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Décisions

CA Paris, 5e ch. C, 15 novembre 1996, n° 95-0110096

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Société provençale d'automobiles et de service

Défendeur :

VAG France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rognon

Conseillers :

Mme Cabat, M. Betch

Avoués :

SCP Roblin Chais de Lavarene, SCP Barrier-Monin

Avocats :

Me Bourgeon, SCP Vogel.

TGI Paris, 5e ch., 2e sect., du 9 mars 1…

9 mars 1995

I- FAITS ET PROCÉDURE

1°) FAITS

Selon convention sous signatures privées du 1er février 1990, la société VAG France importateur exclusif des véhicules et pièces détachées des marques Volkswagen et Audi, en concédait la revente à la Société Provençale d'Automobile et de Services (Sopras), avec clause d'exclusivité, pour un secteur géographique correspondant aux arrondissements 8 et 9 de la ville de Marseille.

Ce contrat était unilatéralement résilié par le concédant le 26 octobre 1990 avec observance du délai contractuel de préavis d'une année.

Dès le 26 octobre 1990, VAG France faisait connaître à la société Sopras qu'elle était disposée à l'agréer, " parmi toutes propositions équivalentes " pour reprendre la concession de Salon de Provence, jusque là exploitée par la SNC Etablissements Palma, en redressement judiciaire.

Concédant et concessionnaire se rapprochaient ensuite pour confier à la Sopras la représentation des marques sur le secteur nord de Marseille (4e, 12e et 13e arrondissements et Allauch) précédemment confiée au Garage de la Rose.

Le 18 octobre 1991, la société Sopras faisait connaître au concédant qu'elle était candidate à la représentation des marques mais uniquement dans le secteur sud de la cité phocéenne.

VAG France acceptait alors de proroger le délai de préavis jusqu'au 31 décembre 1991 (lettre du 23 octobre 1991) .

Par missive confirmative du 29 novembre 1991, la SA Sopras faisait " acte de candidature officielle pour la représentation des marques pour les quartiers sud de Marseille... ", dans des locaux qu'elle se proposait d'acquérir selon un compromis de vente déjà signé.

VAG France, accusant réception le 19 décembre 1991, lui proposait " un nouveau contrat faisant suite à celui en cours... à partir du 1er septembre 1992... pour les 6e , 7e, 8e,9e arrondissements ", les quartiers Castellane et Lodi, du 6e , étant confiés à la société Vasba jusqu'au 22 novembre 1992, acceptait de reporter au 31 août 1992 la date de prise d'effet de la " résiliation ordinaire " du contrat du 1er février 1990, relevait la caducité des autres propositions concernant les concessions de Salon de Provence et Marseille nord et rappelait que la nomination de la société Sopras restait " subordonnée à l'acceptation de (son) dossier de candidature dont les pièces constitutives ... représentent autant de conditions suspensives et/ou résolutoires à notre proposition si elles ne sont pas satisfaites... ".

Il était plus particulièrement demandé que les loyers payés par la SA Sopras à la SCI propriétaire des locaux d'exploitation n'excèdent pas 1.3 % du chiffre d'affaires.

Les échanges épistolaires ultérieurs (6 et 27 janvier, 27 mars, 26 avril, 15 juin) ne permettaient pas de résoudre le désaccord né d'un loyer annuel de 1.600.000 F jugé excessif et périlleux pour l'équilibre financier de la concession.

Le 10 juillet 1992, VAG France en acceptait cependant le risque sous les conditions que Sopras fournisse une caution bancaire de 40 % du montant du " crédit livraison " soit 3,3 MF et qu'elle accepte de céder la concession au cours du 1er septembre 1996, si l'exploitation générait des pertes supérieures à 0.5 % du chiffre d'affaires en 1994 et 1995 ou si les performances commerciales ne s'étaient pas traduites pour 1995 par une " pénétration égale au moins à la moyenne de la région ".

Sous peine de caducité, cette offre devait être acceptée avant le 31 juillet 1992.

Le 10 août 1992, VAG France constatait le rejet de son offre notifié le 29 juillet 1992 par la Sopras, et signifiait à celle-ci et sa caducité et la cessation au 31 août 1992, de toute relation, à la fin de la prorogation du préavis de résiliation du précédent contrat de concession.

2°) PROCÉDURE

Par acte d'huissier de justice du 8 juin 1993, la société Sopras a fait assigner la société VAG France devant le Tribunal de grande instance de Paris pour la faire condamner à lui payer une provision de 5.000.000 F au titre de dommages et intérêts en réparant le préjudice qu'elle dit avoir subi d'une rupture abusive de la promesse d'un contrat de concession résultant du courrier du 19 décembre 1991 et des pourparlers qui en ont été la suite, préjudice pour l'évaluation complète duquel elle sollicitait la désignation d'un expert qui aurait pour mission de déterminer d'une part les gains qu'elle aurait pu tirer de l'exécution du nouveau contrat, de seconde part les pertes qu'elle a subies du fait de la cessation de son activité.

