Cass. com., 1 décembre 1981, n° 79-16.147
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Thuai (Sté)
Défendeur :
Compagnie Française de Téléphone (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vienne
Rapporteur :
M. Jonquères
Avocat général :
M. Laroque
Avocats :
Mes Nicolas, Goutet.
LA COUR : - Sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 1129 du code civil : - Attendu qu'en vertu de ce texte, il faut, pour la validité du contrat, que la quotité de l'objet de l'obligation qui en est issue puisse être déterminée ;
Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 juillet 1979), la société Thuaï a conclu avec la société " Compagnie Francaise de Téléphonie " (société Cofratel), d'une part, le 4 juillet 1960, pour l'entretien des matériels téléphoniques que cette dernière lui avait vendus, quatre contrats d'une durée de quinze années renouvelables par tacite reconduction pour les périodes de cinq années sauf dénonciation six mois avant leur expiration, et, d'autre part, le 18 novembre 1969 un contrat de location de centraux et postes automatiques d'une durée de quinze années renouvelable par tacite reconduction comme les précédents mais devant reprendre sa durée initiale à partir de la date où la location aura subi une augmentation supérieure a 85% par suite d'une ou plusieurs modifications de l'installation ou même d'un pourcentage inférieur dans le cas de remplacement du matériel par suite d'adjonction, que les cinq contrats prévoyaient que seuls des préposés de la société Cofratel seraient qualifiés pour effectuer des réparations sur les appareils aussi bien vendus que loués et que toute modification des installations, changement ou transformation qui pourraient être demandés par l'administration des PTT ou par la société Thuaï ne pourraient être exécutes que par la société Cofratel et aux frais de la société Thuaï, que les exécutions d'installations prévues dans les quatre premiers contrats devaient faire l'objet d'une plus-value de la redevance d'entretien sur la base du tarif de la société Cofratel en vigueur lors des modifications, qu'à la suite de retards dans le paiement des redevances, la société Cofratel a assigné le 24 mai 1977 la société Thual en résiliation des contrats et en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que pour rejeter l'exception tirée de la nullité des contrats des 4 juillet et 18 novembre 1969 opposée par la société Thuaï en raison de l'indétermination du prix des fournitures et plus-value d'entretien alors qu'elle se trouvait liée par des contrats de longue durée, la cour d'appel énonce que ce prix qui se déduit du tarif en vigueur auquel se réfèrent les contrats est déterminable par voie de relation avec un tarif uniforme pour tous les clients du fournisseur et en fonction de la conjoncture, ce qui lui retire son caractère potestatif ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, sans préciser comment, en vertu de ces contrats, en dépit de l'obligation d'exclusivité assumée par la société Thual, les prix résultant des clauses litigieuses, étaient soumis au libre jeu de la concurrence et ne dépendaient donc pas de la seule volonté de la société Cofratel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le second moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 1er de la loi du 14 octobre 1943 : - Attendu que, selon ce texte, est limitée à dix ans la durée maximum de validité de toute clause d'exclusivité par laquelle l'acheteur, cessionnaire ou locataire de biens meubles, s'engage vis-à-vis de son vendeur, cédant ou bailleur, à ne pas faire usage d'objets semblables ou complémentaires en provenance d'un autre fournisseur;
Attendu que, pour décider qu'il n'y avait pas lieu de ramener à dix ans les obligations souscrites par la société Thual en vertu des contrats des 4 juillet et 18 novembre 1969 conclus pour une durée de quinze années au minimum, la cour d'appel énonce que les engagements de cette société n'étaient qu'accessoires de l'obligation d'entretien exclusif qu'avait contractée la société Cofratel envers elle et ne rentraient pas dans le champ d'application de la loi du 14 octobre 1943 ;
Attendu qu'en refusant ainsi d'admettre que l'article 1er de cette loi était applicable, alors qu'elle constatait que la clause d'exclusivité concernait un engagement souscrit vis-à-vis d'un cocontractant agissant tant comme vendeur que comme bailleur de biens meubles, la cour d'appel a violé le texte susvisé;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la seconde branche du premier moyen et sur la seconde branche du second moyen : casse et annule, en son entier, l'arrêt rendu le 11 juillet 1979, entre les parties, par la cour d'appel de Paris, remet, en conséquence, la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen, à ce designée par délibération spéciale prise en la chambre du conseil.