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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 6 novembre 1996, n° 95-461

GRENOBLE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

SL Gimpex, Ponte Chocron

Défendeur :

Lou Diffusion (SA), Vives Vidal (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beraudo

Conseillers :

M. Baumet, Mme Conte

Avoués :

SCP Perret, Pougnand, Me Ramillon

Avocats :

Mes Paris, Gourdon.

T. com. Grenoble, du 28 nov. 1994

28 novembre 1994

LA COUR,

Attendu que, pour les faits de la cause, la cour se reporte au jugement déféré ;

Que les résumant, elle indique que la société Lou Diffusion, établie dans l'Isère, a rompu, le 25 juin 1992, avec un préavis de trois mois, le contrat de distribution exclusive pour l'Espagne, les Baléares et les Canaries, la liant à la société Gimpex et à Monsieur Ponte Chocron, établis à Madrid ;

Attendu que, devant la cour, sur ordonnance du Président chargé de la mise en état, en date du 14 décembre 1995, la société Gimpex et Monsieur Ponte Chocron ont produit, conformément à l'article 954, alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile, les conclusions récapitulatives suivantes :

" Attendu que les appelants, confirmant en tant que de besoin les motivations portées dans leurs écritures d'appel, ont l'honneur de préciser en les résumant les conclusions déposées motivant leur appel :

Ultra Petita :

Attendu que les intimés n'ont jamais demandé la condamnation solidaire de Monsieur Ponte avec la société Gimpex, alors que le tribunal de commerce a, à tort, condamné solidairement Monsieur Ponté avec la société Gimpex ;

Sur la personnalité de Lou Diffusion :

Attendu que Lou Diffusion, alors qu'elle était une société française de corsèterie, a été le fournisseur exclusif des appelants pendant plus de trente ans et que ce sont les appelants qui ont créé le marché espagnol des produits fabriqués par Lou ;

Attendu que Lou Diffusion a été rachetée par la société Vanity Fair dans des conditions que les appelants ignoraient, ce qui motive leur demande pour que soient révélées les conditions mystérieuses de ce rachat ;

Les motifs de la résiliation du contrat :

Attendu que la résiliation du contrat n'a pas été due parce que les objectifs de vente n'étaient pas atteints, mais parce que Lou Diffusion a été rachetée par Vanity Fair, et que Vanity Fair a désiré restructurer le marché européen dans des conditions qui nous ignorons ;

Attendu qu'il n'y a eu aucun incident commercial de nature à provoquer la résiliation que des incidents courants en la matière entre deux personnes juridiques de pays différents coopérant depuis plus de trente ans ne pouvaient, en aucune façon, justifier parce que sans importance et aussitôt vidés ;

Sur la concurrence déloyale :

Attendu que Vives Vidal qui a été la société tampon ayant acheté la société Lou Diffusion avant de la revendre à Vanity Fair, suivant un montage qui devra être expliqué à la cour, a communiqué aux clients espagnols des appelants que Vives Vidal, société espagnole, distribuait les produits Lou en Espagne depuis mai 1992, alors que la résiliation du contrat de Lou Diffusion avec les appelants n'est intervenue que le 25 juin 1992 ;

Que cela a été fait dans une revue de Vives Vidal et dans la presse économique ;

Sur la rupture abusive :

Attendu que les dernières commandes de réassortiment des stocks n'ont pas été délivrées aux appelants par Lou Diffusion ;

Que les dernières expéditions de Lou étaient défectueuses, dépareillées et sans valeur commerciale ;

Que Lou Diffusion a fait évaluer ce stock par une de ses relations commerciales, la société TWS, au dixième de la valeur à laquelle il avait été facturé ;

Qu'il convient de préciser ici que bien que le chiffre d'affaires ait progressé de façon constante et suivant les objectifs convenus en 1991, mais depuis qui Lou Diffusion et Vives Vidal préparaient le montage juridique pour la vente à Vanity Fair, les relations ont commencé à se détériorer et les livraisons devenaient défectueuses et incomplètes ;

Attendu que, compte-tenu du chiffre d'affaires et des conditions contractuelles, les appelants ont demandé des dommages et intérêts :

- pour la rupture abusive du contrat du 4 juin 1985, la somme de 2 410 000 F, représentant une indemnité égale au chiffre d'affaires de l'année 1991 ;

