France ; Rejette toutes demandes autres ou contraires aux motifs ; - Condamne solidairement la SARL GSO 47 Monsieur Coustal, la SCI de Cayssac au paiement des dépens de première instance et d'appel avec admission pour ces derniers, de l'avoués concerné au bénéfice des dispositions de l'article 699 du NCPC.