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Décisions

CA Versailles, 13e ch., 24 octobre 1996, n° 94-00005430

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Patrick Einhorn (SA), Segard (ès qual.), Becheret (ès qual.)

Défendeur :

Buron

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Monteils

Conseillers :

M. Besse, Mme Bardy

Avoués :

SCP Jullien-Lecharny-Rol, SCP Merle-Carena-Doron

Avocats :

Mes Marcus-Mandel, Abib.

T. com. Nanterre, du 17 mai 1994

17 mai 1994

Monsieur Buron a été engagé en qualité d'agent commercial par la société Patrick Einhorn en septembre 1991 sans qu'un contrat écrit ait été signé, Monsieur Buron affirmant que la société Einhorn n'a pas crû devoir lui retourner l'exemplaire signé.

Le 11 septembre 1992 la société Einhorn adressait à Monsieur Buron un courrier faisant état des objectifs et conditions concernant tant son secteur d'activité que le montant des commissions pour la saison 92-93.

Le 23 octobre 1992 Monsieur Buron refusait par lettre les modifications apportées à son contrat et prenait acte de la rupture qu'il qualifiait d'abusive.

Le 30 octobre 1992, la société Einhorn prenait acte de la rupture du contrat par Monsieur Buron auquel elle faisait le reproche d'avoir cessé tout travail depuis le courrier du 11 septembre consécutif à un entretien antérieur.

Enfin le 22 juillet 1993 la société Einhorn adressait un courrier à Monsieur Buron auquel était joint un relevé de compte de commissions et sollicitait de sa part une facture afin de régler ces commissions.

Monsieur Buron devait alors assigner la société Einhorn devant le Tribunal de commerce de Nanterre.

Par jugement contradictoire en date du 17 mai 1994, ce Tribunal a :

- constaté la modification substantielle du mandat de Monsieur Buron par la société Patrick Einhorn,

- dit que la société Patrick Einhorn a rompu le contrat de fait à ses torts,

- condamné la société P. Einhorn à payer à Monsieur Buron son mois de préavis légal, la somme de 16 579,20 F HT concernant les commissions dues au titre des commandes Galeries Lafayette,

- ordonné à la société P. Einhorn de produire dans le délai de un mois à compter du jugement le montant exact des pièces commandées par le Club Méditerranée sur l'année 1993 et autres commandes postérieures à la cessation du contrat,

- condamné la société P. Einhorn à payer à Monsieur Buron la somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts outre celle de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

La société Patrick Einhorn a interjeté appel du jugement.

En cours de procédure d'appel et à une date que les parties ne jugent pas utile de préciser, le redressement judiciaire de la société Patrick Einhorn a été ouvert.

Maître Ségard et Maître Bécheret, régulièrement assignés en intervention forcée ès qualité d'administrateur judiciaire et de représentant des créanciers, ont constitué avoué, s'associant aux conclusions développées par leur administrée.

La société Patrick Einhorn conclut à l'infirmation du jugement entrepris et au débouté de Monsieur Buron de toutes ses prétentions.

Elle conteste le statut d'agent commercial revendiqué, au motif qu'aucun écrit n'a été signé entre les parties et que Monsieur Buron est dans l'impossibilité de justifier de son immatriculation, laquelle est possible sans nécessité de justifier d'un contrat écrit.

Elle soutient que les conditions contractuelles revendiquées par Monsieur Buron ne sont pas celles convenues tacitement en septembre 1991, tant en ce qui concerne le montant des commissions que le secteur d'activité, et que sa lettre du 11 septembre n'y a apporté aucune modification substantielle et ne faisait état que des objectifs définis en commun lors d'un entretien préalable, eu égard à l'insuffisance de résultats de Monsieur Buron.

Elle lui fait grief de fonder ses prétentions sur un listing informatique erroné et de ne produire aucun des bons de commandes des Galeries Lafayette qui justifierait de ce que les grands magasins étaient bien dans son secteur.

Elle estime la rupture imputable à Monsieur Buron lequel n'a plus travaillé après le 11 septembre, commettant ainsi une faute le privant en tout état de cause de dommages et intérêts, et fait reproche aux premiers juges d'avoir chiffré de façon totalement disproportionnée leur montant.

Elle demande à la Cour de lui donner acte de ce qu'elle tient à la disposition de l'intimée la somme de 7824,45 F qu'elle versera contre remise de facture.

Elle sollicite l'indemnisation de ses frais irrépétibles à hauteur de la somme de 10 000 F.

Monsieur Buron, intimé, conclut à la confirmation du jugement entrepris et au prononcé d'une astreinte de 1500 F par jour à compter de l'arrêt à intervenir pour la remise par l'appelante des commandes enregistrées postérieurement à la cessation du mandat. Il sollicite l'indemnisation de ses frais irrépétibles à hauteur d'une somme de 20 000 F.

En réponse aux moyens soulevés par l'appelant, il fait valoir que l'absence d'immatriculation en qualité d'agent commercial ne saurait le priver du bénéfice du statut, exigence non requise par la loi de 1991 à l'époque du contrat, que dans ses courriers l'appelante fait référence à sa qualité d'agent commercial, qu'il apporte la preuve des conditions contractuelles tacitement convenues en septembre 1991 et de la modification substantielle et unilatérale apportée le 11 septembre 1992 par la société Einhorn ne pouvant le conduire au constat de la rupture du seul fait de la société.

