CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 16 avril 1986, n° 5238-85
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Romana Pizzeria (Sté)
Défendeur :
Caisse interprofessionnelle de retraite complémentaire
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Delattre
Conseillers :
MM. Forget, Merlin
Avoués :
SCP Fievet-Rochette, SCP Jullien, Lecharny
Avocats :
Mes Hoze, Noual.
FAITS ET PROCEDURE
Par acte SSP des 1er et 15 juillet 1975, la SARL Romana a consenti aux sieurs Cohen et Sebbagh une gérance libre, sur un fonds de commerce de " restaurant-pizzeria " sis à Neuilly sur Seine, pour une durée d'une année à compter du 1er juillet 1975 avec possibilité de reconduction de l'accord des parties.
Aux termes d'un acte des 1er et 15 juillet 1976, la société Romana et le sieur Cohen sont convenus de proroger la gérance libre expirée le 30 juin 1976 pour une période de 3 ans venant à expiration le 30 juin 1979.
Suivant acte en dates des 1er mai 1979 et 11 mars 1980 annulant et remplaçant les précédents, la société Romana a donné en gérance libre au sieur Cohen le fonds de commerce pour une période allant du 1er mai 1979 au 31 mai 1982, une reconduction étant prévue avec l'accord des parties.
Seuls les deux premiers actes ont été publiés.
C'est dans ces conditions que la Caisse Interprofessionnelle de Retraite Complémentaire (CIRCO) a réclamé le 27 avril 1983 à la société Romana Pizzeria la somme de 35 091,90 F représentant les cotisations dues à titre définitif pour le 4ème trimestre 1979 et à titre provisionnel pour le 4ème trimestre 1981 et a demandé en outre à cette société de lui fournir, sous astreinte, la déclaration nominative des salaires de l'année 1981.
Par jugement du 15 mars 1985 le Tribunal de commerce de Nanterre, saisi de ce litige, a :
- condamné la société Romana Pizzeria à fournir à la CIRCO la déclaration nominative des salaires de l'année 1981, sous astreinte de 20 F par jour de retard et à payer à ladite Caisse la somme de 35 091,90 F selon relevé de compte précédemment signifié et ce, avec intérêts au taux conventionnel de 1,50 % par mois de retard ;
- condamné, en outre, la société Romana Pizzeria à payer à la Caisse CIRCO la somme de 800 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Régulièrement appelante, la société Romana Pizzeria conclut au rejet des demandes dirigées à son encontre et réclame paiement des sommes de 3 000 F de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
A cet effet, elle soutient :
- Que le contrat de mai 1979 constitue, en dépit de la dénomination malencontreuse proposée par les parties, un contrat de prorogation de gérance libre ;
- Que les actes précédents avaient par ailleurs prévu la possibilité d'une reconduction qui résulterait de l'accord des parties et qu'un tel accord est manifestement intervenu en mai 1979 ;
- Qu'il n'était pas nécessaire de renouveler les formalités de publicité prévues par la loi au moment de la conclusion du contrat de location-gérance ;
- Que la Sarl Romana, bailleresse du fonds, ne saurait être tenue des obligations contractées envers la CIRCO par le sieur Cohen ;
- Que, pour avoir, après juin 1979, sans équivoque possible considéré Cohen et Sebbagh comme responsables de la société Romana, la CIRCO serait irrecevable à soutenir, qu'elle ignorait que la location-gérance avait été prorogée.
La CIRCO conclut, quant à elle, à la confirmation pure et simple de la décision entreprise en sollicitant le paiement d'une somme de 2 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
DISCUSSION
Considérant que la loi du 20 mars 1956 imposeen son article 2 alinéa 2 la publication de tout contrat de location-gérancedans la quinzaine de sa conclusion et, pendant un délai de 6 mois à compter de cette publication, institue en son article 8 une responsabilité solidaire entre le propriétaire du fonds de commerce et le locataire-gérant à raison des dettes contractées par celui-ci à l'occasion de l'exploitation de ce fonds.
Considérant que le contrat de location-gérance consentie le 11 mars 1980 par la société Romana à Gérard Cohen mentionne... " le présent acte annule et remplace les précédents... " et redéfinit l'intégralité des obligations respectives des parties; qu'il ne constitue donc pas une continuation du contrat de location-gérance antérieurement conclu les 1er et 15 juillet 1976 lequel ne prévoyait pas de tacite reconduction mais que l'on se trouve en présence de deux contrats successifs, indépendants l'un de l'autre.
Considérant que la société Romana qui avait procédé régulièrement à la publication du contrat de location-gérance souscrit les 1er et 15 juillet 1975 avec les sieurs Gérard Cohen et Zaki Sebbagh, puis à celle du contrat de " prorogation de gérance libre " passé les 1er et 15 juillet 1976 avec le seul Gérard Cohen, est donc mal venue à prétendre qu'elle se trouvait dispensée de publier le contrat de location-gérance du 11 mars 1980 que, faute de l'avoir fait, elle se trouve tenue des dettes de son locataire-gérant relatives à l'exploitation du fonds, étant observé, qu'en l'espèce, l'absence de publication a entretenu la CIRCO dans l'ignorance du dernier état de la location-gérance puisque celle ci a établi le relevé de compte du 22 avril 1983, non pas au nom de Gérard Cohen, mais aux noms de Cohen-Sebbagh.
Considérant qu'il n'en résulte pas, pour autant, que la société Romana soit obligée de répondre pour le compte de son locataire-gérant d'une " obligation de faire " consistant à fournir elle-même la déclaration nominative des salaires versés par ce dernier au titre de l'année 1981, s'agissant d'un document qu'elle ne détient pas et qu'elle ne se trouve pas en mesure de constituer comme se rattachant à une activité à laquelle elle n'a pas participé matériellement.
Considérant, par contre, qu'en ce qu'elle demeure responsable des dettes proprement dites de son locataire-gérant, la société Romana doit être condamnée à verser à la CIRCO la somme de 35 091.90 F, représentant les cotisations dues à titre définitif pour le 4ème trimestre 1979 et à titre provisionnel pour le 4ème trimestre 1981.
Considérant que la société Romana n'est donc pas fondée à réclamer à la CIRCO des dommages et intérêts pour procédure abusive.
Considérant qu'il n'est pas équitable de laisser à la charge des parties les frais non taxables supportés par elles ; que la société Romana qui succombe pour l'essentiel doit supporter la charge des dépens.
Par ces motifs : LA COUR statuant publiquement et contradictoirement : Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Romana Pizzeria à payer à la Caisse Interprofessionnelle de Retraite Complémentaire (CIRCO) la somme de 35 091,90 F avec intérêts au taux conventionnel de 1,50 % par mois de retard ; Réformant, Déboute la CIRCO de sa demande tendant à voir fournir par la société Romana Pizzeria la déclaration nominative des salaires de l'année 1981 ; Déboute les parties du surplus de leurs demandes ; Condamne la société Romana Pizzeria aux dépens qui pourront être recouvrés directement pour ceux la concernant par la SCP d'Avoués Jullien et Lecharny conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.