- une indemnité pour brusque rupture de 2 410 000 F ;

- une indemnité pour non respect de préavis de 2 420 000 F ;

- une indemnité pour la concurrence déloyale de 4 820 000 F ;

- les appelants demandant également que le stock actuel en possession de Gimpex soit repris ;

Que dans leurs conclusions d'appel aussi bien que dans celles devant le tribunal, les appelants n'ont cessé de prouver que les dernières livraisons ont été défectueuses, laissant un stock complètement dépareillé ;

Qu'il est vrai que la facturation en tant que telle n'est pas contestée, mais que les livraisons exécutées dans l'intention de nuire devaient faire l'objet de dommages et intérêts importants ;

Qu'il faudrait rappeler enfin que la demande incidente ne saurait être retenue puisque la demande d'exécution provisoire avait été sollicitée devant le tribunal qui l'a refusée, et ceci résultant de l'article 526 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qui rappelé dans l'arrêt de la Cour de cassation Civile 2e du 14 janvier 1976, Bulletin civil II, page 7, Gazette du Palais 1976, 1329 " ;

Que l'omission involontaire des conclusions récapitulatives que la demande reconventionnelle de Lou Diffusion soit réduite à 248 437,02 F, présente dans les conclusions initiales, doit être rétablie dans les conclusions récapitulatives ;

Attendu que les Sociétés Lou Diffusion et Vives Vidal concluent à la confirmation et demandent 100 000 F, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Qu'elles font valoir ceci :

" La convention soumise à l'appréciation de la cour et qui constitue la loi des parties est incontestablement un contrat à durée indéterminée puisque renouvelé sans limitation de durée à l'expiration de sa première période.

Elle précise sans ambiguïté (article 3) que les parties peuvent y mettre un terme moyennant un préavis de trois mois.

Il est de principe et de jurisprudence dans ces conditions et en l'absence de toute stipulation contractuelle que la rupture du contrat d'exclusivité ou de concession exclusive à durée indéterminée peut intervenir à tout moment à condition de respecter un préavis de rupture (voir en ce sens Cass. com. 26/01/76 Bull civ. IV n° 34).

En effet, comme ci-dessus rappelé, au visa de la loi du 14 octobre 1943, les conventions perpétuelles sont strictement prohibées.

A priori, ce droit à mettre fin unilatéralement à la convention n'a pas à être motivé par celui qui l'exerce.

Mais, en l'espèce, il l'a été puisque à deux reprises la société Lou a mis en garde son cocontractant sur la faiblisse des résultats obtenus sur le territoire et sur sa volonté de mettre un terme au contrat de distribution exclusive.

La mise en œuvre de la faculté de résiliation ne doit simplement pas déroger en principe général de loyauté qui préside dans les rapports des cocontractants.

Elle est donc soumise au respect d'un délai de préavis.

En l'espèce, le préavis de rupture a été reconventionnellement et par avance déterminé par les parties et fixé à un délai d'ailleurs normal de trois mois.

La société Lou Diffusion a parfaitement respecté ce préavis.

Mais sans doute les appelants ont-ils lu le commentaire écrit par Monsieur Virassany dans la semaine juridique intitulée " la moralisation des contrats de distribution par la loi Doubin le 31 décembre 1989 ", pour considérer que les conventions de distribution exclusive étaient des contrats d'intérêt commun.

Selon cet auteur, à l'instar du mandat d'intérêt commun, le contrat de concession ne pouvait être rompu que si la partie qui souhaite se défaire des liens contractuels invoque un motif légitime tel que la faute de son cocontractant et la résiliation ne serait donc plus un droit.

Mais la jurisprudence s'est refusée à transposer les règles du mandat d'intérêt commun sur le régime de la concession.

Il appartient donc à la société Gimpex et à Monsieur Ponte de rapporter la preuve de l'abus de droit dans la résiliation du contrat qui aurait été commis par Lou Diffusion faute de quoi la demande dommages intérêts présentée ne peut naturellement prospérer.

Or, force est de constater que la société Lou Diffusion a prévenu Monsieur Ponte à deux reprises de son intention de résilier le contrat et lorsqu'elle l'a fait, elle a bien respecté le délai contractuel.

