CA Grenoble, ch. des urgences, 7 janvier 1988, n° 200-87
GRENOBLE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Da Silva, Borda Da Costa
Défendeur :
Madonna (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Fabre
Conseillers :
M. Farge, Mme Palisse
Avoués :
SCP Perret, Pougnand, SCP Mahnes de Fourcroy
Avocats :
Mes Borg, Jaillard.
Par arrêt du 21 octobre 1987, la Cour, statuant dans le litige opposant Me Madonna, mandataire à la liquidation judiciaire de Jean-Jacques Fabre à MM. Da Silva et Borda Da Costa, locataires-gérants, d'un fonds de commerce, a :
- confirmé le jugement attaqué (Tribunal de grande instance de Valence, 5-11-96) en ce qu'il a constaté au 3 octobre 1985 la résiliation du contrat de location-gérance de fonds de commerce liant Jean-Jacques Fabre aux consorts Da Silva - Borda Da Costa depuis le 17 septembre 1984,
- élevé de 10 000 à 15 000 F par mois à partir du 3 octobre 1985 le montant de l'indemnité d'occupation due par les preneurs,
- évoquant pour le surplus au vu du rapport de l'expert Darneau déposé le 27 février 1987,
- renvoyé les parties à conclure au fond sur le compte à faire entre elles pour l'audience du mercredi 16 décembre 1987,
- condamné les consorts Da Silva Borda Da Costa aux dépens exposés au jour de l'arrêt.
Les appelants ayant complété leurs écritures pour l'audience du 16 décembre 1987, l'affaire a pu être utilement retenue.
Lionel Da Silva et Jacques Borda Da Costa - appelants - demandent qu'il soit donné acte de ce qu'ils comparaissent et concluent sous réserve de pourvoi en cassation.
Ils demandent que la Cour rejette les demandes de Me Madonna ès qualité concernant d'une part l'arriéré locatif dont il n'est pas justifié du règlement à la propriétaire des murs et d'autre part le prétendu préjudice commercial de Jean-Jacques Fabre.
Ce dernier ne peut prétendre qu'au paiement de l'arriéré de la redevance de location-gérance soit 28 048,68 F et de l'indemnité d'occupation depuis le 3 octobre 1985 sauf la réserve exprimée ci-dessus quant à l'éventualité d'un pourvoi en cassation.
La Cour statuera ce que de droit sur les dépens.
Me Madonna ès qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de Jean-Jacques Fabre - intimé - s'en tient aux écritures signifiées le 28 septembre 1987 lesquelles visaient déjà les conclusions de l'expert Darneau.
Il sollicite en conséquence le paiement de :
- 43 965,48 F, au titre de l'arriéré locatif arrêté au 3 octobre 1985,
- 270 000 F au titre de l'indemnité d'occupation de 15 000 F par mois du 3 octobre 1985, au 31 mars 1987, date du départ effectif des preneurs,
- 100 000 F en réparation du préjudice commercial de Jean-Jacques Fabre,
- 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- aux entiers dépens,
lesdites sommes étant à la charge solidaire des preneurs défaillants.
Sur ce,
Attendu que la Cour usant de son droit d'évocation se prononcera au vu du rapport contradictoire de l'expert Darneau déposé le 27 février 1987.
Attendu que l'expert évalue en page 16, les sommes encore dues à la date du 30 septembre 1985 à Jean-Jacques Fabre par les consorts Da Silva Borda Da Costa à savoir :
- au titre de la redevance de location-gérance depuis le 24 septembre 1984 : 28 048,68 francs sur la base de 10 000 F par mois ;
- au titre du loyer dû à la propriétaire des murs Mme Chevallier et ce depuis le 247 septembre 1984 : 15 916 F.
Qu'il reste ainsi dû à Jean-Jacques Fabre au 3 octobre 1985 : 43 964,68 F.
Attendu que dans son précédent arrêt, la Cour a déjà considéré que Jean-Jacques Fabre était habile à réclamer les loyers impayés concernant les murs du fonds de commerce, lui-même étant demeuré personnellement débiteur envers la bailleresse en raison de la carence des preneurs.
Attendu que la Cour, dans l'arrêt susvisé, a fixé à 15 000 F par mois l'indemnité d'occupation ce qui aboutit à la somme de 270 000 F pour la période du 3 octobre 1985 au 31 mars 1987, date de libération des locaux par les preneurs.
Attendu qu'il est réclamé par Me Madonna ès qualité la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice commercial de Jean-Jacques Fabre.
Que cette demande est contestée par les consorts Da Silva Borda Da Costa lesquels considèrent que ce dommage n'est pas justifié, le redressement judiciaire puis la liquidation judiciaire de Jean-Jacques Fabre ne pouvant leur être imputés.
Attendu cependant que le préjudice est réel.
Que par l'effet du contrat de location-gérance, les preneurs avaient l'obligation d'exploiter " en bon père de famille " avec la charge de se conformer aux lois et règlements et de veiller à la conservation de la clientèle ainsi qu'il était prévu au chapitre 3 " charges et conditions de la location-gérance "(acte du 17 septembre 1984 page 3).
Que force est de constater qu'après un an d'exploitation seulement, le contrat s'est trouvé résilié, les preneurs ayant accumulé un important retard dans le paiement du loyer et de la redevance de location-gérance.
Que l'expert Darneau fait état dans son rapport des observations faite par le maire de Comps sur les conditions de l'exploitation du fonds de commerce et des constatations de Me Ponsetti, huissier de justice, sur l'état d'entretien des locaux alors que les consorts Da Silva Borda Da Costa étaient en jouissance des lieux depuis la fin du mois de septembre 1984 et ont cessé l'exploitation avant leur départ au 31 mars 1987.
Que ces éléments sont de nature à avoir gravement déprécié la valeur du fonds de commerce de discothèque dont la clientèle, pour des entreprises de cette nature, est l'élément essentiel.
Que d'autre part, le fait que Jean-Jacques Fabre ait été privé des sommes sur lesquelles il pouvait légitimement compter est incontestablement de nature à avoir provoqué, au moins pour une part importante, ses difficultés de trésorerie.
Que pour ces motifs ensemble, l'indemnité compensatoire de ce préjudice particulier sera évaluée à 50 000 F.
Attendu que les consorts Da Silva Borda Da Costa succombant définitivement seront condamnés aux dépens exposés depuis le précédent arrêt de la Cour du 21 octobre 1987 et paieront en outre à la partie intimée la somme de 4 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour tenir compte des frais irrépétibles exposés tant devant les premiers juges que devant la Cour.
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi. Dans la suite de l'arrêt rendu le 21 octobre 1987, au vu du rapport de l'expert Darneau déposé le 27 février 1987, Statuant après évocation, Condamne Lionel Da Silva et Jacques Borda Da Costa à payer solidairement à Me Madonna ès qualité à la liquidation judiciaire de Jean-Jacques Fabre les sommes suivantes : - 43 964,68 F au titre de l'arriéré locatif (loyer et redevance de location-gérance), - 270 000 F au titre de l'indemnité d'occupation, - 50 000 F en réparation du préjudice commercial. - 4 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Met les dépens exposés depuis le précédent arrêt lesquels comprendront les frais d'expertise et d'expulsion à la charge des consorts Da Silva Borda Da Costa avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Manhes et de Fourcroy conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.