CA Nancy, 2e ch., 12 février 1997, n° 91003081
NANCY
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Total (SA), Compagnie Générale de garantie (SA)
Défendeur :
Bellion (SARL), Bellion (Époux)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lilti
Conseillers :
M. Malherbe, Mme Lapeire
Avoués :
SCP Cyferman Chardon, SCP Bonnet-Leinster-Wisniewski, Me Gretere
Avocats :
Mes Bayle, Sari, Jourdan.
I - FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Du 21 janvier 1981 au 30 novembre 1983, les époux Bellion ont exploité en gérance libre une station service Total située à Seremange.
En novembre 1983, Total a fermé cette station et a proposé aux époux Bellion une autre station à Verdun.
Le 1er février 1983 les époux Bellion ont constitué une SARL pour l'exploitation de leur fonds de commerce assurée :
- à titre de mandataire ducroire pour la distribution des hydrocarbures et autres sources d'énergie fournies par Total,
- à titre de locataire-gérante pour la revente des produits destinés à l'entretien et au fonctionnement des véhicules automobiles.
La SARL Bellion ainsi constituée a conclu avec Total un contrat d'exploitation de station service.
Total a consenti un prêt de 120 000 F à la SARL pour assurer l'approvisionnement de la station.
La SARL Cofincau devenue la Compagnie Générale de Garantie s'est portée caution solidaire de la SARL Bellion pour la somme de 350 000 F par acte du 11 avril 1984 avec effet au 28 juin 1984.
Les époux Bellion se portaient caution solidaires de la SARL Bellion envers la Compagnie Générale de Garantie.
Les époux Bellion ont cessé leur activité par lettre adressée à Total le 1er mars 1985.
Total a réclamé à la SARL Bellion le règlement du solde de fin de gérance. La caution Compagnie Générale de Garantie qui a payé Total s'est retournée contre la SARL Bellion.
Selon jugement en date du 25 novembre 1991, le Tribunal de commerce de Nancy a :
- débouté la Cofincau de sa demande de renvoi de la cause l'opposant à la SARL Bellion et aux époux Bellion devant le Tribunal de commerce de Paris,
- déclaré mal fondée l'exception d'incompétence soulevée par la Cofincau,
- ordonné la jonction des trois procédures introduites par les assignations des 22, 25 avril et 30 mai 1988,
- déclaré nul le contrat d'exploitation de station-service conclu entre Total et la SARL Bellion le 1er décembre 1983,
- déclaré nuls les engagements de caution de la SARL Bellion et des époux Bellion à l'égard de la Cofincau,
- débouté Cofincau de toutes ses demandes,
- condamné Cofincau à payer à la SARL Bellion la somme de 35 000 F au titre du remboursement de la provision versée dans le cadre de l'engagement de caution annulé,
- avant dire droit quant aux conséquences de la nullité du contrat d'exploitation de station-service du 1er décembre 1986,
- nommé M. Raymond Boda, 81, rue St Georges 54000 Nancy, en qualité d'expert avec mission :
-- d'entendre tous sachants, se faire remettre tous comptes et documents utiles,
-- apurer les comptes des parties (Total et la SARL Bellion) en prenant en compte l'exécution de la convention par la SARL Bellion, mais également les réclamations de Total sur lesquelles l'expert devra donner tous éléments d'appréciation,
-- donner au surplus tous éléments techniques ou comptables permettant au tribunal d'établir une remise en l'état antérieure rigoureuse et objective,
- dit que pour arriver à la manifestation de la vérité, l'expert s'entourera de tous renseignements utiles, entendra toutes personnes susceptibles de l'éclairer,
- dit que de ses constatations et avis l'expert dressera un rapport motivé sur timbre pour être déposé au greffe du siège, dans un délai de quatre mois à compter de la remise des pièces, rapport sur le vu duquel il sera à nouveau conclu par les parties et statué par le tribunal.
La société Total a interjeté appel de ce jugement et a demandé à la Cour de céans de :
1) Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nancy le 25 novembre 1991,
Statuant à nouveau,
Dire et juger que le contrat liant la société Total et la SARL Bellion est parfaitement valable, le prix étant parfaitement déterminé.