Une convention qui a donc été résiliée par l'un des cocontractants en respectant les dispositions contractuelles prévues à ce titre ne peut permettre à celui qui invoque la rupture réalisée dans des conditions légales de prétendre à des dommages intérêts.

La société Gimpex prétend que Lou Diffusion aurait dû l'avertir de son intention de résilier le contrat et qu'elle aurait manqué de loyauté.

Les appelantes ajoutent que le préavis de trois mois était insuffisant pour réorganiser une activité exclusivement réservée à la distribution des produits Lou.

Rappelons que le contrat fait la loi des parties et qu'il appartenait à la société Gimpex et à Monsieur Ponte de refuser la clause selon laquelle chaque partie pouvait mettre fin au contrat pour l'importe quelle raison avec un préavis de trois mois.

On ne voit pas ce qui caractériserait un abus de droit de la société Lou diffusion à respecter des dispositions contractuelles.

Les appelants persistent à faire un amalgame entre les relations de plus de trente ans entretenues entre Monsieur Ponte et la société Lou et les relations nées du contrat du mois de juin 1985 conclu entre Monsieur Ponte et la société Lou Diffusion.

Il est clair que le contrat de juin 1985 a modifié fondamentalement les rapports existant entre les parties puisqu'il a conféré à Monsieur Ponte une qualité de distributeur exclusif qu'il n'avait jamais eu auparavant et lui a accordé le monopole de la vente des produits Lou sur le territoire concédé.

Monsieur Ponte et la société Gimpex ne peuvent sérieusement soutenir que le chiffre d'affaires de cette société dépendait à 98 % de son activité avec Lou Diffusion si l'on se réfère au fait que la société Lou Diffusion avait autorisé dès le mois de septembre 1985 Monsieur Monte à distribuer les produits de la marque Gemma et qu'en 1991 une autorisation similaire à été donnée pour la marque française Ravage, la marque américaine Lore, les marques anglaises Woorlrich et Slix et en avril 1992, la marque française Marquer.

Au surplus, dans une procédure l'opposant à la société française Gemma, avec laquelle Monsieur Ponte avait signé un contrat de distribution le 3 février 1986 qui est la copie conforme du contrat conclu entre Lou Diffusion et Monsieur Ponte, ce dernier a sollicité des dommages intérêts à la suite de la résiliation de la convention ; il a été débouté de ses demandes par jugement du tribunal de commerce et ce jugement a été accepté par la société Gimpex qui n'en a jamais interjeté appel.

En outre, l'action en concurrence déloyale est par nature une action en responsabilité de toute quasi délictuelle et par voie de conséquence exclusive de toute action en responsabilité contractuelle.

Elle suppose comme toute responsabilité l'existence d'une faute d'un lien de causalité et d'un préjudice.

La société Vivesa et à plus forte raison la société Lou Diffusion ne peut être tenue comme responsable d'articles parus dans la presse financière se faisant l'écho du rachat du Groupe Jean Bellanger Entreprise et de ses filiales par Vivesa ses articles étant les seules pièces versées aux débats pour démontrer que la presse aurait eu connaissance de la rupture des relations contractuelles avant même Monsieur Ponte.

Il n'est d'ailleurs ni démontré ni même allégué qu'il ait été fait référence par Vivesa ou Lou Diffusion dans de quelconques écrits à la dénomination Lou Espagne qui était laissée à la libre disposition pendant toute l'exécution du préavis.

Enfin, les appelants n'ont pas à s'immiscer dans les négociations qui ont permis de conclure la cession du Groupe Jean Bellanger à la société Vivesa.

Contrairement aux affirmations faites de mauvaise foi par la société Gimpex et Monsieur Ponte, la société Lou Diffusion n'a nullement l'obligation de reprendre le stock de son distributeur à l'expiration du contrat.

Les articles 7 et 8 de la convention concerne le retour des marchandises ne convenant pas au marché espagnol qui peut être effectué avec le consentement du fournisseur et les retours d'articles défectueux.

Monsieur Ponte et la société Gimpex n'ont jamais allégué de l'existence de marchandises ne convenant pas au marché espagnol.

Ils se contentent d'affirmer sans en rapporter la preuve qu'ils auraient été tenus à l'écart des nouvelles collections et qu'elle aurait envoyé des commandes dépareillées.