Il soutient avoir droit en l'absence de toute faute au paiement de dommages et intérêts pour compenser le préjudice financier résultant de la perte des commissions escomptées pour l'année 92-93 ainsi qu'aux commissions sur les commandes passées postérieurement par ses clients en application des dispositions de l'article 7 de la loi du 25 juin 1991.

Sur ce, LA COUR,

Considérant que le statut d'agent commercial appliqué par les premiers juges est contesté en appel par la société Patrick Einhorn ;

Considérant que l'absence de contrat écrit, que Monsieur Buron impute à la société Einhorn, est sans incidence sur la reconnaissance du statut d'agent commercial, du fait que la loi du 25 juin 1991 n'impose plus la constatation écrite du contrat ;

Considérant que l'absence d'immatriculation sur le registre spécial tenu au greffe du tribunal de commerce n'est pas un obstacle à la reconnaissance du statut, la loi de 1991 étant muette sur ce point et les relations des parties étant antérieures à l'arrêté du 8 janvier 1993;

Considérant que la société Patrick Einhorn qui fait état du contrat d'agent commercial de Monsieur Buron dans des correspondances, est mal venue d'en discuter la validité et l'existence même en appel ;

Considérant que ressort des pièces produites par l'intimé la preuve des conditions contractuelles appliquées entre les parties de septembre 1991 à septembre 1992, que l'argument de la société Einhorn selon lequel le listing produit sur lequel apparaît le taux de commission et le secteur d'activité dont celui des Galeries Lafayette serait erroné, doit être écarté, en l'absence de toute pièce établissant l'existence de conventions autres ainsi que l'erreur du document présenté ;

Considérant que la simple lecture du courrier du 11 septembre suffit à démontrer les modifications que la société Einhorn entendait imposer à son agent et leur caractère substantiel résultant de la réduction importante du taux de commission ramené de 11 % à 7,5 % et du secteur d'activité amputé des grands magasins, la preuve de l'accord de Monsieur Buron à ces nouvelles conditions désavantageuses par rapport aux précédentes, n'étant pas rapportée;

Considérant que l'initiative de Monsieur Buron de prendre acte de ce fait de la rupture du contrat ne la lui rend pas imputable, que bien au contraire cette modification constitue une violation de ses obligations contractuelles par la société appelante la lui rendant imputable ;

Considérant qu'en produisant des bons de commandes passées postérieurement au 11 septembre 1992, Monsieur Buron justifie de l'activité exercée et apporte ainsi le démenti aux allégations de la société Einhorn tendant à établir le comportement fautif de son agent justifiant les termes de son courrier du 30 octobre 1992, et sa privation des dommages et intérêts que la loi prévoit en cas de rupture en l'absence de faute grave de l'agent, que le principe du droit aux dommages et intérêts est donc acquis, que leur quantum a été justement apprécié par les premiers juges au regard des dispositions légales et des documents produits par le demandeur, et dont le caractère disproportionné n'est pas démontré par l'appelante qui ne verse aucun document comptable ou autre permettant à la Cour de minorer ce montant ;

Considérant que le tribunal a justement chiffré au vu des pièces versées par Monsieur Buron à la somme de 16 679 F HT les commissions restant dues sur la base du taux contractuel ;

Considérant que la société Einhorn ne produit aucun document comptable susceptible de faire échec à cette demande, ses calculs ne reposant que sur un taux de commission dont le caractère non contractuel a été suffisamment démontré ;

Considérant que Monsieur Buron a droit au paiement de commissions sur les commandes passées avant son départ et réglées postérieurement, de même qu'à des commissions sur les opérations postérieures si elles sont dues à son activité au cours du contrat d'agence et ont été conclues dans un délai raisonnable à compter de la cessation des relations, que les premiers juges ont dès lors justement fait injonction à la société Einhorn de produire toutes les commandes enregistrées postérieurement à son départ pour l'année 1993, sans qu'il soit nécessaire en l'état de prononcer une astreinte ;

Considérant qu'il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à l'émender pour tenir compte des conséquences de l'ouverture de la procédure collective en fixant la créance de Monsieur Buron, régulièrement déclarée, au passif de la société Patrick Einhorn au montant arrêté par le Tribunal ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimé la totalité des frais irrépétibles exposés en appel ;

Par ces motifs : Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement entrepris sauf à dire qu'il y a lieu à fixation de la créance de Monsieur Buron au passif de la société Patrick Einhorn, L'émendant, Fixe la créance de Monsieur Buron au passif de la SA Patrick Einhorn aux sommes de : - 16 579,20 F au titre des commissions dues au titre des commandes Galeries Lafayette, - 100 000 F à titre de dommages-intérêts, - 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC, Condamne la SA Patrick Einhorn et Maître Ségard à payer à Monsieur Buron la somme de 15 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC, Condamne la SA Patrick Einhorn et Maître Ségard aux dépens et autorise la SCP Merle Carena Doron, avoués, à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.