2) En tout état de cause, dire et juger que la demande en nullité formée par la SARL Bellion et les époux Bellion constitue un détournement de la loi.
En conséquence,
Voir débouter la SARL Bellion et les époux Bellion de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la société Total Raffinage Distribution.
Subsidiairement, pour le cas où le contrat serait déclaré nul.
Dire et juger que la SARL Bellion et les époux Bellion sont mal fondés en leur demande de requalification du contrat, la nullité consistant uniquement à remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient avant la signature dudit contrat.
Dire et juger la SARL Bellion et les époux Bellion, en tout état de cause, irrecevables et mal fondés en leurs demandes tendant à voir la société Total condamnée à les garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre eux au profit de la Compagnie Générale de Garantie.
Condamner solidairement la SARL Bellion et les époux Bellion à payer à la société Total une somme de 20 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La Compagnie Générale de Garantie a demandé pour sa part à la Cour de :
1) Constater la nullité du jugement rendu le 25 novembre 1991.
2) Subsidiairement, infirmer cette décision.
3) En conséquence, dire valable tant le contrat de cautionnement souscrit par la SARL Bellion que les engagements de caution solidaire signés par les époux Bellion.
4) Faire droit à la demande reconventionnelle de la Compagnie Générale de Garantie.
5) Condamner solidairement la SARL Bellion et les époux Bellion au paiement de :
a) la somme de 227 849,18 F montant des causes ci-dessus énoncées au principal,
b) les intérêts conventionnels au taux légal majoré de six points sur la somme précitée à compter du 18 avril 1986,
c) la somme de 31 541,90 F montant de l'indemnité forfaitaire de répartition forfaitaire au taux de 12 % l'an prévue au contrat de cautionnement,
d) les condamner sous la même solidarité au paiement d'une indemnité de 10 000 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La SARL Bellion et les époux Bellion concluent à l'égard de Total pour demander de :
Confirmer la jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité ab initio du contrat d'exploitation de station service, en application des dispositions des articles 1591 et 1129 du Code civil et ordonner la remise en état des parties par le biais de restitution par équivalents en tenant compte de la prestation fournie par la SARL Bellion par l'intermédiaire des personnes physiques M. et Mme Bellion, et confier l'examen des comptes à M. l'expert Boda.
Subsidiairement, réformer partiellement la décision si la Cour ne faisait pas droit à la demande de nullité et juger que les articles 1999 et 2000 du Code civil en ce qui concerne le mandat sont applicables à l'ensemble des relations commerciales ayant existé entre les parties, conformément à la jurisprudence récente de la Cour Suprême.
Condamner la société Total à payer 50 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La SARL Bellion et les époux Bellion sollicitent encore envers la Compagnie Générale de Garantie la confirmation du jugement et demandent à la Cour de :
Constater qu'en application de l'effet dévolutif, il y a lieu de statuer au fond.
Déclarer nuls les engagements de caution de la SARL Bellion et des époux Bellion à l'égard de la Cofincau et débouter la société Cofincau de toutes ses demandes à l'encontre des concluants.
En tout état de cause,
Surseoir à statuer sur la demande de la Compagnie Générale de Garantie à l'encontre des concluants.
Débouter la Compagnie Générale de Garantie de toutes demandes, fins et conclusions contraires.
Par nouvelles conclusions Total demande de :
Adjuger à la concluante le bénéfice de ses précédentes écritures et y ajoutant :
1) Voir constater qu'aux termes de leur exploit introductif d'instance, la SARL Bellion et les époux Bellion sollicitent le bénéfice de l'accord interprofessionnel du 1er mars 1983.
2) Subsidiairement,
Pour le cas où la Cour de céans estimerait devoir ordonner une expertise pour fixer la remise en état initial des parties,
Dire et juger que la mission de l'expert devra notamment tendre préalablement à rechercher si la comptabilité de la SARL Bellion est probante et à fournir tous les éléments permettant de sire si la SARL a été gérée en bon père de famille, l'AIP du 1er mars 1983 devant, en tout état de cause, être appliqué pour la rémunération des gérants.
