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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 19 mai 1988, n° 86-20024

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Simoneau, Galipette (Sté)

Défendeur :

Natalys (SA), Roy

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Laplace

Conseillers :

M. Schoux, M. Serre

Avoués :

SCP Teytaud, SCP Paul-Boncour-Faure, SCP Roblin Chaix de Lavarene

Avocats :

Mes Threard, Binder, Cabot.

T. com. Paris, 6e ch., du 10 nov. 1986

10 novembre 1986

La cour statue sur l'appel interjeté par Odette Simoneau et par la société anonyme Galipette du jugement du 10 novembre 1986 du Tribunal de commerce de Paris qui a mis Me Roy et Louisette Bonnet hors de cause, a dit qu'en enfreignant la clause de non-concurrence qui figurait dans les deux contrats d' " agents exclusifs " qu'elle a contractés avec la société anonyme Natalys, Odette Simoneau s'est rendue coupable de quasi-délit de concurrence déloyale, a dit que la société Galipette ne pouvait ignorer cette disposition et l'a condamnée in solidum avec Odette Simoneau, outre aux dépens, à payer à la société Natalys la somme de 347 937 F, toutes causes confondues avec intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 1984 et à 3 000 F en application de l'article 700 nouveau Code de procédure civile.

Elle est saisie dans les circonstances de fait et selon la procédure qui vont être exposées.

Le 15 septembre 1967 pour la ville de Challans et le 12 octobre 1972 pour celle de Machecoul la société Natalys a conclu avec Odette Simoneau deux contrats conférant à cette dernière la qualité d'agent revendeur exclusif sous certaines réserves pour l'achat et la revente de ses produits sans être le mandataire de la société Natalys.

Les avenants du 15 septembre 1968 au premier contrat et du 12 octobre 1972 au second contrat ont stipulé que la société Natalys s'engageait à fournir à Odette Simoneau une " consignation " des marchandises pour un stock de 40 000 F au départ pour le premier contrat et de 75 000 F pour le second.

Par lettre du 30 juin 1983 Odette Simoneau a notifié à la société Natalys sa décision de ne pas renouveler les deux contrats au-delà du 31 décembre 1983.

Cette société, après avoir fait constater par actes d'huissier du 16 août 1984 pour Challans et du 27 décembre 1984 pour Machecoul qu'une dame Bonnet, à Machecoul et qu'une société Galipette constituée par Odette Simoneau, à Challans, vendaient dans les magasins qu'avait exploités celle-ci des produits concurrents malgré la clause de non-concurrence qui figurait aux deux contrats pour les autres années suivant la fin de ceux-ci, a saisi le Tribunal de commerce d'une demande tendant à la condamnation d'Odette Simoneau à lui payer 470 770 F et de la société Galipette à lui payer 347 937 F de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et 15 000 F au titre de l'article 700 nouveau Code de procédure civile et à la déclaration de jugement commun à l'égard de Mme Bonnet, successeur de la société Galipette pour le fonds de commerce de Machecoul et de Me Roy, notaire, qui avait rédigé l'acte de vente de celui-ci.

Par décision déférée à la cour, la juridiction consulaire a rejeté le moyen tiré de la nullité du contrat pour indétermination du prix de vente considérant qu'il pouvait s'analyser comme un contrat de mandat donné par les franchisés au franchiseur pour sélectionner pour leur compte les articles et que le prix était fixé chaque saison pour tous les franchisés ainsi que le moyen tiré de la nullité de la clause de non-concurrence en constatant qu'elle était limitée dans l'espace et dans le temps.

Elle a relevé qu'aucune demande n'était formée contre le notaire Me Roy.

Pour obtenir l'infirmation de ce jugement, la société Galipette et Odette Simoneau reprennent leur moyen, fondé sur les articles 1591 et 1129 du Code civil, tiré de la nullité des contrats dès lors que, d'une part, en cours d'exécution de ceux-ci les prix de vente des articles par la société Natalys n'étaient pas déterminés par les conventions et restaient soumis à la seule volonté de cette société et que, d'autre part, elles étaient tenues d'acheter au début de chaque saison un spécimen de chacun des articles figurant au catalogue Natalys, obligation qui rendait également indéterminé l'objet du contrat.

