CA Paris, 4e ch. A, 6 juin 1988, n° 87-10933
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Royan diffusion automobile (SARL), Rambour (ès qual.)
Défendeur :
Régie nationale des usines Renault
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Robiquet
Conseillers :
Mme Rosnel, M. Guérin
Avoués :
SCP Roblin-Chaix de Lavarene, SCP Duboscq-Pellerin
Avocats :
Mes Thréard, Simon.
LA COUR : - Statuant sur l'appel formé le 11 juin 1987 par la société Royan diffusion automobile et son syndic Maître Rambour contre le jugement rendu le 19 mai 1987 par le Tribunal de commerce de Paris (2e Chambre) dans le litige les opposant à la Régie nationale des usines Renault, ensemble sur la demande additionnelle formée par l'intimée.
Faits et procédure :
Par jugement du 17 juillet 1985, le Tribunal de commerce de Marennes (Charente), constatant que la société Royan diffusion automobile (ci-après désignée sous l'abréviation RDA) se trouvait en état de cessation de paiement depuis le 15 juillet précédent, a prononcé sa mise en règlement judiciaire en désignant M. Morel en qualité de Juge-commissaire et Maître Rambour en qualité de syndic.
Par ordonnance du 19 juillet suivant, le juge commissaire, sur requête du syndic, a autorisé la poursuite d'exploitation de cette société, en limitant les effets de cette autorisation à une période de trois mois.
Se fondant sur les dispositions de l'article 14 du contrat de concession consenti à la société RDA, la régie Renault a, par l'intermédiaire de son directeur commercial de zone, notifié le 22 juillet 1985 à cette société la résiliation de son contrat de concessionnaire, puis en a informé le syndic par lettre recommandée du 24 juillet suivant.
Se prévalant pour sa part de l'autorisation qui lui avait été consentie par le Juge-commissaire, Maître Rambour a répondu le 3 septembre 1985 qu'il entendait poursuivre l'exploitation du contrat, conformément aux dispositions de l'article 38 de la loi du 13 juillet 1967.
La régie nationale des usines Renault, la société RDA et Maître Rambour l'ont assigné le 29 janvier 1986 devant le Tribunal de commerce de Paris en lui reprochant d'une part d'avoir résilié avant son terme le contrat de concession qui avait été consenti pour une durée de deux ans à dater du 1er janvier 1984, d'autre part de ne pas avoir mis ce contrat en conformité avec les dispositions du règlement européen qui lui imposaient de porter sa durée à quatre ans, et en demandant d'ordonner une expertise permettant d'évaluer sa perte de marge brute au cours des années 1985, 1986 et 1987.
La régie Renault a conclu au débouté de ces diverses demandes, en sollicitant la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
Estimant d'une part que la régie Renault n'avait pas commis de faute en s'abstenant de donner suite à la demande du syndic relative à l'application de l'article 38 de la loi du 13 juillet 1967 et que d'autre part la transformation d'un contrat de concession à durée déterminée de deux ans en contrat européen de quatre ans ne pouvait s'opérer systématiquement, le Tribunal de commerce de Paris a par jugement du 19 mai 1987 débouté la société RDA et Maître Rambour de leur action, tout en rejetant la demande présentée par la régie Renault sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Après avoir interjeté appel le 11 juin 1987, la société RDA et Maître Rambour ont par conclusions du 14 septembre suivant demandé :
- de déclarer nulles les dispositions de l'article 14 du contrat de concession prévoyant sa résiliation de plein droit en cas de dépôt de bilan,
- de dire par ailleurs que la régie Renault devait laisser au syndic un délai raisonnable pour prendre l'option que lui offre l'article 38 de la loi du 13 juillet 1967,
- de dire en conséquence qu'en résiliant avant terme le contrat de concession consenti à la société RDA, la régie Renault a commis une faute dont elle doit réparation,
- de la condamner dès à présent au paiement d'une indemnité égale à la marge brute que l'entreprise aurait générée du 22 juillet au 31 décembre 1985, soit 2 873 190 F,
- de désigner un expert afin de déterminer si la poursuite de l'exploitation aurait pu permettre le vote d'un concordat,
- et de condamner la régie Renault au paiement de la somme de 30 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Le 13 novembre 1987, la régie nationale des usines Renault a conclu au rejet des diverses prétentions ainsi formées par les appelants, en sollicitant la somme de 15 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Enfin par conclusions des 15 janvier, 26 février et 4 mars 1988, les parties ont développé leurs arguments respectifs.