3) Dire et juger la SARL Bellion et les époux Bellion, mal fondés en leurs demandes de provision.
La Compagnie Générale de Garantie conclut à nouveau pour :
1) A titre subsidiaire constater la validité des engagements de caution souscrits par les époux Bellion, le 22 mai 1984.
2) Débouter la SARL Bellion et les époux Bellion de leur demande de sursis à statuer.
3) Ordonner la capitalisation des intérêts.
4) Pour le surplus, faire droit au contenu des précédentes conclusions.
La SARL Bellion et les époux Bellion répliquent pour solliciter de la Cour de :
Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré nul et de nul effet le contrat litigieux.
En tant que de besoin substituer ou ajouter à la cause de nullité fondée sur l'article 2012 du Code civil, celle fondée sur les articles 1591 et 1129 du Code civil, applicables également au cautionnement du fait de l'indétermination des obligations du contrat principal ayant une incidence sur l'objet du cautionnement.
En conséquence, remettre les parties au même et semblable état où elles se trouvaient avant la conclusion de l'acte de caution.
Condamner la Compagnie Générale de Garantie à restituer aux consorts Bellion et à la SARL Bellion le dépôt de garantie pour 35 000 F, les frais annexes pour 450 000 F, ainsi que les honoraires dont CGG précisera le montant.
Recevoir Mme Bellion en sa demande fondée sur l'article 1382 du Code civil et condamner la Compagnie Générale de Garantie à lui payer une somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice spécifique qui lui a été causé.
Condamner la Cofincau à payer aux concluants une somme de 35 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par nouvelle conclusions les mêmes parties demandent à la Cour de :
Dire et juger également nul et de nul effet le contrat de prêt annexé sous forme d'avenant au contrat d'exploitation de la station-service.
Dire et juger nul et de nul effet le contrat de contre-garantie comme violant les dispositions des articles 1129 et 1591 du Code civil.
En tant que de besoin, dire et juger que le cautionnement est également nul en ce qui concerne le contrat de prêt longue durée annexé au contrat déclaré nul de Total.
Subsidiairement,
Surseoir à statuer dans l'instance opposant les concluants à la Compagnie Générale de Garantie dans l'attente de la solution définitive du litige entre Total et la SARL Bellion.
Ils demandent encore :
Dire et juger nul et de nul effet le contrat litigieux par application des articles 1129 et 1591 du Code civil.
En conséquence remettre les parties dans le même état où elles se trouvaient avant la conclusion du contrat nul, de telle sorte que ni l'une ni l'autre n'ait tiré profit ou souffert de son fonctionnement.
Condamner la société Total à payer en remboursement du déficit d'exploitation la somme de 188 243,04 F.
Au titre de la valeur du service rendu par la SARL, la somme de 780 302 F.
Dire et juger que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de l'introduction de l'instance et ce au besoin à titre de supplément de dommages et intérêts.
Faire application de la jurisprudence Bertron / Esso, et dire et juger que l'expert devra chiffrer le compte carburant à prix coûtant pour la compagnie pétrolière.
Dire et juger que l'expert ne devra tenir compte que des quantités débitées par les volucompteurs à l'exception du compte des marchandises prétendument livrées à la station service (jurisprudence Germon / Elf).
Accorder à la société Bellion une provision de 400 000 F en compte et à valoir sur les indemnités qui lui seront dues.
Condamner la société Total à payer une somme de 180 000 F TTC par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Total conclut encore une fois pour :
1) Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nancy le 25 novembre 1991 en ce qu'il a déclaré nul le contrat d'exploitation conclu entre la société Total et la SARL Bellion.
2) Statuant à nouveau,
Constater qu'il n'est pas reproché à la société Total Raffinage Distribution de ne pas avoir exécuté le contrat de bonne foi.
Dire et juger qu'en tout état de cause la demande en nullité formée par la SARL Bellion et les époux Bellion constitue un détournement de la loi.