Mais les appelants n'ont jamais sollicité d'examen contradictoire d'articles prétendument défectueux, ce qu'ils n'auraient pas manqué de faire si effectivement ils avaient reçu des commandes dépareillées et donc à ce titre invendables ".

Sur ce :

Attendu sur le droit applicable, qu'il est implicitement constant entre les parties que le droit français régit leurs relations pour avoir été choisi par elles dans le contrat de distribution signé le 4 juin 1985 (article I, 2) ;

Attendu, sur les demandes des appelants relatives à la brusque rupture et au non respect du délai de préavis, que la disposition du contrat relative à la durée stipule ceci :

" Durée :

Le présent contrat s'appliquera pendant une période préliminaire de douze mois à partir du 1er mars 1985.

Pendant cette période préliminaire, chaque partie pourra mettre fin au contrat pour n'importe quelle raison et sans préavis.

A la fin de cette période, les deux parties décideront ensemble du maintien de leur accord à la satisfaction commune des deux parties.

Ensuite, le contrat se prolongera indéfiniment jusqu'à ce qu'il y soit mis fin par l'une ou l'autre des parties avec un préavis de trois mois.

Le fournisseur peut mettre fin à ce contrat au cas où le chiffre d'affaires du distributeur descendant trop en dessous des prévisions du fournisseur : ces prévisions seront établies à la fin de la période préliminaire. "

Que les appelants interprètent cette clause avec le sens que la résiliation ne peut être fondée que si le chiffre d'affaires du distributeur descend en-dessous des prévisions préalablement établies du fournisseur ;

Que la lettre de rupture du 25 juin 1995 fait allusion à des conversations avec Monsieur Ponte dont elle ne reproduit pas le contenu ;

Que les conclusions de la société Lou Diffusion citent comme cause de la résiliation l'insuffisance de résultats ;

Mais qu'une lettre en ce sens du 18 janvier 1988, motivée dans le détail, n'a pas été suivie d'effet ; Que, par lettre du 29 février 1988, la société Lou renouvelait sa confiance à la société Gimpex ;

Que, par des lettres de janvier et de mars 1989, la société Lou menaçait la société Gimpex de créer, pour la distribution de ses produits en Espagne, sa propre société Lou Espagne puis lui renouvelait sa confiance ;

Qu'aucune correspondance ne révèle ces " va et vient " pour 1990 et 1991 ;

Que la cote de plaidoirie n° 13 de la société Lou Diffusion mentionne un autre motif, plus vraisemblable que celui indiqué dans les conclusions ;

" Le 30 avril 1992, le Groupe espagnol Vives Vidal procédait à l'acquisition du Groupe de lingerie féminine Jean Bellanger Entreprise dont Lou Diffusion est filiale à 100 %.

Le Groupe Vives Vidal fabrique et distribue de façon internationale, notamment en France, en Italie, en Espagne, en Allemagne et aux Etats-Unis, des lignes de sous-vêtements féminins connues et notamment les marques Warner, Bilitis, Majestic, Gemma, Vivesa.

Ce rapprochement d'entreprises a fait de la société Vives Vidal, devenue Vivesa, le troisième groupe européen dans son secteur et le sixième Groupe Mondial.

Il a été réalisé de toute évidence dans le but de mettre en œuvre une synergie industrielle et commerciale, permettant une rationalisation des coûts de production et de distribution pour l'ensemble des produits de la gamme dont naturellement les produits de la marque Lou. "

Que la cause réelle de la rupture est donc que les produits Lou Diffusion seraient, par suite de l'absorption de cette société par le groupe espagnol Vives Vidal, distribués par le réseau de vente de ce groupe ;

Qu'en l'absence de précision terminologique non équivoque l'article III du contrat de distribution à durée indéterminée ne peut pas être compris comme restreignant le pouvoir de résiliation du fournisseur au seul cas où le distributeur n'aurait pas atteint les objectifs fixés ; Que cette référence ne peut être qu'une illustration ;

Qu'une autre lecture déséquilibrerait les relations contractuelles soit en interdisant toute rupture au distributeur, non concerné par l'illustration, soit en autorisant à son initiative une rupture pour quelle que cause que ce soit alors que le fournisseur serait limité à une seule cause ;

Qu'il s'ensuit qu'en respectant le préavis de trois mois, la société Lou Diffusion n'a pas commis d'acte de brusque rupture ;