Elles soutiennent que, par suite, la clause de non-concurrence incluse dans ces contrats est elle-même atteinte par cette nullité et prient la cour de débouter la société Natalys de sa demande.

Cette société, qui conclut à la confirmation du jugement, pour s'opposer à ce moyen reprend l'analyse des premiers juges selon laquelle les prix d'achat de chacun des articles étaient déterminés d'avance pour la saison et avant toute commande, n'étaient pas confidentiels, étaient uniformes pour tout le réseau et prétend qu'Odette Simoneau avait eu effectivement depuis le début du contrat le libre choix d'acheter les seuls produits qui lui convenaient et disposait d'une marge de consentir les rabais qu'elle voulait et, en outre, que les tarifs de la société Natalys sont établis en fonction des contraintes de la société, et part suite, sans sa volonté.

Elle soutient que l'exigence de détermination du prix et de la quotité ne s'appliquait pas dès lors qu'il s'agissait de contrats non de vente mais à pluralité d'obligations réciproques s'analysant en obligations de faire.

La suite de l'arrêt rend inutile la présentation des autres moyens des parties.

Cela étant exposé, LA COUR,

Vu le jugement entrepris,

Vu les conclusions des parties,

Considérant qu'Odette Simoneau et la société Galipette sollicitent le rejet de toutes conclusions prises par la société Natalys et de toutes pièces communiquées par celle-ci à partir du 17 mars 1988, prétendant qu'elles n'ont pu exercer leur droit de se défendre avant l'ordonnance de clôture ;

Mais considérant que ces conclusions ont été prises et ces pièces communiquées par la société Natalys en réponse aux conclusions déposées par Odette Simoneau et par la société Galipette seulement le 2 février 1988, le 17 février 1988 et le 29 février 1988 alors que les dernières conclusions de la société Natalys dataient du 16 novembre 1987 ;

Que l'ordonnance de clôture rendue seulement le 24 mars 1988 a laissé à Odette Simoneau et à la société Galipette un délai suffisant pour répondre ;

Considérant que le contrat du 15 septembre 1967 pour la ville de Challans précise dès le début que la société Natalys s'engage à vendre ses articles en exclusivité à Mme Simoneau et qu'en contrepartie celle-ci s'engage à acheter exclusivement à la société Natalys pour les revendre dans cette ville tous les articles faisant l'objet de commerce de cette société et distribués par elle ;

Qu'il était, en outre, stipulé que l' " agent exclusif " devait acheter au début de chaque saison nouvelle un spécimen de chacun des nouveaux articles figurant au catalogue Natalys en maintenant ensuite et constamment dans son magasin un stock minimum d'une valeur de 40 000 F ;

Qu'il était prévu que le magasin pour lequel le contrat était conclu devait être réservé ainsi que ses vitrines au commerce et à l'exposition exclusifs des articles Natalys à l'exception d'une Chambre pour adultes sous réserve qu'elle n'occupe pas plus de 20 % de la superficie ;

Que le contrat du 12 octobre 1972 pour la ville de Machecoul contenait des dispositions semblables le montant de stock étant fixé à 75 000 F et l'autorisation de vendre des articles autres que ceux fournis par la société Natalys étant étendue aux meubles, jouets et décorations de chambre d'enfants ainsi qu'aux vêtements d'enfant au-dessus de 6 ans à la condition expresse que leur exposition et leur vente n'occupent pas une superficie supérieure à 20 % de celle des vitrines et du magasin et que le chiffre d'affaires en résultant ne soit pas supérieur à 20 % de celui réalisé avec Natalys ;

Que, toutefois, si la nomenclature des marchandises commercialisées par cette société figurait au contrat, cette dernière se réservait le droit de modifier et d'étendre cette liste sans obtenir l'autorisation de son cocontractant;

Considérant que ces deux contrats avaient pour objet principal la vente pour son propre compte par Odette Simoneau de marchandises qu'elle devait acheter à la société Natalys, les autres obligations n'en étant que l'accessoire ;

Considérant que les deux conventions prévoyaient que les marchandises achetées par Odette Simoneau seraient facturées au prix de vente au détail sous déduction d'une remise déterminée pour les contrats ;