En conséquence,
Voir débouter la SARL Bellion et les époux Bellion de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la société Total Raffinage Distribution.
3) Subsidiairement,
Pour le cas où la Cour prononcerait la nullité du contrat, dire et juger que l'expert aura mission de :
- rechercher si la comptabilité présentée par la SARL Bellion est probante,
- donner tous les éléments permettant d'apprécier si la gestion de la SARL Bellion a été faite en bon père de famille et dans la négative proposer les rectifications nécessaires au compte d'exploitation pour tenir compte des insuffisances de gestion relevées,
- retenir pour le complément de rémunération de la SARL Bellion les accords interprofessionnels,
- au vu des éléments ci-dessus établir les comptes définitifs entre les parties afin de les remettre dans l'état où elles se trouvaient avant la signature dudit contrat, sans profit ni perte pour chacune d'elles.
4) Dire et juger en tout état de cause la SARL Bellion et les époux Bellion mal fondés à solliciter que la mission de l'expert tende à chiffrer le compte carburant à prix coûtant, la SARL Bellion n'ayant jamais acquis ces marchandises.
5) Débouter la société Bellion et les époux Bellion de leurs demandes de remboursement du prétendu déficit d'exploitation ainsi qu'en leur demande de provision.
6) Voir débouter la SARL Bellion et les époux Bellion de leurs demandes tendant à ce que l'expertise ait lieu aux frais avancés de la société Total.
7) Les condamner au paiement d'une somme de 50 000 F HT par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Les dernières conclusions de Total tendent à voir :
Dire et juger que l'assignation introductive d'instance du 25 avril 1988 est entachée d'une irrégularité de fond.
Constater que la nullité encourue n'est plus susceptible d'être couverte,
En conséquence,
Déclarer irrecevable l'intervention en cause d'appel de M. Bellion ès qualités de liquidateur de la SARL Bellion.
Déclarer en tout état de cause des intimés irrecevables en l'ensemble des demandes qu'ils ont présentées contre la société Total Raffinage Distribution.
Subsidiairement,
1) Vu les arrêts rendus par Assemblée Plénière de la Cour de cassation en date du 1er décembre 1995,
Dire et juger valable le contrat signé entre la société Total et la SARL Bellion le 1er décembre 1983,
2) Dire et juger qu'en tout état de cause il ne saurait être reproché à la société Total une quelconque mauvaise foi tant dans la conclusion que dans l'exécution du contrat.
En conséquence,
Débouter la SARL Bellion et les époux Bellion de toutes leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Total Raffinage Distribution.
Pour sa part la SARL Bellion et les époux Bellion ont déposé des conclusions de synthèse après les arrêts du 1er décembre 1995 de l'Assemblée générale plénière de la Cour de cassation aux fins de :
Constater que la société Total a imposé à la société Bellion des tarifs non conformes au prix de marché, et aux règles sur la non-discrimination tarifaire, résultant de l'ordonnance de 1945, reprises dans l'ordonnance du 1er décembre 1986.
En conséquence,
Statuer comme précédemment requis au bénéfice de la SARL Bellion, avec toutes les conséquences revendiquées, au titre de la nullité du contrat.
Subsidiairement,
Dire et juger que la société Bellion a commis une erreur sur les qualités substantielles du fonds de commerce donné en gestion, celui-ci n'ayant aucune viabilité avec les paramètres imposés par Total.
Dire et juger la société Total de mauvaise foi, tant dans la conclusion que dans l'exécution du contrat, et la condamner à réparer le préjudice causé à la société Bellion lequel comprendra le remboursement du déficit d'exploitation, ainsi qu'une légitime rémunération pour le travail accompli par les consorts Bellion.