Par jugement du 9 mars 1995, le Tribunal de grande instance de Paris a, notamment, considéré " qu'à défaut de rencontre des volontés sur l'ensemble des conditions qui assortissaient l'offre de contrat, celui-ci ne s'est pas formé et en mettant fin à leurs relations, comme prévu à la date du 31 août 1992, la société VAG France n'a commis aucune faute... " ; estimé que la rupture des pourparlers n'était pas davantage abusive, et, en conséquence, a débouté la société Sopras de ses demandes et l'a condamnée à payer à VAG France la somme de 10.000 F en application de l'article 700 du NCPC.

Par déclaration déposée le 12 avril 1995, la société Sopras a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

La société Sopras en poursuit l'infirmation et la condamnation de VAG France à lui payer les sommes de :

- 4.500.000 F pour réparer la diminution de la valeur de l'entreprise,

- 1.725.000 F, montant de ses loyers en exécutions d'un bail précaire,

- 356.736 F pour dépréciation des stocks,

- 60.000 F pour frais irrépétibles de procédure.

Elle soutient :

1°) l'inopposabilité, pour indétermination, de la condition relative à la limitation du loyer à 1.3 % du chiffre d'affaires ;

2°) la " novation aux conventions régissant jusqu'alors les parties " opérée par la lettre du 11 février 1991 proposant la signature d'un avenant ;

3°) la mauvaise foi manifestée par VAG France en invoquant la clause résolutoire au mépris des pourparlers poursuivis et d'investissements réalisés sur le fondement d'un droit de préférence et après une stricte information de concédant qui n'a jamais exprimé la moindre réserve.

Sopras reproche encore à VAG France l'inutilité de la condition, le refus de l'aide exceptionnelle qui lui était promise et l'illégitimité de son attitude.

VAG France, devenue Groupe Volkswagen France SA , conclut à la confirmation du jugement sauf à obtenir une nouvelle indemnité de 20.000 F pour ses frais irrépétibles de procédure.

Elle fait valoir :

- la parfaite détermination de la condition de plafonnement du loyer ;

- la résiliation acquise du contrat du 1er février 1990,

- la cohérence de ses exigences et sa bonne foi.

Ceci exposé, LA COUR,

Sur le contrat du 1er février 1990 :

Attendu qu'il a été résilié le 26 octobre 1990 par application de son article 2-2 selon lequel chaque parties peut procéder à la résiliation ordinaire du contrat, sans fournir de motif, moyennant un préavis d'un an ;

Que VAG n'est jamais revenue sur cette résiliation ;

Que la prorogation du délai de préavis, dans le seul intérêts du concessionnaire, ne peut lui être opposée ;

Que les avenants proposés le 11 février 1992 ne stipulent que les conditions particulières d'application du contrat pendant la durée d'exécution du préavis ;

Qu'ils ne peuvent donc valoir novation par substitution d'un nouvel engagement ;

Qu'une telle novation ne se présume pas ; que la volonté de l'opérer ne résulte d'aucun acte de la société VAG France ;

Qu'ainsi les moyens de la société Sopras sont à écarter ;

Sur la formation d'un nouveau contrat de concession :

Attendu qu'un contrat de concession est conclu " intuitu personae " ;

Que la candidature officielle de la société Sopras n'a jamais été agrée ; que VAG a constamment rappelé, dès le 19 décembre 1991, que l'agrément était soumis à la réalisation de conditions suspensives et/ou résolutoires dont celle d'un loyer n'excédant pas 1.3 % du chiffre d'affaires ;

Que les termes d'une telle condition sont déterminables et même déterminés ; que VAG a d'ailleurs fixé à 1.100.000 F le loyer plafond ;

Que le concessionnaire ne peut imposer au concédant l'octroi d'aides exceptionnelles qui ne résultent d'aucune offre ; lui reprocher des investissements décidés dans le cadre d'un gestion dans laquelle VAG n'a pas à s'immiscer ; ni lui faire courir le risque financier résultant de charges locatives exorbitantes au seul profit d'une SCI dans laquelle la société concessionnaire et ses dirigeants portaient des parts ;

Attendu que la rupture des pourparlers incombent à la seule société Sopras qui n'a jamais satisfait à l'une des conditions essentielles de l'agrément et qui excipe fallacieusement d'un droit de préférence qui n'a jamais été stipulé;

Que la bonne foi de VAG France, qui a toujours réaffirmé ses exigences minimales et substantielles, ressort suffisamment de la persévérance qu'elle a manifestée pour concéder à Sopras une représentation sur la ville de Marseille ou à proximité (Salon de Provence, Marseille nord, Marseille sud), négociations qui ont perduré plus d'une année et qui n'ont échoué que du fait de Sopras qui n'a plus accepté l'ultime offre du concédant consistant dans la production d'une caution bancaire suffisante et un engagement de cession ;

Attendu, pour ces motifs et ceux du premier juge que la Cour adopte, que l'intégralité de l'argumentation développée par Sopras est à rejeter ;

Que l'équité commande l'indemnisation des frais exposés par VAG pour se défendre en appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

Par ces motifs : LA COUR, par arrêt contradictoire, déclare l'appel recevable, confirme le jugement déféré, Y ajoutant, condamne la société Sopras à payer à la société " Groupe Volkswagen France " la somme de 20.000 F au titre de l'article 700 du NCPC ; la condamne aux dépens avec droit reconnu à la SCP Barrier-Monin, de se prévaloir de l'article 699 du même Code.