Attendu, sur le demande fondée sur la rupture abusive, que la société Lou fait valoir que Monsieur Ponte et la société Gimpex achetaient pour revendre et distribuaient d'autres produits similaires ; Qu'elle en déduit qu'il n'y avait pas mandat d'intérêt commun, qu'elle pouvait rompre discrétionnairement le contrat et qu'en outre, elle a un motif légitime ;

Que la société Gimpex, dans des conclusions supplétives du 20 août 1986, fait notamment valoir ceci :

" La Cour de cassation a également affirmé que " compte-tenu de la longue durée des rapports ayant existé entre les parties et de la brièveté du délai de préavis (en l'occurrence le préavis était de deux mois), la rupture était intervenue avec une brutalité lui conférant un caractère abusif " (Cass. Com. 9 mars 1976, D. 1976, jur. p. 388).

En l'espèce, la durée des relations contractuelles entre Gimpex et Lou Diffusion justifiait un préavis de six mois correspondant au minimum indispensable pour restructurer son activité.

En conséquence, la demande d'une indemnité pour brusque rupture est parfaitement justifiée ".

Que la Cour constate que le contrat du 4 juin 1985 met à la charge de Monsieur Ponte et de la société Gimpex une obligation de distribution exclusive, sauf autorisation de Lou, des produits achetés à Lou Diffusion (article IV) ; Que la raison impose d'en déduire de la part de Lou une obligation de vente exclusive à Monsieur Ponte et à la société Gimpex ;

Qu'un tel contrat de distribution est d'intérêt commun pour les deux parties ;

Qu'en outre la rupture " pour n'importe quelle raison " est réservée par la disposition du contrat, relative à la durée, reproduite plus haut, à la seule période préliminaire ;

Et qu'en tout cas la rupture, même avec respect du délai de préavis, peut être fautive si l'auteur de la rupture commet un abus de droit ;

Que la société Lou Diffusion a fait état d'un motif lié à la restructuration de son réseau de vente par suite de son absorption par le Groupe Espagnol Vives Vidal ;

Mais que Lou Diffusion ne verse aux débats aucune pièce établissant qu'une réorganisation de la distribution de ses produits en Espagne lui a été imposée par nouvelle société mère " Vives Vidal " ;

Qu'en sens inverse, Monsieur Ponte et la société Gimpex établissent à la charge de Lou Diffusion des retards de livraison et des livraisons dépareillées à partir de décembre 1990 et durant l'année 1991(lettre de Gimpex du 29 novembre 1991) ;

Qu'en réponse à une lettre du 3 décembre 1991 de la société Gimpex faisant état de la réception de commandes dépareillées empêchant de livrer une centaine de clients, la société Lou a indiqué que l'encours dépassait les 500 000 F autorisés tout en rappelant que par " sens du partenariat " elle avait accepté très momentanément un encours de 1 347 071,68 F " (Fax de Lou Diffusion du 16 décembre 1991 signé de Madame Brigitte Vermont) ;

Qu'en l'absence de pièces contraires de la société Lou Diffusion, la société Gimpex a établi que, par différentes manœuvres étalées de décembre 1990 jusqu'à la lettre de rupture de juin 1992, la société Lou l'a empêché d'exercer convenablement son activité de revendeur exclusif et a tenté de nuire financièrement à son entreprise en réduisant l'encours habituel tout en l'empêchant de recouvrer le prix de vente des marchandises auprès des clients dans des délais normaux faute, à cause de Lou, de leur avoir livré des marchandises assorties vendables aux consommateurs ;

Que ce comportement fautif, éclairé par la rupture ultérieure, révèle comme des actes délibérés de nuisance ;

Qu'il constitue la rupture abusive alléguée par la société Gimpex ;

Attendu, sur les actes de concurrence déloyale,que la société Lou reconnaît avoir refusé de livrer à la société Gimpex pendant la période de préavis ;

Qu'elle fonde son refus sur le dépassement de l'encours autorisé de 500 000 F ;

Mais qu'ainsi qu'il vient d'être constaté par la cour de l'aveu même de la société Lou, cet encours a été porté à 1 347 071,68 F par la société Lou elle-même ; Que les parties sont liées par les habitudes qu'elles ont créées ;