Qu'il n'est pas contesté que ce prix est celui qui figure au catalogue établi par la société Natalys ;

Considérant que les avenants aux contrats de base avaient pour objet d'accorder à Odette Simoneau la fourniture des articles figurant au catalogue " en consignation " pour un stock de 40 000 F à Challans et de 75 000 F à Machecoul, le paiement des marchandises ne devant être fait qu'au fur et à mesure de leur revente à la clientèle ;

Qu'il était, cependant précisé que ce stock ne pouvait être supérieur au quart du chiffre d'affaires annuel alors que le contrat du 12 octobre 1972 exigeait d'Odette Simoneau qu'elle fasse chaque saison une commande correspondant au moins à 70 % de son chiffre d'affaires de la saison précédente qui pouvait être supérieur à 25 % du chiffre d'affaires annuel ;

Qu'il en résulte qu'Odette Simoneau, pouvait, pour certaines saisons, être contrainte de payer des fournitures dès la livraison ;

Considérant que le catalogue était conçu et édité par la seule société Natalys ;

Qu'aucune disposition des contrats ne prévoyait qu'il devait l'être avec l'accord et sur le mandat des distributeurs et qu'il devait l'être postérieurement à la présentation à ceux-ci des collections ;

Que les deux contrats laissaient à la société Natalys l'entière liberté de ses choix, tant en ce qui concerne les contrats que les fournisseurs, excluant aussi un mandat de ses distributeurs ;

Qu'aucune règle n'était établie pour la fixation des prix ;

Que la marge que la société Natalys reconnaît qu'elle appliquait aux prix d'achat par elle n'était pas définie aux contrats ;

Que ceux-ci ne comportaient aucune référence à une mercuriale ou aux entreprises dont les prix pourraient servir de base au contrat ;

Que les tarifs de fabricants non individualisés majorés d'une marge non contractuellement prévue ne sont pas de nature à déterminer les prix de vente à Odette Simoneau qui dépendaient ainsi de la seule volonté de la société Natalys ;

Que cette indétermination des prix pour l'avenir au moment de la conclusion du contrat entraînait celle de la quotité de stock qui pouvait être placé en consignation en vertu des avenants et de celui que Odette Simoneau devait acquérir pour avoir un spécimen de chaque article de la société Natalys et pour satisfaire sa clientèle;

Que, si les prix du catalogue ne convenaient pas à celle-ci et à Odette Simoneau, cette dernière n'était pas autorisée, pour les articles visés aux contrats, à s'adresser à d'autres fournisseurs alors que ces marchandises représentaient dans le cas du premier contrat la quasi-totalité de son activité autorisée et, dans le second contrat, une part largement majoritaire de celle-ci ;

Que la reprise des invendus était limitée à 6 % du chiffre d'affaires ;

Que, par suite, les contrats ne remplissaient pas les exigences des articles 1129 et 1591 du Code civil et sont nuls ;

Que la clause de non-concurrence dont la violation est invoquée par la société Natalys est nulle par voie de conséquence ;

Que cette nullité n'a pu être ratifiée par l'exécution des contrats pendant plusieurs années ;

Considérant qu'il n'est pas allégué d'acte de concurrence déloyale indépendant de la clause ;

Considérant qu'Odette Simoneau n'a formé aucune demande contre Me Roy bien qu'elle ait dirigé son appel contre lui ;

Qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de ce dernier la somme de 5 000 F, non comprise dans les dépens, qu'il a exposée à l'occasion du présent litige ;

Que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en faveur des autres parties ;

Considérant que l'appel de la société Galipette et d'Odette Simoneau est justifié ;

Par ces motifs, Déclare recevables les conclusions signifiées par les parties et les pièces communiquées par elles avant l'ordonnance de clôture ; Confirme le jugement en ce qu'il a mis Me Roy, notaire, hors de cause ; L'infirmant pour le surplus, déboute la société anonyme Natalys de sa demande de dommages-intérêts, pour appel abusif et au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Déboute Odette Simoneau et la société Galipette de leur demande fondée sur ce dernier texte ; Les condamne à payer 5 000 F à Me Roy par application des dispositions de cet article ; Les condamne aux dépens d'appel concernant Me Roy ; Condamne la société Natalys aux autres dépens de premières instance et d'appel.