Discussion :
Considérant que la société RDA concessionnaire de la régie Renault depuis 1979 s'est vue consentir un nouveau contrat à durée déterminée pour deux années entre le 1er janvier 1984 et le 31 décembre 1985 ; que ce contrat a été résilié avant terme et sans préavis le 22 juillet précédent,
Considérant que si dans son assignation, elle soutenait qu'en application du règlement européen du 12 décembre 1984, la durée de ce contrat aurait dû être portée à quatre ans et demandait en conséquence la réparation du préjudice par elle subi du fait de sa résiliation jusqu'au 31 décembre 1987, la société RDA au vu du jugement déféré a renoncé à soutenir ce moyen en appel, en limitant la période d'évaluation de son préjudice à la fin de l'année 1985.
Considérant qu'elle reproche tout d'abord à la régie Renault d'avoir procédé à la résiliation de son contrat sans préavis,
Mais considérant que s'il était prévu à l'article 13 de ce contrat que son refus de renouvellement devrait donner lieu à une lettre recommandée trois mois avant la date d'expiration, l'article 14 dispose expressément que sa résiliation pourra intervenir sans mise en demeure ni préavis en cas de cessation des paiements, dépôt de bilan, règlement judiciaire ou liquidation de biens du concessionnaire,
Considérant que la société RDA invoque la nullité de cette clause au regard des dispositions d'ordre public de l'article 38 de la loi du 13 juillet 1967,
Mais considérant que si, comme l'a à juste titre relevé le tribunal, les dispositions contractuelles ne peuvent faire obstacle à la faculté légale réservée au syndic d'exiger la poursuite des contrats en cours, la gravité des motifs de résiliation énumérés par l'article 14 précité peut légitimement justifier la dispense de préavis, de sorte que le moyen d'annulation invoqué ne peut qu'être rejeté,
Considérant que la société RDA reproche en second lieu à la régie Renault de ne pas avoir accordé à son syndic un délai suffisant pour lui permettre de lever l'option qui lui était réservée par l'article 38 de la loi du 13 juillet 1967,
Mais considérant qu'il y a lieu de relever qu'après avoir sollicité et obtenu du juge commissaire dès le 19 juillet 1985 l'autorisation de continuer l'exploitation de la société RDA, Maître Rambour a attendu le 3 septembre suivant pour faire connaître qu'elle avait résilié le 22 juillet précédent ; que cette attente apparaît d'autant plus surprenante que l'autorisation consentie par le Juge-commissaire étant limitée à trois mois, il se devait de réagir sur-le-champ à la mesure de résiliation ; qu'il ressort par ailleurs d'une lettre recommandée adressée à Maître Rambour le 24 juillet 1985 par le directeur commercial de zone qu'au cours d'un entretien du 22 juillet ils s'étaient mis verbalement d'accord sur les mesures arrêtées à la suite de cette résiliation et que l'absence de réaction du syndic avant le 3 septembre pouvait légitimement inciter la régie Renault à estimer qu'il n'entendait pas revenir sur ces dispositions,
Considérant qu'il s'ensuit que c'est avec raison que les premiers juges ont estimé qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à la régie Renault dans la résiliation du contrat litigieux et que les diverses demandes présentées par les appelants ne peuvent qu'être rejetées,
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la régie Renault la totalité des frais irrépétibles par elle exposés dans le cadre de cet appel injustifié et qu'il y a lieu de lui allouer la somme de 6 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges : Déclare la société Royan diffusion automobile et Maître Rambour, ès qualités, mal fondés en leur appel, les déboute de toutes leurs demandes, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Condamne la société Royan diffusion automobile et Maître Rambour ès qualités in solidum à payer à la régie nationale des usines Renault la somme de 6 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, Les condamne in solidum aux dépens du présent appel, Dit que la SCP Duboscq-Pellerin, titulaire d'un office d'avoué, pourra recouvrer directement contre eux ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.