Que, pendant la période de préavis, l'encours s'était de 836 000 F environ, donc inférieur à ce que la société Lou avait accepté ;

Qu'elle devait livrer les commandes ;

Que la société Gimpex produit deux attestations de ses agents établissant que des vendeurs de Warners (Vives Vidal) sont passé chez ses clients pour leur annoncer qu'ils vendraient prochainement des produits de la marque Lou ;

Que des faits identiques sont attestés par Monsieur Roberto Fuste Pelegri, Agent en Espagne de Lou diffusion, dans une lettre écrite de Vigo à Monsieur Ponte, le 1er juillet 1992 ;

Qu'il est donc établi que la société Lou Diffusion, non seulement n'a pas livré Gimpex pendant la période de préavis, mais que, simultanément, elle faisait accomplir des actes de préparation à la mise en place d'un nouveau circuit de distribution ;

Attendu, sur la réparation du préjudice subi par Monsieur Ponte et la société Gimpex, du fait de la rupture abusive du contrat de distribution exclusive et des actes de concurrence déloyale pendant la période de préavis, que la Cour prend en considération l'ancienneté des relations entre Lou Diffusion et Monsieur Ponte (une trentaine d'années), l'absence de loyauté commerciale de la société Lou Diffusion et le chiffre d'affaires établi par la société Gimpex tout en tenant compte qu'elle ne distribuait pas exclusivement des produits Lou ;

Qu'elle fixe ce préjudice à trois millions de francs ;

Attendu, sur les débiteurs de cette somme, qu'il résulte des conclusions communes de la société Lou Diffusion et de la société Vives Vidal ainsi que des pièces du dossier que des actes de concurrence déloyale ont été accomplis par des employés de la société Vives Vidal et que la cause de la rupture prend racine dans l'absorption de la société Lou par la société Vives Vidal ; Que ces deux sociétés ont donc contribué au préjudice subi par la société Gimpex ; Qu'elles doivent être condamnées solidairement à le réparer ;

Attendu, sur la demande reconventionnelle de la société Lou Diffusion, que la société Gimpex a justifié qu'elle avait reçu des marchandises dépareillées invendables dans les circuits normaux de distribution ; Qu'elle ne saurait donc payer le prix des marchandises en stock comme si elle avait reçu des produits de bonne qualité ; Qu'elle affirme les avoir revendus à un soldeur pour 248 437,02 F mais qu'elle ne prouve pas son affirmation ; Que la cour évalue à 400 000 F la valeur des marchandises reçues mais non payées ;

Attendu, sur les frais irrépétibles du procès que, lors de l'audience, la société Gimpex a indiqué qu'elle demandait 100 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Que cette demande ne figure pas dans les conclusions ; mais que le Juge tient le pouvoir de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, tel qu'il résulte du décret du 19 décembre 1991, d'allouer d'office la somme qu'il déterminer au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Que, considérant que la demande de la société Lou Diffusion au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile était de 100 000 F, la cour en déduit qu'elle correspond aux coûts du procès et alloue la même somme à la société Gimpex et à Monsieur Ponte ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Infirme le jugement déféré, Juge que la société Lou Diffusion n'a pas commis d'acte de brusque rupture et a respecté le préavis de trois mois prévu au contrat de distribution de juin 1985 ; Juge que la société Lou Diffusion et la société Vives Vidal ont commis des actes de rupture abusive et de concurrence déloyale pendant la période de préavis ; Les condamne solidairement à payer à la société Gimpex et à Monsieur Ponte, créanciers solidaires, la somme de trois millions de francs (3 000 000 F) ; Condamne la société Gimpex et Monsieur Ponte à payer à la société Lou Diffusion la somme de 400 000 F (Quatre cent mille francs) pour prix des marchandises reçues ; Compense les deux sommes ; Juge que la société Gimpex et Monsieur Ponte sont créanciers solidaires de la somme de 2 600 00 F (Deux millions six cent mille francs) des Sociétés Lou Diffusion et Vives Vidal, débiteurs solidaires ; Condamne la société Lou Diffusion et la société Vives Vidal à payer à la société Gimpex et à Monsieur Ponte 100 000 F (Cent mille francs), au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Les condamne au dépens, dont distraction au profit de la SCP d'Avoués Perret et Pougnand.