II - MOTIFS DE LA DECISION
Vu le jugement, les pièces régulièrement produites et les conclusions des parties auxquelles il est fait référence pour un plus ample exposé des faits et moyens,
1) Sur la nullité du jugement :
Attendu que le Compagnie Générale de Garantie prétend que le juge qui a signé le jugement déféré n'assistait pas à l'audience au cours de laquelle l'affaire a été débattue ; qu'aucune mention du jugement ne permet de déterminer le nom des juges qui ont participé au délibéré ;
Attendu qu'une attestation du Greffier du Tribunal de commerce permet d'affirmer que les juges ayant assisté à l'audience du 17 septembre 1990 n'ont pas rendu la décision le 25 novembre 1991 ;
Attendu que la nullité du jugement doit être prononcée en application de l'article 458 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que l'article 562 du même Code prévoit la dévolution pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ; qu'il appartient donc à la Cour de statuer au fond ;
2) Sur l'irrégularité de l'assignation du 25 avril 1988 ;
Attendu que Total soutient que la SARL Bellion, société en liquidation depuis le 25 avril 1985 aurait dû être représentée par son liquidateur amiable Georges Bellion ;
Attendu que cette irrégularité de fond entachant la validité de l'acte introductif d'instance peut être proposée en tout état de la cause ;
Attendu que la société Bellion était effectivement en liquidation amiable depuis le 25 avril 1985 ;
Attendu que toutefois le liquidateur de la SARL Bellion est Georges Bellion partie à l'instance à titre personnel et en qualité de co-gérant de la SARL ;
Attendu qu'à la date de l'assignation Georges Bellion avait donc pouvoir de représenter la SARL Bellion ;
Attendu qu'il s'agit donc d'une simple erreur matérielle constituant un vice de forme nécessitant l'existence d'un grief pour être déclaré nul ;
Qu'en l'état il convient de constater que la société Total ne rapporte pas la preuve de l'existence de ce grief ;
Attendu que par ailleurs la nullité pour vice de forme n'est pas nécessairement prévue par la loi et ne constitue pas une inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public ;
Attendu enfin que dans les conclusions prises devant la Cour d'appel la société Bellion a toujours été régulièrement représentée par Georges Bellion son liquidateur amiable ; qu'ainsi il apparaît qu'il n'existe aucune cause de nullité de l'assignation introductive d'instance et de la procédure subséquente ;
3) Sur le fond :
Attendu que suivant contrat du 1er décembre 1983 la SARL Bellion exerce deux types d'activités " indivisiblement " dans le cadre d'une fonds de commerce unique sous le régime suivant :
1)à titre de mandataire ducroire de la SA Total pour la distribution au détail des hydrocarbures et d'autres sources d'énergie exclusivement fournis par Total,
2)à titre de locataire-gérant pour la revente des lubrifiants et pour la fourniture des services;
Attendu que la SARL Bellion et les époux Bellion contestent la validité de la convention en prétendant que les hydrocarbures et les lubrifiants leur étaient fournis à un prix indéterminé fixé unilatéralement et discrétionnairement par le fournisseur ;
Attendu que s'agissant de la distribution des hydrocarbures celle-ci était exercée sous le régime du mandat ;
Attendu que la SARL Bellion recevait mandat de vendre ces produits au prix indiqué par Total et de lui en reverser le prix dans les conditions fixées par les article 1998 et suivants du Code civil ;
Attendu que la SARL Bellion ne peut soutenir que la SA Total détermine elle-même le volume des ventes servant d'assiette à sa rémunération de mandataire ;
Qu'elle a accepté que sa commission de mandataire soit fixée en fonction des ventes dont la variation dépendait de plusieurs facteurs dont sa propre activité de commerçant ;
Attendu que la SARL Bellion ne justifie d'aucune pratique discriminatoire, d'aucun abus de la société Total dans la fixation du prix du carburant susceptible d'affecter le volume des ventes et de défavoriser la SARL par rapport aux grandes surfaces ;
Attendu qu'en l'absence d'indétermination et de potestativité du prix des hydrocarbures la SARL est mal fondée dans sa demande d'annulation du mandat ;
Attendu qu'en ce qui concerne les lubrifiants fournis exclusivement par Total et vendus par la SARL Bellion dans le cadre du contrat de location-gérance leur prix de vente par Total à la SARL Bellion était fixé par l'article 2 paragraphe 3 du titre III du contrat aux termes duquel :
" La société paiera les lubrifiants au prix de cession du tarif revendeur Total en vigueur au jour de la livraison et aux conditions générales de vente qu'elle déclare connaître.
" Le tarif n° 50 du 20 juillet 1993 actuellement applicable et approuvé par les parties est annexé à chacun des exemplaires du présent contrat. Les modifications ultérieures de ce tarif s'appliqueront de plain droit.
" Si la société n'était pas d'accord avec ce nouveau tarif ou avec ses modifications ultérieures, elle le ferait savoir à Total par LR avec AR dans un délai de quinze jours au plus tard après qu'il lui aura été appliqué et son désaccord entraînera de plein droit la caducité du présent contrat " ;
Attendu qu'il n'est pas possible d'affirmer que les lubrifiants étaient vendus à un prix ni déterminé ni déterminable puisque lors de la conclusion du contrat ce prix était fixé par le tarif n° 50 du 20 juillet 1983, accepté par la SARL Bellion et annexé au contrat ;
Attendu que les modifications ultérieures pouvaient être refusées par la SARL Bellion ;
Qu'un désaccord sur le prix ultérieur pouvait mettre fin au contrat, ce qui est régulier s'agissant d'un contrat à caractère successif ;
Attendu que la SARL Bellion n'a pas critiqué le tarif appliqué par Total pendant la durée du contrat ;
Attendu que l'indétermination et la potestativité des prix des lubrifiants allégués par la SARL Bellion n'est pas établie ; qu'il n'y a donc pas lieu à annulation du contrat de ce chef ;
Attendu que la SARL Bellion est mal fondée à soulever l'erreur commise sur les qualités substantielles du fonds de commerce donné en gestion alors que les exploitants qui étaient expérimentés disposaient de tous les éléments chiffrés pour apprécier la viabilité économique du fonds de commerce ;
Attendu que le contrat d'exploitation de station-service doit donc être déclaré valable ainsi que le contrat de prêt de longue durée ;
Attendu que les époux Bellion réclament une rémunération correspondant aux heures de travail fournies et estiment que Total doit garder à sa charge le déficit d'exploitation de 188 243,04 F ;
Attendu que pour sa part la SA Total demande de vérifier si la gestion des époux Bellion a été faite en bon père de famille, de retenir le cas échéant pour complément de rémunération les accords interprofessionnels ;
Attendu que les articles 1999 et 2000 du Code civil invoqués par la SARL prévoient, le premier, que le mandant doit rembourser au mandataire les avances et frais que celui-ci a faits pour l'exploitation du mandat et lui payer ses salaires lorsqu'il en a été promis, le second que " le mandant doit aussi indemniser le mandataire des pertes que celui-ci a essuyées à l'occasion de sa gestion, sans imprudence qui lui soit imputable " ;
Attendu que l'article 6 du titre II du contrat relatif à la distribution au détail des hydrocarbures prévoit que la commission versée par Total sur les ventes d'hydrocarbures couvre forfaitairement la rémunération de la société et l'ensemble des frais exposés par elle ;
Attendu que cette disposition renvoie à l'article 1999 précité mais non à l'article 2000 du Code civil qui doit trouver aussi à s'appliquer de façon certaine aux relations contractuelles soumises au régime du mandat ;
Attendu que le contrat d'exploitation signé par la SARL Bellion et la société Total vise expressément le protocole interprofessionnel du 1er mars 1983 relatif aux exploitants mandataires de station-service ;
Que le préambule de ce protocole dispose notamment que :
" - les société pétrolières constatent que la gestion d'une station service, dans le cadre d'un contrat entre sociétés commerciales suppose que l'exploitant, s'il se comporte en bon commerçant, puisse dégager un résultat d'exploitation positif. En conséquence les sociétés pétrolières s'engagent à étudier le cas de toute station qui pourrait leur être soumis par un exploitant qui estimerait ne pas dégager un tel résultat " ;
Attendu que le mandant doit indemniser le mandataire de toutes les pertes sans distinction essuyées par le mandataire soit dans la gestion de son mandat soit à l'occasion de celle-ci;
Attendu que le préambule précité ne fait que rappeler cette règle ;
Que par suite, il y a lieu de reconnaître que la SA Total doit se soumettre à l'application de l'article 2000 du Code civil pour la totalité de la gestion de la SARL Bellion;
Attendu qu'il convient en conséquence de faire droit à la demande d'expertise qui permettra de vérifier notamment la somme restant due par la SA Total à ses mandataires exploitants qui ne doivent pas subir de perte d'exploitation - sauf faute de gestion de leur part ;
4) Sur les cautions :
Attendu que la Compagnie Générale de Garantie s'est portée caution solidaire à concurrence de 350 000 F de la SARL Bellion ;
Attendu que les époux Bellion se sont portés eux-mêmes cautions solidaires de la SARL Bellion pour " le remboursement de toutes les sommes dues à la Compagnie Générale de Garantie par le cautionné en principal, intérêts, pénalités, frais ou accessoires " ;
Attendu que ces engagements de cautions souscrits par le gérant de la SARL et un associé (son épouse) sont réguliers et ne peuvent être contestés ni dans leur nature, ni dans leur étendue ;
Attendu que le contrat principal ayant été reconnu valable les cautionnements attachés à ce contrat le sont aussi ;
Attendu que les époux Bellion sollicitent le sursis à statuer jusqu'à ce que leur dette doit définitivement fixée ;
Attendu que le montant de la créance de Total envers les époux Bellion n'est pas encore définitivement fixée et peut être réduite dans des proportions importantes ;
Qu'il y a lieu dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice à surseoir sur la demande de la Compagnie Générale de Garantie ;
Attendu qu'il sera aussi sursis sur les autres demandes des parties sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et sur les dépens ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Déclare recevables les appels de la SA Total et de la SA Compagnie Générale de Garantie, Déclare nul le jugement du Tribunal de commerce de Nancy en date du 25 novembre 1991, Dit n'y avoir lieu à annulation de l'assignation introductive d'instance, Statuant au fond, Déclare valable le contrat d'exploitation de station-service et le contrat de prêt conclus le 1er décembre 1983 entre la SARL Bellion et la SA Total, Dit que les relations contractuelles entre la SARL Bellion et la SA Total sont soumises aux dispositions de l'article 2000 du Code civil, Avant dire droit sur le compte des parties, ordonne une expertise, Commet pour y procéder M. Boda, demeurant 81, rue Saint Georges, 54000 Nancy, avec pour mission de : - entendre tous sachants, se faire communiquer tous documents et tous comptes aux fins de déterminer s'il y a lieu, le montant que Total devrait verser aux époux Bellion pour qu'à la clôture définitive des opérations réalisées par la SARL Bellion ils ne supportent aucune perte d'exploitation, - retenir comme base de rémunération des gérants de la SARL Bellion les accords interprofessionnels ou les usages de la profession, - dire éventuellement si des fautes de gestion ont été commises par les gérants, - établir le compte des parties, Dit que si les parties viennent à se concilier, l'expert constatera que sa mission est devenue sans objet et dans ce cas en rendra compte au conseiller de la mise en état chargé du contrôle de l'expertise par simple lettre, sinon établira rapport écrit et motivé de ses opérations qu'il déposera au greffe de la Cour dans les 6 mois de l'avis du greffier l'avertissant de la consignation de la provision au greffe, Ordonne que la SA Total devra déposer au greffe de la Cour avant le 12 mars 1997 la somme provisionnelle de 10 000 F (dix mille francs) pour la rémunération de l'expert sauf à diminuer ou à parfaire après accomplissement de sa mission, Dit qu'à défaut de consignation dans le délai imparti, la désignation de l'expert sera caduque et que l'instance sera poursuivie, la Cour tirant toutes conséquences de l'abstention ou du refus de consigner, Dit qu'en cas d'empêchement ou de refus motivés de l'expert désigné, il sera pourvu à son remplacement par simple ordonnance du conseiller de la mise en état, Réserve les dépens.